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Éloge de l'interlocuteur

(Esthétiques sur la psychologie des poètes et écrivains: Dialogues avec Saint-John Kauss)

Jeanie Bogart

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CHAPITRE 24

CRÉATEURS ET UNIVERSITAIRES FACE À
L’ŒUVRE DE SAINT-JOHN KAUSS

LE MONDE DES LETTRES
ET
SAINT-JOHN  KAUSS

REYNOLD EUSTACHE (New York)
(...) Vos poèmes me blessent comme un poignard qu'on passe et repasse sur une plaie vivante, comme une épée qu'on entre, sort et rentre dans une blessure grave et profonde.

(...) Dans l'ensemble, je trouve votre poésie cruelle et pense que je resterai longtemps encore bouleversé par certaines images nées de votre lecture.

Je crois déceler dans vos poèmes un souffle puissant.

Lettre à l'auteur, 1er août 1979

JUDITH MARTINEZ (Cégep du Vieux Montréal)
Il m'empêche, par ta façon d'écrire, d'aborder le "savoir commun", de t'identifier, de te décrire et de t'approcher de certains poètes canadiens dans la conjoncture actuelle.  Je verse quand même dans l'éclectisme afin d'essayer de t'embarquer dans le tracé textuel avec Manuel Josh.  Vous êtes (tous deux) comme condamnés au balbutiement inconséquent d'images immédiates.  La poésie est pour vous l'emblème du cosmopolitisme dans l'éclatement du "possible".  Demain, l'impossible sera castré.  Peut-être avec Toi, Saint-John Kauss.

Lettre à l'auteur, 18 octobre 1979

VALENTINO NELSON (Cégep du Vieux Montréal)
Je viens de lire et relire Chants d'homme pour les nuits d'ombre et je m'en veux déjà de ne pas t'avoir écrit plus tôt et m'abandonner à "tes rêves entrecoupés de soupirs".  Vraiment, mon cher, il ne te reste qu'à m'ouvrir les veines pour en abreuver toutes les fleurs des Tropiques.  De nos poètes de demain, je te vois mourir au seuil de la Muse abusant l'innocence des vers.  Ta poésie est à la fois imagée et rassurée.  Au retour, je te trouve enveloppé de toute ton ombre pour fréquenter les plages, les étoiles, la lune et les profondeurs du temps, et franchir les barrières...

Lettre à l'auteur, 10 septembre 1979

GLORIA RAMIREZ (Montréal)
Je sais que vous riez jaune quand je parle, à votre sujet, d'un artiste du langage; quand je consolide les plus belles certitudes à votre instinct de création, quand je pousse l'écriture de l'exactitude dans le sens de votre approfondissement.  Cependant, il faudra dire notre vérité au‑delà des limites-spectres tracés par l'angoisse et la peur du poète.  Le poète est dieu.  Le poète est prophète; la poésie n'aura jamais de "possibles" si l'inutilité s'arme contre les baisements de sens.  Si nous le voulions, comme dit René Char, le monde ne serait que merveilles.  Et la poésie serait "Reine".  Avec vous, Saint-John.

Lettre à l'auteur, 10 octobre 1979

CLAREL MÉTELLUS (Port-au-Prince)
(...) L'œuvre de Saint-John Kauss est un vaste hymne à l'amour qui, dans des vers étoilés de blessures, triomphants, fougueux et déçus donne des sensations, des remous du coeur qui avant d'arriver à nous sont pétris dans un esprit qui a le sens de la mesure, le goût de l'élégance.

Un goût sûr dans la recherche des mots.  Des images rares qui frappent dans des vers qui n'ont pas de larmes à verser.

Lettre à l'auteur, 26 juillet 1979

ALIX DAMOUR (Port-au-Prince)
(...) C'est l'obsession, la hantise.  C'est aussi la fraîcheur et la verdeur de cette poésie qui m'emportent dans un tumulte océan.

(...) À relire son Autopsie du Jour, je tends mille fois à me perdre dans les modulations d'une poésie Majeure qui s'avère une totalité aux aspects multidimensionnels.

Je parle de ce qui est beau (Texte adressé à l'auteur, 1980)

 

ROLAND THADAL (Port-au-Prince)
(...) Écrire, pour lui, c'est se révéler à soi, s'accomplir; c'est essayer de restructurer un être fissuré par les embouteillages de l'existence, en un mot, être témoin de soi-même.  Dans un chassé-croisé de vécu et d'imaginaire.

Témoin de soi-même et aussi de son temps: Saint-John Kauss ouvre les yeux sur l'horreur quotidienne, débusque l'échec de la condition humaine...  Une poésie de constatation et de contestation qui désamorce le tragique à coups de chants.

Chants d'homme pour les nuits d'ombre (1979) et  Autopsie du jour (1979), volets d'une seule et même œuvre; respiration d'un seul et même poète; même manière, même technique.

Si, au point de vue thématique, l'œuvre de Saint-John Kauss se rapproche de celle de la plupart des jeunes poètes contemporains, elle s'en éloigne au point de vue formel.  Rien de cette prose exacerbée, frénétique au goût du jour.  Mais de la poésie avec tout ce que cela comporte d'invention verbale, de jolies trouvailles, de délire en sourdine, de décantation des mots.  Une poésie spontanée, sourde aux grondements des cymbales, aux sollicitations du folklorisme. Une poésie contrôlée par l'intelligence mais qui, parfois, se retranche derrière ces rideaux de fumée: minauderies, verbiage, exhibitionnisme. Faiblesses qui ne rompent pas le mouvement, n'altèrent pas la force et le rythme du chant.

