«Pawol Kreyol»

Le créole dans l’Hexagone - bilans et perspectives
Réflexions de Tony MANGO:

«Le créole ne nous appartient pas, nous appartenons au créole»

par Véronique LAROSE
déc. 2005

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Pawol Kreyol

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Le 26 novembre dernier, l’association «Bay Lanmen» organisait à Saint-Denis un débat autour du créole dans l’Hexagone. Tony MANGO présentait son vécu de président d’association, de coordonnateur d’ateliers de créole et enfin, de parent. Numériquement: «près de 10 millions de personnes parlent un créole [créoles Haïtien, Guadeloupéen, Martiniquais, Réunionnais, Mauricien, etc.] et pourtant il y a très peu de recherches et de documents exclusivement sur le créole dans l’Hexagone». Tony MANGO y voit là «un chantier intéressant» pour les jeunes chercheurs, car le créole est «une langue jeune», née au 17ème siècle.

  1. Tony MANGO – Pdt de l’association ERITAJ’ de Créteil (94): créée en 1994, cette association s’inscrit dans une démarche de trans-mission d’une mémoire et d’une parole. Guadeloupéen, Tony MANGO s’inscrit dans une volonté pédagogique : professeur d’anglais, il anime des ateliers créolophones à Créteil, au sein de son association, depuis 1996. A ce titre, il a mené une enquête sur l’emploi du créole. Son enquête sur l’emploi du créole a montré que le créole est en général «naturel» dans le cadre de manifestations associatives, culturelles, festives, mais que le discours est très souvent en français dans le cadre de réunions institutionnelles (Bureau, C.A., A.G.), avec des allers-retours français-créole. Tony MANGO note ainsi «des emplois nivelés».
     
  2. Les flux du créole dans l’Hexagone – historique: dès le début du 20ème siècle, le créole arrive dans l’Hexagone avec des soldats antillais de la Première Guerre mondiale qui sont restés. De plus, des mouvements musicaux, tels que le développement du jazz, de la biguine, ont permis un essor parisien. Autant de manifestations artistiques où le créole s’exprimait. Après la Seconde Guerre mondiale, le créole s’expatrie en Métropole via les soldats, étudiants, fonctionnaires, etc. Puis, les années 1960-80 correspondent à la venue institutionnalisée de ressortissants d’Outre mer via le BU.MI.DOM – Bureau des Migrations pour les Départements d’Outre mer. Ces arrivants sont majoritairement issus de strates populaires et portent, en eux, leur créole de natifs-natals. Dès lors, de nombreuses associations se créent, «pour se retrouver». Le créole vit alors au sein des familles et à l’occasion de ces regroupements associatifs ou encore entre collègues compatriotes, entre adultes; «parler créole avec les enfants, ça ne se fait pas» à cette époque.
     
    Parallèlement, le créole fait l’objet d’une revendication politique dans l’Hexagone puis aux Antilles via des mouvements d’étudiants, d’organisations politiques et syndicales nationalistes autonomistes et indépendantistes: le créole est «acte de résistance». Le créole fait alors partie des combats de ré-habilitation et de ré-appropriation identitaires. La démarche intellectuelle, linguistique, se greffe sur cette problématique du créole, en tant que diglossie, c’est-à-dire en se concentrant sur ce phénomène de vivre «deux langues de niveaux différents». «Il ne s’agit donc pas de bilinguisme», précise Tony MANGO. Des initiatives associatives dédiées au créole sont organisées dans l’Hexagone: dès 1987, la Journée du Créole, concept emprunté aux Antilles, se tient annuellement dans l’Hexagone jusqu’en 2001. Une démarche collective portée par des personnalités militantes, telles que Daniel BOUKMAN. Tony MANGO a rejoint ce mouvement de valorisation linguistique et culturelleen 1994. Depuis, une nouvelle génération de parents résidant dans l’Hexagone a souhaité parler à ses enfants en créole. Un mouvement qui se poursuit médiatiquement à la radio, dans certains magazines, etc.
     
