1. La jeune Compagnie «Anou»: des ambitions culturelles contemporaines
Cette jeune compagnie de la Martinique s'inscrit dans un théâtre contemporain. Les membres de cette compagnie se sont choisis une appellation pleine de symboliques: «Anou», du nom d'une tribu venue d'Ethiopie, à l'origine des dynasties de Pharaons nègres, soit la première civilisation noire.
La Compagnie «Anou» réunit les passions d'élèves du SERMAC, cours de théâtre martiniquais. L'auteur de la pièce «EVOLUTION», Daniel-Yves PHAROSE a vécu une expérience dramaturgique déterminante en fréquentant l'atelier du comédien Alex DONOTE, lui-même impliqué dans la Compagnie «FACT», Franco-Américaine pour le Cinéma et le Théâtre, à l'origine de nombreuses productions. Alex Donote joue actuellement dans la dernière pièce de la «FACT»: «(Im)mobile» de Sarah EIGERMAN, une chronique urbaine sur les chassés-croisés des êtres.
Chargée de communication de la Compagnie «Anou»: Anny ABATUCCI
Joignable par Email - par téléphone 06 96 36 47 49
2. Daniel-Yves PHAROSE: ses itinéraires expressifs
Martiniquais, Daniel-Yves Pharose, trentenaire, vit un élan artistique, poétique et dramatique depuis une quinzaine d'années. Une expression déclinée comme vecteur d'une culture afro-caribéenne.
Depuis son retour en Martinique, voilà 3 ans, Daniel-Yves Pharose décide de donner un sens à cet élan de mots. Artiste, il innove par des concepts créatifs où il mêle les supports: il expose d'étonnants concepts, tels que ses «tableaux-poèmes» et ses «foujaime» (des poèmes au cœur de fougères sculptées). En 2003, Daniel-Yves Pharose présente ses réflexions poétiques, réunies dans l'ouvrage « FOU, créateur/consommateur », appuyé par l'enthousiasme d'Aimé CESAIRE.
Parallèlement, Daniel-Yves Pharose prend à cœur la dramaturgie; il suit les cours de théâtre du SERMAC, conduit par le comédien Alex DONOTE. En 2004, Daniel-Yves Pharose s'exprime par son jeu de comédien dans la pièce «Douvan Jou», un spectacle célébrant le Bicentenaire de l'Indépendance d'Haïti. Toujours en 2004, Daniel-Yves Pharose crée un support fort: le «théâtre-poème»: il nous livre la pièce « Evolution».
3. La pièce «Evolution» (2004): «théâtre-poème» pour une ré-habilitation noire
Pièce de théâtre de Daniel-Yves Pharose, en deux actes - Mise en scène : Suzy SINGA
Daniel-Yves Pharose dédie cette pièce à deux personnalités: un culturel hommage à CHEIKH ANTA DIOP et AIME CESAIRE. Affirmation d'une identité au travers d'une intrigue scolaire: le cadre culturel obtus d'un lycée martiniquais.
Le mot de l'auteur:
«Ce texte s'adresse à toutes celles et à tous ceux qui contribuent à l'avenir du pays en mettant tout leur savoir-faire et leur bonne volonté à l'épanouissement du peuple martiniquais. C'est un hommage à messieurs Cheikh Anta Diop, Aimé Césaire, et à toutes celles et tous ceux qui transmettent leur savoir pour améliorer l'Humanité.» (Daniel-Yves Pharose)
SYNOPSIS: Acte 1 : L'EVEIL - Acte 2 : TRAHISON
Martinique contemporaine. Nous avons là un proviseur de lycée bien ennuyé… De retour d'un énième séminaire, M. Diam Bur ignore le drame qui se trame, là-même, au sein de son cher établissement… En effet, il doit gérer une crise culturelle et professionnelle.
