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Séisme à Haïti - 12 janvier 2010
Sept ans après - 12 janvier 2017

La cathédrale après le séisme

Les prisonniers des décombres, Frantz Zéphirin réalise le 12 Janvier 2010. Espaceloas

Des activités prévues pour commémorer le 7e anniversaire
du séisme du 12 janvier

P-au-P, 10 janv. 2017 [AlterPresse] --- Un ensemble d’activités sont annoncées pour commémorer le 7e anniversaire du séisme dévastateur du 12 janvier 2010, qui a coûté la vie à plus de 250 mille personnes, apprend AlterPresse.

Sont prévues des activites de recueillement, des performances artistiques diverses et variées, des expositions de peinture et de photographies.

Ce 12 janvier 2017 est déclaré, par arrêté en date du 6 janvier 2017: «Journée nationale de réflexion et de sensibilisation sur la vulnérabilité d’Haïti face aux risques et désastres».

Le gouvernement invite tous les secteurs à réfléchir sur la fragilité du pays face aux catastrophes naturelles et à œuvrer chacun en ce qui le concerne à réduire cette vulnérabilité qui a tant endeuillé nos familles, indique une note du bureau du premier ministre, Enex Jean-Charles.

Pour commémorer la date du 12 janvier, une cérémonie officielle sera organisée, dans la matinée, sur le site mémoriel du Morne Saint-Christophe (Cabaret), annonce le Ministère de la culture et de la communication (Mcc) et l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (Ispan), lors d’un point de presse, le mardi 3 janvier 2017.

Un concert de circonstance aura lieu, dans l’après-midi, au Kiosque Occide Jeanty au Champs de Mars, avec les orchestres philharmoniques de Sainte Trinité, des universités américaine Yale et Cornell.

Un autre concert philharmonique de niveau international est prévu le samedi 14 janvier 2017, sur le site patrimonial du Palais Sans-Souci au Cap-Haïtien (Nord).

Les organisateurs mettent au point cette activité en vue de célébrer la vie, les vivants et de prêcher un message de réconciliation, de paix et de solidarité.

De nombreuses cérémonies de recueillement se dérouleront également en divers lieux de culte en Haïti.

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Commémoration officielle au site du Morne Saint-Christophe, ce 12 janvier

P-au-P, 11 janv. 2017 [AlterPresse] --- Une cérémonie officielle se tiendra, le 12 janvier 2017, au site mémoriel du Morne Saint-Christophe (à 8 kilomètres au nord de la capitale) pour commémorer le 7e anniversaire du terrible tremblement de terre.

L’endroit avait accueilli des milliers de dépouilles au lendemain de la catastrophe survenue le 12 janvier 2010 et qui a fait environ 300 mille morts.

Une cérémonie oeucuménique aura également lieu sur la cour du Palais National, dans la matinée du jeudi 12 janvier 2017, en hommage aux victimes du séisme qui a endeuillé la nation haïtienne, indique le bureau de communication de la présidence, dans une invitation à la presse.

Ce 12 janvier 2017 est déclaré, par arrêté en date du 6 janvier 2017: «Journée nationale de réflexion et de sensibilisation sur la vulnérabilité d’Haïti face aux risques et désastres».

En ce sens, le gouvernement haïtien invite tous les secteurs à réfléchir sur la fragilité du pays face aux catastrophes naturelles et à œuvrer chacun en ce qui le concerne à réduire cette vulnérabilité qui a tant endeuillé nos familles.

Un ensemble d’activités de recueillement, de performances artistiques et d’expositions de peinture et de photographies sont aussi annoncées pour commémorer le 7e anniversaire de ce séisme dévastateur.

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Un autre 12 janvier nous prend par surprise

Publié le 2017-01-10 | Le Nouvelliste (Frantz Duval)

Editorial - Les vœux pour la nouvelle année s’achèvent à peine que déjà il nous faut penser à nos chers disparus. Jeudi, pour la septième fois nous allons commémorer le séisme du 12 janvier 2010.

Chacun prendra jeudi le temps de penser à où il était ce jour-là. Chacun déroulera le film de sa vie de ce mardi-là. Les souvenirs du saisissement, des peurs, des pleurs et du deuil nous assailliront.

Tenaces, reviendront les images des destructions, de nos imprudences, des manques et des faiblesses de nos constructions et de l’organisation bancale des secours.

Et si on a le temps, on se demandera, dans un éclair de lucidité, ce qui a changé en sept ans. Avons-nous mieux reconstruit depuis le séisme? Sommes-nous mieux préparés pour la prochaine fois?

Le Bureau de Communication de la Primature, dans une note rendue publique le 9 janvier, informe que par arrêté en date du 6 janvier 2017, la date du 12 janvier de chaque année est désormais déclarée: «Journée nationale de réflexion et de sensibilisation sur la vulnérabilité d’Haïti face aux risques et désastres».

Par effet de cette décision, le jeudi 12 janvier 2017, le drapeau national sera mis en berne, les discothèques et autres établissements assimilés resteront fermés, et les stations de radio et de télévision sont invitées à programmer des émissions et de la musique de circonstance.

Dans la note «Le gouvernement de la République invite tous les secteurs à réfléchir sur la fragilité du pays face aux catastrophes naturelles et à œuvrer chacun en ce qui le concerne à réduire cette vulnérabilité qui a tant endeuillé nos familles».

Doit-on remercier le gouvernement pour cette attention tardive? Pour ce reflexe commémoratif?

Le 5 janvier 2011, le 12 janvier a été déclaré « Jour national du souvenir et du recueillement » par le gouvernement du président René Préval. Certaines années, les gouvernements en place n’ont su que faire du 12 janvier.

Cette fois, on change l’appellation.

On ne parle plus du mémorial de Morne St-Christophe toujours en chantier...

Rendez-vous est donné pour «une cérémonie œcuménique qui aura lieu sur la cour du Palais national, le jeudi 12 janvier 2017 à 10 h a.m., en hommage aux victimes du terrible séisme qui endeuilla la nation haïtienne sept ans plus tôt», invite la Présidence de son côté.

Ah ce cher palais qui nous rappelle si bien combien nous n’avons pas, en tant que pays, progressé depuis 2010 pour sortir des décombres!