  3. Les ateliers de créole dans l’Hexagone: ils sont nés dans les années 1990. En Ile-de-France, il existe 3 ateliers. Tony MANGO a étudié au sein d’ateliers animés par Daniel BOUKMAN. Puis, en 1996, il a agencé un atelier de créole guadeloupéen au sein de son association ERITAJ, tous les jeudis. Le profil des participants est large, puisqu’il est fréquenté par autant de créolophones que de non-créolophones, avec 3 types de démarches : personnelle ou professionnelle ou artistique, avec des étudiants, des jeunes mères de famille, des jeunes originaires antillais nés et/ou grandis «Ici», des femmes vivant en couple mixte, des musiciens, des enseignants, des cliniciens, des travailleurs sociaux, mais aussi …«des curieux»! Tony MANGO observe fréquemment un complexe oral. Il rassure: «personne ne parle un créole pur, parfait», puisque la graphie du créole n’a rien de figé et que la vivacité du créole s’imprègne d’autres langues.
     
  4. Le créole à l’école: Tony MANGO observe depuis une dizaine d’années une nouvelle donne: l’insertion institutionnelle, scolaire, du créole. Depuis 2001, le CAPES créole [Certificat d'Aptitude au Professorat de l'Enseignement du Second degré - collèges, lycées] a permis d’installer des professeurs pour le créole dans les DOM, pour le secondaire, en option au bac. Mais quid de l’Hexagone? Tony MANGO a proposé au Lycée Saint-Exupéry de Créteil des ateliers hors-classe. Surpris, il a reçu une dizaine de jeunes élèves créolophones, africains et métropolitains. RFO a relayé cette initiative scolaire. Tony MANGO en sort un bilan plutôt mitigé, car bien que la démarche soit jugée intéressante et novatrice elle participe à un écueil de non-valorisation: ces ateliers ne sont sanctionnés par aucune note pour les élèves, la participation est facultative, en dehors de leur emploi du temps officiel de l’élève et l’atelier n’a fait l’objet d’aucune convention ni de rémunération par l’Education Nationale.
     
    Une anecdote: pour la session du bac 2004, Tony MANGO avait préparé un jeune candidat du baccalauréat pour l’option créole, action conventionnée au niveau académique, donc officielle. Et pourtant… l’élève n’a pas pu passer cette option, parce qu’elle ne fait l’objet d’aucune nomenclature informatique à la Maison des Examens! Pas de nomenclature, pas d’examinateur. Depuis, Tony MANGO a été contacté par 5 familles qui veulent inclure le créole dans l’emploi du temps de leurs jeunes de 2nde. Un lycée a accepté cette intégration d’un enseignement du créole en temps de classe. Les parents et le lycée attendent maintenant la réponse académique du service gestionnaire des langues régionales.
     
  5. Les problèmes de l’intégration scolaire du créole dans l’Hexagone: il n’existe pas UN mais DES créoles. Il n’y a aucune formation qualifiante pour enseigner le créole. Tony MANGO avertit que «parler et enseigner le créole sont deux choses bien distinctes!» Ainsi, le problème se pose dans la formation et dans la transmission pédagogiques.
     
  6. L’actualité du créole dans l’Hexagone: le 3 décembre dernier, lors du rassemblement du Collectif des Antillais, Guyanais, et Réunionnais contre les commémorations de Napoléon [Place Vauban, Paris], la comédienne Souria ADELE a expliqué avoir déposé avec Tony MANGO une requête au Ministère de l’Education nationale. Objectif: valider le dossier de 8 élèves désireux de passer le Bac option créole au Lycée Sévigné (Paris 5 ème), établissement favorable à cet enseignement.

Contact:
Tony MANGO – l’association ERITAJ’,
4 rue Erik Satie 94000 Créteil, Tél. 01 49 56 10 37, Email.

