«Pawol Kreyol»

La permanence psychologique du CASODOM

par Véronique LAROSE 

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Pawol Kreyol

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CASODOM

Le CASODOM, Comité d’Action Sociale en faveur des Originaires des Départements d’Outre-mer en Métropole, est une association fondée en 1956. Présidée par George DORION, elle est régie par la loi 1901. Une association à vocation sociale, donc humaine, puisqu’elle dispense une aide sociale, alimentaire, psychologique, juridique et culturelle. Depuis février 2002, Mlle. LOIAL, psychologue clinicienne, assure la permanence psychologique du CASODOM. Le temps d’un entretien, elle nous confie les enjeux d’une telle permanence d’écoute ouverte à un public spécifique par son statut et son vécu de migration.

Interpellée par la thématique clinique de la migration :

Mlle. LOIAL a choisi un cursus axé sur la santé psychologique. «Une relation de soin particulière» qui nécessite une sensibilité d’écoute de l’autre: «un très bon clinicien doit être en mesure d’entendre pour être à l’écoute de la différence de l’autre». Guadeloupéenne, Mlle. LOIAL envisageait déjà, durant ses études, de travailler avec les populations issues de l’Outre mer. Pour son premier mémoire, elle s’était ainsi concentrée sur la symbolique du père en Guadeloupe. Avec le recul du terrain, elle réalise que «les choses ne sont pas aussi tranchées, mais beaucoup plus nuancées.» Voilà trois ans qu’elle entend la souffrance d’hommes et de femmes qui choisissent de lui confier leurs souffrances.

L’approche clinique :

Mlle. LOIAL constate une ambivalence dans son approche professionnelle: «être antillaise peut aider ET gêner». Pourquoi? Parce qu’en qualité de ressortissante, cela peut aider dans la mise en confiance: ces personnes viennent au CASODOM «pour avoir un interlocuteur qui, pensent-ils, les entendra mieux parce que je suis Antillaise». Mais, cela peut «gêner» la clinicienne dans sa pratique parce qu’ «on croit re-connaître des modèles familiaux qui s’avèrent être, en réalité, des caricatures. Aucune généralité n’est possible. Et pourtant, on est plus ou moins prisonniers de préjugés sur la mère et le père antillais. On risque alors de perdre de vue la problématique de la personne». Elle nuance, fermement: «les problématiques antillaises ne sont pas aussi spécifiques qu’on le croit, on ne peut pas ethniciser la clinique!  Finalement, il n’y a de spécifique que la personne en tant que telle, qui consulte au temps T».

Les profils de consultations au CASODOM:

Mlle. LOIAL reçoit au CASODOM des profils de demandes différents. «Selon la problématique de chacun », elle entame un suivi à fréquence variable: durant quelques semaines, mois, années ou alors une seule fois ! Les motifs de consultation se déclinent d’une personne à l’autre: certains ne viennent que «pour vérifier que tout va bien, qu’ils ne sont pas fous», d’autres «pour avoir une passerelle vers d’autres structures de soins publiques» dans une situation familiale et sociale compliquée, d’autres encore «pour travailler leur stratégie identitaire». Les femmes viennent plus facilement parler: «elles ont peut-être moins peur d’ouvrir certaines portes» questionne la psychologue. Elles vivent surtout un quotidien lourd, particulièrement en matière de logement: «les problèmes de logement pèsent beaucoup sur la clinique». En rupture familiale et/ou conjugale, elles doivent assumer des responsabilités sociales pour leurs enfants et pour elles-mêmes. Pour ce qui est des hommes, la tranche d’âge représentée concerne essentiellement les jeunes.

«La stratégie identitaire»:

Ici se pose la question de l’accueil de ces ressortissants par la France. Le problème récurrent: les originaires d’Outre mer «butent, parce qu’on ne les reconnaît pas comme français. Ils ne sont pas préparés à être vus comme différents…». Un dé-racinement d’autant plus fort quand il s’accompagne d’un manque de préparation à la migration, car «des fantasmes ont la vie dure…»: on croit souvent que partir peut guérir tous les maux, comme si «jambé dlo ka kassé tout’mal», comme si la vie est plus facile, en Métropole, alors perçue comme terre d’accueil, d’emploi et de logement… Il revient donc, à chacun, selon sa revendication d’appartenance, selon son ancrage social, de se construire un équilibre de vie. Certains opteront pour la revendication de leurs origines, d’autres, au contraire, «pour le rejet complet de ces origines, parce qu’ils ne s’y retrouvent pas». Dans l’entre-deux: certains «s’estiment Français et puis c’est tout». Les entretiens permettent de retracer ce cheminement, de «refaire le voyage»: une thérapeutique pour rebondir et être «moteur de sa propre vie». Mlle. LOIAL apprécie de «découvrir à travers chaque patient une autre version des Antilles et des Antillais…ça me fait, moi aussi, voyager».

