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Entrée du Musée

Le musée du Dodo

À l'initiative d'Emmanuel Richon

Le Dodo a désormais son Musée virtuel

Journal Week-End, le dimanche 10 avril 2005 

dodo disco

Dodo disco.

Cette semaine sera lancé un musée très spécial, le premier Musée du Dodo, qui a la particularité d'être exclusivement virtuel. C'est en effet sur le net, et uniquement sur le net pour le moment, que l'on pourra visiter ce passionnant musée qui offre une très riche documentation sur le Dodo. À la base de cette réalisation qui sort de l'ordinaire, Emmanuel Richon, qui nous offre ici une création multidisciplinaire. Qui présente, outre ses aspects scientifiques, esthétiques et pédagogiques, une importante dimension linguistique, à travers le choix d'une version bilingue français-créole.

S'organisant en vingt-cinq sections, ce Musée nous propose une découverte du Dodo sous des aspects très divers. On peut toutefois d'emblée noter un caractère un peu linéaire, qui semble offrir une lecture en chapitres, même si le visiteur peut y pénétrer par n'importe lequel. Au fil du site, diverses informations, mais aussi thèses et hypothèses, sont formulées et argumentées au sujet du Dodo. Et l'on peut noter que s'il mérite bien l'appellation de musée de par la somme inédite d'informations qu'il regroupe et offre, le texte de ce site n'en porte pas moins très fortement la marque et les avis, étayés, de son auteur par rapport à cet animal dont la disparition n'a toutefois pas signifié l'oubli.

À travers le musée d'Emmanuel Richon en tout cas, le Dodo est on ne peut plus vivant, à travers non seulement des textes mais aussi une multitude d'illustrations et de documents divers, qui témoignent d'une recherche très approfondie.

Le site rappelle ainsi, pour débuter, que le Dodo, de son nom scientifique Raphus cucullatus, également connu en français comme "dronte", était un oiseau vivant à l'Ile Maurice, incapable de voler. On estime que, soixante-dix ans à peine après sa découverte, le dernier représentant de cette espèce avait disparu. "Le caractère subit de cette perte a valu, mauvaise conscience oblige, la création d'un mythe, d'une vraie légende".

À quoi ressemblait-il ? À ce sujet, de nombreuses versions se côtoient, voire s'opposent.

"Les descriptions originales faites par les contemporains sont bien souvent contradictoires ou fantaisistes, parfois simplement subjectives, tant et si bien qu'on a peine aujourd'hui à se faire une idée exacte", fait ressortir le site.

Les "oiseaux de nausée"

L'auteur souligne ainsi qu'il y a de fortes présomptions à l'effet que le nom de Dodo viendrait des Portugais. "Duedo", "doudo" ou "doido", signifiant idiot, "ce qui paraît une suggestion plausible pour un oiseau si facile à attraper". D'autres interprétations possibles existent cependant, notamment à travers le flamand. "Peut-être d'ailleurs qu'une paronymie interlingue serait conforme à la culture créole où naquit son mythe. Paronymie rendant plausible l'ensemble des hypothèses", écrit Emmanuel Richon.

"Les premiers écrits sur Maurice et le Dodo proviennent des Hollandais", affirme le site. Et dateraient d'une première incursion dans l'île en 1598. Le livre de bord de cette expédition raconte ainsi: "Nous séjournâmes ici douze jours, afin de pouvoir nous reposer. En cet endroit, nous trouvâmes de grandes quantités de volatiles, deux fois plus gros que des cygnes, à qui nous donnâmes le nom de "cigognes nauséabondes", ou "oiseaux de nausée". Bien que leur chair fut abondante, le nom d'"oiseau répugnant" ou "oiseau dégoûtant" leur convenait parfaitement."

