1. Les tracées poétiques d’Ozoua:
Martiniquaise, Ozoua - Ruth NARBONNAIS – a choisi d’exprimer sa sensibilité avec la Poésie. Son premier recueil, «La Vie au fil des Mots» (2003 – éd. AFRIDIC) a été récompensé au Concours Littéraire 2004 de l’Académie Francophone. Le second recueil est un recueil-hommage à la mémoire noire: «Sonjé Yo» («Souvenez-vous d’Eux», 2004 – éd. IDOM). Elle vient de coordonner un ouvrage collectif: «Hommage à Aimé CESAIRE – Symphonies nègres» (2006 – éd. IDOM) pour affirmer une filiation césairienne. Dans le recueil «En Poésie la Vie» (2006 – éd. Société des Ecrivains), Ozoua donne a sa voix une intime consistance: elle nous livre ses perceptions du monde et son attachement à l’écriture poétique.
Pour expliciter sa démarche, elle a confié la préface à un de ses compères poétiques, Daniel ILLEMAY [Martinique]: «EN POESIE LA VIE c’est la voix de l’amour, la voix de la Vie à vivre». Foyalais, Daniel ILLEMAY a participé au recueil collectif «Hommage à Aimé CESAIRE – Symphonies nègres» (2006 – éd. IDOM). Ancien sportif de haut niveau, il se définit comme «fervent admirateur d’Aimé Césaire» et déclare humblement «je fais un peu de poésie, sans prétention». Son premier recueil «les Lumières ne s’éteignent pas» (2004 - éd. IDOM) rend hommage à Aimé Césaire. Son second recueil, «la Ravine des Espoirs» (mai 2006 – éd. IDOM) porte une mission de «Graveur de Paroles», titre d’un de ses poèmes: «ce balan d’homme libre».
2. Des thématiques de Vie:
«Paroles poétiques.
O profondeur de l’être.
Essences même de la vie.
Mouvement des mots qui
Elèvent le cœur vers le paradis des sens»
(poème titré «Pour faire un Poème» p. 31)
La vocation poétique d’Ozoua: écrire est identifié comme un acte, un sursaut de mots. Une inspiration qui naît, mouvante, vivante. Une obstination, une vocation. Une soif.
Extraits: «Ecrire, c’est voyager,/Voyager à travers le temps et l’espace/Ecrire…/C’est être tout simplement» (p.8) – «Là, j’écris sous l’ardeur des mots/Sans relâche j’écris/Jusqu’à épuisement de mes pensées» (p.9) – «Des mots, encore des mots» (p.29)
Un hymne à la Vie: célébrer la lune (p.38), le soleil (p.15, 50), la terre (p.24), la nature (p.16-17), autant de manifestations d’un regard sensible et humble. Ozoua les apostrophe avec une tendre complicité. Reconnaissante? oui, Ozoua manifeste là l’humilité de l’être confiant qui s’en remet à cette «mère nourricière» (p.24)
Extraits: «Entre mon beau soleil» (p. 15) - «De la fenêtre de mon bureau/Je vois les arbres/Se vêtir des couleurs chaudes/et chatoyantes de l’automne» (p.16) - «Soleil, soleil, soleil/Que tu es beau paré de/Tes plus beaux habits d’or/On dirait un roi le jour de son couronnement » (p. 50) – «Terre ô terre/Prendre soin de toi n’est pas un luxe/car tu es notre mère/Tu es notre maison/ Tu es tout pour nous» (p.24)
Un appel de conscience: Ozoua donne à ses mots une mission: se faire l’écho vrai de ses constats. Constats argumentés avec énumérations ou invectives. Des constats énoncés en espoirs ou martelés en reproches. Le poème «Ne me parlez pas» (p.48) fait très justement co-exister constats et espoirs.
Extraits: «Planète en dérive/Agonisant peu à peu sous l’assaut des satellites/Agonisant sous l’effet des herbicides et des pesticides/Agonisant sou l’effet des gaz toxiques des usines et des voitures/Agonisant sous l’effet des bombes et des centrales nucléaires,/Qui polluent tes eaux et ton sol» (p.20) – «La terre, mère nourricière/Epuisée, exploitée/Tu gémis et pleures sous le poids de l’indifférence» (p.24)
Une pensée humaniste: Ozoua voit en chaque enfant un espoir pour demain. Et pourtant…le potentiel de l’enfance peut être bridé/brisé par les adultes…Ozoua s’adresse aux enfants du monde avec un humanisant «enfant(s) de tous pays» (p. 54 et 56)
Extraits: «Ne te laisse pas intimider par les adultes/Qui te diront «trop tôt pour ton âge»/Qui te diront «tu n’es pas capable»/N’hésite pas/Va de l’avant » (p.54) – «Il n’avait que sept ans/ […] L’âge où l’on rêve de grands exploits/Sept ans…/Pourtant,/Pourtant sa vie s’est arrêtée là, brusquement/Par une balle reçue en pleine tête» (p.51, «A Ibrahim – Il n’avait que 7 ans!»*)
*Références: le poème d’Ozoua «Il n’avait que 7 ans!» (p.51) me fait penser au poème d’indignation de Victor HUGO intitulé «Souvenir de la Nuit du 4» [1851, lors de tentatives d’insurrection à Paris]: «L’enfant avait reçu deux balles dans la tête»
L’Exil: la Martinique habite l’imaginaire d’Ozoua, native-natale. Son île-mère, île-chair, île-chère est ainsi espérée (p.25, 27, 32, 36, 45 et 49): «Il est une île/Une île, mon île/MARTINIQUE» (p.32). Souvenirs de ce temps d’authentique Martinique: le kaladja (p.25), le chapeau bakoua (p.27), le manguier du jardin «l’arbre nourricier» (p.45) et «le poisson frit de maman» (p.49)
La condition de l’homme – ses attentes, ses limites: Ozoua évoque l’Amour, celui qui donne et celui qui reprend. Amours reçues, amours déçues. Et une donnée immuable: ce temps qui passe, indéfectiblement…La tonalité de ces poèmes: la lucidité.
La revendication d’une liberté, malgré tout: Ozoua s’octroie le droit d’être soi. Etre. Sans étiquette. Sans frein. L’occasion de revendiquer son universalité, son humanité.
Extraits: «Pourquoi veux-tu me réduire/A une parcelle de terre/A une région, un pays, un continent? Puisque je suis de cette terre/La terre m’appartient» (p. 40) – «Liberté, liberté, liberté/Enfin libre/A tout jamais libre!» (p. 44)
Mon coup de cœur: Ozoua explique la création du mot «ESPOIR» avec un clin d’œil poétique. Un magicien en manque d’inspiration (p. 39) a assemblé six lettres oubliées E-S-P-O-I-R.
Dans «En Poésie la Vie», OZOUA écrit ses convictions de valeurs et d’écriture. Elle écrit un vécu perceptible, sous-jacent. Sa détermination: une poésie comme force de résilience, de survivance.
Véronique LAROSE– le 11 novembre 2006
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