Le 12 janvier, cette année encore, sera notre moment. Chacun en son for intérieur. Pour penser aux nôtres, pour panser nos douleurs inextinguibles, pour dépasser nos peurs et recharger nos batteries. Comme le 12 janvier 2010, chacun sera seul dans le souvenir de ses malheurs. Dans le meilleur des cas avec les siens. Mais encore une fois, le pays ne fera pas un. Le 12 janvier nous retombe dessus comme une immense surprise. Sept ans plus tard.

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7 ans après le séisme, Haïti dispose de son premier géophysicien

Publié le 2017-09-01 | Le Nouvelliste (Frantz Duval)

Titulaire d’un doctorat en géophysique de l’Université Purdue aux États-Unis, Steeve Julien Symithe, après cinq années d’études – maîtrise et doctorat – affiche un parcours professionnel pour le moins impressionnant. Malgré les offres alléchantes des institutions internationales et américaines, notre compatriote, qui s’est spécialisé en sismologie, géodésie et géodynamique, a exprimé sans aucune hésitation sa volonté d’être ici pour servir son pays.

Passion et maturité se dégagent de ce jeune haïtien, qui confie avoir reçu des offres d’emplois très alléchantes à l’étranger, mais a choisi de rentrer au pays pour mettre toutes ses compétences et connaissances acquises au service d’Haïti. «Depuis trois mois, j’apporte mon expertise à différentes institutions qui œuvrent en vue de la mitigation des risques sismiques en Haïti dont le Centre nationale d’information géo-spatiale (CNIGS) et le Laboratoire nationale des bâtiments et travaux publics (LNBTP). Revenu au pays depuis le 24 mai, il collabore aussi avec le bureau des Mines et de l’Énergie (BME) et fait partie de l’URGéo, un groupe de recherche en géosciences à la faculté des Sciences de l’université d’État d’Haïti.

Originaire de Port-au-Prince, ce jeune homme de 33 ans qui a effectué toutes ses études classiques au collège Dominique Savio de Pétion-Ville, a pu décrocher un diplôme en génie civil à la faculté des Sciences de l’université d’État d’Haïti. Avec des mentions de toutes sortes, Steeve Julien Symithe et Roby Douilly, ont été sélectionnés en 2010, avec le concours de l'UEH, pour une bourse d'études en Sciences de la Terre à l'université de Purdue, aux États-Unis, grâce à la Fondation Voilà, dans le cadre d'un effort à long terme visant à former la prochaine génération de scientifiques sur les dangers des tremblements de terre qui menacent Haïti.

Après avoir soutenu son mémoire de master en juin 2012, été admis à poursuivre des études doctorales, toujours à l’université Purdue. «Après mes deux années de maîtrise, j’ai dû rester encore 3 ans dans l’État d’Indiana pour boucler ces études doctorales dont j’ai soutenu ma thèse le 18 avril 2016. Pendant ce temps, j’ai étudié des problèmes très intéressants. Par exemple, j’ai utilisé des données GPS sur toute la caraïbe pour étudier le comportement sismogénique des failles régionales majeures, en particulier les différentes portions de la subduction Est de la plaque Caraïbes. J’ai pu aussi étudier les déformations crustales qui se produisent au niveau de la plaine du Cul-de-Sac. Mes différents travaux de recherche sont publiés dans des revues scientifiques très cotées comme le BSSA, le JGR et le Tectonophysics», confie l’expert.

La géophysique: une compétence importante pour Haïti

Il est clair que cette compétence est une nécessité en Haïti. Il faut aussi rappeler que la décision de la fondation Voilà de financer ces deux étudiants haïtiens pour des études en géophysique est venue du fait qu’après le séisme du 12 Janvier 2010, il y a eu le constat flagrant que le pays n’avait aucun expert pouvant expliquer le phénomène qui venait de dévaster la capitale et d’autres villes avoisinantes telles Léogâne, Jacmel, etc. Ces bourses d'études étaient accompagnées d'une enveloppe de 25 000 dollars américains par an pour chacun des bénéficiaires sur une période de 3 ans. Enveloppe devant couvrir les frais de voyage et de matériel de recherche ainsi que les dépenses quotidiennes. De telles bourses sont destinées à des jeunes ayant obtenu de très bons résultats au cours de leurs études et possédant une bonne connaissance des sciences quantitatives. En attendant le retour de l’autre boursier haïtien en géophysique, Steeve Julien Symithe essaie de mettre ses compétences au service de son pays.

Le géophysicien conseille aux jeunes haïtiens qui ont l’opportunité de bénéficier de bourses d’études de prendre leurs études très au sérieux. Toutefois, il en a profité pour exhorter les jeunes compatriotes à rester ou encore revenir au pays et s’armer de courage pour apporter leur contribution au changement d’Haïti. «Je comprends bien que la situation actuelle peut laisser à désirer. Cependant, un pays ne vaut que ce que valent ses citoyens. Je suis de ceux qui croient qu’un futur meilleur attend Haïti. Il faut voir le pays comme une extension de sa personne et non comme une barque trouée qu’on peut décider d’abandonner à volonté, car Haïti à besoin de vous!»

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12 janvier, 7 ans après…

Publié le 2017-01-12 | Le Nouvelliste

12 janvier 2017. Sept ans. Pour beaucoup, une page a été tournée, des plaies se sont cicatrisées. Le commerce, par décision de l’exécutif, fonctionne et les enfants sont envoyés à l’école où ils doivent, en principe, participer à la réflexion sur un thème communiqué 48 heures à l’avance par le gouvernement sur la sensibilisation, la réduction de la vulnérabilité par rapport aux risques et aux désastres. Les processions, les gens vêtus de blanc, écrasés par la douleur et le souvenir d’une personne emportée par le séisme, sont rares dans les rues de la grande agglomération urbaine de Port-au-Prince.

Pourtant, des croyants, des irréductibles ne se sont pas alignés. Pour eux, vivre, avoir survécu ce mardi là tient du miracle, de la volonté de Dieu, un Dieu qu’il faut à tout prix remercier. L’église Altagrâce, à Delmas, a tenu son culte devenu rendez-vous. Peu à peu, le jour mange ses heures et les rayons du soleil balaient le froid du petit matin alors que le cœur du devoir de mémoire officiel bat d’abord à Titanyen, au nord de la capitale où le président Jocelerme Privert a déposé des fleurs au mémorial non encore achevé érigé, dit-on, pour « ne pas oublier » avant de retourner au « Palais national », aux environs de 10 heures.