Dans l'œuvre de Saint-John Kauss, les images se pressent, se bousculent dans une sarabande à la limite du surréalisme.  Triomphe du Verbe.  En prime un accent de sincérité.  Et une inspiration toujours à l'affût.

(Texte adressé à l'auteur, 1980)

GARRY ST-GERMAIN (Montréal)
Bien sûr, je cherche l'ombre de mon regard dans les "..." du Quercy, afin d'établir une communication avec la musculature plurielle de ce fragment de réel qui s'offre dans ses cassures et ses glissements.

(...) Le double jeu du texte s'accompagne de la double vie des mots ou le contraire.

(Texte adressé à l'auteur, 1981)

JAN MAPOU (New York)
Hymne à la Survie...  Nan youn fòm-difòm lagwòt
Twou Bondye - Lakwa, se youn lespwa pandye sou fil limajinasyon lezòm. Chak imaj atis-gid Saint-John Kauss fè nou santi degout dlo sakre.
chandèl kristal
filè san k'ap swente ti tak, ti tak
titak pa titak sou youn bonè lafimen-bouya
soupi souf ladoutans
chalè tennèb k'ap satouyèt youn denmen k'fin krabinen.
Esklav...
Malgre lakrentik nou genyen
nan youn denmen miyò
n'anvi vole ... ale jwenn zetwal yo.

(Texte adressé à l'auteur, 1982)

AGNÈS BASTIN (Sherbrooke)
(...) Votre poésie me semble tellurique, puisant dans les ressources de l'univers son énergie et sa capacité d'expansion vers l'universel.

Lettre à l'auteur, 30 juillet 1987

GÉRARD ÉTIENNE (Moncton)
D'abord je dois te confesser mon admiration à ton égard en tant qu'écrivain et leader intellectuel. Je te suivais régulièrement à la Revue Étincelles, et ton discours critique tranchait profondément avec une prose haïtienne domestiquée et parfois ridicule.

En tant que créateur, tu continues à m'émouvoir, à me toucher, à faire en sorte que je ne te lâche pas dès les premiers vers d'un manuscrit consommés.  En somme - et j'aurai à l'écrire prochainement - tu fais partie de l'École haïtienne de Montréal, terme désigné pour nommer des jeunes créateurs et des critiques avertis comme Jean Jonassaint et Michel Adam.  Tout cela pour dire à quel point j'apprécie ton dernier manuscrit.  Le ton est juste, et les trouvailles sont fort nombreuses.

Lettre à l'auteur, 11 février 1991

JEAN-RICHARD LAFOREST  (Montréal)
(...) L'univers où nous vivons me semble être très injuste envers ses créateurs, qu'il place, souvent, dans un pénible état de confusion jusque vis-à-vis de leur art.

Mais de vous, j'ai retenu ce beau miracle contemporain d'un scientifique qui fait des vers.  Vous devriez penser maintenant à rassembler vos recueils en un grand volume.

Lettre à l'auteur, 10 septembre 1992

JEAN-ROBERT LÉONIDAS (New York)
Je prends plaisir à déguster chaque ligne des Pages Fragiles, lentement, patiemment, comme on sirote un petit verre de bénédictine.  Chaque phrase est jouissive et me donne le vertige.  Et c'est précisément à ce signe que, moi, je reconnais le contact avec la vraie poésie et je vous le dis sans ambages.

Lettre à l'auteur, 9 février 1993

Josaphat-Robert Large (Orlando, Fla., USA)
Voici que je me réveille ce matin en pensant à (. . .) et à bien d’autres vers de ton excellent ouvrage.

Laisse-moi te dire en passant que “Testamentaire” est d’après moi le plus beau parmi les livres récemment tombés sous mes yeux.

Lettre à l’auteur, 16 juin 1993

Maurice A.  Lubin (Gainesville, Fla., USA)
J’ai apprécié vos poésies et je vous écris pour vous le dire.  Encore mes félicitations.

Lettre à l’auteur, 20 juillet 1993

PAUL LARAQUE (New York)
(...) merci encore pour Testamentaire, œuvre d'étrange beauté où le sphinx de la poésie pose ses énigmes au lecteur.
Lettre à l'auteur, 3 février 1995

GRÉGOIRE BÉDARD (Drummondville)
En effet, en face de l'urgence quotidienne, il me semble que ce repliement ne fait pas le poids. La poésie peut - et j'ajouterais doit - se répandre pour vivifier et régénérer le regard que nous portons sur le monde. La poésie ne changera pas le monde, mais le regard neuf que nous pouvons porter sur lui et qui commence ici maintenant. La poésie doit pouvoir se communiquer, entre autres à travers les artifices de la littérature (car poésie et littérature sont deux) et à travers toutes les formes d'art. À mon avis, il faut que le texte poétique puisse rallier le lecteur (dans une lecture créatrice où intelligence, mémoire et imagination sont mises à profit), afin que celui-ci se fasse solidaire de la poésie, et par conséquent, de l'acte créateur.

La poétique du metteur en scène brésilien Augusto Boal m'a donné toute une secousse quand je l'ai connue. Boal, dans la même lignée que Brecht, tente de rendre au spectateur tous ses droits, lui permettre d'être un être actif, créateur, qui se libère de l'oppression du silence et de l’inertie qu'on lui impose et qu'on nourrit dans le théâtre traditionnel (héritier de la poétique "coercitive" d'Aristote, affirme-t-il).

