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Cov-19
Carnet du déconfinement

Khal Torabully

Mai - Juin
2020

Jours

1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 9 |10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25 |26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 |32 | 33 | 34 | 35 | 36 | 37 | 38 | 39 | 40 | 41 | 42 | 43 | 44 | 45 |46 | 47 | 48 | 49 | 50 | 51 | 52

Après Jour O (la veille du confinement), Jour 1, jour du confinement, et Jour 2, aujourd'hui, donc, je continue mes posts, alimentés de beaucoup d'échanges avec mes ami.e.s sur les réseaux sociaux. Merci de vos mots.

Jour 1

Chères amies, chers amis, bon déconfinement à vous.

Après nos Chroniques aux temps du coronavirus, que nous espérons pu blier, nous écrivons ce carnet, en lien avec le déconfinement. Après un premier texte de Constantin Severin, un deuxième de Jean-Louis Robert déjà mis sur le mur, un 3ème de votre serviteur, une courte méditation d'un instant vécu.

Bonne lecture à vous, la vie est toujours un soleil à préserver en soi.

Je me suis levé avec un poème de Basho dans la tête :

"vieil étang / une grenouille y plonge / le bruit de l'eau".

Je pousse la porte...
Ce matin, je sens, au réveil, quelque chose de différent, entre le début du confinement le 17 mars et le déconfinement du 11 mai, pendant lequel, sans discontinuer, j'ai tenu les CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS sur ce mur.

Si avant, je sentais que le monde allait vers quelque chose d'inédit, d'inquiétant, de sidérant, aujourd'hui j'ai ressenti comme une ouverture vers le dehors. Un premier tour de clé ouvrant la porte?

Il ne faudra plus écrire l'autorisation à circuler, que je recopiais à la main dans mes rares sorties.

Un acte d'écriture de moins.

Mais, prudence, je le sais, Wuhan a eu un nouveau cas hier, des foyers d'infection se signalent en Allemagne, déconfinée il y a 3 semaines. Je me dis, il faudra vivre avec le Covid-19 pendant au moins 2 ans. Mais...

Quelque chose a changé. Imperceptiblement, puis bruyamment. Une entreprise à une centaine de mètres reprend ses activités, j'entends des voix, un moteur de camion qui vrombit.

Des voix d'enfants dans la rue...

En sortant, je vois un oiseau mort. Cela m'a attristé. En me penchant sur son corps, je surprends une grosse mouche verdâtre...

La vie et la mort suivent leurs cours, comme toujours. J'ai enterré l'oiseau.

Triste.

Je remarque qu'il y a moins d'oiseaux qu'hier. Avant, ils étaient très sonores, très proches... Je sens qu'ils commencent à comprendre que l'espace qu'ils occupaient, vu que les humains s'étaient retirés en temps de pandémie, semble se rétracter.

Ils iront plus loin. Cela m'attriste...

Oui, quelque chose a changé...

Je me pose et regarde un cerisier, les fruits mûrissent...

Le ciel a une éclaircie, un nuage gris apportera de la pluie, c'est sûr...

J'écris...

Voilà comment j'ai vécu ces premiers instants du déconfinement, avec une sensation que les oiseaux repartaient se confiner pendant que l'humain reprenait possession d'un espace jadis ouvert à leurs pépiements et chants.

Mais je les ai vus dans leur généreuses migrations.

Entre nos transhumances.

A suivre...

(c) KT, 11 mai 2020, jour du déconfinement

Chères amies, chers amis, JOUR 1, nous commençons aujourd'hui ce carnet, comme annoncé hier dans nos dernières Chroniques aux temps du coronavirus...

AUJOURD'HUI, UN POÈME DE Constantin Severin. Ce sera notre texte 1..

Vos textes et remarques sont les bienvenus en commentaires, en attendant des contributions de poètes, d'écrivains et d'artistes. Mais vous pouvez aussi contribuer en nous faisant part de vos observations, remarques, etc sur la façon dont vous vivez l'événement.

Aujourd'hui, nous commençons avec un magnifique tableau de Raouf Oderuth, fait aux temps du coronavirus, sur les rives du Gange encore désertes, en attendant le déconfinement en Inde.

Tout un symbole pour les déconfinements en cours ou à venir...

Parlez-nous de votre vécu, pensées en ce jour HISTORIQUE, façon de continuer notre compagnonnage aux temps du coronavirus. Votre sentiment, que vous soyez écrivain ou artiste ou non?

Bonne journée à vous.

Merci pour vos commentaires et témoignages en commentaire pour cette reprise.

