Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

Le créole, cette langue orpheline

(1è partie)

Raphaël Confiant

Octobre 2009

 

 

 

 

 

 

Photo F. Palli

Jala

Octobre est, à travers le monde, et cela depuis une bonne dizaine d'années, «le mois du créole». Notre langue est célébrée aussi bien dans les pays créolophones que dans les pays d'Europe ou d'Amérique du Nord qui abritent une immigration créole. La Dominique, avec son «World Creole Festival», qui dure une semaine et les Seychelles avec son «Festival Kreol» qui dure un mois, ont été à la pointe du mouvement. Rejoints ensuite par le Québec avec son «Mois du créole de Montréal», sous la houlette de l'association haïtienne KEPKAA, et cette année par le Conseil général de la Guadeloupe avec «Mwa Oktob Kreyol An Mouvman».

Il n'y a guère qu'à la Martinique où, à part le Festival «Rabouraj» de la ville de Trinité, dirigé par Claude Marlin, tout le monde s'en fout. Les commissions «Culture» des différentes collectivités locales et les maisons de la culture des différentes villes et communes n'y prêtent aucun intérêt, organisant ici et là quelque «dikté créole» à la sauvette pour se donner bonne conscience. Quoi d'étonnant donc à ce que l'atelier «Culture» des Etats-généraux de l'Outre-mer n'ait pas soufflé un mot de notre langue!

On peut légitimement se poser la question de savoir pourquoi dans toutes les revendications identitaires ou nationalitaires à travers le monde, la langue joue un rôle fondamental, hormis dans les pays créoles et singulièrement en Martinique. Les Kurdes, les Berbères, les Basques, les Catalans, les Corses, les Quechua, les Mayas, les Tahitiens etc…placent au premier rang de leurs revendications la revendication linguistique. Le fait que le gouvernement turc vienne, le mois dernier, d'autoriser l'ouverture d'une chaîne de télé en kurde a été considéré par les Kurdes comme une grande victoire. En Algérie, les raisons de l'irrédentisme de la Kabylie tiennent beaucoup au fait que ses habitants refusent de se voir imposer la langue arabe. Et, chose amusante, le gouvernement autonome de Catalogne a décidé de subventionner aussi les films pornographiques, comme il le fait pour les autres films joués en catalan, au motif que la langue doit pouvoir «pénétrer dans tous les domaines». On ignore si le fonctionnaire du Ministère catalan de la culture qui a choisi le mot «pénétrer» en rédigeant ce décret l'a fait parce qu'il était fatigué ce jour-là ou parce qu'il a voulu faire preuve d'humour. Bref, tous les peuples, en état de revendication identitaire, sont farouchement accrochés à leur langue, sauf nous.

Pourquoi?

LANGUE ORPHELINE

Parce que le créole est une langue orpheline! Cela a été expliqué dans la «Charte culturelle créole» publiée par le GEREC il y a 30 ans déjà, mais apparemment personne n'y a prêté attention. Commençons donc par le commencement: le créole se met en place en à peine une cinquantaine d'années, entre 1620 et 1670, les premières années donc de la colonisation des Antilles par les Français. Le créoliste allemand Ralph Ludwig a une jolie expression pour décrire ce phénomène: il parle, en effet, de «naissance éruptive». C'est que lorsque Caraïbes, Français et Africains se sont retrouvés à Saint-Christophe (aujourd'hui St-Kitts), en Guadeloupe, en Martinique ou à Sainte-Lucie, il a fallu qu'ils trouvent rapidement un moyen de communication entre eux. Le créole est donc né d'une urgence communicative. D'habitude, les langues mettent des siècles à se former! D'aucuns pourraient se demander pourquoi les maîtres, les Français donc, n'ont pas imposé leur langue à l'instar des Espagnols ou des Portugais dans le reste de l'Amérique. La raison en est fort simple: le français tel qu'on le parle de nos jours n'existait pas encore en 1620, ni même en 1635 lorsque les Français colonisent la Guadeloupe et la Martinique. Chaque province de France parlait son propre dialecte: la Normandie le normand, la Vendée le vendéen, le Poitou le poitevin etc… A Paris et en Ile-de-France, on parle le francien qui progressivement sera écrit et deviendra le français, mais très progressivement car en 1789, par exemple, les révolutionnaires chargèrent notre cher Abbé Grégoire, membre par ailleurs du «Comité des Amis des Noirs», de mettre sur pied une commission chargée de «l'éradication des patois de France», car seuls 1/3 des habitants de l'Hexagone comprenaient… le français.