Au Champ de Mars, vers le siège non reconstruit de la présidence, des sirènes hurlent, des véhicules diplomatiques blindés longent la rue Oswald Durand, dans ce qui semble être l’indifférence des gens et le non-respect flagrant des consignes quant à la diffusion de musique dans un lieu public. Au diable musique de circonstance!!!. Sur la place des artistes, un haut-parleur hurle un vieux tube de Zenglen, interprété par Ritchie: «Si m te ka kilòt ou mete, mwen pa tap jan m sal ni chire, pou jan m renmen w doudou…»

Plus à l’ouest, une minute à vol de papillon, à l’angle de la Faculté d’ethnologie, en face de la place Pétion, il faut passer une haie de sécurité gardée par des hommes en arme. Le périmètre immédiat du palais est bouclé, complètement stérilisé, comme s’il y a avait un petit décalage, un fossé entre les officiels et les gens en ce jour de recueillement. À l’intérieur, non loin du drapeau national flottant à demi-mât, entre des containers quelque peu cabossés et la clôture métallique, deux stands posés sous un ciel bleu clair accueillent les invités à la cérémonie œcuménique. Quelques visages sont fermés dont celui du ministre de l’Intérieur qui arbore fièrement sa pilosité ces temps-ci.

Le pasteur Silvain Exantus, responsable de la Fédération protestante d’Haïti, sous les yeux du chef de l’État, du Premier ministre et d’innombrables diplomates, revient sur ces heures sombres quand des hurlements, des cris de douleur, des appels au secours étaient lancés à Jésus. Il raconte son itinéraire, son vécu, ses épreuves, ses douleurs. La souffrance, immense ce jours-là et les jours d’après, la solidarité entre les Haïtiens, la solidarité des pays amis, ne se sont pas effacés. Ces souvenirs sont encore vivaces dans la mémoire de Mgr Zaché Duracin, de l’Église anglicane en Haïti.

Parce que les peuples ne sont pas faits pour lécher continuellement leurs blessures, l’homme d’église soutient qu’il faut passer le cap difficile du deuil et se mettre à méditer, réfléchir, prier «pour que le Très-Haut qui connaît tout de nous puisse être avec nous dans le malheur et nous donne le courage et l’intelligence de nous en sortir». En termes clairs, pour l’obtention de l’indispensable esprit d’unité, il faut la mise en commun, le talent, la force, le courage et l’habilité pour reconstruire le pays au point de vue physique, moral, économique et spirituel, poursuit-il.

Pour le plus haut dignitaire de l’Église anglicane au pays, il faudrait mettre une sourdine aux «luttes intestines» qui «empêchent d’avancer». «L’heure est grave, les défis sont grands», souligne Mgr Zaché Duracin. Le respect des normes parasismiques est essentiel. L’État, la société civile, chaque citoyen, chaque citoyenne doivent assumer leurs responsabilités.

7, chif pwen..

En créole, Euvonie Georges Auguste, mambo, prêtresse vodou, à cœur ouvert, dans le speech du plus poignant, revient sur le fait que, contrairement à une croyance répandue que le séisme du 12 janvier est «une fatalité», «une punition», sur l’urgence de construire une résilience collective et dépasser les clivages pour offrir un pays meilleur aux survivants du séisme, aux victimes du chômage, de la misère, de la pauvreté qui participe au renforcement de la vulnérabilité. Il faut le faire. Avec un leadership collectif haïtien. 2017 correspond aux 7 ans du séisme, le chiffre 7 qui est le chiffre du «pwen», d’un gage de courage, de force, et de détermination, soutient Euvonie Georges Auguste, chantre la révolte pour faire sauter de la pauvreté dans nos esprits, militante ouverte de la cause de l’émergence d’un «leadership collectif».

L’unité, l’imagination pour bâtir la résilience reviennent aussi, cette fois sur les lèvres de Mgr Pierre André Dumas de l’Église catholique apostolique romaine qui évoque l’extraordinaire élan de solidarité après le tremblement de terre. Par rapport aux aléas sismiques, il est nécessaire d’éduquer, de conscientiser la population tout en travaillant sur des mesures sociales et économiques dans le but de créer un environnement plus sûr. Cela participe d’une gestion intelligente des risques, souligne-t-il.

En écho à ces leaders religieux, l’ingénieur Claude Prépetit, l’apôtre dans le désert de l’incurie, de l’incrédulité des pouvoirs publics, de la société face à la menace sismique avant le 12 janvier 2010, a dressé un tableau qui donne froid dans le dos. Entre cyclones, inondations, sécheresses, tremblements de terre, tsunamis, glissements de terrain, liquéfactions de sol, Haïti sous des mauvaises latitudes et longitudes, logée à l’enseigne des catastrophes et de la mauvaise gouvernance, peut avoir un rendez-vous durable avec la pauvreté, la pauvreté extrême si le sursaut n’intervient pas pour la mitigation de ces risques, détaille Claude Prépetit, scientifique froid, capable d’analyse sur des choses graves, sans laisser transpirer ses sentiments. «Ces risques ne sont pas une vue de l’esprit», glisse-t-il, comme pour recadrer tout reflexe d’incrédulité. Haïti n'a d’autre choix que la prévention. Il faut avoir des comportements aux menaces.

Prépetit, diagnostic froid pour de chaudes préoccupations

À côté de la sensibilisation, Claude Prépetit évoque les politiques publiques. Pour lui, le pays doit «intégrer la réduction des risques dans les politiques de développement», appelle-t-il. Le chef de l’État, Jocelerme Privert, après avoir «honoré» les disparus à Tintanyen, estime lui aussi que le pays ne peut pas «se limiter à ce deuil. Ce n’est pas suffisant». «Créer un nouveau cadre, une nouvelle posture. Des actions sont indispensables, plaide le chef de l’État qui, au passage, jonglant d’une catastrophe à l’autre, a décerné aux représentants de la République dominicaine, de l’ONU, l’Union européenne, des États-Unis, de Cuba, de la Colombie, du Vénézuéla, de la société des Croix-Rouge aux coopérants du domaine médical, au Système national de gestion de risque et de désastre des «médailles de reconnaissance».