Véronique LAROSE – déc. 2005

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ministre

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Madame

Le ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche m'a transmis votre courrier du 31 août 2005 relatif à la mise en place, dans la région parisienne, d'un enseignement de créole et à l'organisation de l'épreuve facultative au baccalauréat correspondante.

Après un examen attentif du dossier, je vous informe que je ne peux donner une réponse favorable à votre demande, la création d'un tel enseignement et sa validation au baccalauréat étant prévues, par la législation existante, uniquement dans les départements d'outre mer :

    • en ce qui concerne l'ouverture d'un enseignement, l'article L312-10 du code de l'Education prévoit qu'«un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où les langues sont en usage»;
       
    • en ce qui concerne l'organisation de l'épreuve facultative fixée par l'arrêté du 12 mars 2004, la législation va dans le même sens, puisque l'article 34 de la loi n°2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation sur l'outre mer indique que «les langues régionales en usage dans les départements d'outre mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation. Elles bénéficient du renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d'en faciliter l'usage. La loi n°51-46 du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux (qui crée une épreuve de langues régionales au baccalauréat) leur est applicable».

Ces deux textes législatifs limitent bien aux seuls départements d'outre-mer la mise en place de cet enseignement.

Je vous prie de croire, Madame, à l'expression de toute ma considération.

Pour le Directeur de l'Enseignement
scolaire
Le chef du servi des formations
Jean-Marc GOURSOLAS

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COLLECTF DES ANTILLAIS-GUYANAIS-REUNIONNAIS

   COLLECTF DES ANTILLAIS-GUYANAIS-REUNIONNAIS

40'000 membres et sympathisants - élus de diverses tendances politiques
Réseaux dans l'Hexagone, en Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion
Plusieurs dizaines d’associations et de syndicats

 

 
Monsieur Gilles de ROBIEN
Ministre de l’Education Nationale

Paris, le 24 janvier 2006

 
Monsieur le Ministre,

Le Collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais qui compte 40'000 membres et sympathisants a été saisi par madame Souria ADELE qui représente un groupe de parents d’élèves sur l’enseignement du créole en région parisienne et à Paris.

Alors que l’enseignement de nombreuses langues régionales est possible en Ile-de-France, comme le breton, le catalan, le corse, la langue d’oc auvergnat, la langue d’oc languedocien, la langue d’oc provençal (arrêté du 31/12/2004 paru au JO le 12/01/2005), il n’est pas possible d’y enseigner le créole. Son enseignement est limité aux académies de Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion. Lors du choix des options facultatives au passage en seconde, les élèves, originaires de l’outre-mer, ne peuvent pas à Paris et en région parisienne présenter au baccalauréat le créole en LV3 option facultative. La direction de l’enseignement scolaire (Jean-Marc GOURSOLAS) par courrier en date du 10 janvier 2006 l’a confirmé aux parents d’élèves.

Cette décision est inacceptable. Il y a actuellement, en France métropolitaine à peu près un million de citoyens originaires des DOM TOM, dont 600'000 en Ile de France.

Dans le cas précis qui a fait l’objet d’une saisine par des parents d’élèves antillais, Mme MULET, proviseur du Collège SEVIGNE, 28 rue Pierre Nicole 750005 PARIS est prête à accueillir les élèves, le mercredi après-midi, à condition que le cours soit agréé par le Ministère de l’Education Nationale.

D’autre part, le Capes créole n’ayant que quatre ans et comme il n’y a eu aucune mutation de professeur à Paris, monsieur Tony MANGO professeur d’anglais et Président de l’association ERITAJ est prêt à former ces enfants pour l’année 2005-2006. Il a toutes les compétences pour enseigner. Il est un des premiers à avoir ouvert les ateliers de langue créole en région parisienne.

Aussi nous sollicitons votre intervention auprès de vos services afin que ce cas précis puisse trouver solution et plus généralement afin que soient mis en place un enseignement et un l’examen correspondant en région parisienne.

Dans l’attente, veuillez croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de notre considération la plus respectueuse.

Patrick KARAM
Président

 

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