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Le «marché linguistique» haïtien: |
Cette étude a bénéficié de remarques et de commentaires apportés par mon ami et collègue linguiste, Michel DeGraff. Il est entendu que je suis le seul responsable des erreurs ou lacunes qui pourraient être contenues dans le texte.
Le concept de «marché linguistique» a été introduit en France vers la fin des années 1970 par le célèbre sociologue et philosophe français Pierre Bourdieu (1930-2002). Ce concept n’est peut-être pas aussi connu que d’autres concepts bourdieusiens, comme le capital (culturel, social, symbolique), l’habitus, le champ, la reproduction, la violence symbolique, la distinction…mais il occupe une place fondamentale dans la réflexion de Bourdieu sur la langue. C’est dans son livre inoubliable Ce que parler veut dire (1982) sous-titré «L’économie des échanges linguistiques» que Bourdieu a développé ce concept apparu pour la première fois dans un exposé fait à l’Université de Genève en décembre 1978 puis repris dans son livre Questions de Sociologie (1980).
Pour Bourdieu, «il y a marché linguistique toutes les fois que quelqu’un produit un discours à l’intention de récepteurs capables de l’évaluer, de l’apprécier, et de lui donner un prix» (pg.123). Le mot de marché chez Bourdieu ne doit pas être pris dans son sens strictement économique de lieu public où se négocient des marchandises. Il peut renvoyer aussi bien, nous dit Bourdieu, à la relation entre deux ménagères qui parlent dans la rue, que l’espace scolaire, ou la situation d’interview par laquelle on recrute les cadres. Bourdieu affine sa réflexion en disant ceci: «Ce qui est en question dès que deux locuteurs se parlent, c’est la relation objective entre leurs compétences, non seulement leur compétence linguistique (leur maitrise plus ou moins accomplie du langage légitime) mais aussi l’ensemble de leur compétence sociale, leur droit à parler, qui dépend objectivement de leur sexe, leur âge, leur religion, leur statut économique et leur statut social…» Tout au long de son texte dans Questions de sociologie, Bourdieu revient sur la notion de competence, (compétence, en français) l’un des termes clés de la grammaire générative du linguiste américain Noam Chomsky qui désigne la faculté propre au locuteur d’une langue de créer et de comprendre des phrases, parmi lesquelles des phrases qu’il n’a jamais entendues auparavant. La competence (compétence) chomskyenne désigne aussi la connaissance qu’un locuteur possède de ce qui constitue une phrase grammaticale ou agrammaticale d’une langue donnée.
Par exemple, un locuteur créolophone haïtien reconnaitra tout de suite que la phrase Li kouri lan lari an est une phrase grammaticale1 kreyòl mais que la phrase *Lan kouri an li lari (il est conventionnellement accepté par la très grande majorité des linguistes que l’astérisque est utilisé pour marquer des phrases agrammaticales dans une langue) est une phrase agrammaticale en kreyòl, bien que tous les mots qui la composent soient des mots kreyòl. Il faut préciser cependant que la compétence du locuteur au sens chomskyen du terme ne relève pas de ce que Bourdieu appelle le marché linguistique car ce sont deux phénomènes différents.
En effet, pour Chomsky, la compétence se réfère à ce qu’il appelle «the language faculty of the brain» (Chomsky 2000: 27) (la faculté de langage inhérente au cerveau) [ma traduction]. Le célèbre linguiste américain défend l’idée que «the faculty of language can reasonably be regarded as a ‘language organ’ in the sense in which scientists speak of the visual system, or immune system, or circulatory system, as organs of the body. Understood in this way, an organ is not something that can be removed from the body, leaving the rest intact. It is a subsystem of a more complex structure.» (Chomsky 2000:4). (On peut raisonnablement considérer la faculté de langage comme un‘organe de langage’ au sens où les scientifiques parlent d’un système visuel, ou d’un système immunitaire, ou d’un système circulatoire, en tant qu’organes du corps. Compris de cette façon, un organe n’est pas quelque chose qui peut être retranché du corps, laissant le reste intact. C’est un sous-système d’une structure plus complexe.» [ma traduction] Plus loin, Chomsky dit que «the language organ is like others in that its basic character is an expression of the genes» (Chomsky 2000:4). (L’organe de langage est comme les autres organes en ce sens que son caractère de base est une expression des gènes) [ma traduction].
Le marché linguistique, au sens où l’entend Bourdieu, est un phénomène sociolinguistique qui ne peut être compris dans le même sens que cette faculté de langage inhérente au cerveau dont nous venons de parler. Il faut comprendre «marché» dans le sens de «toute pratique symbolique ayant un caractère social.» (Bourdieu 1982:35). «Toute situation linguistique fonctionne donc comme un marché sur lequel le locuteur place ses produits et le produit qu’il produit pour ce marché dépend de l’anticipation qu’il a des prix que vont recevoir ses produits.» Donc, le concept de marché linguistique est une métaphore qui décrit la compétition qui se déroule entre les langues au sein d’une société.