La mention de la reconnaissance souligne que les médaillés l’ont été pour avoir, après le passage de l’ouragan dévastateur Matthew, «orienter leurs aides à travers des canaux du gouvernement». De Sandra Honoré à Vincent Degert en passant par Peter H. Mulrean, Ruben Sillie Valdes au nom de leurs pays respectifs, tous les diplomates ont mis en avant l’amitié entre les deux pays et renouvelé l’engagement de leur coopération, de leur soutien au peuple…En milieu d’après-midi, au Champ de Mars, des orchestres ont rendu hommage en musique aux disparus alors que le président élu, Jovenel Moïse, et sa femme Martine Moïse se sont rendus au mémorial des Titanyen. Le prochain locataire, jusqu’au bout du recueillement, n’a fait aucune déclaration à la presse.

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«Rien n’a changé», 7 ans après,
selon le docteur en science politique, Fréderic Thomas

P-au-P, 12 janv. 2017 [AlterPresse] --- «Rien n’a changé», 7 ans après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, selon le docteur belge en science politique, Fréderic Thomas, auteur du livre «L’échec humanitaire/ le cas haïtien », rendu disponible en ligne pour téléchargement gratuit à l’occasion de l’anniversaire du tremblement de terre.1

«Les problèmes posés et les solutions avancées par les médias occidentaux, les organisations internationales et les acteurs humanitaires ne me semblaient correspondre ni à la situation du pays ni aux revendications des haïtiens », déclare Thomas dans un entretien avec AlterPresse, à l’occasion du 7e anniversaire du séisme.

L’urgence, pour lui, n’était pas d’agir et de parler à la place des haïtiens, mais plutôt d’«analyser» et de «démonter» la logique d’une aide où convergent «néocolonialisme», «néolibéralisme» et l’«action humanitaire», souligne-t-il.

Il estime que «la logique humanitaire ne peut ni répondre aux racines du problème ni renverser les conditions qui condamnent Haïti à la répétition des catastrophes naturelles».

Qu’avez-vous fait de notre argent? Quel bilan, quelle référence? Qui évalue quoi?, s’interroge, dans son livre, Thomas qui a travaillé avec et pour Haïti, avant et après le tremblement de terre du 12 janvier 2010.

Les pays donateurs avaient promis à l’époque près de 10 milliards de dollars américains (US $ 1.00 = 68.00 gourdes; 1 euro = 78.00 gourdes) à Haïti en vue de sa reconstruction.

«Il conviendrait de réorienter la manière de rendre compte, en faisant en sorte que les donateurs, médias et bailleurs ne soient plus les seuls donateurs et juges», recommande le docteur en science politique.

 Malgré l’expérience qu’ils ont accumulée pendant des décennies, les organismes ont encore de la difficulté à faire un diagnostic adéquat des besoins des bénéficiaires en matière d’aide humanitaire (…)».

Ces organismes ne tiennent pas suffisamment compte des capacités et des ressources locales, critique-t-il, dans son livre de 74 pages, dont l’édition papier remonte à 2013.

Chargé d’étude au Centre tricontinental (Cetri) basée à Louvain-la-Neuve (Belgique), Frédéric Thomas est membre de la revue «Dissidences».

Il a reçu le prix quinquennal de l’essai de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour  Salut et libert : regards croisés sur Saint-Just et Rimbau ».

  1. http://www.cetri.be/L-echec-humanitaire-Le-cas-haitien

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SITUATION DES ECOLES SEPT ANS APRES LE 12 JANVIER

Publié le 2017-01-12 | Le Nouvelliste (Ricardo Lambert)

Construit, inachevé, non reconstruit Certaines écoles de la place détruites en 2010 ont changé de visage. À la place de l’amas de gravats et des matériels amochés, ce sont des immeubles flambant neufs qui trônent. Mais d’autres peinent encore à se relever. Non par manque de volonté mais faute de moyens.

Cela a mis du temps mais la silhouette de certains établissements scolaires de l’aire métropolitaine se dessine enfin. Belle architecture, structure moderne respectant les normes parasismiques, cadre agréable pour que les élèves puissent s’épanouir et surtout construction différente d’avant 12 janvier sont parmi les caractéristiques de ces édifices. Avec leur propre fonds ou l’aide de la fondation Digicel, certaines écoles peuvent accueillir dans un espace convenable leurs apprenants et leurs professeurs.

Collège Saint-François d’Assise

Le collège Saint-François d’Assise était sur la liste des détruits. Rayé de la carte, il fait peau neuve. Les immeubles sortis de terre sont imposants, modernes, rassurants et captent la vue à des mètres tout autour. Arbres et fleurs fleurissent dans la cour de création dégageant une fraîcheur irrésistible.

De l’auditorium assez grand, qui se trouve à l’entrée, à droite, pour arriver au dortoir des sœurs, en passant par les deux principaux immeubles parasismiques avec leurs structures métalliques, regroupant quelque 24 salles de classe, le Collège Saint-François d’Assise a tout fait en grand. Pour rehausser le décor, il y a deux grands hangars où les élèves peuvent se percher pour prendre leur lunch. La reconstruction s’est achevée en 2016. Les élèves rencontrées semblent profiter pleinement de leur nouvel établissement. « On a peiné pour arriver là. On n’avait pas d’argent, alors on a dû recourir à des emprunts », nous a confié une sœur avant de rappeler, nostalgique, que ce collège fut le plus grand de la capitale en termes de bâtisse.

L'Institution du Sacré-Coeur de Turgeau

L'Institution du Sacré-Cœur de Turgeau, l’une des plus anciennes écoles du pays, fondée en 1905, se relève enfin. Non satisfaites de l’immeuble en structure légère érigée quelques mois après le séisme pour redémarrer les cours en toute sécurité, les sœurs du Sacré-Cœur, de la congrégation des filles de la sagesse, ont lancé la construction de deux immeubles en structure métallique pouvant servir d’établissement scolaire définitif pour les élèves.

Le premier, complètement achevé à la même superficie et à la même hauteur que l’autre en chantier. La différence réside au niveau du temps pour livrer la marchandise. «Pour le premier, on a mis quatre mois, pour celui-ci on dispose de six mois», a expliqué l’ingénieur Jocenel Noël, rencontré sur le chantier, passant des instructions aux maçons. On aurait dit deux tours jumelles. Chaque immeuble compte deux étages, regroupe 24 salles de classes et ce sont des poutres métalliques qui forment entièrement leurs squelettes. «Beaucoup de barres d’acier pour s’assurer de la fiabilité du bâtiment ce n’est pas excessif. Au contraire, cela augmente le degré de sécurité», a-t-il assuré.