RENIEMENTS DU CREOLE

Pour en revenir à la naissance du créole, 1635 est aussi l'année où le cardinal Richelieu crée l'Académie française afin d'élaborer une orthographe et de faire un dictionnaire. Donc cet absence de langue standardisée chez les colons et la multiplicité des langues en présence (arawak, caraïbe, normand, vendéen, poitevin, wolof, éwé, fon etc.) a créé un boulevard pour que naisse une nouvelle langue qui permettra à tout le monde de se comprendre: ce sera le créole. Langue qui a été créé par les 3 groupes en présence: les Caraïbes, les Français et les Africains. Comme on le sait, durant les cinquante premières années de la colonisation, la canne à sucre n'existe pas encore aux Antilles et le nombre de Blancs et de Noirs y est sensiblement égal. Il y a beaucoup de concubinage entre les deux ethnies et même parfois des mariages comme l'attestent les registres paroissiaux. L'apparition de la canne va bouleverser le paysage insulaire et chambouler cette petite société. Les colons, de gueux qu'ils étaient deviennent subitement riches: ils passent de l'état d'habitant à celui de planteur, de celui de colon à celui de Béké. Immédiatement, ils instituent le «Code noir» (1685) qui va instaurer une sorte d'apartheid avant la lettre. Du coup, les Békés vont renier le créole, leur langue, celle qu'ils avaient contribué à créer avec les Caraïbes et les Noirs. Ils vont la qualifier de «jargon des Nègres» ou de « patois des Noirs» et feront venir des précepteurs de France pour éduquer (et donc apprendre le français de Paris) à leur enfants. Ce rejet est, toutefois, purement idéologique car les Békés ne cesseront jamais jusqu'à aujourd'hui de parler créole. Il s'agissait pour eux de ne plus rien partager avec les Nègres.

Le créole devient donc vers la fin du XVIIe siècle une première fois une langue orpheline.

Entre temps, le groupe né du concubinage des Blancs et des Négresses, les Mulâtres donc, va se battre pour avoir un certain nombre de droits, cela tout au long du XVIIIe siècle. Bien que de père (ou de grand-père) blanc, ils subissent moult vexations, n'ont pas le droit de porter l'épée ni d'exercer certaines professions. Le champ politique leur est barré et quand ils s'insurgent (voir l'affaire Bissette), ils sont emprisonnés ou déportés. Le groupe mulâtre trouvera en la métropole, ou plutôt chez les démocrates et socialistes de la métropole, une oreille attentive à compter du XIXe siècle et parfois un soutien actif. On comprend pourquoi il se détournera de la langue et de la culture créoles pour vouer un culte quasi idolâtre à la langue et la culture françaises. Ce que les Nègres traduisent par l'expression suivante: «Dépi an Milat ni an vié chouval, i ka di Nègres sé pa manman'y» (Dès qu'un Mulâtre possède un simple cheval, il dit qu'il n'a pas une négresse pour mère). C'est le deuxième reniement du créole qui se produit au tournant des XVIIIe et XIXe siècles.

Le créole est une deuxième fois orphelin, mais bien sûr, les Mulâtres ne cesseront jamais, eux aussi, de parler créole.