Compétence et capital linguistique
C’est seulement dans la mesure où fonctionne pour elle un marché linguistique que la maitrise de la langue possède une valeur. «…une compétence sans marché devient sans valeur ou, plus exactement, cesse d’être un capital linguistique pour devenir une simple compétence au sens des linguistes.» Dans l’optique de Bourdieu, la notion de compétence va de pair avec la notion de capital linguistique. Le capital linguistique est une composante du capital culturel, c’est-à-dire tout un ensemble d’acquisitions sociales comme les diplômes, les codes culturels, les façons de parler, les accents… Pour l’auteur de La Distinction (1979), parler de capital linguistique, c’est dire qu’il y a des profits linguistiques. Dans ces situations de profits linguistiques, la fonction première du langage, la fonction de communication, «peut ne pas être du tout remplie sans que sa fonction réelle, sociale, cesse d’être remplie pour autant ; les situations de rapports de force linguistiques sont les situations dans lesquelles ça parle sans communiquer, la limite étant la messe…Ce sont des cas où le locuteur autorisé a tellement d’autorité, où il a si évidemment pour lui l’institution, les lois du marché, tout l’espace social, qu’il peut parler pour ne rien dire, ça parle.»
La situation sociolinguistique haïtienne nous fournit une excellente illustration d’une situation de profits linguistiques. On sait en effet que l’une des caractéristiques de la situation haïtienne consiste en l’existence d’une forte inégalité institutionnelle entre les deux langues dans la société haïtienne. Malgré la promotion relativement récente du kreyòl en tant que l’une des deux langues officielles de la République (l’autre langue officielle étant le français), les locuteurs du français et les locuteurs du kreyòl ne sont pas égaux sur le marché linguistique haïtien. La langue française qui est parlée et écrite à des degrés divers par un faible pourcentage de la population haïtienne (moins de 10%) fonctionne pourtant comme la langue dominante sur le plan social, prestigieuse, appréciée, tandis que le kreyòl qui est la langue première (L1) de tous les Haïtiens nés et élevés en Haïti reste généralement minoré, déprécié et dépourvu de tout prestige social malgré les avancées importantes qu’il a accomplies au cours de ces trente dernières années.
Les deux langues qui se trouvent sur le marché linguistique haïtien, le français et le kreyòl, ne sont donc pas égales au départ (c’est-à-dire sur le plan historique). Ayant pris naissance dans des plantations et dans des conditions de contacts linguistiques défavorables (maitres européens parlant une langue qui connote pouvoir, autorité et domination totale face à des esclaves parlant une langue qui connote subordination et esclavage), le kreyòl semblait condamné dès le départ à n’être qu’un produit inférieur. De plus, les rapports de force qui sous-tendent leur usage font que producteurs (c’est-à-dire les locuteurs) et produits (c’est-à-dire les langues utilisées) ne sont pas mis sur le même pied. Face au kreyòl, langue dominée socialement, langue officielle seulement sur le papier, mais véritablement langue légitime ressentie comme telle par la majorité des locuteurs natifs, se dresse le français, langue co-officielle de la République, socialement langue dominante, et perçue traditionnellement comme la langue qu’il fallait parler dans certaines situations (discours officiels, l’école, rencontres inattendues…). Sur le marché linguistique haïtien, la capacité plus ou moins maitrisée à parler français confère de la valeur à cette langue qui représente un capital linguistique pour ses locuteurs. Il y a des profits sociolinguistiques à tirer quand on est locuteur du français en Haïti. Par exemple, on peut avoir un certain accès à certains milieux sociaux, on peut bénéficier du label d’«intellectuel» (nous y reviendrons…), on peut mystifier beaucoup de personnes et gagner de l’argent à leurs dépens… Certains parents d’origine populaire ou paysanne se sacrifient économiquement pour que leur progéniture «aille à l’école» afin qu’elle puisse «parler français», confondant ainsi parler la langue et recevoir dans cette langue une formation intellectuelle, un savoir, des connaissances qui permettront de transformer la structure sociale haïtienne et améliorer la qualité de vie de l’homme haïtien. Sur le marché linguistique haïtien, la compétence à parler français représente un «capital symbolique» dans la terminologie de Bourdieu.
Dans cette obsession à «parler français» sur le marché linguistique haïtien, la fonction de communication de la langue se trouve complètement foulée aux pieds. Quand on parle français, on peut parler pour ne rien dire sur le marché linguistique haïtien parce qu’en ouvrant la bouche, le locuteur bénéficie d’un profit linguistique. Comme le dit si bien Bourdieu dans son analyse générale, «le locuteur autorisé a tellement d’autorité, où il a si évidemment pour lui l’institution, les lois du marché, tout l’espace social, qu’il peut parler pour ne rien dire…» On n’a qu’à relire pour s’en convaincre les discours officiels du dictateur François Duvalier ou de son fils Jean-Claude ou la majorité des textes écrits par les «hommes du pouvoir» au cours des cinquante dernières années.
