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Séisme à Haïti - 12 janvier 2010
Galérie Nader quelques jours après le séisme. Photo Famille Nader.
Un an après
12 Janvier 2011
par Paul Sanon
La Reconstruction promise par la Communauté Internationale n’est jusqu'à date qu’une farce et un vœux pieux un an après le séisme dévastateur du 12 Janvier 2010, qui a fait plus de 300,000 morts, 300,000 blessés et des dégâts matériels et de pertes économiques de plusieurs milliards de dollars. Outre des travaux de réaménagement de l'aéroport international et le nettoyage de certaines artères principales des grandes villes, rien n'a vraiment changé. Des millions de personnes vivent encore dans des camps, et les décombres ne sont pas encore enlevés. On n’aperçoit pas de construction de grandes infrastructures telles que routes, hôpitaux, ports, eau, et logement. Existe-il un plan qui englobe toute l’étendue du territoire? Il parait que non! Pourtant dans ce décor macabre, les blessures se guérissent et l’espoir timidement refait surface. Peut-être, chez nous, l'espoir et le désespoir se confondent.
Il est vrai que même dans les pays développés, la reconstruction après des catastrophes naturelles est souvent lente. Le World Trade Center et la Nouvelle-Orléans sont des exemples frappants. Notre situation est pire puisque nous sommes beaucoup plus pauvres et moins organisés. Par conséquent, le séisme du 12 Janvier 2010 peut être considéré non seulement comme une catastrophe naturelle, mais aussi un désastre économique hors-pair. De plus forts séismes au Chili et en Nouvelle-Zélande n'ont pas causé autant de dommages matériels, de blessures et de pertes de vie. Ce n’est pas le séisme en tant que tel qui nous a causé autant de tort et mal mais notre propre misère et l’absence de lois d’urbanisation, de structures, d’infrastructures et d’institutions. Nos constructions anarchiques nous ont pratiquement tués.
Avant le séisme, plus de 3 millions de personnes vivaient dans la République de Port-au-Prince. Mais comment peut-on reconstruire dans les mêmes conditions dans une zone surpeuplée, avec un taux de chômage élevé et une infrastructure publique qui a été construite pour 100.000 personnes. Nous ne devrions pas parlé de RECONSTRUCTION sans solutionner certains problèmes endémiques qui nous hantent depuis des temps immémoriaux. Nous ne devrions pas utiliser Port-au-Prince avec ses tentes comme des manèges stratégiques et politiques pour bénéficier de l'aide internationale. Parait-il que de nombreux vautours locaux et internationaux bénéficient de nos malheurs et de nos misères. Nous ne devrions pas aborder le processus de reconstruction sans un débat national sur des questions importantes telles que: le surpeuplement de Port-au-Prince, la décentralisation, l'éducation, les investissements étrangers, l'agriculture, le système judiciaire, le tourisme, la corruption, la sécurité et la taxation. Que reconstruisons-nous? Les mêmes systèmes, la même mentalité, les mêmes injustices, la même corruption !
Si tous les services du gouvernement, les possibilités d’emplois, les accès aux soins de santé et à l'éducation sont centrés à Port-au-Prince, le reste du pays inévitablement s’y rendra à la recherche des meilleures opportunités. Nous ne pouvons pas parler de reconstruction sans promouvoir dans les zones rurales un certain niveau de développement durable; en soutenant l'agriculture, en construisant de bonnes écoles, des routes, et en créant des emplois et des opportunités pour tous pour le plein épanouissement de l’homme haïtien. Nous devrions inclure toute l’étendue du territoire dans le plan de reconstruction. Le reste du pays doit être considéré comme piliers et poutres pour la reconstruction d'Haïti. Si non, Haïti continuera de s’enfoncer sous son propre poids, car la majorité des haïtiens vit encore dans les zones rurales dans des conditions post-séismiques depuis plus de 200 ans. Ce qui n’a jamais pratiquement dérangé personne.
Malheureusement, à la suite du tremblement de terre, au lieu de concevoir un plan réel de reconstruction nationale bâti pour être exécuter par les propres moyens du bord, nous avons choisi de tout concevoir à partir de l’aide de la Communauté Internationale. Au lieu de renforcer notre gouvernement qui était paralysé par le séisme, nous avons permis aux NGOs de créer un État parallèle, affaiblissant encore davantage notre gouvernement déjà corrompu. Nos classes dominantes ont été plus disposées à tirer profit de notre misère au lieu de défendre les intérêts nationaux. Sans État de Droit, et dépourvue d’institutions et structures fortes, Haïti s’est retrouvée à la merci des idéologies et des caprices de la Communauté Internationale. Comment pouvons-nous nous considérer comme un pays souverain quand nous sommes si dépendants de l'aide étrangère? Les dernières élections présidentielles illustrent parfaitement notre dépendance financière.