C'est à un autre navire, le Gelderland, parcourant entre 1601 et 1603 les routes maritimes de l'Asie orientale, que l'on doit le premier livre de bord contenant des dessins et esquisses du Dodo. On peut aussi y lire ces propos: "Il y avait un oiseau que nous décidâmes d'appeler "oiseau dégoûtant". Nous avons essayé de le cuire, mais sa chair était si coriace que, même plusieurs heures de cuisson n'y changeaient rien. Bien que mal cuite, nous en mangeâmes malgré tout. Comme cette île était vierge de tout habitant, les oiseaux n'étaient pas farouches et se laissaient approcher sans fuir. Ils demeuraient là, placides et immobiles, ce qui nous permit de les tuer sans difficulté. En résumé, cette terre s'est avérée riche, regorgeant, où que vous mènent vos pas, d'oiseaux et poissons en tous genres".

Passé 1755, l'histoire du Dodo devient mythique, exerçant une fascination sans bornes sur les savants, les écrivains, relève le Musée du Dodo. Dès 1778, les recherches commencèrent en vue de trouver des vestiges osseux susceptibles de prouver l'existence du Dodo, dont on avait fini par douter. Cependant, on ne trouvera rien. Et beaucoup commençaient à douter de son existence réelle. Après 1800, un livre, à lui seul, suffit à rétablir la vérité, The Dodo and its kindred (1848 - Londres). "Bien qu'il s'agisse du tout premier ouvrage traitant du Dodo, il s'avère remarquable car, ne disposant pas des ossements archéologiques trouvés depuis, il contenait nombre de détails s'avérant parfaitement exacts".

Des reconstitutions de qualités diverses

À Maurice, c'est le professeur George Clark, maître d'école à Mahébourg, qui, en 1865, découvrit les premiers squelettes de dodos à "Mare aux Songes", non loin de Mahébourg.

L'ensemble de ces découvertes fut envoyé à Londres en Angleterre, où Richard Owen, conservateur du musée d'Histoire naturelle, tenta la première reconstitution d'un squelette de Dodo entier.

Plus tard, Alfred Newton, un autre scientifique de Cambridge, réussit lui aussi à obtenir les restes d'ossements d'un Dodo dont il parvint à faire une reconstitution, "beaucoup plus proche et fidèle de celle d'un vrai Dodo".

De nos jours, seuls sept musées à travers le monde peuvent s'enorgueillir de posséder des reconstitutions complètes (ou presque) de squelettes de Dodo. Treize autres musées possèdent quant à eux des vestiges osseux épars.

Des recherches subséquentes à celles de G. Clark ont considérablement enrichi la collection d'ossements de Dodo. On sait aussi que d'autres lieux comme "Mare sèche", dans le nord de l'île, recèlent des restes de cet oiseau. "Le plus beau squelette de Dodo est d'ailleurs celui qui figure au musée de Port-Louis", affirme Emmanuel Richon. "Ses éléments, récoltés près de la montagne du Pouce en 1907, sont les restes d'un unique individu, tandis que les autres squelettes ont été reconstitués à partir d'un mélange, une recomposition, pour ne pas dire… une salade". À noter toutefois que ce Musée du Dodo ne fait pas mention des récentes découvertes d'ossements du Dodo effectuées l'an dernier dans le sud de l'île.

Un animal qui nous en dit long… sur l'humain

À travers les multiples autres entrées de ce Musée, Emmanuel Richon analyse et décortique diverses autres thèses ou idées reçues au sujet du Dodo. "Non le Dodo n'a pas disparu parce qu'il fut décimé, non le Dodo ne fut pas seul à disparaître à Maurice", en conclut-il. "L'étude des différentes versions scientifiques sur sa disparition nous apprend beaucoup sur le fonctionnement de la science elle-même, la vraie, dans ses difficultés et ses balbutiements, ses hypothèses hasardeuses ou celles qui durent un siècle et s'effondrent subitement, la complémentarité internationale des savants, les différents protocoles de vérification des hypothèses depuis plus de trois siècles! De plus, les démarches scientifiques, une fois analysées et décortiquées dans tous leurs raisonnements, nous en apprennent long sur les sociétés dans lesquelles les savants ont vécu. Quant à nous, même sans recul, la folie virtualiste de notre tournant de siècle explique sans doute toute l'effervescence médiatique autour d'un oiseau que tout le monde aimerait faire revivre d'une manière ou d'une autre. D'où les préoccupations actuelles concernant la démarche et la silhouette de l'oiseau. En fait, derrière le Dodo, c'est de nous-même qu'il s'agit, notre éthique, nos folies écologiques, nos questionnements face à notre propre place d'être humain dans une Nature bien mal en point", commente le père du Musée du Dodo.