Qui considère-t-on comme «intellectuel» en Haïti?
Une autre illustration des profits linguistiques qu’on peut gagner sur le marché linguistique haïtien en se servant du capital linguistique français réside dans le «grade» d’intellectuel que l’on acquiert. Je rappelle à ce propos la pièce de théâtre célèbre Pèlen Tèt du grand écrivain haïtien Frankétienne (1978) où il met dans la bouche de Piram, l’un des deux personnages de la pièce, cette description des intellectuels haïtiens:
«Nou menm entèlektyèl nèg sèvo gran Konoso ! Nou konn pouse moun fè tenten ! Nou pale bwòdè, simen bèl fraz, detaye analiz lojik, vide diskou gramatikal zewo fot. Men, fout, tonnè boule mwen ! Sa sèlman nou pwòp. Pawòl kraponnay ! Mache zepòl kwochi lan tout lari ak yon valiz chaje ak dokiman kanni ; yon vès kwoke sou do nou tout lasent jounen. Tikrik-tikrak: «Je demande la parole, je voudrais, j’estime que…et cætera.» Nou pap leve ni lou, ni lejè. Nou p ap fè anyen. Pawòl anpil. Pawòl van. Nou menm entèlektyèl ak politisyen lavil ki responsab depi tan binbo tout dezagreman lòbèy tchouboum lan peyi Dayiti.»
(«Vous autres intellectuels, nègres au niveau de grand connaisseur! Vous savez pousser les gens à faire des bêtises ! Vous parlez avec pédanterie, vous servez de belles phrases, vous détaillez des analyses logiques, vous répandez des discours de grammaire sans aucune faute. Mais, que le tonnerre me tombe dessus! C’est votre caractéristique essentielle ! Parole pour faire peur ! Les épaules penchées à travers toutes les rues, une valise chargée de documents défraichis, une veste suspendue à votre dos toute la sainte et bonne journée. Pour un rien: «Je demande la parole, je voudrais, j’estime que…et cætera.» Vous ne soulevez aucune charge, ni lourde, ni légère. Vous ne faites rien. Parole en abondance, c’est vous les responsables, depuis les commencements immémoriaux, de tous les désordres, de tous les conflits et de tous les désastres au pays d’Haïti.») Traduction de Michèle Montas, dans Conjonction, revue franco-haïtienne, Port-au-Prince, février 1979, #141-142, p.74.
En revanche, tel qu’il est compris en Haïti, (mais ce n’est pas mon interprétation) être unilingue kreyòl sur le marché linguistique haïtien semble ne représenter presque rien du tout. Ce type de locuteur ne sera jamais qualifié d’intellectuel parce que la langue dans laquelle il s’exprime ne possède pas de capital linguistique, donc ne possède pas de valeur sur le marché. Il est important ici de préciser ma pensée par rapport à ce que je viens de dire. Dire que la langue kreyòl ne possède pas de valeur sur le marché linguistique haïtien doit se comprendre avant tout dans le cadre de l’opposition dominants/dominés, qui structure l’analyse du monde social haïtien. Il est évident que la langue kreyòl, de par sa qualité d’outil de fonctionnement de tous ou presque de tous les rapports sociaux en Haïti, possède une valeur incontournable. Ce n’est pas par hasard que le kreyòl est la langue première de tous les locuteurs haïtiens nés et élevés en Haïti. Il est douteux qu’un locuteur non créolophone et totalement livré à lui-même puisse fonctionner d’une manière régulière dans les interactions complexes de la vie quotidienne à Port-au-Prince ou dans d’autres villes haïtiennes.
Les rapports de force objectifs qui s’exercent sur le marché linguistique haïtien sont donc des rapports de domination linguistique. Bien que le locuteur unilingue kreyòl ne soit pas placé tous les jours dans des situations officielles où il doit faire face à un locuteur bilingue français-créole, il peut arriver que cela se produise un jour. Dans ce cas, le locuteur unilingue kreyòl n’est pas obligé de communiquer en français puisque le bilingue français-kreyòl peut communiquer aussi en kreyòl. Cependant, dans ces types de situation linguistique, les effets de domination se manifestent clairement et ce sont les valeurs dominantes qui triomphent. L’insécurité linguistique du locuteur créolophone unilingue atteint son paroxysme et se traduit par des réalisations phonologiques et syntaxiques qui peuvent provoquer l’hilarité de la part de ceux qui sont présents et qui ne se rendent pas compte des enjeux se déroulant devant leurs yeux. Rappelons que la notion d’insécurité linguistique est utilisée principalement en sociolinguistique pour caractériser des attitudes linguistiques présentes chez certains locuteurs qui ont conservé des sentiments négatifs à l’égard de leur langue native ou certains aspects de cette langue. Ils manquent d’assurance par rapport à la valeur de la variété linguistique dans laquelle ils s’expriment. En conséquence, ils modifient leur façon de parler afin de se rapprocher, pensent-ils, des formes utilisées par les locuteurs de la variété prestigieuse. La conséquence de ce comportement linguistique conduit au phénomène que les linguistes ont désigné sous le nom d’hypercorrection.