Dans le même ordre d'idée, je crois qu'il faut laisser au lecteur la première place. C'est une des raisons qui fait que je ne désire pas publier, entre autres, de textes intimistes, où l'auteur parle de son moi dans des proportions qui vont parfois jusqu'au nombrilisme. L'écriture que l'on offre à lire n'est pas le rapport d'une thérapie de l'auteur! - Ces textes où l'auteur prend toute la place sont "oppressifs" parce qu'ils placent le lecteur au second plan, dans l'ombre du silence; l'auteur joue seul dans l'espace de la parole et s'offre comme objet de contemplation, sans soucis du spectateur. Si l'auteur, rempli d'angoisse et de désespoir, ne peut même pas envisager ce rendez-vous avec l'autre, comment la poésie, ce souffle vital, peut-elle rayonner? Quel impact peut-elle avoir? Quelle invitation fait-elle au lecteur? Si vos textes m'ont tant intéressé, c'est justement parce que cette situation n'est pas la leur: on sent un souffle, une présence qui danse avec grâce dans l'espace de la parole, on sent une présence qui s'incarne dans le verbe et qui invite à dire oui, en dépit des difficultés quotidiennes et de la mort omniprésente. Et le titre de ces textes en témoignent avec éloquence: "Paroles d'homme libre!"

Lettre à l'auteur, 19 février 1996

RÉGINALD HAMEL (Montréal)
Cher Poète,

J’ai reçu ce matin votre ouvrage Le Manuscrit du dégel que j’ai dévoré avec un immense plaisir ------ j’avais traversé vos autres écrits depuis 1991, puis Paroles d’homme libre - 2005.

Il est difficile de faire carrière et de tenir la plume, n’est-ce-pas.

J’aime vos écrits.

Avec mes amitiés.

Réginald H.

Lettre à l’auteur, 25 mai 2006

ROBERT BERROUET-ORIOL (Montréal)
J,

Ravi de te lire : je ne savais même pas si ton adresse courriel était la bonne. Je viens d'imprimer les textes que tu as eu la gentillesse de me confier par-delà les années, pour les gourmander tranquillement en ce matin de pluie. Je me réjouis déjà d'entre-apercevoir, à nouveau, ce singulier souffle poétique qui avait retenu mon attention complice il y a quelques années! Comme tu le dis, le temps m'a mis à l'épreuve du feu en me laissant la liberté, sans prix, de fréquenter nos meilleurs poètes et d'encore oser écrire de la poésie.

Au plaisir de te lire.

Bien amicalement,
bob oriol

P.S.: As-tu lu mon Thòraya ?

Lettre à l’auteur, 11 novembre 2006

ROBERT BERROUET-ORIOL (Montréal)
Poète,

Ce bref courriel pour te dire que j'ai eu un vif plaisir à lire tes poèmes. J'y trouve à la fois musique et senteurs adossées à un riche patrimoine lexical comme un archet... clitoridien! J'y trouve aussi la constance d'une poésie qui, loin des poncifs d'une certaine littérature anémiée dans la tropicalité identitaire, poursuit sa quête joyeuse sur l'archipel de la langue et de la mémoire. Alors je te remercie bien amicalement de m'avoir permis de partager ces textes.

Depuis mon retour il y a maintenant trois ans, je revois régulièrement Henri Saint-Fleur avec qui j'ai gardé une belle complicité. Mes contacts avec Joël des Rosiers sont plutôt rares et, sortant peu, il m'est arrivé de croiser en coup de vent Phelps, Laforest et Klang. Nous sommes bien loin des soirées privées de poésie que j'organisais autrefois avec cette faune littéraire! Je garde cependant l'espoir que les jeunes poètes de notre génération sauront conserver un espace d'amitié et de partage. On verra.
 
Au plaisir de te lire.

Amicalement,
bob oriol

Lettre à l’auteur, 16 novembre 2006

JEANIE BOGART (Bronx, USA)
Longs les poèmes. Ce qui n'enlève rien à leur beauté et à leur perfection. Est-ce l'indication d'un homme patient?

"La fine plume" ne passe pas plus d'une demi-heure à écrire un poème. Paresseuse face à l'écriture. Gâtée on ne peut plus. Impatiente. Et fière d'avoir tant de défauts. Oh, le joli tableau!

Lettre à l’auteur, 07 février 2008

ISABEL MADDEN
Hello John Nelson,
 
I have read with great interest your essay about Jean F. Brierre, "Le Grand Barde de l'Indigenisme" for Potomitan. I cherish very fond memories of Jean Brierre and his family from his days as ambassador to Argentina. He was a close friend of my parents and his children were my playmates. At the time, my father was the editor-in-chief of "El Mundo de la Diplomacia" and contributor to many publications in Buenos Aires.

I have in my possession two movingly dedicated autographed books, "Black Soul" and "Petion y Bolivar" and also many photographs of Jean, his wife, and two sons. They were what motivated me, at a very young age, to learn French. Through this friendship with the Brierres I have always felt a close link to Haiti though, unfortunately, I have not had the opportunity to visit.
In 1963 we moved to New York. Though in time we unfortunately lost touch, my late father followed his fortunes and misfortunes, itinerant life, and always remembered him with enormous affection. We would often reminisce about him. I went through grammar school and high school with a beautiful leather school bag I received from Jean. This past March my mother passed away at age 94 and I now find myself going through my parent's voluminous library, correspondence, etc. During this process, I have been coming across material related to Jean Brierre which took me to google, your essay, your literary work. I am hoping to find "La Nuit", which from your description is his best work.
allbest,
IsabelMadden

THIERRY CABOT (France)
J'apprécie beaucoup votre poésie, fière, luxuriante et subtile avec ses grands vers semblables à des versets et ses images fortes où résonne la magie du monde. 