DÉJÀ VOICI UN PREMIER TEXTE DU GRAND POÈTE ROUMAIN CONSTANTIN SEVERIN AVEC TRADUCTION ANGLAISE

POEMUL DE LUNI
MONDAY POEM
POÈME DU LUNDI

LE MAÎTRE DES FONTAINES

A Orhan Pamuk

ni les parents obsédés par les tâches quotidiennes
n'ont pas veillé sur mon enfance dans mon village natal
tout comme le maître des puits
l'homme à l'âme marmonne en silence
et les eaux mystérieuses et claires
d'où j'ai appris la poésie des profondeurs
et l'alphabet de l'obéissance
trouver la place du puits était un rituel magique
et cela a commencé par une prière nous avons tous les deux dite
les yeux à moitié ouverts
un regard vers l'intérieur
l'autre coincé dans la terre récupérée
et j'ai attendu que le ciel se dégage
avec le tremblement saisissant des profondeurs
puis l'artisan a fait éclore des chemins invisibles à la surface
recherché dans les moindres détails
parfois il roulait et prenait le pouls de la terre
il a écouté avec son oreille au sol
il m'a dit que les eaux avaient des daimons profonds
qui ne communique qu'avec des artisans bien
à travers des mots-événements
la première pelle de terre de l'endroit choisi
a été jetée dans le ciel
et j'ai regardé les grains d'ambre
roulé de poussière autour de nous
et j'ai frotté mes paumes en sueur de joie
comptant dans mon esprit la sonnerie des cloches
de l'église du village
tandis que le puits d'eau avançait de jour en jour
et je tournais l'artisan aux yeux d'émeraude
de la corde tendue autour d'un cheveu
J'avais l'impression de commencer à communiquer
de plus en plus frénétique et insatiable
avec la nature sonnée par l'ondulation des profondeurs
à travers des mots-événements
après avoir fini d'assembler le mince chapeau noir
le maître des puits a soigneusement mesuré mon ombre
avec un roseau mince et fragile
à travers lequel on pouvait entendre la solitude et rêver chanter
un destin au bord de la germination
et l'a intégré dans le cylindre de pierre et de mortier
faire une croix devant mon coeur
le maître des puits est allé au-delà mais maintenant je sais
les villes ont des daimons de villes dans les profondeurs
fontaines profondes de mémoire et de vie spectrale
les villages ont des daimons de villages dans les profondeurs
fontaines profondes de mémoire et de vie spectrale
mon coeur a des daimons de coeurs dans les profondeurs
fontaines profondes d'amour et de mémoire
les mots ont des mots de mots dans les profondeurs
puits profonds de sens
et mémoire poussiéreuse

Suceava, 2 mai 2020

Lui Orhan Pamuk
nici părinții obsedați de muncile zilnice
nu mi-au vegheat copilăria din satul natal
precum a făcut-o meșterul de fântâni
bărbatul cu sufletul mustind de tăcere
și de ape tainice și limpezi
de la care am învățat poezia adâncurilor
și alfabetul ascultării
căutarea locului fântânii era un ritual magic
și începea cu o rugăciune pe care o rosteam amândoi
cu ochii întredeschiși
o privire îndreptată înlăutru
cealaltă înfiptă în pământul reavăn
și așteptam până când cerul se îngâna
cu freamătul uruitor din adâncuri
apoi meșterul hașura trasee nevăzute pe suprafața
cercetată în cele mai mici detalii
uneori se rostogolea și lua pulsul pământului
asculta cu urechea lipită de țărână
îmi spunea că apele au în adâncuri daimoni
care comunică doar cu meșterii de fântâni
prin cuvinte-evenimente
prima lopată de pământ din locul ales
era aruncată în înaltul cerului
iar eu urmăream cu privirea boabele de chihlimbar
rostogolite cu fire de praf în jurul nostru
și îmi frecam de bucurie palmele transpirate
numărând în gând dangătele clopotelor
de la biserica din sat
în timp ce puțul de apă înainta zi de zi
iar eu trăgeam meșterul cu ochi de smarald
de sfoara strânsă în jurul unui par
parcă simțeam că începeam să comunic
tot mai frenetic și cu nesaț
cu natura sonorizată de clipocitul adâncurilor
prin cuvinte-evenimente
după ce sfârșea de montat ciutura zveltă și neagră
meșterul de fântâni îmi măsura cu grijă umbra
cu o trestie subțire și fragilă
prin care auzeai cântând singurătatea și visul
unui destin în pragul înmuguririi
și o zidea în cilindrul de piatră și mortar
făcându-mi o cruce în dreptul inimii
meșterul de fântâni a plecat dincolo dar acum știu
orașele au daimoni de orașe în adâncuri
fântâni adânci de memorie și vieți spectrale
satele au daimoni de sate în adâncuri
fântâni adânci de memorie și vieți spectrale
inima mea are daimoni de inimi în adâncuri
fântâni adânci de iubire și memorie
cuvintele au daimoni de cuvinte în adâncuri
fântâni adânci de înțelesuri
și memorie pulverulentă

Suceava, 2 mai 2020

Nous accueillons un texte de Jean-Louis Robert, qui après celui de Constantin Severin, constitue le deuxième écrit du carnet, qui est plus réactif, bref, dans l'ensemble, que nos Chroniques. Bonne lecture à tous et toutes...

(ANGOISSE)

en manque de tact
derrière un masque
j’erre tel un chirurgien
sourd aux applaudissements
dans les rues grises
que des couronnes obscures ceignent
où est l’Autre
je rôde
aux franges de la ville ceinte
par des guirlandes d’insomnie
j’entends l’aboi inextinguible
de la nuit chienne
sa morsure a tuméfié
les chairs de l’aube
où est l’autre
il a perdu sa majuscule
et de sa superbe
le voilà qui creuse l’écart
égaré aux croisées de l’angoisse
il déparle
ses paroles enduites de gel hydroalcoolique
tombent dans l’oreille d’un sourd
le chirurgien s’est jeté dans la gueule du loup
sa bouche saigne
hier il a choisi qui devait mourir
je frôle la fleur de frayeur
dont la fragrance m’enivre
l’autre hurle
ne me touche pas
ne me touche pas
en manque de tact
j’erre aux croisées de l’angoisse

(c) JLR, 11 mai 2020, jour du déconfinement.

THE MASTER OF FOUNTAINS

To Orhan Pamuk

neither of my parents obsessed with daily chores
watched over my childhood in my native village
as did the master of fountains
the man with the soul muttering in silence
and waters mysterious and clear
from which I learned the poetry of the depths
and the alphabet of listening

finding the place of the well was a magical ritual
and began with a prayer we both said
with eyes half opened
one looking inward
the other mired in wet earth
and we were waiting untill the sky had met
with the strange trembling of the depths

then the craftsman hatched unseen paths on the surface
researched in the smallest details
sometimes he rolled and took the pulse of the earth
and listened with his ear to the ground
he told me that the waters have daemons in their depths
which communicate only with good craftsmen
through words-events

the first shovel of earth from the chosen place
was thrown into the sky
and I watched the amber grains
rolled with particles of dust around us
and I rubbed my sweaty palms with joy
counting in my mind the ringing of bells
from the village church

while the water well was advancing day by day
and I was steadying the emerald-eyed craftsman
on a rope tightened around a stake
I felt like I was starting to communicate
more and more frantic and insatiable
with the nature voiced by the rippling of the depths
through words-events

after he finished assembling the slender black bucket
the master of wells carefully measured my shadow
with a thin and fragile reed
through which you could hear loneliness and dreaming sing
a destiny on the verge of sprouting
and built it into the cylinder of stone and mortar
forming a cross in front of my heart

the master of wells has gone beyond but now I know
cities have daemon cities in the depths
deep fountains of memory and spectral lives
the villages have daemon villages in the depths
deep fountains of memory and spectral lives
my heart has daemon hearts in the depths
deep fountains of love and memory

words have daemon words in the depths
deep wells of meaning
and memories turned to powder

Suceava, May 2, 2020
(c), C.S, English version by Constantin Severin&Slim FitzGerald

 

Jour 2

CHÈRES AMIES ET CHERS AMIS, VOICI UNE PETITE OBSERVATION...

