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Entrée du Musée

Le musée du Dodo

Texte de Buffon dédié au Drote

Buffon
Histoire naturelle, p. 480

Le Dronte1 

Dronte

 

On regarde communément la légèreté comme un attribut propre aux oiseaux, mais si l’on voulait en faire le caractère essentiel de cette classe, le Dronte n’aurait aucun titre pour y être admis, car loin d’annoncer la légèreté par ses proportions ou par ses mouvements, il paraît fait exprès pour nous donner l’idée du plus lourd des êtres organisés; représentez-vous un corps massif et presque cubique, à peine soutenu sur deux piliers très gros et très courts, surmonté d’une tête si extraordinaire qu’on la prendrait pour la fantaisie d’un peintre de grotesques; cette tête portée sur un cou renforcé et goîtreux, consiste presque toute entière dans un bec énorme où sont deux yeux noirs entourés d’un cercle blanc, et dont l’ouverture des mandibules se prolonge bien au-delà des yeux, et presque jusqu’aux oreilles: ces deux mandibules concaves dans le milieu de leur longueur, renflées par les deux bouts et recourbées à la pointe en sens contraire, ressemblent à deux cuillères pointues, qui s’appliquent l’une à l’autre la convexité en dehors: de tout cela il résulte une physionomie stupide et vorace, et qui, pour comble de difformité, est accompagnée d’un bord de plumes, lequel suivant le contour de la base du bec s’avance en pointe sur le front, puis s’arrondit autour de la face en manière de capuchon, d’où lui est venu le nom de cygne encapuchonné (cycnus cucullatus).

La grosseur qui, dans les animaux, suppose la force, ne produit ici que la pesanteur; l’autruche, le touyou, le casoar, ne sont pas plus en état de voler que le Dronte, mais du moins, ils vont très vite à la course; au lieu que le Dronte paraît accablé de son propre poids, et avoir à peine la force de se traîner: c’est dans les oiseaux ce que le paresseux est dans les quadrupèdes; on dirait qu’il est composé d’une matière brute, inactive, où les molécules vivantes ont été trop épargnées; il a des ailes, mais ces ailes sont trop courtes et trop faibles pour l’élever dans les airs; il a une queue, mais cette queue est disproportionnée et hors de sa place; on le prendrait pour une tortue qui se serait affublée de la dépouille d’un oiseau, et la Nature en lui accordant ces ornements inutiles, semble avoir voulu ajouter l’embarras à la pesanteur, la gaucherie des mouvements à l’inertie de la masse, et rendre sa lourde épaisseur encore plus choquante, en faisant souvenir qu’il est un oiseau.

Les premiers Hollandais qui le virent dans l’île Maurice, aujourd’hui l’île de France2, l’appelèrent walg-vogel, oiseau de dégoût, autant à cause de sa figure rebutante que du mauvais goût de sa chair, cet oiseau bizarre est très gros, et n’est surpassé à cet égard, que par les trois précédents, car il surpasse le cygne et le dindon.

M. Brisson donne pour un de ses caractères, d’avoir la partie inférieure des jambes dénuée de plumes; cependant la planche CCXCIV d’Edwards le représente avec des plumes, non seulement jusqu’au bas de la jambe, mais encore jusqu’au dessous de son articulation avec le tarse : le bec supérieur est noirâtre dans toute son étendue, excepté sur la courbure de son crochet où il y a une tache rouge; les ouvertures des narines sont à peu près dans sa partie moyenne, tout proche de deux replis transversaux qui s’élèvent en cet endroit sur sa surface.

Les plumes du dronte sont en général fort douces, le gris est leur couleur dominante, mais plus foncé sur toute la partie supérieure et au bas des jambes, et plus clair sur l’estomac, le ventre et tout le dessous du corps; il y a du jaune et du blanc dans les plumes des ailes et dans celles de la queue, qui paraissent frisées, et sont en fort petit nombre. Clusius n’en compte que quatre ou cinq.

Les pieds et les doigts sont jaunes, et les ongles noirs; chaque pied a quatre doigts, dont trois dirigés en avant et le quatrième en arrière, c’est celui-ci qui a l’ongle le plus long3.

Quelques-uns ont prétendu que le dronte avait ordinairement dans l’estomac une pierre aussi grosse que le poing4, et à laquelle on n’a pas manqué d’attribuer la même origine et les mèmes vertus qu’aux bézoards, mais Clusius qui a vu deux de ces pierres de forme et de grandeur différentes5, pense que l’oiseau les avait avalées comme font les granivores, et qu’elles ne s’étaient point formées dans son estomac.

Le dronte paraît propre et particulier aux îles de France et de Bourbon, et probablement aux terres de ce continent qui en sont les moins éloignées; mais je ne sache pas qu’aucun voyageur ait dit l’avoir vu ailleurs que dans ces deux îles.

Quelques Hollandais l’ont nommé dodarse ou dodaers; les Portugais et les Anglais; dodo; dronte est son nom original, je veux dire celui sous lequel il est connu dans le lieu de son origine; et c’est par cette raison que j’ai cru devoir le lui conserver, et parce qu’ordinairement les noms imposés par les peuples simples ont rapport aux propriétés de la chose nommée: on lui a encore appliqué les dénominations de cygne à capuchon6, d’autruche encapuchonnée7, de coq étranger8, de Walgh-vogel; et M. Mochring, qui n’a trouvé aucun de ces noms à son goût, a imaginé celui de raphus, que M. Brisson a adopté pour son nom latin, comme s’il y avait quelque avantage à donner au même animal un nom différent dans chaque langue, et comme si l’effet de cette multitude de synonymes n’était pas d’embarrasser la science et de jeter de la confusion dans les choses: ne multiplions pas les êtres, disaient autrefois les Philosophes; mais aujourd’hui on doit dire et répéter sans cesse aux Naturalistes, ne multipliez pas les noms sans nécessité.

  1. Dronte est le nom que lui donnent les habitans de l’île Maurice et des lieux voisins: les Portugais l’ont appelé Dodo; les Hollandais, Dod-aerts et Walgh-vogel, Dronte aliis, Dod-aerts.Bonius; Indes Orientales, p.30- Gallinaceus gallus peregrinus. Clusius, Exotic. Lib. V, pag. 99-Edwards, Glanures, pl. CCXCIV.
  2. Nota. Les Portugais avaient auparavant nommé cette île, Ilha do Cirne, c’est-à-dire; Isle aux Cygnes, apparemment parce qu’ils y avaient aperçu des drontes qu’ils prirent pour des cygnes. Clusius, Exotic. Pag. 101.
  3. Voyez Clusius, Exotic. Pag. 100-Edwards, figure CCXCIV.
  4. Voyage des Hollandais aux Indes Orientales, tome III, page 214.
  5. Clusius, ubi supra.
  6. Nieremberg, Hist. nat. maxime peregrinae, pag. 232.
  7. Linnaeus, Gen. 8-6
  8. Clusius, Exotic. pag. 100.
     

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Histoire naturelle des oiseaux. Buffon (Montbard, 1707 - Paris, 1788)

Squelette

Cliché P. Ageneau, Museum d'Histoire Naturelle, Lyon.

 

dodo

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