1848 arrive avec l'abolition de l'esclavage. On ôte les chaînes des pieds des Nègres, mais on ne leur donne rien. Aux Etats-Unis, chaque ancien esclave se voit offrir «22 acres and a mule» (22 acres de terre et un mulet). Du coup, le Nègre antillais a trois possibilités: ou bien retourner travailler comme ouvrier agricole sous-payé sur la même «habitation» où il avait été esclave; ou bien monter dans les hauts mornes pour y défricher des jardins créoles et y vivoter; ou bien aller à l'école (ou envoyer ses enfants à l'école) pour acquérir une éducation et donc échapper à l'emprise du Békés toujours en quête de coupeurs de canne, d'amarreuses et de «ti-bann». Les trois solutions seront mises en œuvre par le groupe nègre, mais la troisième finira, dans la première moitié du XXe siècle, par l'emporter: le roman «La Rue Cases-Nègres» de Joseph Zobel l'explique fort bien. Or, cette école qui devient la Terre promise pour les Nègres, elle ne connait qu'une langue et une culture: la langue et la culture françaises. Tout ce qui est créole, à commencer par le parler, y est banni. Les Nègres n'ont donc pas d'autre choix que de s'embarquer dans le français, tout comme les Mulâtres avant eux. Ils vont à leur tour fétichiser, idolâtrer ce qui fait figure de sésame pour entrer dans le monde «civilisé». Les mères, soucieuses de l'avenir de leurs enfants, lanceront à leur marmaille: «Man ka défann ou palé kréyol!» (Je t'interdis de parler le créole!). Les instituteurs mulâtres et nègres pourchasseront les créolismes dans les devoirs. Les politiciens envoûteront les foules à «coup de bel français», y compris Césaire.

Le créole devient pour la troisième fois une langue orpheline.

Et puis, vers le milieu du XXe siècle, les «engagés» indiens et chinois renieront à leur tour le créole, cette langue qui leur avait pourtant permis, lors de leur difficile installation aux Antilles à compter de 1853, alors qu'ils étaient venus remplacer les Nègres dans les champs de canne, de s'adapter au pays et de s'y enraciner. Une fois sortis de l' «habitation» un siècle plus tard, une fois qu'ils acquerront des biens (terres, bétail, compagnie de transport, etc...), ils feront exactement comme les Békés, les Mulâtres et les Nègres: ils jetteront le créole aux oubliettes. On peut donc dire qu'il existe une sorte de loi historique au sein de nos sociétés insulaires: dès qu'un groupe social monte dans l'échelle sociale, dès qu'il parvient à grimper deux ou trois barreaux de ladite échelle, la première chose qu'il s'empresse de faire, c'est de se débarrasser de la langue et la culture créoles. C'est de les renier.

Le créole, cette langue orpheline…

(2è partie et fin)

Nous avons donc vu dans l’article précédent que le créole avait été 4 fois renié (par les Békés à la fin du XVIIe siècle, par les Mulâtres au XVIIIe, par les Nègres au XIXe et par les Indiens et Chinois au XXe) et qu’il y avait au niveau de notre société une sorte de règle historique qui veut que dès qu’un ethno-groupe grimpe sur l’échelle sociale, la première chose qu’il s’empresse de faire, c’est de se débarrasser de la langue et la culture créoles. Cette attitude, purement idéologique puisqu’aucun des groupes en question n’a jamais cessé de parler créole, s’accompagne dans le même temps d’attitudes contradictoires envers la langue. C’est ainsi que les Békés ont été les tous premiers à écrire en créole, à publier des textes littéraires en créole! Dans ce qu’ils appelaient donc, mensongèrement, «le jargon des Nègres». Mensongèrement parce que le créole fut la création commune des Caraïbes, des Européens et des Africains au cours des 50 premières années de la colonisation des îles (1620-1660), c’est-à-dire avant l’arrivée de la canne à sucre. C’est ainsi que le tout premier texte littéraire en créole est paru à Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti), en 1754. Il s’agit d’une chanson-poème intitulée «Lisette quitté la plaine» due à un Blanc créole dénommé Duvivier de la Mahautière. Ce texte connu un tel succès, traversant même l’Atlantique, que Jean-Jacques Rousseau écrivit une partition musicale pour lui sous le titre de «Chanson nègre». Tout au long du XVIIIe siècle, l’âge d’or de ce qui était la «plus riche colonie du monde», de Békés écrivirent des chansons, des poèmes et des pièces de théâtre en créole dont la plupart furent perdus durant la guerre de libération menée par Toussaint-Louverture, puis Dessalines. Dans le même temps, des religieux venus de France publièrent des catéchismes en créole dont on ignore s’ils furent réellement utilisés. L’un des plus connus est celui de l’Abbé Goux (1824) pour le créole martiniquais.