Hier, une image a frappé les esprits, l'entassement des gens dans le RER à Paris. Ce sont en principe des gens qui ont repris le travail. Foule dans un espace confiné.
Cette situation fait craindre une reprise de la pandémie, car même avec un masque, sans distanciation physique, le virus peut se propager, et il y a certainement des porteurs asymptotiques dans la population et depuis hier, quittant le confinement, ils sont en circulation, dans tous les sens du terme.
Le temps nous dira la gravité de cette triste réalité.
Une chose est sûre, la grippe espagnole a tué en plusieurs vagues.
ESPÉRONS QUE CELA NE SERA PAS LE CAS CETTE FOIS.
Nous sommes revenus à une cyclicité de l'histoire. C'est indéniable.
Relions...
Deuxième image, le désormais célèbre canal Saint Martin a Paris, qui lors du dimanche du second tour des élections municipales avait vu un entassement des parisiens. Une foule célèbre sa libération.
Les beaux jours revenaient et ils sont allés en masse prendre le soleil. Hier encore, les lieux étaient investis et la police a chassé les badauds.
Cela m'a ramené à l'esprit une chose : on avait fait voter au cours d'une pandémie, pour prouver qu'on pouvait faire un exercice de démocratie en temps du coronavirus.
Comprenne qui pourra, vu que des personnes en sont mortes démocratiquement...
Les faits remonteront certainement. En attendant, la foule est désormais devenue plus que suspecte, surtout dans les transports en commun, le rassemblement devenu un marqueur de la sidération sociale ou de la propagation virale possible.

Aujourd'hui, les enfants de la primaire vont à l'école.
Pari risqué. Comment faire comprendre à l'enfant qu'il faut garder une distanciation sociale alors que le contact physique est un des socles de son existence ?
Cruelle épreuve pour ces petits confinés la veille et reconfinés aujourd'hui, mais avec leurs copains. C'est un sevrage social qui aura un impact sur la psyché de nos bambins.
Comment faire comprendre à un enfant qu'il ne peut pas toucher l'ami qu'il bousculait ludiquement avant le confinement ?
C'est plus difficile, il me semble, que de demander à l'adulte de ne pas se toucher le visage. Barrière tellement difficile à ne pas franchir.
...

J'ai entendu une maman dire qu'après quasiment 2 mois passés avec son bambin,la ramener à l'école lui a fait ressentir le blues de la rentrée.
Décidément, ce virus nous donne la sensation de vivre deux fois une rentrée ou une vie.
Jadis, un adepte de la sieste affirmait qu'il n'en ratait jamais une, pour, dit-il, avoir la sensation de vivre deux matins dans la même journée.
C'est peut-être cette sensation que nous vivons depuis hier, une sensation de revivre une deuxième vie sociale après une immersion dans un film de science-fiction.
Dehors, je vois des gens dans la rue, avec ou sans masque, avec ou sans distanciation physique. Certains pensent que le virus n'est pas pour eux....
On fait la queue devant la poste, là, c'est organisé, comme devant le laboratoire d'analyses médicales. Au labo, tout le monde est masqué.
La vie reprend dehors.
On cherche ses marques, on réapprend à vivre deux fois, dans l'attente des choses à venir, et qui seront d'importance.
Voici ces quelques observations pour aujourd'hui. Je marche sur un fil de soulagement mêlé de crainte.
Bonne rentrée aux petits et grands , nous sommes entrées dans l'école de la pandémie...

(c) KT, 12 mai 2020

Mohamed Laroussi

Un écrivain américain majeur,
NORMAN LOCK, répond à un poème du superbe poète roumain Constantin Severin, qui a participé à nos Chroniques, et maintenant à notre CARNET DU DECONFINEMENT JOUR 2, texte 1.

Constantin Severin nous avait parlé de sa forêt de lilas légendaire, comme espace de résistance en ces temps de Covid-19.
Ce sera le Texte 1 de notre Jour 2, ces textes se répondant, ce qui nous plaît tout particulièrement, car nous favorisons les échanges pendant la pandémie dans cet espace toujours déconfiné par l’écoute et le partage humain. Lisons Constantin Severin d'abord et ensuite la réaction de Lock après:

les gens avec des masques
passent aveuglément
sur les cerisiers en fleurs des parcs
les caresses des amoureux
ont disparu avec les cris des enfants
un vieil homme avec un sac en plastique marche
dans la rue déserte
les yeux irisés
des visions d'une peur atavique
il essaie de couvrir ses oreilles
avec un tissu en coton
il ne veut pas entendre
les sirènes qui chassent
les anges et les abeilles ...
J'ai commencé à croire
que la langue roumaine
elle-même cache une île
dans son noyau profond et mélodieux
la forêt de lilas
un espace sacré
fait de lumière parole et de vie
un poème parfait
un univers archétypal
un être en fuite
détaché des partitions de Bach

© NL, traduction française de Khal Torabully, le 12 mai 2020

A major American writer, NORMAN LOCK, about my new poems:
people with masks pass blindly over blossoming cherries
from the parks the carresses of lovers have disappeared
along with the cries of children
an old man with a plastic bag walks down the deserted street
with eyes iridescent from the depths of an atavistic fear
he tries to cover his yellow ears with cotton wool
he doesn't want to hear the sirens
which drives away angels and bees
...
I began to believe
that even the Romanian language itself
hides an island in its deep and melodious core
the lilac forest
a sacred space made up of light
word and life
a perfect poem
an archetypal universe
a runaway being
detached from Bach's scores

(c) CS, 2020

Lisons Lock :
Cher Constantin,
Vos poèmes sont merveilleux. Je réponds avec mon propre sang et mes souvenirs à moitié oubliés à vos récits viscéraux d'un monde en voie de dissolution, un changement bien au-delà de l'ordinaire et pour lequel les mots ne peuvent suffire et pourtant, miraculeusement, ils le font dans vos poèmes.