Lettre à l’auteur, 17 avril 2009

MICHAEL GEORGES (France)
"si tant est qu’il existe encore des femmes évasives des joues fuies et de la lame des pluies en gouttelettes sises au bord de l’arc-en-ciel 
des corps d’été visiteurs dans la chaleur du ventre à l’assaut des registres de la plus haute mémoire
yeux horizontaux dans la nuque d’une truite sculptée en nacelles de l’infidèle je vous suis dans vos querelles et dans vos impossibles maternités plus chaudes que les larmes des fanaux ô bras de vierges ô chevilles téméraires ô nues des mauvais souvenirs" (Saint-John Kauss)
 
En faisant des recherches, je navigue d'un mot à l'autre, d'un site à l'autre de manière parfois intuitive et donc, en me documentant sur les succubes, je suis tombé sur l'histoire du "Dorliis" ou "Dorlis" de Martinique. Puis j'ai regardé plus généralement le monde Créole et je suis arrivé jusqu'à vous et au poème dont un extrait est ci-dessus.
 
Je suis Français. Ma mère est Mauricienne.
 
Je suis vos textes les uns après les autres.

Lettre à l’auteur, 10 juin 2009

MONA PERVIL-ULYSSE (Coney Island)
Your metaphors are so exceptionally unique....your ways of merging various venues of your childhood....the transparence of the author (you) are simply breathtaking!

Lettre à l’auteur, 14 novembre 2009

BRÈVE BIBLIOGRAPHIE
SUR
SAINT-JOHN KAUSS

ROLAND THADAL
Mais ce n'est pas "l'éclairage situationnel" qui assure le prix du recueil de Saint-John Kauss: C'est le langage.  Quelque soit le thème, il est plus ou moins escamoté au profit de ces images que, par brins de lumière, tisse le talent du poète.  Et qui sont d'adorables surprises pour le lecteur.

Le Nouveau Monde, 2 et 3 juin 1979

ADYJEANGARDY
L'écriture de Saint-John Kauss traîne après elle des images de bonne référence, des images qui remontent à Edouard J. Maunick de l'île Maurice et à Gérard Delisle de la Guadeloupe. Elle préconise une sorte de ramassage des formes pour un réel enracinement dans le lyrisme et la douceur des mots. On n'est pas ici en présence d'une poésie folklorique ou d'une poésie perdue dans l'idéologie sociale mais d'une poésie qui ne manque pas de profondeur. Si Chants d'ombre nous fait venir à la tête le nom de Senghor, Chants d'homme pour les nuits d'ombre ne doit rien à Senghor mais tout à son auteur qui ne croit vraiment qu'aux mots.

Radio Nationale, activité culturelle, 1979

CHRISTOPHE CHARLES
L'amateur de poésie se laissera emporter par ce tohu-bohu d'images neuves, souvent dignes du grand Saint-John Perse. On pourrait parler de ballade des mots ou même d'épopée des morphèmes à propos de certains textes.

Cependant un large souffle d'humanisme traverse ces Chants d'Homme; chants pour "condamner la danse des horreurs", écarteler le temps à coups d'espoir.  Révolte enrobée de surréalisme, matinée d'esthétique.

Le Nouveau Monde, 21 et 22 mai 1979

HARRY DUVALSAINT
Thématique pure, sincère, humaniste, avons-nous dit, liée à une sémantique délibérée qui, passant par le creuset de l'inspiration où se fondent les rêves, les désirs refoulés, les romances avortées, les passions en de poèmes forts, diffus, doux se déterminent comme étant l'écriture littéraire moderne. Écriture qui a fait du livre de Saint-John Kauss une valeur.

Inter-Jeunes, vol. 2, no 4, 1979

DOMINIQUE BATRAVIL
Après une bonne lecture de ce florilège de 67 pages, nous sommes persuadés que la littérature haïtienne est en train de gravir une nouvelle pente.

Revue des Écoliers, no 37, juin 1979

JEAN CLAUDE CHÉRY
Chants d'Homme... Oui y-a effectivement l'empreinte de l'homme dans l'encre utilisé par Saint-John Kauss pour parler, décrire la réalité sensible perceptible seulement aux habitués de la plume poétique. Les femmes idéales, la saison des fruits tant attendus, les élans vers le rêve ou l'espoir, la soif des Jours sans misère, la quête actuelle de la vérité, beaucoup de ce qui fait un homme, se retrouvent dans ces poèmes attachants à 95%. On y trouve souvent des strophes splendides et pleines de lumineuses originalités qui vous remplissent soudain d'une joie esthétique admirable...

Regards, no 6, 21-28 juin 1979

HARRY DUVALSAINT
La poésie de Saint-John Kauss est à la jeune poésie haïtienne ce que Mallarmé a été à la jeune poésie française.

Inter-Jeunes, volume 2, no 4, 1979

FRESNEL LINDOR
Ces petits chants qui jaillissent de la gorge humaine sont de véritables volutes transparentes qui vous emmènent en bateau sur une mer démontée d'ennuis, de défoulements simulés et d'espoirs forgés au petit matin songeur.

Le Nouvelliste, 6 juillet 1979

ROLAND THADAL
(...) Des qualités, Saint-John Kauss en a. C'est un maître ès images. Il s'abandonne tout entier à l'excitation de son imagination.  Sur un langage tendu, il jongle avec les mots, qui, euphoriques, tournent, voltigent... Au point que le poète utilise parfois une écriture automatique qui rappelle un peu celle des surréalistes.

(...) De petites strophes écrites dans un mouvement discontinu, îles éparpillées au milieu d'un océan poétique.