Insécurité linguistique en Haïti
Le romancier Justin Lhérisson (1876-1907), dans son célèbre roman La famille des Pitite-Caille publié pour la première fois en 19052, fournit de multiples exemples d’insécurité linguistique quand il fait parler certains de ses personnages. Par exemple, le dénommé Boutenègre dans une de ses répliques à Éliézer Pitite-Caille, dit à ce dernier: «Jé sais cé qué jé dis. Mon opinion, c’est qué quand in homme fait la polutique, li doué marré rein li. Ine fois dans lé feu, li doué combatt jisqu’au dénier catouche…»
En mettant de côté l’orthographe adoptée dans ce texte car l’orthographe n’est pas du tout l’objet de notre étude aujourd’hui, remarquons que Lhérisson fait dire à Boutenègre «polutique» au lieu de «politique» parce que ce dernier croit que la voyelle antérieure arrondie française représentée par le symbole /y/ dans l’alphabet phonétique international (API) mais notée par la lettre «u» est le son correct dans cette position alors qu’il n’en est absolument rien. En effet, comme on le sait, dans le mot politique, c’est l’autre voyelle antérieure du système phonologique français, /i/, qui, par son trait de labialité, représente la réalisation acceptable. Ainsi, Boutenègre modifie sa façon de parler afin de se rapprocher, pense-t-il, de la forme utilisée par Éliézer Pitite-Caille et des locuteurs de la variété prestigieuse. C’est un clair exemple d’hypercorrection.
Remarquons que quand Lhérisson fait dire à Boutenègre in homme, la nasalisation de la voyelle [ɛ] qui devient [ĕ] témoigne d’un phénomène d’évolution phonétique remarquable. En effet, nous savons que depuis de longues décennies, la voyelle française qui est notée dans l’orthographe traditionnelle française un est en train de disparaitre de la prononciation courante en France hexagonale au profit de la voyelle notée in. De nos jours, les locuteurs français hexagonaux ne font presque plus de différence entre brin et brun. Les linguistes Léon et Bhatt (2009) expliquent que la disparition de la prononciation de la voyelle qui est notée in est due à une fréquence d’occurrence très basse dans le lexique français. Selon Léon (1966), elle était de 0.2% en 1966. En revanche, la voyelle notée in a une fréquence d’occurrence élevée de 4.5%. Donc, «l’opposition entre ces deux voyelles a un rendement très faible.» (Léon et Bhatt 2009). L’une de ces deux voyelles a alors tendance à disparaitre. Est-ce que c’est le même phénomène qui se produit en kreyòl?
Le libre-échange linguistique en Haïti: ça n’existe pas, ça n’existe pas!
Selon Bourdieu, «Pour que les effets de capital et de domination linguistique s’exercent, il faut que le marché linguistique soit relativement unifié, c’est-à-dire que l’ensemble des locuteurs soit soumis à la même loi de formation des prix des productions linguistiques…» Dans la situation haïtienne, le marché linguistique haïtien n’est pas unifié. On se trouve en présence d’une situation sociolinguistique complexe où tous les locuteurs parlent kreyòl même si une petite minorité (moins de 10%) parle et comprend à des degrés divers le français. Si nous définissons une communauté linguistique (speech community) comme «a group of people who are in habitual contact with one another, who share a language variety and social conventions, or sociolinguistic norms, about language use» (Van Herk 2012), (un groupe de personnes qui sont habituellement en contact les uns avec les autres, qui partagent une variété linguistique et des conventions sociales ou des normes sociolinguistiques à propos de l’usage linguistique)[ma traduction], il serait possible de conclure qu’il pourrait exister deux communautés linguistiques dont l’une (la franco-créolophone) est mesurée à une norme qui est celle du français haïtien standard (FHS), tandis que l’autre (la créolophone) ne fait pas face dans les mêmes termes à une norme, c’est-à-dire une attitude essentiellement sociale qui distingue un usage correct d’un usage considéré incorrect, ou relâché. Sur le marché linguistique haïtien, le locuteur créolophone est dominé par le locuteur franco-créolophone qui impose la valeur de son produit linguistique, la langue française, par lequel s’exerce la domination symbolique. Il n’y a pas non plus de libre-échange linguistique puisque le locuteur unilingue créole est traditionnellement repoussé dans ses milieux pour parler sa langue minorée.