Je suis surtout pris avec les évocations d'une Roumanie plus ancienne, qui existait dans les mythes et dans les visites mythiques du colibri, du lilas, des papillons et des grands-parents.

Il y a dans la suite une qualité de légende, quelque chose d'ancien auquel le titre ne m'avait pas préparé. Pour être honnête, mon ami, la seule chose dont je me fiche, c'est de ce titre, CYBERNETIC GHOUL.

Cela suscitait une attente de quelque chose de grotesque, de comique, de kitsch, de pop, contrairement à la nature belle, lyrique et atavique de l'œuvre.

En tout cas, Constantin, je crois que vous et le traducteur avez réussi à capturer l'esprit ancien qui se trouve sous les sacs mortuaires, la peste sous le virus Corona.

Restons en forme !

Bien à vous,
Norman Lock
To Orhan Pamuk

neither of my parents obsessed with daily chores
watched over my childhood in my native village
as did the master of fountains
the man with the soul muttering in silence
and waters mysterious and clear
from which I learned the poetry of the depths
and the alphabet of listening
finding the place of the well was a magical ritual
and began with a prayer we both said
with eyes half opened
one looking inward
the other mired in wet earth
and we were waiting untill the sky had met
with the strange trembling of the depths
then the craftsman hatched unseen paths on the surface
researched in the smallest details
sometimes he rolled and took the pulse of the earth
and listened with his ear to the ground
he told me that the waters have daemons in their depths
which communicate only with good craftsmen
through words-events
the first shovel of earth from the chosen place
was thrown into the sky
and I watched the amber grains
rolled with particles of dust around us
and I rubbed my sweaty palms with joy
counting in my mind the ringing of bells
from the village church
while the water well was advancing day by day
and I was steadying the emerald-eyed craftsman
on a rope tightened around a stake
I felt like I was starting to communicate
more and more frantic and insatiable
with the nature voiced by the rippling of the depths
through words-events
after he finished assembling the slender black bucket
the master of wells carefully measured my shadow
with a thin and fragile reed
through which you could hear loneliness and dreaming sing
a destiny on the verge of sprouting
and built it into the cylinder of stone and mortar
forming a cross in front of my heart
the master of wells has gone beyond but now I know
cities have daemon cities in the depths
deep fountains of memory and spectral lives
the villages have daemon villages in the depths
deep fountains of memory and spectral lives
my heart has daemon hearts in the depths
deep fountains of love and memory
words have daemon words in the depths
deep wells of meaning
and memories turned to powder

Suceava, May 2, 2020
(c), C.S, English version by Constantin Severin&Slim FitzGerald

CARNET DE DÉCONFINEMENT, JOUR 3, POÈME POUR UN MONDE QUI HÉSITE

C'est déjà ce matin, un jour attendu,
Mais comme souvent, l'attente est déçue.
LE REPORT DE NOTRE DÉCISION UNE MÛRE INDÉCISION.
Pendant notre absence, l'oiseau était revenu,
Son chant me semble dorénavant perdu.
L'homme est de sortie, dans un monceau
De sa splendeur, il hésite entre la peur
Et l'envie de sortir du troupeau.
Il a avait rêvé de l'air pur, pour l'heure,
Le voilà égaré entre le calcul des impôts
Et l'imposture de sa lieutenance sur Terre.
Il marche comme un nouveau nigaud,
Un post prolétaire post pandémique, il erre
Entre sa promesse d'hier et son avenir
De nouveaux Zorros des sociétés en urgence sanitaire.
IL POSTE IL REPOSTE IL RIPOSTE...
Au nom de sa vie entière, il prend la décision
De toujours produire, afin d'échapper
À l'intelligence du virus. Voici le nouveau bal masqué,
Un monde révolutionnaire dans le sens contraire,
Une marche réactionnaire pour damer
Le pion au virus républicain et couronné,
Une intelligence mûre pour question pour un champion.
Dehors, on s'adapte à la distanciation,
On tousse dans son coude, on ricane sous son masque,
Mais on regrette qu'il manque les lampions.
On se rue chez les coiffeurs, les joues sont flasques,
On regrette le temps radieux des nuggets.
On se prend à rêver de nouveaux gadgets,
Un masque Vuitton, un masque de faux jeton.
Dehors, déjà, l'humanité hésite à marcher à reculons
Ou à courir dans le sens inverse de son croupion.
Connaissant notre sublime instinct de mouton,
LE PRINCE SURGIT CITANT UN DICTON :
Déconfinons, Oyez braves populations,
Le temps mort sera noté en postillon
Sur le carnet rose des banquiers covidés..
L'heure est grave, il y va de la grandeur de la nation.
Entendant cela, le virus se prend à rêver
De notre souveraine décision et de notre prochaine damnation...
Et l'oiseau que j'avais enterré avant hier
Pépie déjà dans nos froids cimetières...

(c) KT, 13 MAI 2020

Jour 4

Chères amies, cher amis, voici le CARNET DU DECONFINEMENT, aujourd’hui nous réfléchissons sur libertés et travail dans le monde qui se déconfine, et qui risque de poser une déconfiture généralisée… Bonne lecture et bonne journée à vous!