(...) Cette poésie toute entière soumise au pouvoir des mots, à l'emprise de la libre imagination; cette poésie qui se tient entre la réalité et l'irréalité, lui va à merveille. Et aura permis à plus d'un de comprendre que l'oeuvre d'art est non seulement affaire de recettes mais aussi et surtout de talent, de patience. Et de travail.

Le Nouveau Monde, 24 janvier 1980

JACQUELIN DOLCÉ
Quand on questionne donc Autopsie du jour, on reconnaît la part du réel et celle du "sublime". Ce sont des concessions que l'on doit faire à cette poésie (celle aussi de Kauss) qui, depuis le Romantisme, se veut quête d'un tout, si elle n'est pas totalité elle-même. Ce mouvement s'incline vers plus de franchise dans les images, dans le choix des expressions, dans la recherche plastique, pour que l'ensemble poétique reproduise la vie autant qu'il peut.

Le Petit Samedi soir, no 320, 12-18 janvier 1980

MARIE LAURETTE DESTIN
Autopsie du Jour est une poésie hermétique qui toutefois laisse couler ton attachement aux souvenirs d'enfance, tes souhaits d'avenir à une affectueuse mère qui se perd dans la nuit des aurores.

Temps Nouveaux, no 4, 30 janvier - 15 février 1980

PIERRE RUDOLPH LEROY
La puissance de son imagination mouvementée évolue dans un monde propre à lui, dimensionnel à ses va-et-vient (d'un rêve à l'autre); stimulant son délire long comme une rafale de pluie interrompue et parfois intermittente. Saint-John Kauss chevauche tous les aspects de l'espace. Et les rêves se multiplient.  Une cascade de mots sonores, magiques, claironne notre entendement...

Les Griots, no 236, 15 février 1980

CHRISTOPHE CHARLES
La poésie de Saint-John Kauss a le mérite de véhiculer l'angoisse moderne, d'agiter les problèmes essentiels de notre temps, tout en gardant ses privilèges à l'art.

Le Nouveau Monde, no 86, 6 juillet 1980

ALIX DAMOUR
La texture des poèmes est le reflet d'un malaise ontologique qui frappe non seulement l'homme du tiers monde, mais l'homme tout court.

(...) Toute la rythmique du poème de Kauss permet une réflexion sur les possibles d'un Art de survivre, d'une Le Petit Samedi soir, 1981

DANY LAFERRIÈRE
Très peu de poètes haïtiens trouvent donc grâce à mes yeux. Le jeune Davertige. Magloire Saint-Aude, ce poète aux accents arabes. Quelques vers de Phelps. Aujourd'hui, je découvre (...) Saint-John Kauss.

J'ai aimé cet oeil de rapace, ce style sec et urbain...

Libération, no 2, juillet 1987

GILBERT LANGEVIN
J'aime les écritures de Saint -John Kauss...

Libération, no 5, 16-31 octobre 1987

ALIX LAURENT
(...) son dernier recueil Pages Fragiles témoigne d'une recherche linguistique et visuelle d'une richesse surprenante.

Images, vol. 1, no 2, 28 novembre 1991

YVON BLANCHARD
Neuvième recueil de poèmes de l'auteur et dernier d'une longue série, Pages Fragiles constitue une oeuvre de maturité poétique où Saint-John donne la pleine mesure de son art.

Poésie lyrique, faisceau de sentiments à base, d'une part, des angoisses et des inquiétudes du poète confronté aux dimensions mythiques du continent américain, d'autre part, de solitude, de tristesse, de chagrin, voire d'amour déçu...

Brèves Littéraires, vol. 8, no 1, 1992

Ghislaine Charlier
L’auteur (de Testamentaire), ce scientifique plus connu comme poète dans notre ville, est un internationaliste subtil dans sa poésie. Il tire la trame d’un monde au fil des vers apparemment simples, mais riches de sens et dont l’harmonie, dans un chant (et un champ) multiple, résonne de musiques variées. Il s’attache à l’essence des choses et l’exprime avec une réserve où palpite l’amour de l’existence.

Haïti en marche, vol.  VII, no.  13, 12 mai 1993

Guerdy Préval
Saint-John Kauss nous convie avec Testamentaire à un véritable tour de rythmes et de musicalités poétiques.

(. . .) Pour les lieux comme pour les personnages, on constate une imagination romanesque, liée à une implication des objets dans un espace théâtral de drames et de passions.

(. . .) Promenade littéraire à travers le temps, TESTAMENTAIRE nous entraîne sur les traces de Baudelaire, Goethe, Shakespeare, Chateaubriand, Mandelstam, enfin aux quatre coins du monde.

Ilan-Ilan, no 6, juin-juillet 1993

 Lisa Carducci
Il est de ces livres qu’on ne peut analyser parce que analyser est expliquer que la poésie pure n’est pas faite pour être comprise mais plutôt ressentie. Aussi ressent-on, très intensément et sous une infinie richesse de formes, Testamentaire de Saint-John Kauss.

Finesse Magazine, septembre-octobre 1993

Joseph Ferdinand
(. . .) Le plus souvent, le poème de Kauss peut servir à illustrer la munificence du langage poétique moderne. Comme il a bien assimilé la leçon du Surréalisme, il raffole des ruptures soudaines du flux syntaxique et des images aux correspondances déroutantes parce que non fondées sur les certitudes séculaires du cartésianisme. Il a aussi à sa disposition un vocabulaire extrêmement riche d’où il n’hésite pas à faire jaillir le mot rare, le mot-perle qui fait écho, au risque d’éprouver la patience du lecteur. Ajoutez à cela l’abondance de ses figures de style, de la métaphore à l’anacoluthe et à l’allitération.  De cette dernière particulièrement, il tire des effets d’une impressionnante virtuosité.

