«Pawol Kreyol»

Félicien JERENT

Pour une Poésie vivante et humaniste

par Véronique LAROSE 

boule

Pawol Kreyol

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Gwoka

Gwoka. © 2003-2005 karimsahai.com

Un entretien en toute simplicité: Félicien JERENT se présente sans détours, dans son aventure surprenante avec la poésie tout d’abord, puis avec le théâtre. Pour Planetantilles, Félicien JERENT expose son plaisir des mots: mots-récits de poésie et de théâtre, associés dans une gestuelle bien à lui.

1. Une quête de l’Authentique :

Félicien JERENT est Guadeloupéen (Pointe-Noire), né et grandi dans une valeur de l’Authentique; de là, sa passion du tambour, véhicule de l’histoire noire liant les Antilles à l’Afrique. Il dédie un poème à cet instrument de résistance d’Hier et de survivance d’Aujourd’hui.  Sa préférence: le poème de Serge RESTOG, auteur du Guide de linguistique pour le KAPES KREYOL [CAPES CREOLE], «La météo atè bannzil karayib-la / Précis de météorologie caribéenne» (éd. Ibis Rouge – 2003)

Extrait – Serge RESTOG : «Tanbou’a nwè épi lakras mwin, / La swè mwin ./ Tanbou’a ka jinnin yo. / Tanbou’a ka fè chié yo chié. / Tanbou’a nwè, lèd kon mwin minm. / Tanbou’a gwoso-modo. / Tanbou’a ka ri an gwo ri. / An ri ki ka pété kon an volkan. / An ri ki ka fè moun pè. / An ri ki ka fè latè twanblé,/Ki ka vwéyé kracha an lè’w»

Félicien JERENT est intimement attaché à cette part d’histoires noires. Les figures de Lutte, telles que Delgrès, Toussaint Louverture, représentent des personnalités à ne pas oublier.

2. L’élan poétique : «pour une culture militante par la poésie»

L’aventure poétique de Félicien JERENT naît vers 1998, lors des «migans» poétiques du Théâtre de l’Air Nouveau, le T.A.N. du comédien Luc SAINT-ELOY. Des soirées de partage des mots, par des lectures. Félicien JERENT se plaît à déclamer des mots, et même à les jouer! Dès lors, il décide de rendre vivants les textes lus par une gestuelle particulière, personnelle. Un style de «poésie théâtrale» pour «donner une impulsion au texte». «Parce qu’un texte se traduit dans les mots et dans la gestuelle», explique-t-il.

Dans le cadre de son expérience au Théâtre de l’Air Nouveau, le magazine «TAN INFOS» de mai-juin 2'000 publie son premier texte poétique en créole intitulé «On bon kou t’kolè» [Un bon coup de gueule], qui est un hommage au collectif «Egalité» pour son intervention sur Canal +, lors de la nuit des Césars du cinéma français.

Une expansion littéraire qui lui permet de se découvrir une envie d’écriture. Une démarche qu’il conçoit comme «un acte de résistance» en s’inspirant de la mémoire noire, afin d’engendrer un vibrant martèlement poétique. Il étend ses ressources d’écriture à l’humanité, pour une foi en les Droits de l’Homme.

Son poème «Toi, mon Héros» est un remerciement à Delgrès et ses hommes de courage: «Tu as proclamé que la résistance à l’oppression est un droit naturel. […] Je vous accorde cette larme de gratitude et de respect/pour tous ces malheurs/Aujourd’hui de deux cents après/Voici en offrande mon respect et mes remerciements» (Félicien JERENT – mars 2004: co-auteur avec Ferdy AJAX du recueil «Au nom de la Liberté» paru aux éd. IDOM en 2005 ).

3… et la transition au théâtre : «un défi»

Dans sa jeunesse, Félicien JERENT avait déjà goûté au plaisir de jouer un texte, de camper un personnage, en créole: «Menm bagay, menm komba» de René Philogène, une pièce à caractère historique sur les événements de 1802 en Guadeloupe. Son expérience de la scène s’est poursuivie en 2004, dans un montage poético-théâtral réalisé par M. Toussaint ADJATI, autour du recueil «Bicentenaire de l’Indépendance d’Haïti – Anthologie de poésie du Peuple noir» (mai 2004).

