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Wuhan-Lyon, la nouvelle route de la soie est bien là… 21 avril 2016 |
La nouvelle route de la soie, j'en parlais il y a un an, dans un post: "Un fait majeur: la Chine investit plus de 4O milliards de dollars, massivement dans les routes et les chemins de fer, pour avoir l'accès à l'océan Indien. La Chine recrée les réseaux et étend son influence, ici avec son allié traditionnel, le Pakistan. L'Asie est bien réveillée". Je parlais des investissements de la Chine au Pakistan, pour densifier et développer son réseau routier et ferroviaire, en vue d’acheminer des marchandises directement vers l’océan Indien.
Aujourd'hui, un train, parti de Chine arrive à Saint Priest, dans la banlieue lyonnaise, réactivant la route de la soie mythique.
L'événement mérite que l'on s'y attarde.
Lyon, à l'autre bout de la route de la soie
Rappelons d’abord les deux principales routes de la soie actuelles. Le nouveau tracé intitulé la nouvelle route de la soie (terrestre) part de Xi’an, au centre de la Chine, pour aller à Khorgas (Xinjiang), près du Kazakhstan. La route continue au sud-ouest, vers l’Asie centrale, au nord Iran, pour bifurquer vers l’ouest, vers l’Irak, la Syrie, et Istanbul. Elle traverse le détroit du Bosphore et se dirige au nord-ouest vers la Bulgarie, la Romanie, la République Tchèque et l’Allemagne, avant d’aller à Rotterdam. De là, elle s’oriente au sud, vers Venise.
La Route de la Soie maritime, quant à elle, part de Quanzhou dans la province du Fujian, avant de se diriger au sud du détroit de Malacca. De Kuala Lumpur, elle va à Kolkata, en Inde et traverse l'océan Indien, pour atteindre Nairobi, Kenya. De là, elle remonte vers le nord autour de la Corne de l'Afrique pour arriver à la mer Rouge et la Méditerranée, avec une escale à Athènes, pour ensuite boucler la boucle, rencontrant la route de la soie terrestre à Venise.
Selon une volonté commune des autorités chinoises et de Gérard Colomb, maire de Lyon, un train de fret a quitté Wuhan en Chine le 6 avril pour traverser 1'300 kilomètres et arriver à Saint Priest, dans la banlieue lyonnaise aujourd’hui. Ce train s'arrêtait en Allemagne auparavant. Ses 41 containers transportent des produits électroniques, chimiques et mécaniques. Au lieu de 5 semaines par bateau, il faut compter moins de 15 jours pour ce trajet. Lyon, jadis au bout de la route de la soie, connue pour ses soieries, renoue ainsi, par cette arrivée du train de Wuhan, avec son histoire, cette ville ayant une connexion particulière avec la Chine et l’Orient.
(Carte publiée sur le site de l'agence officielle de propagande nationale Chine nouvelle,
dorénavant elle doit être modifiée, pour étendre la ligne Rotterdam/Berlin jusqu’à Lyon)
Cet événement d’envergure appelle quelques réflexions
Cette route réactivée indique qu’une autre dynamique économique, politique, diplomatique et géopolitique, actée par la Chine, décline la mondialisation hors des paradigmes états-uniens et de l’option libérale, gangrenée par des problèmes économiques et financiers. Renouant avec la prospérité de l’ère Tang – je l’avais signalé dans mon film sur la route maritime de la soie fait en 1999 - et investissant avec résolution dans la dynamique des routes du commerce qui étaient les mieux organisées du monde, l’empire du milieu indique ici sa volonté de renforcer son poids dans les affaires du monde, en donnant le signal qu’il ne s’englue pas dans un monde empêtré dans des conflits avec des extrémistes ou une croissance en panne. La Chine reprend ici une politique du gagnant-gagnant, misant sur la prospérité comme vecteur d’échanges civilisationnels. Même si son contenu culturel est encore à mettre en place, signalons que cette route renoue avec l’imaginaire d’un temps où les échanges se faisaient entre Orient et Occident, et un Moyen-Orient, qui en fut l’intermédiaire. Duqm, un nouveau grand port, je l’avais constaté quand j’étais à Oman il y a deux ans, réactive ce rôle, dans cette région de la péninsule arabique encore épargnée par les guerres ravageant le Yémen, l’Irak et la Syrie, en sus de la modernisation du port de Sohar, qui se positionne dans cette configuration où l’océan Indien abrite deux géants en concurrence, la Chine et l’Inde.
Ces deux routes évoquées plus tôt ne doivent pas nous faire oublier que la nouvelle route de la Soie ne se réduit pas aux deux tracés mais à des réseaux nombreux, comme celui d’Oman, ou plus loin, qui passera par le canal du Nicaragua, qui sera trois fois plus long que celui du Panama, prévu pour entrer en opération en 2029, reliant l’Atlantique et le Pacifique, traversant le continent américain et posant la Chine sur une route commerciale capitale.
Pendant que certains voient dans ces routes de la Soie une tentative d’asseoir une hégémonie chinoise, d’autres y voient la possibilité de sortir le monde d’un engluement, d’un état permanent de conflits entre l’Orient et l’Occident, notamment liés au terrorisme et de partager un nouveau récit commun de l’humanité. Nous y reviendrons…
© Khal Torabully, 21/4/2016