La norme du français haïtien standard (FHS) sur le marché linguistique haïtien est contrôlée traditionnellement par les institutions scolaires, l’État, le capital culturel (diplômes, connaissances acquises, codes culturels, façons de parler, «bonnes manières»), rehaussée et fortifiée par le prestige de la langue française dans le monde, tandis que la langue kreyòl ne jouit pas de ces pouvoirs. En fait, on pourrait se demander en quoi consiste exactement cette attitude essentiellement sociale qui distingue un usage correct d’un usage considéré incorrect ou relâché. Certains locuteurs haïtiens tendent à croire que la notion d’ «incorrection» ou de «correction» n’est pas applicable dans la communication kreyòl et qu’on peut dire ce qu’on veut car, d’après ces locuteurs, il n’existe pas de règles normatives ou une grammaire prescriptive en kreyòl. Leurs interrogations nous interpellent: Comment sait-on que tel mot ou tel usage d’un mot est «correct» ou «incorrect»? Sur quelle base le justifier? Tout au plus, pensent-ils, existeraient des variations socioculturelles ou sociolinguistiques relatives au degré d’éducation du locuteur ou à sa capacité à franciser son expression kreyòl. On revient ainsi au pouvoir de pénétration de la domination de la langue française au cœur du fonctionnement de l’identité créole. En comparaison, toute intrusion de la langue kreyòl dans la langue française est stigmatisée, infériorisée et qualifiée de «créolisme», terme qui connote une valeur fortement péjorative dans le contexte haïtien.
Donc, pour Bourdieu qui étudie le marché linguistique français, à cause des relations de pouvoir qui le travaillent, ce marché linguistique ne fonctionne pas comme un marché libre puisqu’il est dominé par les règles de l’élite qui impose sa propre variété, le français parisien de la couche cultivée des milieux bourgeois et intellectuels, sur les variétés moins prestigieuses parlées par les autres groupes sociaux. En Haïti, le marché linguistique haïtien semble être contrôlé par les locuteurs créolo-francophones qui tendent à privilégier la langue française dans certaines situations génératrices de prestige. Parler français constitue en Haïti l’un des piliers de la «distinction», le fameux concept introduit par Pierre Bourdieu dans le livre du même nom, paru en 1979. Certains locuteurs créolo-francophones cultivent l’art de la distinction sociale en voulant à tout prix communiquer en français, ou exhiber leur compétence en français, comportement qui était ainsi porté au cœur du jeu social.
Une nouvelle ère dans la communication en Haïti?
Cependant, depuis la chute de la dictature de Duvalier en 1986, les choses ont commencé à bouger dans le corps social haïtien. Le marché linguistique haïtien qui traditionnellement était dominé par les membres de la société haïtienne qui détenaient ce que Bourdieu nomme le «capital culturel» (diplômes, connaissances acquises, façons de parler…) ainsi que le capital économique (biens financiers, patrimoine) s’ouvre de plus en plus à la contestation et au changement social. L’autre variété linguistique parlée dans le pays, le français haïtien standard (FHS), qui était monopolisée par le groupe des dominants doit faire face maintenant aux percées de la langue maternelle de tous les locuteurs haïtiens nés et élevés dans le pays, le kreyòl, qui revendique sa légitimité dans la communauté parlante haïtienne.
Dans un article publié sur AlterPresse, le mercredi 23 avril 2014, par M. Marcel Duret, il est écrit ceci: «Aujourd’hui, le créole occupe une plus grande place que le français dans toutes les stations de télévision et de radio. Les responsables de communication dans le pays ont fini par accepter que la langue parlée par la majorité des Haïtiens soit sans nul doute le créole et l’ont pris pour acquis. Très peu de publicités sont diffusées en français. Le phénomène Bicha a fait école. Au rythme des musiques racine ou konpa, il existe des spots publicitaires en créole qui sont des chefs-d’œuvre musicaux et littéraires; feu François Latour a marqué de très belle manière la publicité en créole. Le succès retentissant qu’a connu la pièce de théâtre «Pèlen Tèt» de Frankétienne demeure mémorable dans l’histoire du théâtre haïtien avec un record de 33 représentations. Les contributions du linguiste Pierre Vernet et de la réforme de Joseph Bernard sont inestimables et demeurent pertinentes. Qu’il s’agisse de l’église catholique, protestante, baptiste, adventiste, pentecôtiste ou autres, grâce au créole, la parole de Dieu est devenue, au sens propre et au figuré, musique à l’oreille des fidèles. Longtemps avant ces églises, le vodou s’est approprié naturellement la langue. La bible a été traduite en créole. Les documents comptables, les procès-verbaux des réunions ainsi que toutes autres pièces de certaines organisations paysannes comme les mutuelles de solidarité de KNFP (Konsèy Nasyonal Finansman Popilè) sont strictement en créole, d’autant plus que toutes les déclarations sont prises dans ces mutuelles en assemblée générale dans cette seule langue qui facilite ainsi la vraie démocratie. Les leaders politiques s’évertuent à utiliser la langue créole comme outil de communication alors qu’auparavant on pourrait parier qu’ils voulaient s’assurer que le peuple ne comprenne rien de leur discours en français. La constitution de 1987 reconnait le créole comme langue officielle. En 1992, le passeport haïtien est émis pour la première fois en créole et en français. A date, c’est le seul acte de l’état civil qui soit en créole. Autant de jalons qu’a posés le créole après une longue traversée du désert.»