En mars 2005, Hugues PAGESY remarque la «gestuelle spéciale» de Félicien JERENT lors de prestations poétiques. Félicien JERENT se voit ainsi proposer le rôle principal de sa pièce «T’as le bonjour d’Hélène», jouée par la troupe du «GWADANINA - THEATRE». Félicien JERENT s’est produit lors des prestations d’ouverture des 7-8-9 juillet 2005. Il humanise alors son personnage burlesque du mari alcoolique, dans la polyvalence de ses tonalités: homme violent, séducteur, attendri, repenti. Il enrichit la pièce avec des improvisations en créole, telles une fameuse et hilarante «Prière du Rhum», appréciée du public.

Le mot de Planetantilles :

Une histoire familiale bancale: une femme battue par son mari. Un homme aigri par les échecs qu'il tente de diluer dans ses litres d'alcool…Un drame pourrait se nouer. Et bien non! Hugues PAGESY a choisi d'y voir là l'opportunité d'une farce. La meilleure amie de la malheureuse, Hélène, l'aide à préparer une revanche punitive. Une belle leçon! Humour social qui questionne l'une des douloureuses gangrènes familiales: la violence conjugale. Ecrite et mise en scène par Hugues PAGESY, cette pièce est construite sur des rebondissements de rires et de larmes. Nous sommes dans l'intime d'un foyer perdu par l'alcool et qui, heureusement, s'en relèvera!

De cette collaboration, gérée avec peu de moyens, Félicien JERENT est fier: «une équipe de comédiens forte, qui a du mérite», pour venir aux répétitions en parallèle des activités professionnelles de chacun ! De son personnage, Félicien JERENT retient un message: vecteur d’un mal-être social, l’alcool et la violence conjugale.

4. Les implications littéraires : association des convictions

Félicien JERENT s’est investi dans plusieurs projets de cœur, pour promouvoir les écritures qui le touchent.

En mai 2003, il rédige et signe la postface d’un recueil de poésie, «au Fil des mots», paru en 2003 aux éditions AFRIDIC.

Un écho qu’il souhaite faire partager pour Ferdy AJAX («Au Paradis des Ténèbres» - éd. La Pensée Universelle, 2004): il signe la postface de son dernier recueil « Au nom de la Liberté» (éd. IDOM – 2005). Il voit en elle « une ambassadrice de la défense ardente de la culture afro-caribéenne». Félicien JERENT est notamment co-auteur de ce recueil, avec son poème «Toi, mon Héros» dédié à la bravoure de Delgrès et ses hommes.

Une autre contribution: «Bicentenaire de l’Indépendance d’Haïti – Anthologie de poésie du Peuple noir» (mai 2004).  C’est la réunion d’expressions poétiques autour d’Haïti, à l’occasion du Bicentenaire de son Indépendance. Des poèmes inédits: le fruit d’un collectif de poètes Haïtiens, Africains, Guadeloupéens, Martiniquais et Guyanais. Une anthologie à laquelle Félicien JERENT a apporté sept poèmes à teneur historique.

L’envie de créer un Club de Lecture pour le milieu associatif. Une belle opportunité d’échanges, de rencontres que Félicien JERENT souhaite mettre en place. Une convivialité et une liberté autour des mots.

Un combat à mener, plus largement, pour pallier une «carence grave»: qu’une Maison de la Culture afro-caribéenne voit le jour. «Une stratégie pour l’avenir à trouver pour avancer et se faire respecter».

Félicien JERENT s’inscrit dans une démarche littéraire qui décloisonne les genres : pour faire de la parole créole un vecteur de vie, par la poésie, le théâtre et les déclamations publiques. Une façon de s’approprier, volontairement, les mots. Comme il le dit lui-même, en qualité d’ « acteur de notre parole ».

En remerciant M. Félicien JERENT pour cet échange.

Véronique LAROSE

Pour Planetantilles.com – sept. 2005

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