La Chemtek

La Chemtek est la seule école professionnelle de chimie en Haïti. Située à Turgeau, son immeuble de deux étages s'est effondré le 12 janvier. Six étudiants sont morts et beaucoup d’autres ont été blessés ce jour-là. Sept ans après, cette école assure la formation de ses étudiants et loge son personnel dans des structures provisoires en plywood. «Il a fallu l’intervention du ministre de l’Education nationale d’alors, Joël Desrosiers Jean-Pierre, pour construire les quatre salles et la direction administrative que nous avons aujourd’hui», a indiqué Elisabeth Malval.

«L’USAID nous a fourni une génératrice et d’autres matériels pour le laboratoire. Des matériels complémentaires pour le laboratoire qui renferme 34 places de travail ont été aussi octroyés par deux universités de Chicago (USA), par l’entremise de Frantz Cartright, un ami du couple Malval. Ces dons ont permis à l’école de rouvrir ses portes un an après la catastrophe», a-t-elle expliqué.

Malgré la précarité, au laboratoire de la Chemtek, on ne lésine pas sur les mesures de sécurité, extincteur, lunettes de protection, laine contre le feu, tout y est.

La Chemtek, qui existe depuis 1982, va continuer son œuvre non sans difficulté, assure Philippe Malval, le directeur, qui dit croire que le plus dur a été surmonté. «Il nous faut reconstruire mais pour l’instant nous ne disposons pas des ressources financières nécessaires», a-t-il confié. Très fier de la couverture d’assurance accident que la Chemtek offre à tous ses étudiants, le directeur compte se lancer à la recherche de stage pour eux à l’étranger. Une nouvelle étape en attendant la reconstruction.

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7 ans déjà pour questionner notre capacité à construire et à nous reconstruire

Publié le 2017-01-17 | Le Nouvelliste (Renauld Govain Doyen Faculté de Linguistique Appliquée UEH)

Je m’en souviens encore. Le 12 janvier 2010 a ébranlé nos tripes, coagulé notre sang, étreint nos cœurs, nous enlevant nos sœurs et frères par centaines de milliers. Des décombres de la Faculté de Linguistique Appliquée (FLA) de l’Université d’État d’Haïti (UEH), où j’ai passé une quarantaine de minutes, j’ai entendu des cris de détresse, vu des nuages de sang qui fusaient de toutes parts. Et à ma sortie, j’ai surpris une épaisse colonne de poussière embraser le ciel de Port-au-Prince.

Rien de plus dur que d’admettre l’inacceptable. Que de voir en moins d’une minute partir ceux que nous avons mis des années à chérir, mais qui ne deviennent, rien qu’en 35 secondes, qu’un percept inoubliable. La chair des nôtres a servi de bourroir pour niveler les rides d’une terre haïtienne assoiffée de sang. Et si l’on doit apprécier à sa juste valeur ce qui est réalisé dans le cadre de la reconstruction dans les diverses acceptions du terme, on conclura au fait que leur sang a coulé pour rien.

Aucune leçon ne semble être tirée de l’événement, aucune mesure de reconstruction dans le sens infrastructurel du terme n’est guère remarquée. D’après les chiffres plus ou moins officiels, le séisme aurait occasionné 300 000 morts et disparus, presque autant de blessés et un peu plus d’un million et demi de sans-abri. Parmi ces morts et disparus, la FLA, l’entité la plus touchée de l’UEH, en a compté plus de 200, dont le doyen Pierre Vernet, le vice-doyen Wesner Mérant, les professeurs Yves Alvarez et Nelson Jean-Félix. La liste des étudiants, dont ma sœur, la benjamine de ma famille, est trop longue pour mentionner des noms.

7 ans déjà : et la reconstruction?

Depuis déjà 7 ans, nous intégrons dans nos comportements une nouvelle routine dont le sens et la portée sont à questionner par rapport à ce que l’événement conduisant à cette routine représente tout aussi bien par rapport aux espoirs que cette tristement célèbre catastrophe semblait augurer. «Plus jamais comme avant», n’est-ce pas le leitmotiv qu’on entendait répéter Monsieur tout-le-monde et Madame la-foule? Qu’en est-il des comportements au plus haut niveau de l’État, 7 ans après?

Dans son discours officiel à l’occasion de l’ouverture de la deuxième année parlementaire de la 50e législature, le président provisoire de la République, M. Jocelerme Privert, a rappelé que la journée du 12 janvier était une journée de réflexion et non une journée chômée. Dans un communiqué du 10 janvier 2017, le gouvernement provisoire a précisé qu’il s’agissait d’une «journée nationale de réflexion et de sensibilisation sur le vulnérabilité d’Haïti aux risques et désastres».

Une journée de réflexion est une bonne chose, mais depuis 7 ans nous y réfléchissons, n’est-ce pas? Mais de quelles actions concrètes ou correctrices auraient déjà accouchées ces réflexions? Car il ne s’agit pas de réfléchir pour réfléchir. Mais réfléchir pour comprendre. Comprendre pour avancer dans la bonne direction et agir. Agir pour construire. Construire pour déconstruire. Déconstruire pour reconstruire. Reconstruire pour corriger. Corriger pour éviter. Éviter pour prévenir, car prévenir vaut mieux que guérir.

En effet, le 12 janvier s’est inscrit dans les annales nationales haïtiennes comme une grande date mémorielle. Mais la réflexion doit avoir un horizon, une balise. Sur (à) quoi réfléchir exactement? Deux grands thèmes peuvent servir à résumer les conséquences du séisme de 2010: la mort et la décapitalisation. Nous avons perdu des parents, des voisins, des proches, des amis, des connaissances. Nous avons perdu des biens de tous genres. De ce fait, doit-on réfléchir à la mort? À la perte de nos biens et de nos capitaux qui en sont le corollaire? Non. Non, parce que ces éléments constituent une évidence factuelle: nos chers (j’ai failli écrire ‘chair’) disparus et nos biens perdus furent et ne sont plus. Sans vouloir nier le caractère mémoriel que représentent les uns et les autres (notamment nos chaires disparues) – c’est d’ailleurs ce qui nous préoccupe ici – nous osons les considérer comme appartenant au néant du point de vue du monde physique, visible, réel, ponctuel, factuel. Ils appartiennent désormais à ce spectre mémoriel que nous aurons toujours devant notre conscience d’hommes et de femmes mus par le sens du bien et de la vérité.

