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Nov. 2003
L'Inde à l'hyper-marché, ou quand
la culture |
When
nations grow old, the arts grow cold and commerce settles
on every tree.
- William Blake, poet, engraver, and painter (1757-1827).
Lè ou vwè
Nasion ka vin vié, fos artistik a yo ka fwadi,
é sé komes ka pran lanmen an chak piébwa.
- William Blake, on poet, gravè, é pent anglé.
(1757-1827).
Accueil,
joie et liberté : Samadhi et Elodie,
formées par Smt. Annick Raghouber.
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Novembre 03 en Guadeloupe: une Semaine Commerciale sur l’Inde a eu le mérite de réveiller dans une hyper-marchanderie abymienne la conscience de l'apport coolie en îles. Les malpalan diront, non sans ti-brin d’raison, que la récup de 2004, anniversaire de la rivée de nos indiens, est bien partie. Mais, «on va dire», «il va falloir», qu'on fasse avec.
Plaisants «défilés de saris» et autres salwar-kameez (dits pendjabi, mais pas que du Pendjab) ont attiré et flatté, humecté même l'œil de milliers de visiteurs. La cuisine indo-créole - lotis et colombos traditionnels ramenés de Saint-François ou griffe novatrice alla Maître Chaville - ne se voulait pas éclipsée par l'indo-indienne aux nàn et tandoori tout aussi goûteux. Vêtements d'Inde moderne et accessoires, CD classiques, dévotionnels, musiques de film, ont fait recette...
C'est plutôt quasi-indifférente que la cohue filait devant nos ti-fabricants de tapou, matalon, et talon traditionnel. Les montreurs d'images en classeurs sous polyéthylène-A4, de plantes utiles en ti-pot avec fiche technique, se perdaient dans le décor. Ces tites présentations trop scolaires et d'un temps révolu pêchent sans doute par leur amateurisme, et ont peine à émerger. Dans un contexte obèse de vendeurs de lourdes divinités et autres meubles massifs, grévés de frais d'approche et de bénêt-f, il faut fourbir ses armes!
Babioles
et richesses à profusion.
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Pero si! le plus grand mérite de la manifestation aura été sans nul doute de faire affluer nos personnes d'origine indienne, sorties comme touloulou de leurs trous. Timidement, parfois même méfiamment, un titak du paon indien de notre peuple est sorti de sa réserve, venu en ce lieu de courses en se tâtant comme en pélerinage aux sources... Jusqu'au samedi final, ce furent danses gracieuses, chiffons mordorés, musiques langoureuses, rires friands et applaudissements ébahis. Et, puisque nou sé sa nou yé, entre deux prestations de danse rigueur des élèves de la sémillante Isabelle Govindin de Scherer, on aura capté, sur divers tons, un bon ti brin de «Bon dié, mé ola tou sa zendien sòti, on?». Et ce glabre et innocent «Mé ka zòt vlé ankò, on?».
Pour certains, ce n'était que commerce soutenu par de la culture. Point ou si peu de trace des origines, de l'histoire oubliée. Comment s'habillaient vraiment nos ancêtres indiens? Comment vivaient-ils, comment ont-ils vécu? N'ont-ils pas, autant qu'Afrique ou Gascogne, créolisé l'âme Gwa, et bien plus qu'on ne le pense? Bonnes questions. Et on attend toujours les dates indiennes repères d’une guad’histoire encore bi-céphale dans les n’euro-z’écoles.
L'asso-phare des Indiens de l'âme qui se bat pour être number One sur tous les fronts du 2004 - tout le monde est pourtant fédéré à Bharat-à-Gua – s’était accouplée une boutique de rutilantes babioles et clinquants colifichets. En l'absence d'un Fred Négrit qui a failli, le saviez-vous, laisser sa peau dans cet humanitaire, l’infatigable Annick de Raghouber fit encore prouesse avec ses danseuses fraîches, gaies et épanouies.
Un pur négroïde applaudissait, facondant parmi la foule multicolore. Il nous s’expliqua: «Je me croyais Le Nègre. Mais en faisant recherches pour un partage de terres, remontant au temps de l'indivision et de la plantation, je me suis découvert aussi des ancêtres indiens, et blancs. Alors, zafè a «nou sé nèg»-la, sé foutèz! An tini tout ras adan mwen, é fò yo tout viv isidan!»
L'animation, son absence parfois cruelle d'explications, renseignements, rappels historiques, culturels, cultuels fut maintes fois palliée par volontaires passant par là. Une Rosie de Pondichéry mariée à un guadien, un Vishnou Shitalou cultivé, un couple Nagapin soucieux d'instruire et partager, un JS Sahaï lisant Coulée d'Or d'Ernest Pépin racontant ses indiens d'enfance et leurs tribulations,… accouraient au secours d'une souriante Brigitte Zabarel ensarifiée, avide, comme tant de ses congénères, de kouté pou tann...
Jean-S.
Sahaï prête main forte à l'animation.
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Il fallait voir les photos de sites indiens, don de l'ambassade de l'Inde à Paris acheminé grâce à la persévérance de M. Kumar Moorjani: une foule de riches tableaux mais trop haut au plafond, donc mal vus, avec mal au cou. Il fallut insister pour que redescende à hauteur des yeux l’expo, glorieuse, du Bouddhisme en Inde. Et la collection émouvante sur le Mahâtma Gandhi - hélas empilée sans recul ni perspective, parfois à hauteur de genou, laissée sans commentaire ni débat.
Le culturel et l’édifiant, n'est pas à vendre, certes, et ne relève pas des soins d’étalagistes pro. Et certes aussi, ce n'est qu'un début, l’amorce de 1854-2004.
Espérons que ni mercantilisme opportuniste, ni quête superfétatoire de prestige perso, fausse modestie non plus, n'étoufferont dans l'œuf la curiosité enfin dé-tabouillée des indo-karu et des guadéens qu'ont fondu de tous âges. Êtres qu’on dirait conscients de s'approprier eux-mêmes leur part oubliée de notre histoire et mettre en perspective notre diversité.
Pour lever menton ensemble, pays construire marchant bwarés.
Jean-S. Sahaï
Photos: Charlie Lion.
La
rigueur est de rigueur : les élèves d'Isabelle
Govindin de Scherer au travail.
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