Mais justement, et c’est là le point fort de cette poésie, ces recherches de l’écriture d’une grâce frôlant l’attifement, loin de choquer, révèlent un fin artiste chez Saint-John Kauss. Ce poète ne le cède à personne quant aux sens de l’harmonie et du rythme. Par exemple, le mot rare n’est pas choisi pour sa seule rareté, mais surtout pour sa capacité à alimenter et à enrichir le potentiel musical du texte.  Un texte qui se targue avant tout de procurer du «plaisir» autant à son créateur qu’au lecteur. On y trouve tout à la fois, dans un équilibre digne de l’art du funambule, la mélodie du vers éluardien, la saveur du verset claudélien, la fantaisie du Dadaïsme et du Surréalisme, le soubresaut de la tirade de Beckett, le tout exécuté, sur le mode du grandiose, à l’archet de Saint-John Perse et d’Anthony Phelps.

(. . .) Tout dans cette poésie, les émotions comme les idées et les rêves, tout naît et se nourrit du souffle divin des syllabes, tout doit finir par se muer en éléments de langage.  L’écriture assume totalement sa souveraineté.  Telle est l’esthétique à laquelle souscrit le poète.  En tant que poète, son rôle ultime est «d’explorer l’univers des mots», car, ajoute-t-il dans ses réponses au questionnaire de Jonassaint, «[s] on territoire précis, c’est les mots.» La métaphore est tout naturellement le lieu où s’accomplit la métamorphose. Comme chez Saint-John Perse et Anthony Phelps dont Kauss connaît bien les œuvres, et, verra-t-on, bien plus fréquemment encore, la chose évoquée se cherche spontanément une correspondance dans la gamme des signes de l’écriture.

La Carrière poétique de Saint-John Kauss, in Utah Foreign Language Review, special issue, vol.1994-1995 ; in Le Nouvelliste, 8 juillet 2005

Joseph Thévenin
(. . .) Nous sommes effectivement dans un monde où la communication poétique se fait au niveau de l’émotion . . .  Saint-John Kauss nous rappelle que la grande poésie (haïtienne), celle héritée de Roussan Camille, de Jean F.  Brierre, de Léon Laleau, de Gérard Etienne . . . , réapparaît sous sa plume. Son univers est accessible non pas à l’esprit de critique, mais à l’esprit de séduction.

Haïti Observateur, 6-13 septembre 1995

Jocelyne Felx
Il existe des similitudes entre Saint-John Kauss et Saint-John Perse, outre le pseudonyme précieux et leur naissance dans les Antilles . . .  Kauss, à l’instar de Perse, cultive les jeux phonétiques et pose la possession réciproque du monde à travers la femme, et de la femme à travers le monde. Le poète apprivoise avec beaucoup de courage les étrangetés de son temps, dont celle de la déterritorialisation du monde.

Lettres Québécoises, no 80, hiver 1995

BEL-AMI JEAN DEMONTREUX
Territoires est un journal non inclusif connotant misères et espoirs, tribulations et triomphes, amours perdues, amours fraternelles et amours reconquises.

Utah Foreign Language Review, special issue, vol. 1994- 1995.

LEVAILLANT B. ADOLPHE
(…) Son Testamentaire dominait du regard les périples des peuples.
(…) Ses Territoires n’en dénotaient pas moins de sensibilité, de grandes bouffées d’humanisme.

 Haïti Observateur, 6-13 novembre 1996

Pierre-Raymond Dumas
(. . .) Sur le motif de la modernité, Saint-John Kauss brode une démonstration polyphonique et omnivoyante fort réussie avec élan et engagement. Cette richesse d’expression, dans les thèmes comme dans la forme, fait de Saint-John un grand maître.

Panorama de la littérature haïtienne de la diaspora (1996)

LEVAILLANT B. ADOLPHE
(…) De sa plume, il se sert pour pleurer l’épaisse tristesse de la gent humaine; de sa conscience, pour apaiser la névrose de l’animal présent.

Haïti Observateur, 6-13 mai 1998

RÉGINALD O. CROSLEY
Dans les deux dernières décades du 20e siècle est apparu dans le monde littéraire haïtien et canadien un homme doué de multiples talents manifestés dans les disciplines scientifiques, dans la poésie, la métaphysique, la critique littéraire et la critique d’art. Il est un épigone du génie de notre race. Je veux parler de Saint-John Kauss.

Haïti-Observateur, 5-12 mai 1999

ANONYME
 … «Manifeste du Surpluréalisme» qui propose une démarche s’inspirant de la réalité vivante.

Dans ces échanges encadrés par des exergues, transpire une atmosphère à la fois particulière, parce qu’empreinte du parcours d’un homme allant d’une enfance imprégnée d’initiation à un état d’adulte en quête de liberté et à la fois existentielle dans la relation entretenue par l’auteur avec les éléments et avec les mots, le faisant accéder au statut de poète.

Il expose tout au long de ces entretiens, sa philosophie de vie tant sur l’écriture qu’au travers du mouvement le Surpluréalisme, qui serait l’art multisignifiant, une œuvre de maturation lente. Il met en exergue l’homme dans sa spécificité spirituelle et universelle. L’homme est élément charnel, sensoriel et cérébral. Au sortir de ces entretiens, Saint-John Kauss, s’offre au lecteur comme un homme droit et exigent, inspiré par Moïse et la culture haïtienne. Mais il est aussi défenseur de la langue créole, qui est une nécessité non seulement pour l’identité des créolisants en général, mais aussi pour l’identité des haïtiens en particulier. Petit livre sur une rencontre poétique et spirituelle, empreinte de Surpluréalisme à découvrir aux éditions Humanitas.

