Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

«Pawol Kreyol»

Philippe CANTINOL – « Milim ! »

par Véronique LAROSE

boule

Pawol Kreyol

Alfred ALEXANDRE | Ano (Eddy FIRMIN) | Nicole CAGE-FLORENTINY | Philippe CANTINOL | Aimé CÉSAIRE | Ina CESAIRE | Patrick CHAMOISEAU | Romuald CHERY | Pierre CLERY | Maryse CONDÉ | Raphaël CONFIANT | Tony DELSHAM | Suzanne DRACIUS | Suzanne DRACIUS 2 | Igo DRANÉ | Jules EULALIE | Rodolf ETIENNE | Daniel ILLEMAY | Félicien JERENT | Fabienne KANOR | Elise LEMAI | Alain MABIALA | Didier MANDIN | Tony Mango | Elvire MAUROUARD | Ruth Narbonnais | Daniel-Yves PHAROSE | Gisèle PINEAU | Audrey PULVAR | Juliette SMERALDA | Sylvia SERBIN | Joseph ZOBEL | Adèle et la Pacotilleuse | Cénesthésie et l’urgence d’Etre… | La Compagnie «BOUKOUSOU» de Max DIAKOK | Des travaux collectifs littéraires | La permanence psychologique du CASODOM | La Noce chez les Petits Bourgeois…créoles | Nous étions assis sur le Rivage du monde… | Quand la Révolution, aux Amériques, était nègre… | «l’Alchimie des Rêves» | «Les Voix nègres de Victor Hugo» | Pour une Mémoire musicale antillaise | Le «Quiz-kréyol» de Philippe MARIELLO | Les Postiers déracinés Provinciaux, Antillais… des racines et des lettres» | La Mémoire enchaînée – Questions sur l’Esclavage de Françoise Vergès | Les Editions DESNEL | Deux recueil des Editions DESNEL | Hommage à Aimé Césaire - Symphonies Nègres | L’Oralité créole en envol! | Atelier de créole à Paris | L’Avenir est Ailleurs | Atelier de créole à l’Amicale RATP DOM TOM | En Poésie la Vie | Ti Niko le héros espiègle | «A l’ombre du Corossolier» | La Prison vue de l’intérieur | Zôdi nonm | Pilibo | Xavier Harry | Mes Quatre Femmes | Firmine RICHARD

boule boule boule
Philippe CANTINOL porte en lui des  paroles libres : ce Passeur de Paroles est à la fois conteur et poète, poète et conteur. Diseur de temps et de sens. En sa qualité de dé-livreur de mots vifs, il sait créer chez son public une émergence d’émotions. Comme un artisan de l’instant présent.

1. Pawol otantik

Philippe CANTINOL se présente ainsi :

«Je m’abreuve à la source de l’oralité
Mais l’univers que je décris est désormais écrit
Comme pour prolonger mon cri
Au cœur même de la modernité.
Je me réapproprie la partie de ma culture enfouie
Et je prône que de ma bonne parole l’âme se réjouit
Que de ma bonne parole résonne le chant de tous les hommes sans trône
Qu’ils soient de Freetown ou de Carcassone
Si je puise l’essentiel sous le ciel de la Martinique, ma terre natale
La terre de mes racines ancestrales presque toujours tropicales
C’est pour mieux atteindre la position verticale
Cependant mon regard scrute à l’horizontal».

Dans son créole, sa musique, sa gestuelle, sa tenue, Philippe CANTINOL incarne une authenticité : « je suis un comédien qui utilise les techniques du conteur des mornes martiniquaises».
Il porte une tenue de scène au style bien particulier et bien pensé, une tenue qui ne peut être réduite à un simple ajout d’accessoires de scène: «je tiens au classieux du smoking, de rigueur lors des grands évènements. J’ai une affection particulière pour le bakoua de ma grand-mère, et les sandales en plastique pour tous les miséreux de la Caraïbe, d’Afrique et du monde».