PARALLELE ENTRE INDE ROUMANIE ET FASCISME: TRAVAIL CAMPS DE CONCENTRATION ET SURVEILLANCE ELECTRONIQUE
...............................................................................................
Il est de plus en plus clair que des populistes ou extrémistes utilisent l’Islamophobie comme levier pour conquérir l’électorat avant de dévoiler leurs vrais projets, celui d’un état de contrôle, un état totalitaire annexant la valeur du travail, démontrant leur idéologie centrée sur les lois du marché, mettent au pas les acquis sociaux relatifs aux droits du travail.

Revenons-nous à la formule Travail famille patrie dans le clair-obscur du déconfinement en cours en France et à venir dans le monde?

En France on a déjà signalé une idée du Medef: «Son président Geoffroy Roux de Bézieux déclarait vendredi dans un entretien au Figaro: "Il faudra bien se poser la question tôt ou tard du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire".

Gageons que les USA devraient faire de même, sachant que le populiste Trump ne voulait pas arrêter la machine économique devant l’arrivée du covid-19.

Le déconfinement des citoyens signifierait donc le confinement des travailleurs dans la «clôverture» (mot-valise que j’emprunte à un de nos chroniqueurs, Jean-Louis Robert), des camps ouverts contrôlés par deux facteurs, la précarité subséquente à la crise covidienne et la nécessité des élites de contrôler les masses des citoyens et de les compresser dans la constante rechercher de survie en augmentant leurs heures de travail, afin de compenser les pertes subies lors de la pandémie.

Question, pourquoi ne fait-on pas payer aux riches, au moment où Jeff Bezos, l’homme qui a profité de la crise sanitaire pour devenir bientôt le premier trillionaire de l’Histoire, ayant à lui seul autant de richesses que les Pays-Bas ? Le déconfinement ne serait que rattrapage des profits perdus pendant la pandémie?

Nous avions une intuition en écrivant nos dernières chroniques aux temps du coronavirus, qui coïncidaient au 10 mai, la veille du déconfinement en France, avec la commémoration des abolitions de la traite et de l’esclavage… Singulière intuition d’une nouvelle forme du coolie trade ou commerce des coolies à (re)venir?

Nous avions aussi évoqué, avant, non pas un nouvel esclavage avec chaînes mais d’une nouvelle coolitude, le coolie électronique, le cybercoolie, «libre» mais régi par des lois régressives et contrôlées par les nouvelles technologies. Cela rappelle étrangement la coolitude où, pour circuler, le coolie devait présenter un «pass» (autorisation à circuler), sinon il était confiné dans un dépôt de vagabonds, puni de multiples façons, notamment, travailler plus et ne pas recevoir de salaire…

Rappelons un détail troublant. En Inde, le gouvernement populiste de Modi avait fait construire des camps de détention, qu’il appelait d’internement, pour de millions de MIGRANTS sans papiers, demandant aux musulmans de prouver leur citoyenneté, et développant une politique islamophobe, octroyant la citoyenneté indienne seulement aux migrants sans papiers… non-musulmans, mesure critiquée par l’ONU comme injustifiée et discriminatoire. Il est intéressant de noter que cette politique camps n’est pas nouvelle pour les états ultranationalistes, l’Allemagne nazie ayant érigé des camps de concentration qui étaient aussi des camps de travail. La production continuait en temps de guerre…

La Roumanie – ici je remercie Constantin Severin, complice de nos écrits en temps du coronavirus de m’avoir signalé l’article que je mets en note - offre un étrange répondant à l’Inde au regard des camps ou des politiques de confinement. En effet, comme nous l’avons dit, elle a, sous un gouvernement populiste, le dictateur roumain Klaus Iohannis a développé des centres pour migrants ou réfugiés, le panopticon: «Imaginez un stade couvert, aménagé en camp de réfugiés. Avec, pour principale originalité frappante par rapport aux installations habituelles du HCR (l’agence de l’ONU pour les réfugiés), des parois de carton séparant les lits les uns des autres, mais pas des couloirs d’accès, et sans plafond, si bien que chaque «chambre» reste parfaitement visible, aussi bien depuis lesdits couloir que depuis les tribunes. Jeremy Bentham et Michel Foucauld en ont rêvé, Klaus Iohannis l’a fait: le Panopticon, cette prison où un seul homme peut en surveiller mille sans se lever de sa chaise, est aujourd’hui réalité» (voir article en note). Ici, le monde de l’après prend une tournure plus qu’inquiétante… On a l’impression que si tout le monde tire sur le virus «chinois», on ne s’embarrasse pas du mouchard venu de loin.

L’on constate, aussi, que, comme pour le cas des coolies du 19ème siècle, ce qui est important, c’est de CONFINER et de CONTROLER le mouvement des citoyens, des travailleurs engagés ou coolies, remplaçants des esclaves, afin de se prémunir contre toute révolte, les maintenir à la marge et entraver leur mobilité physique et sociale dans une société qui a élaboré ses fondements sur l’inégalité et l’exploitation entre les humains.

L’Histoire, nous l’avions dit, se répète. Ce qui était prévu pour les migrants, comme en Inde de l’hindutva-BJP, se retourne contre les populations «précarisées» par le coronavirus.