La question du Retour:

Si l’idée du Retour apparaît, il faut étudier le pourquoi de cette volonté. Quand ce questionnement surgit, attention au «retour fantasmé»: chez des personnes retraitées ou approchant la retraite, chez des «déçus de la France», parce que ce Là-bas a changé. Dans les faits, le Retour est souvent vécu comme un échec qu’il faut dépasser. Un nouveau défi que tous ne sont pas prêts à relever. Aussi, «retourner chez soi n’est-ce pas justement admettre qu’en Métropole, on n’est pas chez soi?!», souligne Mlle. LOIAL. Pour les jeunes nés et/ou grandis Ici, le rapport au Là-bas des parents est différent: ils n’entrevoient le DOM d’origine que lors des vacances. Ces jeunes se construisent alors une nouvelle identité afro-caribéenne, beaucoup plus métissée, puisqu’en contact avec d’autres cultures environnantes.

Les sollicitations extérieures:

Le CASODOM est très sollicité pour recevoir les populations antillaises par un réseau extérieur de travailleurs sociaux (centres d’aide sociale à l’enfance, centres spécialisés dans l’accueil des Migrants, centres d’insertion, etc.), de cliniciens et d’associations de prévention spécialisées. «Un réseau qui me sollicite» parce qu’on reconnaît au CASODOM une spécificité d’accueil: «face à certains patients et comportements, les institutions ont peur». Ces patients ré-orientés vers le CASODOM sont souvent des personnes qui présentent dans leur discours un rapport au magico-religieux [sorcellerie, envoûtement, etc.] qui peut déconcerter les cliniciens non-avertis. Le travail de Mlle. LOIAL consiste alors à déceler si les croyances du patient s’attachent ou non à un délire pathologique. Dans les cas relevant de psychiatrie, la psychologue doit diriger le consultant vers une structure adaptée. Mlle. LOIAL reçoit notamment des demandes d’étudiants et chercheurs travaillant sur la question antillaise.

Contacts CASODOM:

Le CASODOM – Présidé par George DORION, 7 bis rue du Louvre 75001 Paris
Tél. : 01 42 36 24 54 – Fax : 01 42 36 14 46, Email, M° Louvre-Rivoli ou Châtelet-Les Halles.

Pour aller plus loin…

La revue «Migrations-Santé» a publié à plusieurs reprises des travaux de Jean GALAP, notamment dans le numéro spécial qu'il a, récemment, dirigé: «Guadeloupéens, Martiniquais et Antillais de France» (n°115-116, 2003). Cette association dispose d’un fond documentaire accessible sur rendez-vous.

Migrations Santé – dirigé par Mohamed EL MOUBARAKI, 23 rue du Louvre 75001 Paris
Tél: 01 42 33 24 74 - Fax : 01 42 33 29 73, Email.

Vous pouvez aussi consulter le n° spécial de la revue «Psychologie clinique» n° 15, intitulé «Anthropologie et cliniques: recherches antillaises» (L’Harmattan • 2003 • ISBN : 2-7475-4833-3 • juillet 2003 • 276 pages • 24,4 €), numéro co-dirigé par Jean GALAP et Olivier DOUVILLE. L’article de Jean GALAP «Culture, migration et psychologie de l’adaptation en milieu antillais» intéresse tous ceux qui travaillent sur les dysfonctions de l'adaptation.

En remerciant le CASODOM et Mlle. LOIAL pour cet échange.

Anthropologie et clinique: recherches antillaises
L’Harmattan • 2003 • ISBN 2-7475-4833-3 • 276 pages • 24,4 €
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Véronique LAROSE – janv. 2006

 
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