(Grioo.com, 28 novembre 2005)

Joseph Thévenin
(…) il n’a cessé «de tirer son fil rouge», celui de la poésie, s’imposant comme un maître de la plume. Je ne pense pas que parmi les poètes haïtiens Saint-John Kauss soit le plus grand, mais il est à coup sûr celui chez qui la densité des mots est la plus complète et la plus totale. Les poèmes en prose que sont Paroles d’homme libre, cette prose poétique, est étoilée d’images les unes plus éclatantes que les autres. (. . .) Le succès mondial de ses publications, notamment Pages Fragiles, Testamentaire et Territoire de l’enfance, peut rendre fier tout Haïtien qui sait encore accorder de la valeur à la chose littéraire. Paroles d’homme libre est un chant général à la manière de Pablo Neruda. (…) L’auteur de Pages Fragiles est un inventeur de mots. Il faut parler d’un style Saint-John Kauss, un langage Saint-John Kauss et un genre Saint-John Kauss. (…) Avec Paroles d’homme libre, Saint-John Kauss se dresse fièrement avec son accent vigoureux «comme un grand Seigneur du langage».
           
Haïti Observateur, 11-18 janvier 2006

Joseph Thévenin
(. . .) Dans une de ses études les moins inconnues, La Poésie féminine haïtienne publiée dans le journal Le Nouvelliste, en l’an 2004, l’homme s’est révélé un prodigieux écrivain. Une page admirable où il dessine avec une délicatesse dont on ne voit plus guère d’exemple, outre la figure « des saintes de l’ombre » comme Marie-Ange Jolicoeur, Virginie Sampeur, Ida Faubert, mais aussi la sensualité d’une Jeanine Tavernier, la poésie nostalgique d’une Jacqueline Beaugé Rosier, la finesse de Michaelle Lafontant…

À lire cette étude pénétrante de Saint-John Kauss  sur La Poésie féminine haïtienne, on aperçoit que notre auteur possède une multiplicité de dons. Il peut écrire un texte hermétique comme celui de Paroles d’homme libre, comme il peut composer aussi une page intelligente, heureuse et même émouvante où il recrée l’enthousiasme, la tonalité de cette poésie féminine haitienne qui a la grandeur des anciens poèmes d’Anacaona et la fraîcheur d’une région fertile…

Haïti Observateur, 11-18 janvier 2006

MARIE FLORE DOMOND
Saint-John Kauss est une étoile scintillante de l’école de la poésie haïtienne contemporaine, une révélation. On le découvre comme un poète penseur. Authentique solitaire, indiscret, omniprésent. Son expressionnisme  joue en faveur de la qualité esthétique de ses œuvres en général. Il donne l’impression d’être à la quête d’un symbolisme intégral. Ceci l’amène à une écriture scindée qui caractérise l’unité du temps de sa curiosité. C’est ainsi qu’il mesure également son unité des lieux à explorer. Sa poésie s’inspire d’un genre académique, privilège d’une immense éducation artistique. Une poésie de référence, exigeante autant pour le créateur que pour l’auditoire. L’écriture  du  poète se montre consciencieuse, éclatée et  agit sur la dimension recto verso de la vie : le réel abstrait et le  pur concret se tissent un lien indivisible.

On ne décèle aucun fantaisisme dans la poésie de Saint-John Kauss. Des mises en scènes impeccables livrées complètement à l’intuition poétique. Saint-John Kauss abhorre soit l’absurdité, le fantasme à haute altitude ou une part grave de la réalité. On dirait qu’il ignore volontairement le sens des raccourcis. Au terme des détails, il nous soumet des teintes raffinées, neuves. L’univers qu’il crée est certes présent et à la fois hors du temps. C’est donc une poésie d’eau de source filtrée, distillée à souhait.  Trop urbain pour être un franc poète de la nature, il en devient un fervent célébrant. Et c’est avec  une exaltation débordante, une douceur cultivée, une tendresse infinie, des mots rares qu’il dépose à l’autel de la félicité. Et ce miel provenant de sa ruche vierge où le ciel en est témoin. Cependant, quand l’heure du festin de l’amère à boire résonne, son cri de détresse retentit avec autant de grâce et de rage que l’on sent alors l’odeur du fiel accumulé.

Au contact des œuvres poétiques de Saint-John Kauss, on est subjugué face à un être captif, d’une énergie qu’il libère cependant, de façon fluide, sans entraves; possesseur d’un œil de cyclope,  à l’iris poétique supersonique, de teint ultrasensible et d’un infra-enthousiasme. Son orbite mythique contient la réserve pleine et entière, d’une part, de l’absolue horreur du monde; d’autre part, la clairvoyance de la beauté de l’univers. La poésie de Saint-John Kauss se veut transcendante, résurrectoire, sanctifiante, pulpeuse et voluptueuse tout à la fois; vivifiante, extravagante, imposante et aux sens subtils. Elle est propre à affranchir des ondes  nostalgiques,  des langueurs, de la mélancolie aux «vagues à l’âme» ou de l’allégresse.