On y interne des gens suspectés du Covid-19, internés pour le bien public, et cela, sans aucun dispositif légal pour contester la mise en quarantaine indéfinie… Les coolies étaient aussi victimes de cette mesure, on les soupçonnait d’être propagateurs de maladies et d’épidémies et la quarantaine souvent instrumentalisée pour les confiner… En Inde, nous apprenons que: L’Uttar Pradesh a été le premier à se lancer, mercredi 6 mai. Dirigé par un moine nationaliste hindou extrémiste, l’Etat le plus peuplé de l’Union indienne (200 millions d’habitants), constatant que l’activité économique était «sévèrement affectée» par l’isolement imposé à la population, depuis le 25 mars, pour lutter contre le Covid-19, a décidé d’«exempter toutes les entreprises, usines et fonds de commerce de l’application du droit du travail», à part quatre textes sensibles sur, notamment, le travail des enfants». Cela semble faire étrangement écho au Medef pour la gestion de la crise covidienne. Le moine populiste a même un calendrier: «Cet état d’exception va durer trois ans». Donc: «D’un coup de baguette magique, ce sont toutes les lois relatives au règlement des conflits du travail, à la sécurité, à la santé et aux conditions de travail, à la reconnaissance des syndicats et aux conditions des travailleurs migrants de l’intérieur qui disparaissent». Les autorités sont claires, le patronat aura droit à «une certaine flexibilité». Nous avions signalé le drame de ces migrants traversant, à pied, l’Inde, pour rejoindre leurs villages d’origine, pour se confiner. Quand ceux-ci reviendront dans l’Uttar Pradesh, ils constateront qu’entre la famine et le virus, le patronat aura tranché… Le monde d’après, mis sous la coupe des lois régressives du travail?

En Roumanie, on semble aller plus loin: «Mais comme ces camps sont de toute façon destinés à des asymptomatiques, la seule base légale de leur éventuelle détention sera le résultat d’un test… effectué par des services de ce même État qui les bouclera. Et eux-mêmes ne disposeront a priori d’aucun moyen de soumettre ce jugement expéditif à l’expertise d’un tiers. En d’autres termes: pic ou pas pic, l’habeas corpus, en Roumanie, c’est fini pour de bon» (idem). L’habeas corpus dont en parle ici, est relatif aux droits mis en berne pour le citoyen, ce qui a forcément des répercussions sur le travailleur qu’il est. Ici, la suspension de l’habeas corpus, si effectif, on pourra parler de l’esclavage dans les camps qui pourrait être une réalité, car pour nourrir tous ces «indésirables», il faudra qu’ils travaillent. Mais là où je parle de coolitude par ailleurs, c’est que l’habeas corpus n’est pas suspendu, c’est les dispositifs liés au travail, notamment la protection de l’employé par la loi. Car avoir des panopticons partout convertis en camps de travail n’est pas viable sur une échelle nationale, la consommation qui est le moteur de la production sen trouvant affectée…

Au moment où j’écris ces lignes, est-ce un « coup d’état viral » couplé à la «dictature covidienne» qui se déroule sous nos yeux?

En Roumanie, l’auteur de l’article parle d’un test grandeur nature des choses à venir. L’expérience de la dictature roumaine rappelle les sombres épisodes des stades lors des coups d’état militaires au Chili et en Argentine. Elle compte sur la docilité du peuple moutonnier. Voici le raisonnement du: «grand leader nationaliste roumain Traian Băsescu: «Les Roumains sont une nation docile ; ils ne se sont pas révoltés quand, à l’époque de la crise de 2008-12, j’ai appliqué les mesures les plus dures du monde; ils ne se révolteront donc pas non plus à présent, même soumis au confinement le plus dur de l’UE».

Pour clore ce carnet d’aujourd4hui, rappelons que des mouvements similaires, mettant en berne des libertés chèrement acquises hier, sont en marche dans le monde. A l’île Maurice démocratique, les autorités, constatant une baisse de PIB ont décidé hier de mettre en veilleuse des augmentations de salaires, de les geler, pour rattraper le retard économique. Des salariés ont accepté une baisse de leur salaire. Singapour a aussi décidé d’une baisse de salaire de 20% pendant un an...

En France, hier, la loi Avia, qui à l’origine se présentait comme une volonté de juguler le discours de haine en ligne, après les attentats terroristes de Christchurch, Nouvelle-Zélande, mars 2019, menant au Sommet de Paris l’an dernier, afin de réglementer le terrorisme 2.0, me semble-t-il, en ces temps de pandémie, pourrait glisser subrepticement vers un «ministère» de l’information déjà mis en place par Macron et dirigé par Sibeth Ndiaye. Que désire cette loi? «Sa mesure la plus spectaculaire est l'obligation de retrait en 24 h de tout contenu “manifestement illicite” sous peine d'amende pouvant aller jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires mondial, ce qui est absolument dément et représente des Milliards pour Facebook et Twitter par exemple! Or ce délai de 24 h va obliger les plateformes à censurer à tour de bras sans prendre le temps d'examiner chaque situation, de peur de se voir infliger une amende. Surtout que la France représente un tout petit marché pour ces grands acteurs du net. Ils ne mettront pas les ressources nécessaires pour évaluer chaque contenu en 24 heures et les supprimeront par défaut. Ce risque de "surcensure" a été souligné par les critiques de la loi Avia à de nombreuses reprises».

Le doute n’est plus permis, le jour d’après sera très certainement l’arène d’une lutte, autour du paradigme du travail et des libertés. Comme nous l’avions dit dans nos chroniques, la guerre des riches contre les pauvres est en cours dans le monde, la pandémie servant de catalyste pour les coups d’états viraux de diverses natures… La question demeure : pourquoi Jeff Bezos, le prochain trillionnaire ne serait pas taxé à 70% pour éponger la crise budgétaire dans plusieurs pays, vu qu’il fonctionne de façon transnationale ? Et avec lui, d’autres milliardaires qui pensent déjà aux lendemains à détricoter les acquis sociaux des salariés et des travailleurs de plus en plus précarisés?

Le déconfinement, aura lieu au 18 mai en Inde, pays majeur de la coolitude; inaugurera-t-il le vrai visage des populistes au pouvoir, instrumentalisant la pandémie pour faire ce que je peux déjà qualifier d’une «coup d’état viral»? Il EST SIGNIFICATIF QUE C’EST L’UTTAR PRADESH qui ait pris les devants de ces mesures contre les migrants et ouvriers, car c’est l’état qui a fourni un important contingent des coolies indiens au coolie trade. Environ 450,000 coolies venant en grande partie de cet état pour être «embauchés» comme coolies à l'île Maurice, initiant la "Grande Expérience" du travailleur migrant avec contrat sur une échelle mondiale. Signe des temps à venir, sachant que l’Histoire est cyclique, n’est-ce pas cher Tristan Franconville, historien des coolies de l’Atlantique?