Son établissement revient victorieux de nombreuses disciplines, en particulier avec les 7 médailles (sur 8 épreuves!) du petit Cham. Et pourtant… Ce proviseur voit sa confortable monotonie bouleversée par les courriers courroucés des ministères des Sports et de l'Education Nationale, et des parents d'élèves. A l'index: les «inepties» inculquées par le professeur d'histoire, Mr. Kémit. Il semble prendre des «libertés» avec le programme national. Le petit Cham, lors des jeux inter-régionaux de Toulon, n'a-t-il pas ainsi déclamé les vers scandaleux glorifiant le nègre «Magnifique premier / Apportant la civilisation / A tous les barbares de l'humanité»?
En coulisses: les intrigues de promotions des uns et des autres, pour briguer des postes enviables au sein du Ministère de l'Education nationale…
Les personnages:
- le proviseur Diam Bûr
- l'inspectrice, Mme. Chantal SIMON
- M. KEMIT, le professeur d'histoire
- le petit Cham
- Mme. Carole DIALO, professeur de français
- M. Bélè, le professeur de sports
- M. MAKRO, le professeur de mathématiques
- Mme. SIWO, la cuisinière
L'enjeu de la pièce «EVOLUTION»: la mise en forme de la pièce pour qu'elle soit jouée en France. Un espoir: qu'un metteur en scène afro-caribéen mette en lumière ce projet. Un projet qui est Appel des consciences, tel que Daniel-Yves Pharose: l'écrit, dans ce poème de lutte contre le déni et l'oubli:
«Je lutte contre l'amnésie
Contre la fatalité,
Pour mes défauts de vie,
Pour mon égoïsme de Liberté.
Car la Liberté nourrit l'esprit
Qui nourrit les mains,
Qui nourrissent le ventre,
Car la Liberté nourrit l'amour
Qui nourrit l'âme,
Qui nourrit la vie.
Car la vie nourrit la vie.»
4. Implications de la pièce «EVOLUTION»
4.1 Une galerie de personnages humains, en forces et en faiblesses
Daniel-Yves Pharose nous présente une palette de personnages aux noms et aux actions façonnés de symboliques. Un travail d'humanisation haut en couleurs!
- le proviseur Diam Bûr: «Diam Bûr» signifie en valaf - une langue sénégalaise – «esclave du roi». Notre proviseur n'est-il pas, justement, un fonctionnaire broyé par la machine des intrigues promotionnelles? Sa remplaçante n'est autre que… son inspectrice! A deux ans de la retraite, Diam Bûr avait pourtant envie de tranquillité! Il n'est pas au fait des mutations administratives (acte 1: «ministère des sports et de l'éducation nationale! Ils ont fusionné maintenant!»), et ignore même les libertés pédagogiques de M. Kémit, capable de dispenser ses cours simultanément à deux classes. Le laisser-aller de cet établissement n'est pas du goût du rectorat qui décide d'expédier Diam Bûr loin loin, en Guyane, «à trois heures de pirogue de Saint Laurent.». Amertume d'un proviseur déchu: «je m'en vais, c'est ainsi. […] On a estimé qu'il fallait ranger le vieux au placard. Diam Bûr, esclave du roi en valaf, n'est plus.» (Diam Bûr - acte 1)
- l'inspectrice, Mme. Chantal SIMON: un rapace vorace qui est là! Une femme fière de son ascension, acquise en dépit de tout scrupule. Pas d'états d'âmes quand il s'agit de prendre la place d'un collègue! Administrativement, elle «remplace». Personnellement, victorieuse, elle prend la place de Diam Bûr… Objectif: rétablir l'ordre et les programmes, pour garantir aux parents la bonne éducation de leurs enfants. Elle entend bien se débarrasser du gêneur que représente M. Kémit, pour ensuite mieux asseoir son autorité sur le reste de l'équipe pédagogique:
