Docteur en Sociologie du Développement et Enseignant, Nicolas REY nous confie son périple documentaire d’une dizaine d’années, puisqu’il a compulsé ouvrages et archives, sans négliger la tradition orale. «Quand la Révolution, aux Amériques, était nègre…» est ainsi le fruit d’une méticuleuse synthèse d’oralités et d’archives de Guadeloupe, du Guatemala, de Cuba, et du Service historique de l’Armée de Terre: «reconstruire cette histoire en consultant les archives du Guatemala, de Cuba, de Guadeloupe, et du fort de Vincennes (France), pour ensuite la confronter avec l’histoire orale des Garifunas d’aujourd’hui recueillie à Livingston (Guatemala).» (N. REY dans son introduction – p.15)
Ses travaux sont donc une invite au voyage pour retrouver ces résistants: «aucun travail de recherche approfondi n’a jusqu’à ce jour mis en évidence les raisons qui ont amené ces deux groupes parmi les plus rebelles aux Antilles, les «negros franceses » (Saint-Domingue) et les Caraïbes noirs (Saint-Vincent), à se rencontrer en Amérique centrale» (N. REY dans son introduction – p. 15)
1. Les travaux de Nicolas REY :
L’ouvrage est préfacé par Elikia M’BOKOLO - Directeur d’études à l’EHESS [Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales] en Histoire et Civilisations de l’Afrique:
«Exiger la reconnaissance de ce fait de la part des Etats modernes, ci-devant négriers et bénéficiaires de ces systèmes, réclamer en conséquence des dispositifs de tous ordres, éducatifs, culturels, symboliques, institutionnels ou économiques, pour en éviter l’oubli et le retour, relève d’un devoir à la fois moral, intellectuel et politique. […] Nicolas Rey fait remarquablement justice de ces laborieux échafaudages, dont il met en morceaux les innombrables combinaisons.» ( Elikia M’BOKOLO ,préface p.7-11)
La genèse de cet ouvrage: Nicolas REY a soutenu sa thèse de Sociologie du Développement en décembre 2001 à la Sorbonne-Paris I, sous la direction de M. HAUBERT. Sa thèse s’intitule: «les Ancêtres noirs «révolutionnaires» dans la ville caribéenne d’aujourd’hui : l’exemple de Livingston, Guatemala». L’ouvrage «Quand la Révolution, aux Amériques, était nègre…» constitue le premier volet de cette thèse.
2. Des recherches d’ anthropologie historique:
«Quand la Révolution, aux Amériques, était nègre…» se concentre sur une Tracée de mémoires plurielles durant la traite négrière : Nicolas REY a suivi les pas d’une lutte, la résistance de descendants d’Africains et d’Amérindiens. Il nous engage à le suivre sur ces traces de révolutions historiques: l’indépendance américaine, la révolution française, la révolution haïtienne, les résistances latino-américaines.
Il ré-habilite ainsi un espace, une époque, un groupe de Lutte active portée par des héros cités et anonymes. Mouvements de masse qui incluaient la stratégie de savoir s’allier aux colons (Français, Espagnols, Portugais, Hollandais, etc) et la stratégie de devoir résister aux colons. Paradoxe? Non. Juste la conscience du moment propice à un acte d’élévation et de libération :
«les alliances et conflits entre ces maîtres qui se disputaient les services de Noirs rebelles, pour l’emporter dans le Nouveau Monde» (N. REY dans son introduction – p. 15)
«Ces groupes noirs en migration, d’une colonie à l’autre, furent certes utilisés par les grandes puissances, dans leurs guerres européennes, aux Amériques. Mais ces troupes auxiliaires ne représentaient-elles pas dans le même temps une menace interne pour les grandes puissances?» (N. REY dans son introduction – p. 16)
«Ces Noirs marrons surent profiter des divisions « internes » aux Blancs, pour préserver liberté et territoires conquis, et bénéficier de nouveaux (armes, argent, etc.); ils furent ainsi courtisés par les puissances française, anglaise ou espagnole, qui s’appuyèrent sur ces troupes d’élites pour déstabiliser les unes les autres» (p. 67)
3. La volonté mémorielle de Nicolas REY:
Recontextualiser et humaniser une histoire complexe. Voilà l’engagement conscient du chercheur:
« N’est-il pas temps, enfin, de rendre à ces générations successives de descendants d’Africains, et même d’Amérindiens, aux oubliés de l’Histoire, ce dont ils ont trop souvent été privés: la fierté d’avoir été déterminants dans l’émancipation des Amériques (abolitions et indépendances), en se jouant des divisions internes aux grandes puissances, pour faire triompher leur cause?
Révolution dans les révolutions: quand la Révolution, aux Amériques, était nègre…» (en finale d’introduction - N. REY, p.17)
4. Les sections thématiques de l’ouvrage:
La Préface d’Elikia M’BOKOLO
Introduction de Nicolas REY
Première Partie: «Résistances» aux Amériques: les rescapés de Saint-Vincent
I. Esclavage et lutte des Noirs dans le Nouveau Monde: une diversité de cas
II. La résistance des Caraïbes à l’extermination dans les Petites Antilles
III. Les Caraïbes noirs (Saint-Vincent) poursuivent la lutte contre le colon
Deuxième Partie: Caraïbes noirs et negros franceses dans le feu du Siècle des Lumières
I. Les Caraïbes noirs, alliés à la France, résistent aux Anglais
II. Saint-Domingue sous la Révolution française et le visionnaire Toussaint
III. Après 1795, les Noirs d’Haïti l’emportent, ceux de Saint-Vincent sont déportés
Troisième Partie: Noirs de toutes les révolutions…: vers l’indépendance du Nouveau Monde
I. Les Espagnols perdent du terrain dans le bassin caribéen
II. Du «mal» français et haïtien, à Bolivar: vers l’émancipation aux Amériques
III. Caraïbes noirs et negros franceses redéployés en Amérique centrale
Conclusion: Marcos Sanchez Diaz est-il vraiment… mort?
- Documents d’archives
- Repères bibliographiques
5. La conclusion de Nicolas REY :
Nicolas REY précise la spécificité historique et géographique de son étude, qui participe à ce constat indéfectible-indélébile:
«Les noirs, qui avaient certainement le plus souffert du système colonial, à savoir ceux des Antilles, dans la plantation, furent de tous les combats. Ils ont été le moteur de l’émancipation du Nouveau Monde, non seulement pour obtenir leur propre liberté, mais aussi et surtout pour permettre l’accession au pouvoir des créoles en lutte contre les puissances coloniales européennes. Leurs combats pour la Liberté ont, ainsi, atteint une dimension universelle» (N. REY dans sa conclusion – p. 197)
L’héritage ? un sursaut de conscience actif, vèyatif.
Véronique LAROSE– janv. 2006
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