Il martèle ses mots avec force pour créer un espace d’interaction privilégiée avec son auditoire, la cour du conteur: «je suis le conteur qui ne raconte pas d’histoire, mais qui quelques fois, se réfère à l’histoire pour épaissir son propos. Ma parole reste en surface, mais de ses incursions dans les profondeurs, elle me remonte avec force  à la face. Je l’offre donc en suspension, entre gravité et dérision. L’univers du conte me permet de plonger dans nos mémoires, de redescendre en nous-mêmes, d’explorer la gestuelle, l’attitude, la musicalité et la densité de la parole caribéenne. L’interactivité est l’une des spécificités du conte par chez nous et je suis sensible à cette qualité d’échange où le public me renvoie l’énergie en me donnant l’opportunité d’être le maître de la parole».

Son expression: une voix qui tonne et qui donne, déterminée pour nous asséner «des coups de mots». Ce récolteur de mots nous livre sa voix et ses multiples tonalités: sentence, prière, coup de tonnerre, brise légère. Les apostrophes et onomatopées, tout est prétexte à lier le public au conteur: «yé kri! yé kra! yé mistikri! yé mistikra!», «est-ce que la cour dort? – non, la cour ne dort pas! Alors si la cour ne dors pas elle saura que je peux citer sans hésiter le prénom d’une grande quantité de jeune dont certains parents ont été contraint d’aller habiter dans toute une diversité de grande cités…».

Cette force vivante dit, chante et danse ses complaintes  puisées dans la tradisyion, le fondok, le fon djok de notre histoire: «je marche depuis l’époque des traversées vers les travaux forcés, je marche encore à l’heure des traversées obligées qui nous font tellement dépenser, tellement nous disperser». Relater une authenticité en confiant aux mots la suggestion de l’Imagination : «ramasser des paquets de mots […] pour avoir la force de me  redresser».

Il évoque son itinéraire artistique avec la reconnaissance de celui qui sait ce qu’il a reçu: «j’ai grandi dans un quartier populaire par excellence, le Morne Pichevin. Ma  chance, c’est que dans ce quartier était érigé un centre culturel où l’on pouvait s’adonner à la  pratique de la danse ou du théâtre. J’ai également suivi des formations d’art dramatique dispensées  à l’atelier théâtre du SERMAC (Fort de France)  par des metteurs en scène venant d’horizons aussi diverses que le Mexicain ACAME, l’argentin Jaime JAIMES ou Benjamin JULES ROSETTE. Et puis il y a la vie, l’université de la vie, les rencontres». 

Sa rencontre avec le compère conteur Igo DRANE marque  une étape décisive: «C’est avec Igo que je suis rentré dans la sphère du conte  il y a une quinzaine d’années. Nous avons géré de nombreuses prestations pour tout public, dans des lieux aussi différents que les crèches, bibliothèques, lycées, centres culturels, théâtres hôpitaux, prisons etc.… de ce type d’expérience vous en sortez grandi».

  2. Moments forts partagés

La déontologie du Conteur: «Ma parole est celle de milliers d’autres âmes, de milliers d’autres vies. Quand bien même je l’expose dans toute sa Martiniquanité, elle demeure ouverte. Prête à dépeindre les tableaux de la dénégation, prête à installer l’émotion dans l’instant, des pensées pour la nuit, un commencement de réflexion sur demain. Je conte pour tout le monde, et pour moi tout le monde compte» .