Mme. Simon appelant le recteur, pour lui suggérer un changement d'affectation pour M. Kémit: «ce monsieur Kémit est un vrai sorcier. Tout à fait. Que pensez-vous de l'Alsace pour lui rafraîchir les idées? En riant Oui, c'est qu'il serait capable de transformer les Alsaciens en Egyptiens. Remarquez, tant qu'il reste dans notre système, il demeure sous contrôle. Oh vous savez les autres, les autres ne sont que des suiveurs, une petite affaire.» (Mme. Simon– acte 2)
- M. KEMIT1, le professeur d'histoire: il n'est question que de lui et de ses «inepties»! Il entre en scène à la fin du premier acte. M. Kémit dérange et intrigue par sa pédagogie et par la fierté nègre qu'il enseigne à ses élèves. «Une pédagogie atypique»: M. Kémit est «le seul à pouvoir faire cours aujourd'hui à deux classes en même temps.» (acte 1). Ses recherches et poèmes perturbent la quiétude de ce lycée: les professeurs de mathématiques, de sports et de français s'enthousiasment, tandis que M. Diam Bur observe ce bouillonnement culturel avec inquiétude…et pour cause! M. Kémit enseigne la liberté historique et économique, d'où ces éloquents poèmes, sur le rayonnement culturel nègre:
«Liberté»: «L'homme a marché / D'Ethiopie en Egypte / Tel un Pharaon sur le monde / […] Le nègre est là/Magnifique premier, / Apportant la civilisation / A tous les barbares de l'humanité / De l'Afrique, de l'Europe, de l'Amérique, / De l'Asie, il est en chacun / Eclairé ou refoulé / Transmettant paix, vérité, conscience, / Amour, arts, sciences»
Les révélations de M. Kémit atteignent les professeurs au-dedans de leurs convictions. De fait, tous mènent un travail de recherche:
Le Professeur de mathématiques (acte 1): «yes, l'autre fois, il m'a dit que les Egyptiens avaient inventé les maths […]. Un raisonnement pas dénué de tout fondement si on y regarde de plus près. […] après recherches, je me suis aperçu que d'autres peuples sont venus boirent à leur source.
La Prof. de français (acte 1): «J'ai même fait des recherches sur la culture de ces indiens [Arawaks et Caraïbes premiers], dont le savoir ne se cloisonnait pas entre la chasse, la pêche et la cueillette.»
Mme. Dialo cite M. Kémit avec passion (acte 1): «[…] le ton théâtral qui emplissait les murs du couloir me fit sortir d'un article très intéressant sur la colonisation. Ça parlait des conquistadors. Vous l'auriez vu, quelle énergie, il disait: "brûlez-moi ça, ne gardons que les traces que nous pouvons expliquer. Je vous dis que c'est nous les guerriers, nous les créateurs, et les autres sont de la merde. Convainquons-nous de cela, et surtout par-dessus tout, convainquons les autres de cela."[…] il enseigne même l'histoire par la poésie.»
- le petit Cham1: il n'apparaît jamais, il est suggéré par la polémique des autres personnages. Elève encensé par tous comme «exceptionnel»: «ah! celui qui a remporté toutes les médailles aux jeux. Exceptionnel! Mon meilleur élève en Math, depuis des années. On discute même de théorie ensemble. […] Exceptionnel.» (le professeur de mathématiques – acte 1). Cham est le digne disciple de M. Kémit. Victorieux, il a récité le poème «Liberté» de son professeur. Un acte qui provoque le scandale que l'on sait…
1. KEMIT et CHAM – petites notes: les Egyptiens appelaient leur pays «KEMIT» («Kem-t»), soit «noir», en langue égyptienne. En Hébreu, «Kam» («Hem») signifie «chaleur, noir, brulé». En Egyptien, «Kem» recouvre plusieurs sens: «noir», «devenir noir», «obscur - par extension: «bois précieux de couleur brune, ébène». Toujours en langue égyptienne, «Kam» se réfère à «une pierre précieuse brune».
