Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

Nwèl 2013 é joudlan

Conte de Noël

Le Gligli et le colibri

Dominique Lancastre

Photos: Huguette Negi, Fernand Lamartinière et Francesca Palli

Delonix regia

 

Gligli
Dans la vallée aux fleurs rouges vivaient un gligli installé à la cime d'un flamboyant. Se méfiant des hommes et des autres animaux, qu'il ne craignait pas pour autant, il bâtit sa demeure le plus haut possible et hors d'atteinte. Seul le vent le faisait frémir. Lorsque zéphyr remontait la vallée avec rage, faisait tourner les branches des arbres fragiles jusqu'à les casser et arrachait leurs feuilles, il tremblait de peur que son nid s'envole.

De ses parents le gligli gardait un très bon souvenir et surtout les préceptes et les recommandations. Il se rappelait toujours que sa mère disait de ne pas s'approcher du colibri. «Le colibri si petit soit-il est notre principal ennemi.» disait-elle.

Il n'avait jamais compris pourquoi elle se méfiait de ce petit oiseau insignifiant, dont les seules qualités étaient sa vitesse et sa capacité de voler en arrière.

Cri ! Cri ! Cri ! se répétait le gligli un jour je l'aurai.

Voler en arrière pourquoi faire?

Toute cette vitesse pourquoi faire?

Est-il capable de planer? Est-il capable de se laisser guider par les courants d'air ? Est-il capable de voir aussi bien que moi?

Colibri
Gligli Cri ! Cri ! Cri ! se répétait le gligli, un jour je l'aurai.

«Moi je suis le maître de cette vallée et on me craint.» Le gligli n'avait pas tort car quand le soleil se prêtait à se vêtir de sa plus belle tenue pour aller se coucher. Il déployait ses ailes, prenait son envol du haut du flamboyant et scrutait la vallée dans un silence funèbre.

Chauve-souris imprudents, petits rats gambadant sur des branches à découvert, souris courant sur des poutres, poussins traînant le pas derrière leur mère rien n'échappait à ses griffes ni à son bec acéré. Et lorsqu'il poussait ses cris stridents, fonçant sur sa proie qui ne le voyait que pendant une fraction de secondes, tous les petits animaux de la vallée se mettaient à l'abri, le cœur battant à toute vitesse, la peur au ventre.

«Le colibri si petit soit-il est notre principal ennemi.»

À chaque exploit et chaque animal dépecé le gligli répétait cette phrase. Pourtant, il ne manquait de rien et mangeait à sa faim, son terrain de chasse s'étendait à toute la vallée. Et aucun autre gligli ne s'était aventuré à lui ravir sa place.

«Le colibri si petit soit-il est notre principal ennemi.»

Nuit et jour, jour et nuit le colibri commença à le hanter. Noël approchait, les poinsettias avaient habillés la vallée de rouge. Les roses rouges avaient explosé. Les hibiscus bombardaient tel un feu d'artifice.

Les bougainvilliers décoraient les bords des routes et les colibris se donnaient à cœur joie sirotant leurs fleurs.

Euphorbia pulcherrima
«Le colibri si petit soit-il est notre principal ennemi.»

Il fallait qu'il en ait le cœur net. Alors le gligli décida que pour son repas de Noël il allait chasser que des colibris.

Cela faisait longtemps qu'il en avait envie. Il voulait changer de goût de nourriture et son obsession pour le colibri allait en grandissant.

Bursera simaruba
Arrogant et méfiant il alla demander conseils au plus ancien des gliglis, qui s'était retiré dans la forêt de gommiers rouges, qui lui dit: «Des colibris comme repas de Noël. Mais tu chasses déjà sur un territoire important et tout est à toi. Pourquoi t'entêtes tu à vouloir manger des colibris à Noël.»

Le gligli claqua du bec et dit d'un air agacé: «Je suis venu demander des conseils de chasse. Je ne suis pas venu pour écouter ton discours moraliste. J'ai envie de manger des colibris à Noël, un point c'est tout».

«Comment dois-je faire pour attraper des colibris» il demanda. Son impatience commençait à se faire ressentir et il gonflait ses plumes.

Le vieux gligli de la forêt voyant son entêtement, se dressa sur ses deux pattes, fit battre ses ailes et lui répondit: «Tu devrais te lever de bonheur, et le chasser tôt. Veille que le soleil soit toujours dans ton dos.» Puis, sans qu'il eut le temps de poser à nouveau une question. Le vieux gligli prit son envol et disparut dans les gommiers.

Cri ! Cri ! Cri ! ce vieux débris me fait perdre mon temps avec ses recommandations farfelues. «Veille que le soleil soit toujours dans ton dos» répéta-t-il. Mais qu'est-ce qu'il a voulu dire encore ce vieux débris déplumés.

Les conseils du vieux gligli furent vite oubliés et la quête du colibri se fit de plus en plus pressante.

Il fallait qu'il goûte à la chair de colibri. Il en rêvait même et en perdit le sommeil. Il délaissa les chauves-souris, les poussins et les souris qu'il trouva insipides.

Il se réveillait trop tard pour rencontrer des colibris qui dès les premiers rayons de soleil passaient de fleurs en fleurs comme l'éclair.

Colibri
Gligli
Ne tenant plus en place il décida de prendre son envol un petit matin. Il se mit à planer alors que le soleil grimpait dans le ciel. Il aperçut alors un couple de colibris qui se chamaillaient de fleurs en fleurs. Il ouvrit ses ailes, écarta le bec et fonça sur eux.

C'est alors que derrière une montagne un rayon de soleil parut face à lui et l'aveugla alors qu'il plongeait. Il perdit sa vitesse, se trouva désorienté, perdit l'équilibre en vol et il devint alors une proie.

Pour se défendre d'une telle attaque les colibris le percèrent de toute leur force avec leur grand bec.

Il tomba raide, quelques plumes volaient encore dans l'air. Ainsi, il perdit la vie par simple arrogance et avidité malgré sa méfiance.
Hibiscus
filao-étoile

 
Sur Potomitan et ailleurs

 Nwèl 2013