Certes le temps n'était guère avantageux, mais c'était un temps de saison, il bruinait depuis peu, il crachinait en ce dimanche d'automne et sur la plus prestigieuse avenue du monde, que sont les Champs Élysées, une pluie fine et imperceptible, plus désagréable que dérangeante accompagnait les badauds et les touristes.
Cette avenue qui à pareille époque regorge de monde, bruisse d'une belle effervescence qui à l'approche de Noël se renforce, se trouvait désertée, peu de flâneurs à déambuler sur les Champs Élysées.
Devant les grandes enseignes prestigieuses, là où les queues s'allongent habituellement le long des trottoirs, les acheteurs se faisaient rares, les vigiles n'ont de foule à contrôler, personne à fouiller, les vendeuses
sont en attente de clients, elles font bonne figure et ont le sourire commercial.
Le crachin se fait plus dru, une petite ondée chasse les mendiantes, agenouillées à même le trottoir, elles quêtaient ou tendaient la main, affichant leur misère sur une avenue où seul le luxe tient le haut du pavé.
Les gens sortent le parapluie, d'autres pressent le pas, les Champs Élysées s'attristent, la désaffection du public s'accentue, j'ai comme l'impression d'assister à une tragédie, à un spectacle grandiose qui ne trouve son auditoire, pourtant les vitrines rivalisent de beauté, le luxe s'étale, Louis Vuitton n'affiche ses prix, quand on aime on ne compte pas dit le dicton, LVMH se l'applique. Le maroquinier Lancel offre une vitrine particulièrement réussie, je m'attarde à la contempler, je poursuis mon chemin, les loueurs de Ferrari et de Lamborghini sont à la peine, les clients ne se bousculent pour conduire pendant 30 minutes l'une de ces voitures mythiques.
Les illuminations des Champs Élysées sont tristes, ils se confondent avec l'avenue comme partageant la même désolation, elles n'incitent les touristes à se photographier, à se selfier comme à l'accoutumé, la circulation est fluide, en fait peu d'automobiles la parcourent, pas de policiers pour réguler le trafic.
Arrivé au rond-point des Champs Elysées qui donne sur l'avenue Montaigne, là où l'an dernier se trouvait un gigantesque marché de Noël, et où pour se frayer un passage dans cette cohue humaine jouer des coudes, c'est le vide, le désert, un délaissé urbain, le peu de lumière insécurise l'avenue qui prend des airs de coupe-gorge.
Je ne vais plus loin, il n'y a rien à voir, aucune attraction, aucun magasin, aucun bruit si ce n'est celui des voitures et des bus.
Il est évident que ce fut une erreur de ne pas reconduire le marché de Noël, qui apportait de l'animation, de la vie, un esprit de fête, cette décision a «démagnifié» les Champs Élysées, l'avenue a perdu de sa magie.
Pour s’imprégner de l'esprit de Noël et de la beauté de Noël, il faut se rendre ailleurs, à Strasbourg, dans les pays nordiques ou de l'est de l'Europe, Paris n'offre plus de rêve à Noël.
Evariste Zephyrin
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