FABLE CREOLE

À compter du XIXe siècle justement, les publications en créole et les études grammaticales vont se multiplier. Une tradition littéraire créole, ininterrompue jusqu’à nos jours, va même se constituer: celle de la fable en créole. Fable le plus souvent traduite de La Fontaine. Alors que ce genre littéraire culmine et meurt en France avec ce dernier, il s’enracine aux Antilles, sans doute à cause de la prééminence de l’oralité en créole. C’est ainsi qu’en 1846, soit deux ans avant l’abolition de l’esclavage, le Béké martiniquais François Marbot publie «Les Bambous. Fables de La Fontaine travesties en patois créole par un vieux commandeur», ouvrage qui sera un véritable best-seller martiniquais puisqu’il connaîtra pas moins de 6 rééditions en 1846 et 2002 (réédité par mes soins chez Ibis Rouge). Paul Baudot, en Guadeloupe, publiera lui aussi des fables créoles ainsi qu’en 1874, le Blanc créole guyanais Alfred de Saint-Quentin. Coup de tonnerre en 1885: publication du tout premier roman en créole, «Atipa» par le Guyanais Alfred Parépou. 227 pages et 12 chapitres entièrement en créole! Malheureusement, l’auteur dont l’identité a longtemps été incertaine (selon la créoliste canadienne Marguerite St-Jacques-Fauquenoy, il s’agirait d’un certain Alfred Meyrerand, conseiller général mulâtre de Cayenne), ne distribura pas l’ouvrage en Guyane et ce dernier n’aura malheureusement  aucun impact. Tout le monde le croyait perdu jusqu’à ce que l’on retrouve un exemplaire à la Bibliothèque du Congrès à Washington! «Atipa» sera donc republié en 1982 et classé par l’UNESCO parmi «les œuvres représentatives de l’humanité», honneur dont n’a jamais bénéficié jusqu’à présent aucune œuvre francophone antillaise. Autre curiosité: la toute première grammaire d’un créole à base lexicale française, datant de 1869, est due à un…Trinidadien, John Jacob Thomas («The Theory and Practice of Creole Grammar»), parce qu’au XIXe siècle toute l’île parlait un créole proche du martiniquais!

LITTERATURE CREOLE

Au XXe siècle, on note la création de l’ACRA (Académie Créole Antillaise) en Guadeloupe dans les années 40-60 avec Rémy Nainsouta, Bettino Lara ou encore Gilbert de Chambertrand. Le recueil de nouvelles de ce dernier intitulé «Dix bel contes avant cyclone» est un régal! En Martinique, Gilbert Gratiant publie son formidable «Fab’ Compè Zicaque» (1958) continuant donc la tradition de la fable mais cette fois-ci détachée du modèle lafontainien. Aux Petites Antilles, on en est encore à une graphie étymologique (inspirée de l’orthographe française) alors qu’en Haïti, nait, en 1945, la graphie phonético-phonologique qui, après divers remodelages, est celle qui est utilisée partout de nos jours.

Cette nouvelle graphie est l’œuvre de deux pasteurs protestants…étasuniens, McConnel et Laubach, qui, voulant traduire la Bible en créole et ignorant le français, vont se trouver contraint d’inventer une graphie qui reproduit simplement les sons de la langue.

Ce n’est qu’en 1973 que le linguiste martiniquais Jean Bernabé, s’appuyant sur cette première expérience, assez frustre, il faut le dire, va donner une assise scientifique incontestable à cette graphie. C’est ce que le grand public appelle la Graphie-GEREC.