Nous sommes plutôt devant un phénomène désormais familier, celui des activités sismiques qui sont en constants mouvements, qui peut, par son caractère constant et mouvant, se reproduire à n’importe quel moment. Nous devons vivre avec et nous en protéger au maximum. Et les conséquences de ce phénomène (pour être concret on pourrait considérer celles du tremblement de terre de 2010) tendent à nous placer devant l’une des limites de la science en général: elle n’est capable de prévenir ni le séisme ni la mort. Elle peut prolonger la vie, donc retarder la mort en quelque sorte, mais incapable de le prolonger indéfiniment. Encore qu’un individu peut être mort cliniquement et gardé dans une certaine vie sous respiration-machine, d’autres parleraient plus élégamment de respiration artificielle.

Mais, un fait est que cet individu ne peut plus exercer les activités motrices habituelles, ce qui fait que l’imaginaire vulgaire le considère comme mort, n’en déplaise aux techniciens de la biologie en général et de la médecine en particulier. De même, si la science peut identifier l’existence de plaques tectoniques dans une région donnée et des activités sismiques qui en découlent, émettre des hypothèses sur l’avènement d’un éventuel séisme et des répliques y relatives, elle est incapable de prévoir (voire prévenir) son arrivée effective qui, donc, surprend peu ou prou.

C’est que la mort comme le séisme obéissent à des forces naturelles qui semblent échapper au contrôle humain. Ce n’est pas que les phénomènes qu’ils représentent dépassent l’«entendement scientifique». Mais les actions de certaines forces naturelles sont incontrôlables et irréversibles lors mêmes qu’elles sont saisissables par l’esprit humain.

Alors quel devrait être l’objet de notre réflexion? Les réponses à cette question peuvent être plurielles. Elles peuvent, donc, être fonction de celui qui regarde le problème. Encore que le problème ne suscite pas des représentations singulières qui se donneraient quasipareillement à tout le monde. Pour un individu, même les réponses peuvent varier aussi avec le temps, car la compréhension du problème peut évoluer suivant divers facteurs qui peuvent lui être tant internes qu’externes.

Pour ce qui me concerne, j’estime urgent que, pour ce 7e anniversaire, nous exercions notre réflexion sur notre capacité à reconstruire nos infrastructures, à nous reconstruire, à reconstruire la mémoire des disparus de nos erreurs collectives.
Reconstruire la mémoire collective au service du bien communautaire

Nous sommes incapables de construire même la mémoire collective sur des expériences historiques à valeur communautaire. Et cette défaillance mémorielle ne rend pas service. Peut-être que si nous avions appris à construire la mémoire, le nombre de victimes serait moindre à l’occasion du séisme de 2010. Comme je l’ai indiqué ailleurs (Govain, 2011) , on peut voir une grave défaillance mémorielle dans le fait qu’aucun manuel scolaire n’ait rendu compte du fait que deux séismes quasisuccessifs avaient détruit Port-au-Prince: le premier deux ans après sa fondation, soit en 1751; le deuxième 19 ans plus tard, soit en 1770, Port-au-Prince ayant été fondé en 1749. Il s’agit d’informations qui devraient être banalisées dans des livres d’histoire élémentaires de sorte que tout scolarisé haïtien puisse en être au courant et modeler ses comportements en fonction du fait que la ville est construite sur une zone à activités sismiques.

On pourrait ainsi avancer que construire et maintenir la mémoire collective au regard des expériences historiques nationales consiste conséquemment à se construire et reconstruire l’univers communautaire en perpétuant les connaissances qui sont de nature à nous éviter d’éventuelles fâcheuses conséquences d’un déni historique.

Le problème de la reconstruction postséisme: conséquence d’un manque de vision politique au plus haut niveau.

La direction politique d’un pays à peine sorti d’une catastrophe, qu’elle soit naturelle ou humaine, ne peut être rentable que si elle sait établir ses priorités de manière pragmatique. En effet, après être sorti d’une expérience comme celle du séisme haïtien du 12 janvier 2010, il est évident que tout sera vu comme prioritaire. Mais, un décideur digne de ce nom saura que, pour avancer dans la meilleure direction, il faudra établir des priorités dans la foulée. Les observables en 2017 montrent que les choix des décideurs n’ont pas abouti aux attendus primaires. Et cela traduit un manque de vision de la part de ces décideurs de tout bord.

Les Haïtiens victimes de leur choix

Les Haïtiens sont généralement victimes de leur choix mais ne tirent jamais les leçons de l’échec de ces choix. Je ne vais pas épiloguer là-dessus mais, pour s’en convaincre, il suffira de jeter un coup d’œil sur le choix des dirigeants à la magistrature suprême que nous avons fait à la suite du séisme. Je prends en exemple cette période parce que c’est du séisme que je parle et des leçons qu’on doit en tirer. Sinon, je pourrais prendre en considération n’importe quelle autre période de l’histoire récente de notre pays, en particulier l’histoire post-quatre-vingt-six. Je mets n’importe quel lecteur en défi d’indiquer combien d’argent a été dépensé pour la construction de «la belle entrée» du Carrefour de l’aéroport et d’établir l’adéquation raisonnable entre les dépenses effectivement consenties et le livrable! On pourrait faire le même exercice pour le bâtiment de la rue des Casernes, qui doit, dit-on, abriter le ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales! Je pourrais allonger la liste des réalisations postséisme et faire le même exercice consistant à établir l’adéquation raisonnable entre les dépenses annoncées et le livrable (lorsque ces dépenses ne sont pas trop irrégulières pour être chiffrées) et que la «raisonnabilité» de cette adéquation résonne avec la conscience moyenne de l’honnête citoyen imbu du devoir de s’informer des relations entre le coût des produits divers et ce que ces produits permettent de réaliser en temps et lieux.