À découvrir d'urgence à l'adresse. Dans l'espoir, peut-être un jour, d'une adresse qui serait aussi autre que virtuelle…

dodo

De Prague au Surat, en passant par Amsterdam

Il est vraisemblable de penser, selon le Musée du Dodo, que des Dodos vivants avaient souvent été embarqués à bord de bateaux de passage, mais seul un petit nombre purent en fait survivre à une traversée longue et pénible. "En définitive, ne peuvent être réellement considérés comme des documents picturaux de quelque intérêt et fidèles à l'animal vivant, que le Dodo de Prague, le Dodo de Surat et le Dodo d'Amsterdam", estime-t-il. Trois versions fort différentes du même animal.

Celui de Prague est à mettre, au départ, au crédit d'une initiative du Roi Rudolf 1er, mécène très cultivé, collectionneur passionné d'œuvres d'Art et de curiosités de la nature. Vers 1600, il héberge aux châteaux d'Ebersdorf et Neugebauh, une ménagerie avec des animaux provenant de contrées lointaines. Pour son cabinet de curiosités, il fit faire par des peintres célèbres, des portraits de tous ces animaux ainsi que des spécimens empaillés. Pour Emmanuel Richon, la peinture du Dodo de Prague résulterait d'un modèle d'oiseau empaillé. "Il est vraisemblable que le Dodo de Prague ait été embarqué jeune et ait dû voyager des mois durant, traversée oblige, à l'étroit, dans une coque sombre, alimenté d'une nourriture unique, ce qui a dû entraîner des déformations notables, telles que des plumes ratiboisées ou ayant mal repoussé, une obésité certaine résultant de gavages éventuels", avance-t-il. L'image du Dodo de Prague ou son spécimen rempaillé aurait en tout cas des chances d'avoir servi de modèle à la tête d'un Dodo dans la peinture intitulée "l'air, élément", de Jan Brueghel l'Ancien (1568-1625). Elle est datée de 1611 et par conséquent, voit le jour quinze ans avant que le Dodo d'Amsterdam ne soit peint à son tour.

Du Dodo vivant rapporté à Amsterdam, ont été faites deux représentations picturales originales. L'une provient d'Adriaen Pieterszoon Van der Venne, qui mentionna sur son dessin le fait qu'il se soit agi d'un vrai Dodo arrivé à Amsterdam en 1626. L'autre est à attribuer à Roelandt Savery. "Très probablement, cette version, totalement caricaturale et défigurant outre mesure ce passager d'un navire, obèse par la force des choses, fut l'ancêtre de tous les Dodos peints ultérieurement par Savery lui-même et de tous ceux copiés jusqu'à nos jours, dont d'ailleurs, soit dit en passant, le fameux Dodo d' Alice au pays des merveilles", affirme Emmanuel Richon.

L'Europe ne fut pas la seule à porter de l'intérêt aux animaux exotiques. L'empire du souverain moghol, qui s'étendait des Indes à l'Iran, n'était pas en reste et à cette époque, en plein apogée culturel, affirme le Musée du Dodo. Ainsi, l'Anglais Peter Mundi décrivit dans son journal de voyage de 1631, deux Dodos que le Shah Jahangir (1605-1625) détenait dans sa résidence de Surat en Inde.

