«Pawol Kreyol»

Maryse Condé ou les Chemins de l’Identité

par Véronique LAROSE

Pawol Kreyol

Guadeloupe Historique
Carte postale ancienne. © Collection Médiathèque Caraïbe. LAMECA

 

Les escales inspiratrices

Elle grandit dans la Guadeloupe des années 50 et étudie à Paris.

Puis, commence un parcours riche en escales inspiratrices: la Guinée, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Mali (dans la ville de Ségou), et enfin les Etats-Unis. Au fil de cette route identitaire, l'auteure noire se pose à la croisée des chemins pour peindre la toile romanesque de son œuvre : une fresque de la Diaspora Noire.

Ses contours ont pour noms Douleur, Discorde, Dualité des identités. L'essence même de cette œuvre prolifique est peinte d'une seule couleur: celle de la Dignité «Douboute». Drap-peau d'une Destinée communautaire.

Ascendances et Descendances

Au cœur de cette histoire, une ombre lumineuse se détache: la Femme noire, aux parcours denses en épreuves, en émotions. Elle enfante les mêmes espoirs, avorte des mêmes désillusions, et finit par trouver la délivrance. En trouvant sa voie, son chemin de vie pour elle-même et pour ses enfants, descendance de l'Espoir.

A travers ses grandes sagas familiales, Maryse Condé nous fait prendre conscience de la portée de nos fautes. Elles nourrissent les interrogations et les malédictions des enfants à venir. Ils portent en eux une histoire familiale secouée de luttes.

Au-delà du Temps et du Vent

Les romans et nouvelles de Maryse Condé s'inscrivent dans plusieurs localités et temporalités. Pour rappeler que la vie se perpétue au-delà de ces barrières matérielles. La vie fait ainsi figure de fleuve aux eaux tumultueuses, sur lesquelles voguent les pirogues de l'Espérance d'un meilleur demain.

Afrique-Antilles : les sœurs historiques

Tendue vers les racines africaines de la Diaspora noire, Maryse Condé intègre dans son oeuvre les langues, mœurs et couleurs de l'Afrique et des Antilles-coloniales et nouvelles.

Le Conte prend ici une dimension particulière: il perpétue, dans la bouche du griot, une mémoire et une histoire collectives. La sorcellerie des «Dibias» (devins) africains est relayée, de l'autre côté des mers, par les «Gadèdzafè» antillais, maîtres des secrets de l'Invisible.

Une parole métisse

Maryse Condé, par la magie de l'écriture, permet le télescopage des époques, des générations, des nations. Cette écriture est représentative d'une incroyable rencontre: carrefour des langues où se croisent le français, les créoles, les dialectes africains, et même l'espagnol.

Une parole qui revêt un habit bigarré, reflet d'une histoire noire multicontinentale.

Les voyages de la quête

Maryse Condé place, de fait, ses nombreux personnages dans une perpétuelle démarche d'évasion. Une tendance au voyage qui répond à la quête de soi dans l'Ailleurs. L'auteure nous livre une multitude de motivations, d'invitations au voyage:

  • l' Esclavage :
    • Ségou
    • Moi, Tituba, sorcière
       
  • des racines culturelles à retrouver :
    • les Derniers Rois Mages
       
  • une ascendance floue :
    • Désidérada
    • Célanire Cou-Coupé
       
  • une ascension sociale :
    • la Vie Scélérate
       
  • une histoire d'amour :
    • Une Saison à Rihata
    • la Migration des Cœurs   
  • un idéal religieux :
    • la Colonie du Nouveau Monde

Mais d'où vient cet appel de l'Ailleurs ? Pouvons-nous avancer l'expérience propre de l'auteure ?

Elle se livre, sereinement, dans le Cœur à Rire et à Pleurer-Contes vrais de mon Enfance. Insoumise, elle décide de se créer un itinéraire géographique et identitaire à la recherche de ses racines. Ce roman autobiographique vient d'être adapté au théâtre par Alain Courivaud .

Son dernier roman, la Femme Cannibale (2003), relate aussi les voyages de l'héroïne, au gré de ses romances et de ses épreuves.

Une reconnaissance internationale 

Maryse Condé a enseigné, jusqu'en 2002, la littérature noire à l'Université de Columbia (New-York).

Reconnue, elle a reçu des pris prestigieux, à la hauteur d'une œuvre riche et engagée:

1986: le Grand Prix Littéraire de la Femme pour Moi, Tituba, sorcière.

1988: le Prix Anaïs-Nin de l'Académie Française pour la Vie Scélérate.

1993: le Prix américain Puterbaugh, décerné aux écrivains de langue française, pour l'ensemble de son œuvre. Elle est alors la première femme récompensée par ce prix !

Aujourd'hui, elle se pose comme une éminente figure littéraire et historique, pour la communauté antillaise. Elle préside le Comité pour la Mémoire de l'Esclavage, crée en janvier 2004, à l'initiative du Ministère de l'Outre-Mer (cf. le site du ministère : www.outre-mer.gouv).

 Pour en savoir plus… ce site littéraire, «Ile en Ile»: Maryse Condé

Véronique LAROSE
 
Logo