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LKP

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

RASSEMBLEMENT REPUBLICAIN POUR LA PAIX CIVILE EN GUADELOUPE

Place de la Concorde (Paris),
jeudi 19 février 2009 à 17h00.

Au 29ème jour de grève générale en Guadeloupe, le pire est survenu.
 
Monsieur Jacques Bino, délégué syndical de la CGTG et militant actif du mouvement culturel AKIYO a été tué par balle à proximité d’un barrage tenu par des jeunes d’un quartier populaire de Pointe-à-Pitre.
 
La disparition brutale de ce syndicaliste risque d’aggraver une situation déjà très tendue.
 
Nous demandons au Président de la République d’apporter dans les meilleurs délais une réponse politique à cette crise sociétale qui affectera profondément, si elle se prolonge, les liens entre la République et la Guadeloupe.

Premiers signataires

CM98, Collectif DOM, Accolade, CAG (Communauté Antillo-Guyannaise), Ka-Maniok, RATP DOM-TOM, B'NAI BRITH de France, CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France), CCAF (Conseil de Coordination des organisations Arméniennes de France), SOS racisme, Parti Socialiste, Parti Communiste Français.

Non à la violence en Guadeloupe

Une centaine de personnes ont répondu à l'appel,  parmi elles une présence significative de jeunes. Photo Tony Mardaye.

CM98

DÉCLARATION DU CM98 SUR LA CRISE SOCIALE DANS LES DOM
SOUTIEN AUX PEUPLES DES DOM POUR SE LIBÉRER DES
VESTIGES DE L’ESCLAVAGE ET DU COLONIALISME
 

Au 30ème jour de la grève générale qui paralyse la Guadeloupe, le pire est survenu dans la nuit du 17 au 18 février. Jacques Bino, délégué syndical de la CGTG et membre actif du mouvement culturel AKIYO a été tué par balle à proximité d’un barrage tenu par des jeunes d’un quartier populaire de Pointe-à-Pitre. Depuis le tabassage d’Alex Lollia, syndicaliste et militant du LKP, lors d’une intervention musclée des forces de l’ordre, des bandes de jeunes, cagoulés et armés, saccagent les lieux symbolisant le surprofit des Békés, descendants d’esclavagistes, et affrontent violemment les forces de l’ordre.

Consterné et attristé par le décès de ce Guadeloupéen, le CM98 présente ses sincères condoléances à sa famille et interpelle le président de la République pour qu’il apporte dans les meilleurs délais une réponse politique à cette grève générale qui, d ès les premiers jours, s’est révélée être une profonde crise sociétale.

L’une des revendications majeures du collectif d’organisations syndicales, associatives, politiques et culturelles de la Guadeloupe, dénommé Liyannaj Kont Pwofitasyon (union contre l’exploitation outrancière), portant sur une baisse des prix exorbitants pratiqués dans les DOM, a mis en exergue les surprofits que se font les patrons de l’import-export grâce au monopole économique dont ils jouissent. Parmi ces patrons, les plus puissants d’entre eux, les Békés, possèdent une grande partie du foncier et détiennent un pouvoir incontestable. Le témoignage d’un des leurs, Alain Huyghues Despointes, diffusé sur Canal + en pleine crise sociale aux Antilles, a montré sans ambiguïté que les descendants de colons, organisés en caste endogame, se considèrent encore comme les maîtres de «la colonie». Nous comprenons alors qu’ils n’aient pas daigné s’asseoir à la table des négociations, malgré la présence d’ Yves Jégo, secrétaire d’État à l’outre-mer. Devant l’intensification du conflit, Monsieur Jégo a déclaré que la structure de l’économie des DOM, héritée des comptoirs coloniaux, est complètement archaïque et a avoué l’impuissance des pouvoirs publics dans leur rôle de contrôle et de transparence des prix établis.

Le mouvement revendicatif débuté en Guadeloupe le 20 janvier et suivi en Martinique le 5 février, a donc révélé aux Français de l’Hexagone et des territoires d’outre-mer, ainsi qu’au monde entier, une réalité scandaleuse en République française, à savoir la persistance de survivances esclavagistes et de rapports néocoloniaux dans ces départements d’outre-mer. L’abolition de l’esclavage en 1848 n’a été acceptée par les colons qu’après avoir été rassurés que l’esclave affranchi et salarié assurerait la prospérité de la colonie. Les anciens maîtres ont continué à s’enrichir en exploitant cette fois-ci leurs salariés, maintenus dans un statut d’esclave. Les habitations esclavagistes ont prospéré et perduré jusque dans les années soixante-dix. Il a fallu les luttes des syndicats nationalistes de paysans pauvres et d’ouvriers agricoles pour que disparaisse enfin l’habitation. Ces luttes ont été le théâtre de dures répressions. Dommage que les ministres de l’époque n’aient pas eu la prise de conscience de Monsieur Jégo!

Une lecture attentive de la plateforme revendicative du LKP montre que ces revendications ne se limitent pas à la baisse des prix et à une augmentation de 200 euros des salaires les plus bas, mais s’étendent à une réforme de l’enseignement et de la formation professionnelle plus en prise à la réalité guadeloupéenne, une priorité de l’embauche de Guadeloupéens, un programme de développement du secteur primaire et d’aménagement du territoire, et enfin, une valorisation de la culture guadeloupéenne. En définitive, cette plateforme, comme l’indique clairement son préambule, jette les bases d’un projet d’une «société neuve capable d’organiser l’économie, l’éducation scolaire et universitaire, la santé, la politique de la ville, le travail, en protégeant tous ses enfants et en respectant ses traditions culturelles».

Dès la première grande manifestation qui rassembla plus de 65.000 Guadeloupéens, un slogan d’affirmation identitaire se fait entendre avec force: «Gwadloup a pa ta yo, Gwadloup sé tan nou» (La Guadeloupe n’est pas leur pays, c’est le nôtre). Il sera repris systématiquement dans tous les rassemblements et imprimé sur les tee-schirts que portent les grévistes et les Guadeloupéens solidaires du LKP. À travers ce slogan, les Guadeloupéens expriment le sentiment que cette terre conquise par la couronne de France en 1635, imprégnée du sang et de la sueur de leurs aïeux esclaves, est avant tout la leur. Depuis le début de la grève générale, les manifestations organisées par le LKP ont l’occasion pour les participants d’affirmer qu’ils sont Guadeloupéens avant tout.

Force est de constater que la trame de fond de cette grève générale est la prégnance du passé esclavagiste et colonial des Antilles dans leur réel qu’il soit d’ordre économique ou identitaire. La crise sociale actuelle qui s’enlise faute de réponse de l’État, est avant tout une crise politique majeure débutée en fait dans les années soixante. Sa résolution nécessite des mesures économiques immédiates, telles que la baisse des prix et le renforcement du pouvoir d’achat des plus démunis. Mais, ces mesures doivent être accompagnées d’une mise à plat des dysfonctionnements entravant le développement de ces sociétés postcoloniales. Le président de la République devra œuvrer à la destruction des survivances esclavagistes et colonialistes dans les DOM, en ayant soin d’établir de nouveaux rapports entre la France hexagonale et ses îles, encore mal insérées dans la République.

Ce soir, les originaires d’outre-mer, en particulier les Guadeloupéens, attendent du président de la République, une réponse politique à la hauteur de la crise sociétale qui agite la Guadeloupe.

Paris, le 19 Février 2009
Serge ROMANA
Président du CM98

Viré monté