À côté de la littérature et des études sur la graphie apparaîtront bien sûr nombre de grammaires, dictionnaires et ouvrages pédagogiques. Pompilus Pradel en Haïti, Jean Bernabé («Fondal-Natal», 1975) et Robert Damoiseau en Martinique, Guy Hazaël-Massieux en Guadeloupe, Lawrence Carrington à Sainte-Lucie etc…publieront des études syntaxiques de haut niveau dans ces années 70-80 où la créolistique est la pointe la plus avancée de la linguistique au niveau mondial. Pourquoi? Parce que les créoles sont les seules langues pour lesquelles ont dispose de documents fiables quand à leur naissance. Au niveau scolaire enfin, toujours dans les années 80, Hector Poullet et Sylviane Telchid en Guadeloupe (collège de Capesterre-Belle-Eau), puis Paul Blamèble et Yvon Bissol en Martinique (collège de Basse-Pointe) feront figures de fondateurs de l’enseignement du créole. Au niveau universitaire, Jean Bernabé, avec ses collègues R. Damoiseau, R. Confiant, R. Relouzat, G. L’Etang etc…, créeront un diplôme d’université en études créoles (le DULCCC), puis obtiendront au tournant de l’an 2000, la création d’une licence (nationale), d’un master et d’un doctorat en créole. Le groupe de recherches de J. Bernabé, le GEREC, se battra aussi corps et âme pour amener le Ministère de l’Education Nationale à créer un CAPES de créole (2001). Aujourd’hui, chaque année, sortent 4 certifiés de créole (pour les 4 pays: Guadeloupe-Guyane-Martinique-Réunion).

DECREOLISATION

On pourrait se demander après ce tableau (trop schématique) pourquoi continuer à dire que le créole est une langue orpheline. La réponse est simple: avec l’effondrement de la «société d’habitation» dans les années 60 du XXe siècle, le créole a perdu sa niche écologique. Certes, il a émigré vers les quartiers populaires des bourgs et des villes, mais il ne dispose plus du soutien d’une activité économique forte et surtout il se retrouve désormais brutalement confronté au français qui règne en maître en ville. Confrontation du pot de terre contre le pot de fer, hélas! Et alors s’est mis en place un processus mortifère, appelé «décréolisation», qui ne touche pas seulement la langue mais l’ensemble de notre culture: la pharmacopée, le vêtement, la cuisine, l’architecture etc…Cette décréolisation correspond, en fait, à une véritable «décivilisation» puisqu’elle est accompagnée d’une destruction des rapports de convivialité et de civilité traditionnels: on ne dit plus ni «bonjour» ni «merci»; on traite le client comme un chien dans les commerces; on brûle la priorité à l’autre sur la route; on l’injurie pour un rien; ou alors on le frappe, le blesse, voire le tue. La Martinique post-créole – post 1960 donc – est une société décivilisée.

Il apparaît que nos décideurs et nos politiques n’ont pas pris la mesure d’un phénomène qui dure pourtant depuis quatre décennies. Aucun effort sérieux n’est mis en place pour contrer la décréolisation (/décivilisation), hormis des actions ponctuelles tels que des festivals, malheureusement presque tous axés sur la seule musique. Nos décideurs ne savent même pas que la dernière chose à disparaître dans une culture, c’est la musique et donc qu’il faut, en cas de danger, de génocide culturel (ce qui est notre cas), porter davantage l’effort sur des secteurs plus fragiles tels que la langue, l’oraliture, l’architecture, la pharmacopée, l’artisanat etc… Il y a ainsi urgence, comme aux Seychelles ou la Réunion, à créer un «Institut créole», qui serait chargé de promouvoir le bilinguisme, qui ferait de l’édition de documents papier ou NTIC, qui impulserait des recherches dans les secteurs que je viens d’évoquer, qui établirait des liens solides avec les autres pays créolophones etc…

Comme rien n’indique que nous nous dirigeons dans cette direction, je pronostique la disparition de la langue créole vers 2050 et celle de la culture créole en son entier vers 2080 ou 90, hormis quelques résidus de «bèlè». L’autre jour, j’ai vu un type en vélomoteur qui arborait un tee-shirt portant au dos l’inscription suivante: «BANLIEUE 97-2»

Il a raison. C’est un visionnaire: notre destin est de devenir un Sarcelles-sous-les-cocotiers…

Raphaël Confiant

 Viré monté