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Annou voyé kreyòl douvan douvan

Un dernier mot pour toi, mon frère Jacques

André Fouad

Publié le 2020-07-17 | Le Nouvelliste

Jacques Roche

«Gen sa malveyan voye al mouri
yo bliye si y ap mouri...»

Ce sont ces fragments de la chanson «yon dènye mo» de Beethova Obas qui occupent mon imaginaire en regardant l'une de tes photos accrochées à ma fenêtre, les yeux pleins de soleil, de vie et de liberté.

15 ans après ton assassinat crapuleux dans les rues de Port-au-Prince, un  matin du 14 juillet 2005..., ma chambre s'assombrit toujours  comme les nuages gris  du ciel à chaque fois que j'auditionne ton dernier opus: «Vent de liberté», produit et arrangé par le virtuose de la guitare Pierre Rigaud Chery.

Tu étais toujours animé de ce désir de vivre la vie pleinement. Toujours le même feu ardent qui brûlait en toi. Tu étais toujours prêt, frère, à cracher la vérité à qui veut l'entendre; prêt à allumer les torches de la vie, de la beauté, de la lumière pour une société plus juste et équitable.

«Foli m se chèche pousyè zetwal

k ap kale je yo

pou gade lanmè k ap fè la kilbit

malgre lantouray filfè »

(inédit, Jacques Roche).

Jacques mon frère, mon poète! Ton image de guerrier m'habite depuis 15 ans et développe le sentiment d'indignation, de révolte face à la réalité socio-politique et économique haïtienne qui s'est détériorée depuis.

De plus en plus, les gangs armés gagnent les rues et défient les autorités locales. La gourde est insignifiante. Le chomage est à son zénith.

Triste de t'avouer que manger est devenu un luxe dans cette contrée en pleine crise bi-polaire, dirigée par un président  bi-polaire qui se noie dans l'océan des promesses folles.

Jacques il y a pas longtemps, a été assassinée l'une  de nos amies en commun, la belle poétesse et éducatrice Farah Martine Lhérisson en compagnie de son époux dans le quartier de Péguy-Ville..

Jacques, 15 ans après...?- Les rues de la ville tissent une mélodie «bluesy» et dont les échos arrivent jusqu'aux tympans des oiseaux diurnes et nocturnes. Jacques, je t'aurais conté tant de choses de l'Haïti d'aujourd'hui livrée à elle-même et plongée dans les bras des forces ténébreuses.

Je t'aurais conté tant d'histoires de cette jeunesse sacrifiée, écorchée oubliant ses «roots».

Je t'aurais conté tant d'histoires, Jacques, mais Helas! Je tremble. Je frisonne au rythme de mes mots de poète-nomade que je suis depuis 2000 lors de la parution de mon premier recueil de poésie en créole: «Bri lan nwit» (prix Felix Morisseau leroy, Canada 2015) que tu avais salué par le biais de tes critiques élogieuses. À l'époque, tu bossais très dur à Telemax (la chaîne 5) sur l'autoroute de Delmas.

Jacques ,15 ans après...?

Tu mérites haut et fort, justice mon frère.

Viré monté