On pourrait ici se poser la question de savoir si la construction de ce pont à cet endroit qui n’en avait guère besoin est plus rentable que celle d’une institution d’enseignement supérieur qui prépare des jeunes à s’investir dans le processus du développement durable qui doit caractériser la marche de tout État qui croit à l’autodétermination. Mais, pour penser ainsi, le décideur doit avoir une certaine idée de ce qu’on appelle l’enseignement supérieur et son importance pour l’avancement d’une communauté. On conviendra qu’un dirigeant comme un président de la République, par exemple, ne sait pas tout, comme tout homme d’ailleurs, et qu’il lui est impossible de songer à tout à la fois, n’ayant pas le don d’ubiquité et n’étant pas omniscient. Mais, c’est justement pour cela qu’il a à sa disposition un cabinet de conseillers sur des sujets divers. Or, les expériences haïtiennes de ces deux dernières décennies nous montrent qu’il se pose un grave problème à ce niveau. C’est que ces conseillers sont trop intéressés. Ils ont trop d’intérêts immédiats dans la chose politique et dans la chose économique à la fois. Ou bien ils donnent des conseils dont l’application peuvent leur être profitable immédiatement, ou bien ils en donnent en vue de plaire au chef, des conseils qu’ils croient qu’il aurait aimé entendre.

L’argent dépensé dans le cadre de la mobilisation de l’aide humanitaire à la suite du séisme

Parmi nos choix inconsidérés après le séisme, je ne pourrais ne pas mentionner la fabrication de la Commission intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH: 21 avril 2010 – 21 octobre 2011) dans le but, comme son nom l’indique bien, de reconstruire le pays dont la capitale notamment a été détruite à un fort pourcentage. Donc, durant exactement 18 mois, les agents de la CIRH ont englouti une bonne partie du montant de l’aide internationale (bilatérale et multilatérale) en termes monétaires, estimée à environ 6 milliards 43 millions de dollars déboursés entre 2010 et 2012. Le film documentaire – Assistance mortelle, du réalisateur haïtien Raoul Peck– nous en dira long.

Je ne souhaite pas blâmer nos victimaires. Le vulgaire dicton populaire haïtien enseigne que «quand le sot en donne, seul refuse d’imbécile en prendre». Et comme il en restera toujours au sot à donner, l’imbécile prendra à chaque fois. Le choix qu’avait fait le décret de l’état d’urgence pris peu après le séisme sous l’administration du président Préval et la Primature de Jean-Max Bellerive a ignoré l’existence de la législature en place à l’époque. Et les agents de la CIRH, sous la direction de celui qui aime tellement Haïti (l’ancien président américain, Bill Clinton, pour ne pas le nommer), qu’il a contribué à l’affaiblissement de son économie et de sa production nationale à divers égards, ont eu les coudées franches pour «couper-hacher» comme bon leur semble. Ha ha! Confier la reconstruction du pays, puisque c’est bien de cela qu’il s’agissait à ce moment-là, à des étrangers… voilà un exemple de choix haïtien qui ne peut qu’enliser le pays dans le sous-développement. Et les résultats ne manqueront jamais de s’aplatir sur notre visage. Quelle connaissance dispose l’Internationale du pays pour qu’elle s’engage dans sa reconstruction au grand dam des nationaux? Les responsables de l’exécutif en place ont choisi volontiers d’être sous-traités par la Communauté internationale dans un dossier à la fois national, communautaire et intime qui concerne les Haïtiens au premier chef. Quelle idiotie! Et ils ne sont même pas gênés de s’en défendre avec arrogance même!

Par ce décret, l’État haïtien a consacré sa propre mise à l’écart dans la gestion de l’aide internationale en oubliant que les acteurs étrangers cherchent avant tout leurs propres intérêts en tout. Comme les temps ont changé, ils ne diront peut-être pas que nous avons une différence de chromosome par rapport à la normale. Mais ils diront que nous en avons un de crochu.

On pourrait comparer le nombre de bâtiments construits par l’administration du président de la première élection post-séisme au nombre de bâtiments détruits par cette même administration. Mes yeux et mon cerveau s’entrechoquent toujours lorsque j’emprunte la rue de la Réunion. Parce que j’ai du mal à concevoir qu’un décideur puisse accepter de faire démolir des bâtiments qui ont passé la tragique épreuve du goudougoudou sans avoir un projet de reconstruction éprouvé. Qu’on me rende fou ou sage, cette décision ne peut pas avoir germé dans le giron du palais national de Port-au-Prince. Elle doit lui avoir été dictée de l’extérieur!

J’espère me tromper! Mais j’ai la sûre croyance que le rasage de la rue de la Réunion peut être la réalisation la plus concrète et le projet le plus abouti de cette CIRH qui nous a été imposée et dirigée par l’Internationale qui, ne serait-ce que pour cette expérience précise, se présente comme une sangsue de marécage sauvage. Mais sans une certaine bonne coopération de la part d’autorités au plus haut niveau de l’État haïtien, sa tâche n’aurait pas été aussi facile!

Quid de la construction du campus de l’UEH?

Devant l’inflation des promesses fusant de toutes parts, l’UEH a sauté sur l’idée de la construction d’un campus universitaire et de la standardisation, voire la modernisation de son système de fonctionnement général. Mais, aujourd’hui, la situation infrastructurelle de l’UEH est pire qu’elle n’a été avant et au lendemain du séisme.

J’avais cru l’UEH se lancer, à ce moment-là, à la recherche de standard de fonctionnement d’une institution de son rang. Je me rappelle, pour avoir été membre du Conseil de direction de la FLA établi peu après le séisme, que le rectorat de l’UEH (RUEH) d’alors avait fait des démarches pour la construction d’un campus à Damien, au moins une firme internationale a été engagée pour l’étude. Des visites guidées du site ont été organisées par le RUEH. La maquette des bâtiments a été montée, mais… «nade-et-marinade». Donc, de l’argent dépensé gratuitement.

Qui cherche trouve, dit le vieil adage. Or, l’UEH a cherché mais n’a rien trouvé à ce niveau. L’échec des démarches de l’UEH peut-il s’expliquer par des erreurs de procédure? Par un manque de vision dans ce qui différencie le faisable de l’onirique? Ou est-il à confondre dans l’échec général de l’aide internationale à Haïti? Ou encore, l’UEH s’était-elle laissée emballée trop naïvement par les promesses de marin de l’Internationale? Nous n’envisagerons pas ici de réponse à ce questionnement.