Affaire inquiétante à suivre dans nos carnets…

© KT, 14 mai 2020

NOTES

 

CARNET DU DÉCONFINEMENT, JOUR 5

Chères amies, chers amis, j'espère que tout va pour le mieux. Aujourd'hui, une promenade dans le monde d'après... Pour franchir cet horizon jamais modifié par nos peurs du lointain...

* * *

Aperçu, l'entrebâillement de la porte
(elle peut bailler à l'aise pourtant,
mais a-t-elle entendu parler du mal du temps ?),
Un monde qui a changé de visage, qui s'insupporte.
DEHORS, puisqu'il faut enfin un pas en avant,
Une cité masquée et démasquée à la fois,
On peut se dévisager sans se voir.
Le jour s'insinue en judas damasquiné
Pour m'espionner, me dire qu'aucun virus
N'est mesquin, sans l'ombre d'un doute.
Toujours au seuil, je me guette en intrus
De mon propre chez moi.
Mon corps ne supporte plus
Le reflet de la porte dévoilée.
Les visages un autre jour colportent.
Au deuxième pas, je comprends le rébus :
La terre entière tâtonne en se libérant.
Derrière mon éternuement,
Moi, citoyen peut-être asymptomatique,
Je reste vigilant, je circule au coude à coude.
Dans mes cellules embastillées,
Mon âme connectée à l'air pur,
Derrière l'horizon, le même qu'à la genèse.
J'apprends reconnaître le visage des amis.
Ceux des ennemis, je les vois derrière
Leurs masques qui les démasquent
Dans un halo presque familier.
Ils sont trahis par leur propre lumière.
Curieux déconfinement, combien de portes
Ont été renommées ou numérotées
Dans la nouvelle façon de vivre
Ces lendemains infectés ?
Est-ce que le masque conviendrait
Pour vivre séparés par instinct,
Afin de se consoler par écran interposé ?
S'interner volontairement, voilà la liberté du déconfiné.
Et cela ne vaut pas le dernier éternuement
Du nomade parti en transhumance masquée.
Ce serait le mot de la fin
Si la cité ne se soumettait pas
Aux lois d'une vie privée, dévisagée sous l'œil malin
Des caméras truffées de vaccins suspicieux.
Nos visages masqués ont une nouvelle identité.
Je les sens au gabier,
Quelque chose est suspendu sur nos têtes
Comme une seringue de Damoclès.
Vivement que je pousse la porte pour sortir en moi...

(c) KT, 15 mai 2020

 

CARNET DU DÉCONFINEMENT, JOUR 6

Aujourd'hui, chères amies et chers amis, nous accueillons un texte d'André Chenet, de Buenos Aires... Bonne lecture à vous.

* * *

J'attendais au soleil matinal d'une vie très étrange, annoncée comme une bonne nouvelle à la Une des journaux, sur une marche devant l'entrée de l'hôpital quand une femme orientale - ou un spectre - m'est apparue dans la lumière aveuglante qui frappait les murs blancs.

Je me crus tout d'un coup transporté dans un jardin de Shiraz. Je dois dire que je n'avais guère dormi la nuit dernière et que les yeux me brûlaient encore d'avoir trop lu et trop écrit.

J'eus tout juste la présence d'esprit de prendre une photo avec mon téléphone portable avant que cette grande femme, à l'allure souveraine, ne disparaisse de mon champ de vision, happée par l'ombre jaillissant des hautes baies vitrées de la porte qui se referma sur elle.

C'est le masque qu'elle portait, et son regard grave par dessus qui m'avaient inconsciemment impressionné et non le fait qu'elle soit voilée.

(c) AC, 16 mai 2020

...

Cher André,

MERCI pour ce texte qui est très visuel.

En me promenant aussi, je me demandais aussi si nous n'étions pas devenus des spectres?

Des visages avec une nouvelle identité?

Oui, masques et orients se donnent au soleil comme jamais...

Aussi, je pense que comme pour cette orientale spectrale, une chose s'impose dans nos espaces avec gestes barrières, c'est l'intensité du regard.

Je remarquais cela chez une femme voilée avant, ce regard qui s'impose de façon souvent fulgurante.

Et, tu as raison, il y a un chevauchement entre le visage couvert et le masque, une sorte d'entre-deux de l'orient et de l'occident sur un même visage...

J'ai constaté que des femmes jadis voilées étaient maintenant masquées, sans la coquetterie des yeux au mascara, pandémie oblige.

Mais je me dis que ce n'est qu'une question de temps...

Bon déconfinement à toi à Buenos Aires, et surprends d'autres spectres devenus compagnie du même masque dans tes rêveries...

(c) KT, 16 MAI 20

CARNET DU DÉCONFINEMENT. Jour 7

Chères amies et chers amis, tout doucement, la vie reprend, avec les précautions qui s'imposent.

Aujourd'hui, en guise de carnet, Tristan Franconville, historien, nous livre un texte, GUERRES ET ESCLAVES, reprenant des définitions du mot esclave. Je lui réponds après:

Dans le dictionnaire dit Thresor de la langue françoyse, tant ancienne que moderne (…), (NICOT Ian, Paris, David Douceur, 1606), on trouve la définition suivante:

Esclave: est celui et celle qui sont serfs par captivité forcée, comme par guerre (...) ou par captivité née, comme celui qui est né de père & mère esclave.

Dans le dictionnaire dit de Furetière (Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois (…), FURETIÈRE Antoine, La Haye, Husson, 1727):

Esclavage: Servitude, prison chez les ennemis, chez les Barbares. L'esclavage est fort rude chez les Mahometans. Il est tombé dans l'esclavage par fortune de mer.

Esclave: Captif qui est réduit sous la puissance d'un maître, soit par la naissance, soit par fortune de guerre. Les esclaves d'Alger sont des captifs pris par des Corsaires.

On fait dans l'Amérique un grand trafic d'esclaves Nègres.