Ce long texte de M. Marcel Duret résume admirablement l’évolution sociolinguistique de la langue créole dans la société haïtienne au moins depuis la fin des années 1980. Cependant, si au plan de la communication orale, le kreyòl a pénétré presque tous les domaines, formel et informel, de la vie sociale en Haïti, il est difficile de dire la même chose sur le plan de la communication écrite. L’écrit créole est le parent pauvre de la révolution communicative qui se fait dans la société haïtienne. Il existe pourtant depuis près de trente-cinq ans une orthographe créole standardisée et officielle qui est enseignée dans la majorité des écoles publiques et privées du pays. En fait, Haïti est le seul pays créolophone à base française3 indépendant dans la Caraïbe qui soit doté d’une orthographe créole standardisée et officielle. De plus en plus, un grand nombre de locuteurs haïtiens utilisent cette orthographe créole standardisée et officielle dans tous leurs écrits, malgré certains récalcitrants qui écrivent le créole comme bon leur semble, à la manière de ce qui se faisait au milieu du dix-neuvième siècle et au début du vingtième siècle, lorsqu’il n’y avait pas encore une orthographe systématique pour le kreyòl. Même s’il est clair que l’orthographe standardisée et officielle du kreyòl se porte solidement bien, il faut bien comprendre que la connaissance et la propagation de l’écrit kreyòl en Haïti est tout aussi important que le succès des avancées de la communication orale en kreyòl. Il est important qu’il y ait une uniformité dans l’écriture du kreyòl. Bien sûr, l’écriture n’est pas la langue mais elle contribue à développer une conscience métalinguistique. Selon Joseph (1987), l’écriture donne à la langue «a much more substantial materiality than it inherently possesses» (pg. 38). (une matérialité beaucoup plus substantielle qu’elle en possède intrinsèquement) [ma traduction]. Dans la majorité des pays, le grand public accorde plus d’importance à ce qui est écrit qu’à ce qui est exprimé oralement. On connait tous la sage recommandation de ne pas toujours croire quelque chose parce qu’il est écrit. Certaines personnes naïves pensent que le kreyòl n’est devenu une langue qu’après l’établissement officiel de l’orthographe standardisée et officielle en janvier 1980. Nous savons bien sûr que c’est une fausse perception car le kreyòl a toujours été une langue pleine, entière et systématique dans l’esprit /cerveau des locuteurs haïtiens.
Vers la restructuration du marché linguistique haïtien
Dans un article devenu maintenant un classique de la créolistique contemporaine et intitulé «Linguists’most dangerous myth: The fallacy of Creole Exceptionalism», le linguiste haïtien Michel DeGraff (2005), professeur à MIT, propose une critique incisive de ce qu’il qualifie d’exceptionnalisme, c’est-à-dire «a set of beliefs, widespread among both linguists and nonlinguists that Creole languages form an exceptional class on phylogenetic and/or typological grounds.» (un ensemble de croyances largement répandues parmi les linguistes et les non linguistes que les langues créoles constituent une classe exceptionnelle fondée sur des bases phylogénétiques et/ou typologiques.) [ma traduction]. Cet exceptionnalisme créole a fait beaucoup de mal aux langues créoles en général et particulièrement au créole haïtien. Les langues créoles ont été présentées, nous rappelle DeGraff, comme des langues «anormales», «corrompues», «moins avancées», «extrêmement simples»…qui représentent un handicap pour leurs locuteurs dans l’acquisition du savoir et des connaissances. DeGraff a montré que cette minoration de premier plan dont les langues créoles ont été victimes a longtemps servi à «justify the widespread exclusion of monolingual Creole speakers from a number of spheres where socioeconomic power is created, reproduced, and exercised.» (justifier l’exclusion sur une grande échelle des locuteurs unilingues créoles d’un certain nombre de sphères où le pouvoir économique est créé, reproduit, et mis en œuvre.) [ma traduction]. Comment renverser le maintien séculaire dans la société haïtienne de ce que DeGraff appelle «le complexe Francophilie doublé de Créolophobie» et développer l’établissement d’un «capital linguistique» créole (dans le sens de Bourdieu)? Rappelons que pour Bourdieu, le capital linguistique est une composante du capital culturel, présenté comme un ensemble d’acquisitions sociales, comme les diplômes, les codes culturels, les façons de parler, les accents…Sur le marché linguistique haïtien, le capital culturel est détenu pour l’instant par la couche cultivée du corps social qui est en possession du «capital symbolique». Cette couche cultivée a érigé le français standard haïtien comme la variété prestigieuse seule capable de déterminer la mobilité sociale et a longtemps empêché les unilingues créoles d’accéder à la maitrise de la langue française. Or, selon Bourdieu, «Toute domination symbolique suppose de la part de ceux qui la subissent une forme de complicité qui n’est ni soumission passive à une contrainte extérieure, ni adhésion libre à des valeurs.» Dans les conditions où fonctionne le marché linguistique haïtien, le capital linguistique créole est foulé aux pieds et n’est pas reconnu en tant que valeur sociale, savoir culturel, outil de transmission de connaissances scientifiques. La question fondamentale est donc celle-ci: comment mettre en œuvre un capital linguistique créole (variétés et formes linguistiques prestigieuses, pratiques formelles de langage…) dans la société haïtienne afin qu’il puisse servir les unilingues créoles, leur permettre d’acquérir des profits linguistiques et favoriser un développement économique et scientifique pour le bien-être de l’ensemble de la population haïtienne? On sait que les masses haïtiennes ont pendant longtemps été privées de la scolarité la plus élémentaire en raison des fortes inégalités sociales et qu’elles n’ont pu avoir accès au capital linguistique dans la langue dominante socialement, c’est-à-dire le français. On sait aussi que le créole, en tant que langue dominée socialement, peut représenter une forme de capital culturel et linguistique dans la mesure où il peut procurer des avantages aux locuteurs qui les utilisent sur le marché linguistique.