Références: les travaux du scientifique, chercheur, linguiste et égyptologue CHEIKH ANTA DIOP (1923-1986), Nations nègres et culture (1956).
- Mme. Carole DIALO, professeur de français: emportée, Mme. Dialo est un professeur impliqué dans sa fonction. Elle convoite une promotion, le poste de censeur, qu'elle tente d'obtenir en se faisant une alliée de Mme. Simon. Stratégie gagnante? Hélas, Mme. Dialo semble accorder trop d'importance à cette ré-habilitation culturelle prônée par son collègue controversé, M. Kémit…N'en connaît-elle pas les pénétrants poèmes d'appels à la liberté? Elle qualifie ses mots de «poésie vraie» (acte 1).
Voici le dernier échange entre l'inspectrice Mme. Simon et Mme Dialo…échange vif:
Mme. Dialo: Monsieur Kémit a bien raison de dénoncer toute cette mascarade. Tu oses parler si dédaigneusement sachant la vérité historique démontrée par Cheikh Anta Diop, dans "Nations Nègres et cultures". Ce grand scientifique Sénégalais, ce grand savant Nègre parmi tant d'autres. Je pense aussi à James W. Carver pour l'agronomie. J'en passe et des meilleurs…
Mme Simon: ce ne sont pas eux qui changeront le système actuel, alors prends ce que tu peux. Vis l'histoire au présent.
Mme Dialo: ce qu'on veut bien me donner, tu veux dire. Je finirai par croire, comme l'a dit monsieur Kémit, qu'en 2005, certains éduquent leurs enfants en pensant qu'ils sont supérieurs, et que le Nègre ne soit fait, selon eux, que pour servir.
Mme Simon: agacée Mr Kémit, Mr Kémit, tu me fatigues avec ce monsieur Kémit. Je sais tout cela, la reine Tiyi, Néfertiti. Qu'est-ce qu'il enseigne ce Kémit?
Mme Dialo: il enseigne la Liberté. (Mme. Simon et Mme Dialo – acte 2)
- M. Bélè, le professeur de sports: un professeur fier des médailles de victoire remportées par le jeune Cham. Pour ce qui est du scandale gangrené, il préfère se désolidariser - prudemment – de la tempête alentour!
Acte 1: «je suis prof de sports moi, pas prof d'histoire. On a ramené les médailles, je ne vois pas où est le problème.»
- M. MAKRO, le professeur de mathématiques: voilà un adepte du jeunisme, et cela tout en néologismes! Il se plaît à jouer les profs «cool»: «j'ai toujours kiffé les maths» (acte 1). Et surtout, il porte bien son nom! Séducteur, il aime à tester ses talents de charme auprès de toute femme croisant son chemin…Décrivant l'inspectrice, Mme. Simon: «Grande, les yeux en amandes, avec une peau de vanille, et une bouche, une bouche…Je me serais fait un plaisir de la recevoir.» (acte 1)
- Mme. SIWO, la cuisinière: son nom intègre la force même de caractère. Virulente et fière, elle ne mâche pas ses mots face à un M. Diam Bur dépassé par les événements qui secouent sa quiétude de proviseur à deux ans de la retraite. Mme. Siwo aimerait retrouver un manger local, ce qui ne fait aucunement partie des principes de la nouvelle directrice, Mme. Simon: «le combat commence dans l'assiette. Où sont les légumes pays, la viande local, les fruits tropicaux. Nos enfants mangent le surplus de poires et de pommes qu'ils destinaient à leurs cochons. Sé ki sa!» (acte 2)
Daniel-Yves PHAROSE nous livre une pièce forgée d'une force: un sceau culturel qui imprègne les noms des personnages, leurs réflexions. Des références historiques denses, relayées activement par la récurrence lexicale et thématique du mot «histoire». Une dramaturgie contemporaine, vive, qui nous heurte par ce seul mot: conscience! Véronique LAROSE
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