La construction de la FLA dans la foulée

La FLA fonctionne depuis ces 7 ans dans des conditions décevantes. Pour vous en convaincre, je vous invite à une visite des lieux. Cela vaudra bien mieux que les complaintes que je pourrais produire ici.

L’État haïtien est en passe de devenir un État mendiant. Les élections à la présidence ralentissent – curieusement – l’élan économique du pays. En effet, ce ne sont pas les élections en soi, mais leur financement dans le noir qui constitue, paradoxalement, un frein dans la perception des taxes nécessaires à l’élargissement de l’assiette fiscale nationale: ceux qu’on est en droit de considérer comme les grands contribuables échappent souvent au contrôle fiscal formel parce qu’ils financent les campagnes électorales des présidentiables. Et, ainsi, en guise de récompense, une fois parvenu au pouvoir, le président de la République leur accorde comme par enchantement des franchises douanières. Alors que le fisc resserre les boulons des petits contribuables de la classe moyenne et des petits marchands. Cette expérience malsaine sur le plan fiscal met toujours le trésor public devant un grand manque à gagner. À cela s’ajoutent des dépenses souvent inconsidérées, voire irréfléchies du dernier ex-exécutif constitutionnel qui s’amusait à fêter tous les ans l’anniversaire de son accession au pouvoir.

Quel pays peut bien fonctionner économiquement sans la perception régulière des taxes et impôts des personnes physiques et morales selon des principes qu’il aura établis sur des bases juridico-légales justes et équitables? Sinon, on aura toujours cet État failli, mendiant, impotent. Voyez-vous raison que c’est en 2017 que les choses en seraient autrement? Au contraire, y croire serait naïf ou expliquerait le fait qu’on n’observe ni ne comprend rien de l’expérience électorale haïtienne de 2015 à nos jours.

Comme l’UEH est une institution indépendante dont le budget est financé par le Trésor public, elle se voit obligée de se traîner dans ce comportement à peine décent. Et nous aussi à la FLA, nous nous sommes vus obligés de nous y entraîner, non sans gêne et honte. Nous avons tendu notre bol bleu à plusieurs institutions internationales mais la réponse généralement essuyée – qui semble un leitmotiv – est que les urgences provoquées par des impondérables notamment naturelles les empêchent de contribuer à l’exécution d’actions non programmées comme celles qu’exige la demande qui est nôtre.

Rien qu’à regarder l’état de certaines infrastructures administratives physiques émanant de l’État, on comprend que ce que nous avions cru être une erreur des élaborateurs du document plan de reconstruction du gouvernement en place à l’époque, qui a parlé de «abris provisoires permanents». Le colonel Himler Rébu – qui avait découvert cette expression inédite – pourra se rappeler que je lui avais indiqué qu’il ne saurait s’agir d’une erreur mais d’un certain niveau de vérité qui remontait de l’inconscient discursif et qu’il faudrait mettre du temps à évaluer en tant que telle. Aujourd’hui, les infrastructures de fonctionnement d’institutions d’enseignement supérieur tels la FLA ou l’ENS, entre autres, viennent confirmer que ce n’était nullement une erreur sortie du néant.

Et comme on n’est pas prêt de conclure sur ce sujet…

Le cri des mourants des décombres de la FLA et de partout résonne encore dans ma conscience. J’ai tendu la main à la défaite ce jour-là. Mais la mort a baissé le bras. Je ne saurais oublier ce jour qui nous a fait tant de tort. Une pensée spéciale pour nos devanciers de l’occasion. Du réconfort pour leurs familles. La FLA n’oublie et n’oubliera jamais tant qu’elle existe! Elle ne peut pas oublier car, pour paraphraser mon prédécesseur Rogéda Dorcil, «manje bliye se lasini memwa». Or, l’un de nos devoirs est de perpétuer la mémoire, l’université étant un lieu de mémoire.

Ce texte est un plaidoyer pro domo pour attiser la conscience des responsables à la fois de l’État haïtien mais aussi des responsables de l’UEH afin qu’ils sachent orienter leurs actions budgétaires en direction du prioritaire, du nécessaire, de l’urgent. La FLA ne peut plus continuer à évoluer dans la situation infrastructurelle qui est la sienne. Il s’agit aussi d’un plaidoyer pour la reconstruction tout à la fois physique et symbolique de l’environnement haïtien mais aussi bien de la construction intellectuelle de l’être haïtien.

Je terminerai en soulignant que j’ai retenu de la fable CIRH l’évidence que nos dirigeants n’ont guère foi en ce qu’il y a lieu d’appeler l’autodétermination du pays. Ils conditionnent leur réussite à l’intervention d’un tiers en oubliant que ce tiers n’a et n’aura pas le même intérêt que nous. Le pays peut-il évoluer et se développer durablement avec ces générations de dirigeants de cette mentalité? Des dirigeants qui croient à l’aide internationale au développement durable sont des analphabètes politiques. L’aide internationale au développement durable sera efficace à la mort de la concurrence entre les États. Et la mort de la concurrence entre les États ne peut être que postérieure à la fin du monde!

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La cathédrale après le séisme

Garoute Klode. Nader Haitian Art

Déjà sept ans...Sept ans après,
nous ne sommes pas prêts
d'oublier. Ce jour combien fatal
quand la mort jusqu`à l'horreur
près de trois cents mille
fois t'a frappée Ô Haïti, le mal
nous est resté dans le cœur
gravé de sang indélébile...
Seulement quelques secondes
ont détruit tout un monde,
la terre a tremblé et les portes
de l'enfer se sont ouvertes,
dans le néant qu'importe
sans la moindre alerte
tout emporté sur son passage
sans égard ni de l'âge
ni du fort qui semblaient défier
le temps. Tout est éphémère
mais il y a un temps de l'amer
qu'on ne peut jamais oublier...
Haïti! Haïti! Mon pays!
Même si je t'ai laissé
je ne t'ai point trahi,
par-delà les sept mers
j'ai été ton cœur chercher,
ton sol coulé vers l'amer...
Tes fils sont partis là-bas
où dans ton sang tu bats
la campagne, ta veine
de divisions vaines
déchirée d'issues,
d'une misère sans issue…

Guy Cayemite

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