En 1955, A. Iwanow découvrit, en Russie, une miniature où figurait un Dodo, peinte aux alentours de 1615 par Ustad Mansur, qui se trouvait être invité par Jahangir. Outre le Dodo, y étaient visibles d'autres oiseaux, un faisan doré, un perroquet-chauve-souris, des poules cendrées et des oies rayées, "tous volatiles qui peuvent très aisément être reconnus, permettant de conclure que le Dodo y est également, tout comme eux, fidèle à la réalité." La silhouette de l'oiseau indien, note le site, diffère légèrement de celle adoptée par les artistes d'Europe.

"À l'avenir, nous ne sommes pas à l'abri de découvertes inattendues d'autres versions de Dodos. Nous savons avec certitude que quelques-uns de ces oiseaux vivants furent envoyés à Batavia en Indonésie et jusqu'au Japon…", écrit Emmanuel Richon.

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Emmanuel Richon: "Le net, le seul moyen de survie"

Pour Emmanuel Richon, "c'est presque un miracle que ce musée existe". Pour le réaliser, il lui aura fallu beaucoup de persévérance. Et l'aide providentielle de quelques personnes. Comme Francesca Palli qui, de Suisse, a agi comme son webmaster. De Pushpa Lallah, "qui a corrigé mon créole". Et de Krishna Tripathi, qui est en train de réaliser la version audio, en créole, qui figurera sur ce site. "Quelque part, ça a été une vraie mise en réseau de compétences. C'est vraiment Internet", commente Emmanuel Richon.

Le travail, d'ailleurs, n'est pas fini. D'autres apports sont envisagés, comme une version en anglais. Et peut-être des améliorations à l'aspect visuel du site, pour donner davantage l'impression d'un lieu qu'on visite, plutôt qu'une suite de pages que l'on consulte. "Nous avons fait avec les moyens de bord, et tout a été fait bénévolement", fait ressortir Emmanuel Richon.

Mais déjà, il n'est pas peu fier du travail accompli. Une véritable somme en effet qui, à travers le net et la possibilité de le consulter n'importe quand à travers le monde, confère véritablement au dodo cette dimension internationale qu'il a somme toute toujours eu. "Ce n'est pas du tout un animal mauriciano-mauricien au sens strict. Il a beaucoup voyagé".

Pour Emmanuel Richon, ce site est véritablement multidisciplinaire, avec une dimension aussi bien scientifique que littéraire ou plasticienne. Et linguistique. Le fait que le site soit présenté en version bilingue français-créole est en effet un aspect auquel il tient particulièrement. "On parle d'introduire le créole à l'école, etc., mais on manque d'assises pour cela. On peut par exemple se demander où on en est dans le développement de textes et de matériel en créole. Ce site est peut-être le premier exemple de ce que peut-être un matériel pédagogique en créole", s'enorgueillit-il.

Pour lui, c'est à une véritable entreprise de réhabilitation du dodo à laquelle il s'est livré. "Le dodo n'avait jamais eu très bonne presse. Il ne brillait pas forcément par son intelligence. Quelque part, j'ai eu le sentiment qu'il fallait aider à redorer le blason de cet animal qui révèle en fait beaucoup d'aspects intéressants. Je me suis donc employé à cela. Et je dois dire au bout du compte qu'avec ce site, je suis assez fier de mon dodo".

Si le dodo est généralement présenté comme un animal disparu, le musée qui lui est consacré exprime pour sa part une très forte volonté de se battre pour être vivant. Même si c'est de façon assez particulière. "Ce musée est totalement virtuel. Il y a assez peu de musées virtuels à travers le monde. En général, tous correspondent à quelque chose de réel, que l'on peut trouver physiquement dans un lieu. Ce musée n'a pas lui la chance d'avoir un référent visuel, que l'on peut aller visiter quelque part. Il n'est virtuel que parce qu'il n'y a pas de volonté de le rendre réel. Le mettre sur le net était la seule façon de ne pas laisser mourir ce projet face à l'indifférence des autorités. Et je dois dire que je suis assez révolté par rapport à ça", confie Emmanuel Richon.

De toutes ces choses que nous nous obstinons à laisser disparaître, quand nous ne les exterminons pas…

Shenaz Patel

 

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