Lors de notre entretien, Philippe CANTINOL évoque des temps forts par le partage vécu avec un public réceptif, véyatif:

  • le Printemps  des poètes: «l’originalité consiste à faire découvrir notre culture dans le cadre de l’Université Paris Dauphine  en y invitant tour à tour des artistes» - tels que: Igo DRANNE, Jean Philippe GRIVALLIERS, Marina ALBERICO, Maurice LAGIER, Erick PEZO, Yves PASTEL, Jean Claude MONTREDON, Josiane ENTOUREL, Bibi LOUISON,Max CILLA  Audrey SMITH… 
     
  • Les nuits culturelles de Rivière-Pilote (Racines)
     
  • le spectacle «Nègre de Lumière», créé en 2001 au théâtre de l’Epée de bois, à l’initiative  de Georges Lafare et Maura Michalon, mis en scène par Christian DAUMAS, réunissait des musiciens, des chanteurs, des danseurs et des conteurs pour rendre hommage aux oubliés du siècle des lumières, j’ai pu y adapter et interpréter le texte de Dieudonné Gnammankou sur Abraham HANIBAL*.

*Abraham HANIBAL (1696-1781): à 7 ans, l’enfant est enlevé d’Afrique pour devenir page du sultan ottoman Ahmed III à Constantinople. Après moult péripéties, il rejoint clandestinement la Russie et sera, pour le tsar, l’équivalent d’un fils et d’un collaborateur. Il évolue alors dans les hautes sphères militaires et culturelles de l’empire russe. Il est l’aïeul de l’écrivain russe Alexandre POUCHKINE (1799-1837) – cf. les travaux de Dieudonné Gnammankou «Abraham Hanibal, l'aïeul noir de Pouchkine» (éd. Présence africaine, ISBN 2-7087-0609-8, 256 pages), site.

3. Les implications de Philippe CANTINOL

Ses participations de conte récentes: en 2006, plusieurs manifestations lui ont permis de marquer des publics différents: en janvier dans la pièce-conte «Waka douvan jou» de Max DIAKOK, en mars dans le cadre du Printemps des Poètes, il présente  à l’Université de Paris Dauphine le spectacle «Présence aimée» créé en 2003 avec la conteuse Audrey SMITH. L’accompagnement musical est assuré par le  percussionniste et flûtiste Jean-Philippe GRIVALLIERS. Ce spectacle rend hommage à l’œuvre d’Aimé CESAIRE, Cahier d’un Retour au Pays natal, repris en extraits entrecoupés par l’appel du tambour et des morceaux de chants de Gracien MIDONET et Eugène MONA. En mai dans le cadre de la «Journée contre le racisme et les discriminations» à l’Hôpital COCHIN, en juin en intervenant au «Cargo 21» pour le Festival « 2 Mo 14 Pawol», à l’automne lors de la soirée-conte du festival «Variations Caraïbes» avec le batteur Jean-Claude MONTREDON.

Ses participations instrumentales: à la musicalité authentique de la parole créole, il a choisi d’ajouter celle de son kout’chacha: Philippe CANTINOL voit en cet instrument une tradition kréyol. Il l’accorde pourtant, au-delà de cette tradition, en concert ou en studio aux côtés de musiciens de renom. Il a commencé à jouer du chacha dans les fêtes  familiales, puis il a développé cet instrument à l’Ecole Bélè de Paris, il y a une dizaine d’années – «je veux redonner à cet instrument ses lettres de noblesse pour qu’il redevienne un instrument à part entière. Je travaille donc à la maîtrise des graines ou des billes.»

Son chacha intervient sur le dernier album «Otantik» de Ralph TAMAR (morceau inédit «Fanm san chans»), en 2006 pour l’album «Mémoire et Espoir» de Garcin JOSEPH-SYLVESTRE, en 2006 toujours, il chante son texte «Glorié pou Nana» (en hommage aux disparus martiniquais du crash du 16 août 2005) du concept KA SPIRIT, et il y a quelques années avec le groupe T’Péyi. D’autres participations instrumentales sont en cours de parution.

Philippe CANTINOL représente une Oralité-Liberté qui honore la Pawol kréyol: il fait exister ses textes  intensément, questionnant les réalités avec la lucidité du Conteur. Son éloquence est multiple: éloquence textuelle, gestuelle, musicale, vocale.

En remerciant Philippe CANTINOL pour cet échange.

Véronique Larose  -  janvier MAJ mars 2007

boule

Viré monté