Les bonnes intentions seulement ne peuvent pas sauver Haïti si nous n'avons pas les bases, des structures et institutions dignes de leurs noms. Si on veut vraiment nous aider, au lieu de nous offrir quotidiennement du pain et du poisson, il serait mieux de nous aider à le faire et à le pêcher. Une planification efficace, un plan de suivi et de contrôle, et la création d’emplois sont des conditions préalables à une prospérité durable. L'aide massive de la Communauté Internationale, dans une certaine mesure, ne fait que réduire la capacité, la responsabilité et l’engouement de l’état haïtien à répondre aux besoins fondamentaux de ses citoyens. Nous devons être conscients que les pays étrangers ont une obligation civique pour défendre les intérêts de leurs propres agriculteurs, entreprises, usines et leurs économies. Et nous devons être aussi conscients que la façon dont l'aide humanitaire nous a été donnée nous appauvrit davantage.
L’investissement des capitaux étrangers, le renforcement de notre agriculture et le développement du tourisme sont des carrefours obligés. Dans le grand schéma des choses, rien ne peut être obtenu sans un gouvernement central ayant une autorité morale, politique et légitime et capable de prendre des décisions importantes et compatibles aux intérêts nationaux pour garantir une stabilité politique, sociale et la sécurité des investissements locaux et étrangers. Car il serait impensable de vouloir investir et construire des usines dans un pays où les manifestations, grèves, vols, incendies, et troubles politiques font partie du lot quotidien. Qui voudrait visiter un pays où les enlèvements, la criminalité et l'impunité deviennent un mode de vie.
En somme, avec l'épidémie de choléra, la prolifération des ONGs, la présence d’un gouvernement faible et impopulaire et le résultat des élections présidentielles contesté, Haïti se retrouve encore une fois dans des conditions d’instabilité et d’insécurité très précaires. En dehors d’une reconstruction des aspects physiques et environnementaux du pays, il nous est aussi facile de comprendre que l’aide humanitaire à elle seule ne peut sortir Haïti de sa misère, car nous devons néanmoins nous concentrer aussi sur la «reconstruction» de notre mentalité, de nos symboles et du moi haïtien.
Haïti-Sésime-Un an: Quand «le temps s'est fracturé»
P-au-P., 11 janv. 2011 [AlterPresse] --- «Le 12 janvier 2010 à 16 heures 53 minutes, dans un crépuscule qui cherchait déjà ses couleurs de fin et de commencement, Port-au-Prince a été chevauchée moins de quarante secondes par un de ces dieux dont on dit qu’ils se repaissent de chair et de sang».
C’est là un extrait de «Failles», le récit de l’écrivaine haïtienne Yanick Lahens, dont quelques phrases sont reprises sur la vidéo-présentation produite par Accès-Médias et mise en ligne par AlterPresse, à l’occasion du premier anniversaire du terrible séisme.
Des extraits de «out bouge autour de moi», le livre de l’écrivain Dany Laferrière, appuient aussi ce montage rehaussé par un extrait de la chanson bien connue de Toto Bissainthe «Dèy».
«Le temps de se demander ce qui se passe, ce n’est plus la même ville. Une bonne partie de sa population est déjà sous les décombres», écrit Dany Laferrière.
Cette vidéo présentation est un modeste témoignage de la tragédie qui a frappé Haiti.
Dèy
Dèy-o m-rélé dèy-o
Ayiti roy (bis)
Ayiti chéri min pitit-ou mouri
Mon lot-yo toutoni
Sa ka poté dèy-la ou roy
Ayititoma min san-ou lan diaspora
Min péyi-a ap kaba
Sa ka poté dèy-la pou ou Ô!
Deuil, je crie le deuil d'Haïti
Deuil, je chante le deuil d'Haïti
Haïti chérie, voici que tes enfants sont morts
Et que les autres sont tous nus
Qui va porter le deuil pour toi
Ayititoma, ton sang est en diaspora
Le pays se meurt
Qui portera le deuil
Haïti rendue aveugle
Haïti détournée
Haïti zombifiée
Qui portera ce Deuil
Haïti je t'appelle
Je t'appelle pour que tu m'appelles
Que tu appelles et réunisse ton sang
Pour le grand Koumbite*.L'heure est au deuil, mais Toto Bissainthe lance déjà, depuis le paradis des musiciens qu'elle a rejoint en 1994, un appel à la mobilisation générale pour la reconstruction du pays.
* rassemblement de paysans pour célébrer la fin d'un travail collectif.