Nous vous livrons le contenu intégral d’une lettre datée du 1er  août 1979, adressée à l’auteur par un résident  new-yorkais, en l’occurrence monsieur Reynold Eustache: «Vos poésies me blessent comme un poignard qu’on passe et repasse sur une plaie vivante, comme une épée qu’on entre et rentre dans une blessure grave et profonde.  Dans l’ensemble, je trouve votre poésie cruelle et pense que je resterai longtemps encore bouleversé par certaines images nées de votre lecture.» C’est  dire que personne n’échappe à cette teneur émotive qu’est cette bouffée de sensations à la fois chatouilleuses, nerveuses et fracassantes qui distance Saint-John Kauss de ses pairs et qui caractérise son authenticité.

Saint-John Kauss maîtrise parfaitement l’art de superposer des images soigneuses, multiformes, lisses ou rugueuses projetées sur l’écran de la fertilité et du prestige. Il s’investit dans un langage apprivoisé dégageant un air mobile, jamais fixe. A tout moment, il peut surprendre, désarmer, démobiliser, dérouter le lecteur crédule. Nous vous cédons la réaction mi-émotionnelle d’un lecteur avisé, puisqu’animé d’un sens de discernement et conscient de la capacité, du potentiel et de l’habilité de l’illustre jeune poète.  Fresnel Lindor ( Le Nouvelliste, 6 juin 1979): «Ces petits chants  qui jaillissent de la gorge humaine sont de véritables voluptés transparents qui nous emmènent en bateau sur une mer démontée d’ennuis, de défoulement simulé et d’espoir forgés au petit matin songeur.» Entre le proche et le lointain, Saint-John Kauss parvient de surcroît à saisir lumineusement un instant d’éternité. Il possède la dextérité d’un orfèvre qui sait entailler la matière du sentiment humain jusqu’à la phase sublime.

On retrouve dans ses poèmes une consonance rimeuse, limpide à la cadence cristalline composée de battements purs et envoûtants. L’inspiration est engendrée d’une telle densité  pouvant paralyser la pensée des prospecteurs  d’un infini écho; ceux-là même qui, pourtant,  succombent en fin de compte sous le charme d’un esthétisme raffiné, délicat et distingué. Au premier degré, le lecteur ne se soucie guère s’il s’agit d’expériences fabriquées ou vécues de l’auteur. Essoufflé  devant cette gigantesque embouchure verbeuse qui ne fait que le  transporter de façon vertigineuse vers l’étrange combinaison sensation-impression jusqu’au délire éventuel de s’exclamer tout haut ou tout bas: «Mais ce poète est béni des dieux… Jouit-il donc de tous les généreux dons  de la fontaine de Jouvence!» Entre le concret et l’abstrait, Saint-John Kauss façonne l’insolite, l’inusité, invraisemblablement en consumant la totalité, la globalité, voire l’intégralité du champ qu’il explore.

En somme, l’écriture de Saint-John Kauss est omniprésente, tissée  de la mémoire, intimement  liée à ses souvenirs. Les quelques strophes sélectionnées dans Le manuscrit du dégel (2006), un de ses recueils de poésie les plus denses, donneront un bref aperçu des arguments avancés ci-dessus. Il est composé de huit variations de temps et  variations d’état. Cette conjugaison n’a rien de fortuit.

Cahiers de Poésie, no 9, hiver 2007

JEAN ANDRÉ CONSTANT
Le Manuscrit Du Dégel et Hautes feuilles, les deux derniers recueils du poète haïtien Saint-John Kauss, prennent corps dans une parole haute de forme qui participe d’une même poétique: l’enchevêtrement des registres et des discours, une constante cohabitation de la musicalité et du sens, et une tendance au sursaut magistral dans les différentes modalités d’énonciation.  

Dans les deux recueils, Kauss déclenche son propos par l’approximation, des clauses de prudence (malgré ce silence où tu danses…/ peut-être que je saurai …) qui servent d’exorde à l’extension de sa voix subjective pour s’assumer avec plus de ferveur dans le corps du texte. Celui-ci se déroule dans une chaîne phono-sémantique qui en assure la densité musicale tout en collant à la recherche du sens. Double jeu de son et de sens. Double jeu d’images et de représentation. La répétition des phonèmes et lexèmes, l’emploi mesuré des allitérations et des assonances, en plus de la disposition typographique qui assure des cassures et des pauses dans la lecture, n’empiètent en rien sur la construction du sens. Ce dernier est mis en œuvre par des soubresauts dans l’énonciation, permettant à l’auteur de jongler avec les différentes fonctions du langage. Sa technique consiste à faire varier l’énonciation sans transition du «je» qui dit «la faim, la liberté, la quérulence des appels à la fraternité» à  l’allocutaire (tu, vous) voix féminine, parfois chair ardente ou figure iconoclaste dont l’amour où l’amitié s’étend sur un humanisme persiens, et d’autres fois métaphore et prétexte pour parler de l’autre à la troisième personne, (description et narration), de ses îles d’appartenance ou d’ancrage, (Montréal ou Haïti), sous forme de rêves et d’amour dans leurs versions de joie et de douleur. (…)

La poésie de Kauss procède par une langue réinventée consistant en sa propre organisation spatiale et syntaxique, de constantes anastrophes et tropes au sens bouleversant, et l’alternance surprenante des  modalités d’énonciations passant d’une simple assertion à de longs vers impliquant des relations circonstancielles (temps, lieu, manière, clauses) qui s’articulent dans un territoire parfois cascadé, parfois allégé d’images enchanteresses.

(...) Mais dans l’ensemble, l’intensité des émotions, la variation du ton et de la thématique, les effets musicaux, la pertinence des images et des figures, l’originalité du propos, la réinvention du langage chez Kauss frappent  et accrochent le lecteur.

Le Matin, 2 août 2007

boule  boule  boule

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 Viré monté