Le marché linguistique haïtien peut être restructuré et redonner un nouveau visage au capital linguistique créole. C’est la tâche des linguistes, des décideurs, des écrivains, des intellectuels de contribuer à cette tâche. En fait, ce travail a déjà commencé. On peut le voir à l’œuvre dans un projet tel que le MIT-Haiti Initiative, produit d’un accord signé entre le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et le gouvernement haïtien (en avril 2013) en vertu duquel des technologies digitales de haute qualité se servent du kreyòl «as an indispensable tool for active learning—active learning that is both constructive and interactive» (DeGraff 2013) (comme un outil indispensable pour un apprentissage actif, qui soit à la fois constructif et interactif.) [ma traduction]. DeGraff a souligné justement que c’est la première fois que des ressources en ligne en kreyòl ont été créées en science et en maths au niveau des universités et des lycées.
Le MIT-Haiti Initiative a lancé une nouvelle ère dans l’accès à l’éducation en Haïti et on peut dire que le linguiste Michel DeGraff de MIT est le fer de lance de ces nouvelles méthodologies. Pour DeGraff, «the majority of scientific activities that students at all levels need to master depends on the students’ ability to reason and communicate clearly with themselves and with others. When students can use their native language (or some other language they speak fluently) in order to build new knowledge, their ideas can be expressed with the most clarity. In turn their linguistic competence becomes stronger…. (la majorité des activités scientifiques que les étudiants à tous les niveaux doivent maitriser dépend de l’aptitude à raisonner et à communiquer clairement avec eux-mêmes et avec les autres. Quand les étudiants peuvent utiliser leur langue native (ou une autre langue qu’ils parlent couramment) afin de bâtir un nouveau savoir, leurs idées peuvent être exprimées avec le maximum de clarté. En retour, leur compétence linguistique devient plus forte…).
Le projet MIT-Haiti Initiative est d’une importance capitale pour l’éducation en Haïti. En mettant à la disposition des enseignants et des apprenants de nouvelles ressources pédagogiques basées sur des technologies de pointe et disponibles en kreyòl, langue première de tous les locuteurs haïtiens, ce nouveau projet va créer «a new culture of deep learning in Kreyòl» (une nouvelle culture d’apprentissage maximal en kreyòl) [ma traduction].
D’autres moyens par lesquels on peut restructurer le marché linguistique haïtien et redéfinir le capital linguistique kreyòl consistent en:
- L’élaboration de grammaires scientifiques rédigées uniquement en kreyòl et de dictionnaires de langue (unilingues)
- La rédaction de tous les documents officiels, des communiqués d’État, des discours formels en kreyòl
- La création de prix littéraires importants récompensant des romans, essais, pièces de théâtre, recueils de poésie rédigés en kreyòl
- La création d’un quotidien ou d’un hebdomadaire entièrement rédigé en kreyòl
- La pratique quotidienne de la langue kreyòl par les fonctionnaires publics travaillant dans les administrations publiques dans leurs contacts avec le grand public.
Quel avenir pour le «marché linguistique» haïtien? Peut-il y avoir un renversement partiel de la structure traditionnelle dominants-dominés qui amènerait des rapports de classe moins brutaux où le pouvoir symbolique aura laissé un petit espace de liberté aux victimes de l’exclusion sociale? Dans Ce que parler veut dire (1982), parlant de la France hexagonale, Bourdieu écrit ceci: «L’effet du marché linguistique, qui se rappelle à la conscience dans la timidité ou dans le trac des prises de parole publiques, ne cesse pas de s’exercer jusque dans les échanges les plus ordinaires de l’existence quotidienne: témoins les changements de langue que, dans les situations de bilinguisme, sans même y penser, les locuteurs opèrent en fonction des caractéristiques sociales de leur interlocuteur ; ou plus simplement, les corrections que doivent faire subir à leur accent, dès qu’ils sont placés en situation officielle, ceux qui sont ou se sentent les plus éloignés de la langue légitime.»
Le marché linguistique haïtien qui est encore beaucoup plus complexe que le marché linguistique français révèle le long chemin que dominants et dominés ont à parcourir même «dans les échanges les plus ordinaires de l’existence quotidienne». L’une des tâches les plus urgentes dans la construction de nouveaux rapports entre les locuteurs qui se partagent le marché linguistique haïtien est l’établissement d’une politique linguistique où les rôles des deux langues seraient considérés soigneusement, où une politique officielle serait mise en œuvre pour décider comment les deux langues et autres variétés en usage dans la société haïtienne doivent être utilisées. Il nous faudra pour cela, bien sûr, un État efficace, ce que nous avons rarement eu dans notre histoire de peuple.
Les derniers développements dans l’évolution de la situation sociolinguistique d’Haïti laissent présager une évolution du marché linguistique haïtien où la langue légitime de la population du pays occupera alors la place qui lui revient. Que deviendra la langue française en Haïti? Pour nous, et nous l’avons toujours maintenu, il ne s’agit pas de faire disparaitre cette langue du marché linguistique haïtien. Selon Bourdieu, la langue doit être considérée comme un bien symbolique auquel la société accorde une valeur qui dépend étroitement du «marché» dans lequel ce bien fonctionne. Ce n’est pas l’existence de la langue française en Haïti qui représente le problème. Ce sont les relations de pouvoir au sein de la société haïtienne indépendante ou souveraine depuis 1804 mais dans laquelle les institutions, les pratiques de classe, les relations de pouvoir avec l’ancienne puissance colonisatrice et avec la puissance impérialiste voisine sont encore fortement implantées. La coexistence de ces deux langues sur le marché linguistique est loin de représenter une entreprise impossible.
Références citées:
Pierre Bourdieu
(1979) La distinction. Paris: Les Éditions de Minuit.
(1982) Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques. Paris: Fayard.
(1984) Questions de sociologie. Paris: les Éditions de Minuit.
Noam Chomsky
(2000) New Horizons in the Study of Language and Mind. Cambridge: Cambridge University Press.
Michel DeGraff
(2005) Linguists’ most dangerous myth: The fallacy of Creole Exceptionalism. In: Language in Society 34, 533-591. Cambridge University Press.
(2013) MIT-Haiti Initiative Uses Haitian Creole to Make Learning Truly Active, Constructive, and Interactive.
Frankétienne
(1978) Pèlen tèt. Port-au-Prince.
Joseph, J.E.
(1987) Eloquence and Power: The Rise of Language Standards and Standard Languages. London: Pinter.
Pierre Léon
(1966) Prononciation du français standard. Paris: Didier.
Pierre Léon et Parth Bhatt
(2009) Structure du français moderne. Introduction à l’analyse linguistique. Paris: Armand Colin.
Justin Lhérisson
(1905) La famille des Pitite-Caille. Imprimerie Aug. A. Héraux. Nouvelle édition en 2012 par les Publications de l’université de Saint-Étienne, France.
Gerard Van Herk
(2012) What is Sociolinguistics? Wiley-Blackwell.
Notes
- En linguistique, une phrase est jugée grammaticale quand elle est conforme aux règles définies par la grammaire de cette langue. En revanche, elle est jugée agrammaticale quand elle n’est pas conforme aux règles définies par la grammaire de cette langue.
- Ce roman a été réédité en 2012 aux publications de l’Université de Saint-Étienne dans une édition établie et présentée par Léon-François Hoffmann.
- Dominique et Sainte-Lucie sont aussi des territoires indépendants mais la langue créole qui est parlée sur ces deux iles, malgré qu’elle soit originellement à base française, connait une forte invasion de termes lexicaux anglais qui risquent à court et à moyen terme de faire de ces deux créoles des créoles à base anglaise. Signalons que ces deux iles ont officiellement l’anglais comme langue officielle.
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Réactions
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Mèsi Pwòf Hugues Saint-fort paske atik ou sa a nan Potomitan.info ka ede n konprann yon gwo pwoblèm nan istwa peyi nou: Se atitid mi wo mi ba entelektyèl nou yo pa rapò ak lang kreyòl la. Atitid sa a devan lang nasyonal nou e devan lòt aspè ki defini idantite nou (sa Jean Price-Mars te rele "bovaris kolektif") sa se youn nan faktè ki antre fon nan nannan krebetizasyon k ap met baboukèt sou entelijans elèv, etidyan, pwofesè ansanm ak tout kalte entelektyèl ann Ayiti. Se kon sa tou, selon analiz Pwòf Yves Dejean, nou vin gen yon sistèm "lekòl tèt an ba" k ap demounifye pifò nan konpatriyòt nou yo—sila yo ki pa pale franse fen e byen. Toutotan lidè nou yo pa gen kouraj sèvi ak kreyòl la nan tout sektè sosyete a, nan tout nivo sistèm edikasyon peyi a, nan tout kalte seremoni ofisyèl, e latriye, nou pa ko pre pou n kaba sa Minis Nesmy Manigat rele "skizofreni epistemik" sa a (egal: mi wo mi ba nan kreyasyon konesans ann Ayiti). - Michel DeGraff.