Dès qu'un esclave peut aborder la France, il est libre (...).

Moralité, si nous sommes, comme l'a dit Macron, en guerre, sommes nous en train de devenir des captifs, des esclaves? Et deviendrons-nous de nouveau libres en abordant les côtes françaises?

(c) TF, 17 MAI 2020

* * *

CHER TRISTAN,

Merci de ce rappel. Le mot esclave revient en force dans cette pandémie.

Signifiant à quel point le marché a pris le dessus sur nos vies.

À première vue, cette pandémie ne libère pas.

On est captifs des formes de travail que l'on serait en train d'expérimenter ici et là pour compenser les pertes de richesse et la nécessité de gérer les pertes et profits de l'après confinement.

On sait que l'esclave, du mot slave, peuple du nord, désigne quelqu'un qui est traité comme un objet.

Il ne s'appartient pas en propre. Il est la propriété de son maître.

Si les temps actuels nous font basculer de l'état d'être, avec habeas corpus, au statut d'objet, sans statut juridique de citoyen, alors, oui, nous serons des esclaves.

Nous avons parlé du panopticon dans ce carnet, qui est expérimenté par la dictature roumaine. Ici, évidemment, il n'y a pas d'habeas corpus mais détention arbitraire au nom de la sécurité sanitaire.

Le virus pourrait être instrumentalisé à cette fin ici et là.

Mais si on nous met dans un salariat contraint, sans abrogation de nos droits inaliénables, alors nous serons coolies ou engagé.e.s d'un nouveau contrat social. Tout nous indique qu'actuellement l'urgence sanitaire est doublée de l'urgence économique dans un système réglé par le marché.

Donc le travail est bel et bien l'enjeu de la pandémie.

Là où Macron a encore menti dans son discours de chef de guerre, c'est de nous faire croire qu'il y aurait un jour d'après. Mais ce jour d'après, on le saisit mieux, ne signifie pas un changement de monde vers un progrès collectif, mais une compression de salaire et des droits dans un monde hyper libéral qui se réorganise sur les fissures de l'ancien.

Le système cherche à instrumentaliser la pandémie pour opérer une régression sociale et salariale. Le travail sera, à mon sens, l'indicateur de ces régressions.

Et les libertés individuelles seront le corollaire de cette instrumentalisation du coronavirus.

Je pense, à l'heure actuelle, vu que les peuples sont conscients des enjeux dans les démocraties malmenées par le populisme, il y aura une opposition au désir des riches de faire travailler plus pour payer moins. Mais en ce moment, le marché faisant loi, la valeur du travail semble reculer face aux avoirs des riches qui dirigent le monde. Les cartes sont abattues. L'information aussi est dans le viseur, tout comme la liberté d'expression.

Pour le moment, je vois davantage un retour au salariat forcé, plus qu'une captation pure et simple des droits fondamentaux, l'habeas corpus à la proue de ceux-ci.

Les gilets jaunes, flairant le danger, reviennent à la charge. Encore peu nombreux. Le bras de fer commence.

Dans la balance, comment ne pas devenir coolie, avec un contrat de travail, mais en acceptant un salaire de misère, parce que la situation l'imposerait? En ce moment, le chômage est massif, vu que des pans entiers de l'économie sont à l'arrêt.

Les gens sont inquiets.

Tout peut s'écrouler, c'est aussi une peur que l'on met en avant.

Après l'urgence sanitaire, l'état d'urgence économique...

Des choses pas très claires émergent, comme en Inde, où des états, constatant que les travailleurs migrants de l'intérieur sont au bord de la famine, leur proposent de travailler plus pour un salaire moindre. Le patriotisme économique...

À suivre, en espérant que cette guerre faite sans munitions par le peuple, ne donnera pas des cartouches à ceux qui sont tentés de se refaire une santé économique sur le dos des hommes encore libres, contraints de négocier leur survie dans le monde d'après...

KT, 17 mai 2020
(c)

CARNET DU DECONFINEMENT. Jour 8

POETISONS LA DISTANCIATION

Dans ce CARNET 8 DU DECONFINEMENT, 8 jours après le début du déconfinement progressif, je dis ici une nostalgie des lieux, de l'île natale, du voyage qui reprend en souvenirs à (re)naître...

Un nom étrange agite ma mémoire,
La Prairie, plage de mon île, plage qui n'est pas d'ici,
Trop verte pour être une steppe, trop fertile pour l'histoire des tropiques aplaties...

CEPENDANT, à l'arrière-plan, se trouve la péripétie
Qui imprima la tristesse aux fleurs d'acacias,
Le Morne, cette montagne qui se déclara
Ennemie jurée des porteurs des chaînes et de coutelas.

Le Morne et la Prairie, deux espaces de ma nostalgie...
Maintenant que le voyage semble brisé devant la péripétie,
Je sais qu'un jour le navire changera de pays,
Quittant la nostalgie avec l'imagination du mirador.
Au continent de déconfinés, partir plus loin que son passé,
Au phare d'une Terre repris en sublimes horizons...

Il est sûr que le silence sera rompu, la lumière des aurores
Altérée, déconfinée, - mais la secrète beauté
Collera aux yeux des flamants ou des dauphins éblouis.
Comprendre ce sublime méhari c'est voyager en nous.
Car ce détour enchanté, nous l'avons connu, ce retour de Dame Nature nous a conquis.
L'homme sensible a saisi ce que signifie voyager,
En migrant vers son dernier jardin secret.
Le voyage immobile et abouti,
N'est-ce pas le sublime safari
Sans picador, dans son propre décor ?

Ah être visités par ceux qui échappaient
À nos géographies, et vivre au dedans du dehors !

A ce voyage au premier pays, le corps défraîchi
Ranime le continent effacé des poètes, le voici à bord
De son premier départ, au seuil d'itinéraires infinis...
Deconfinés, pour la vraie découverte, sans Colomb et conquistador...
Depuis le temps mort, le temps élargi,
Le voyage en pandémie débute d'un millimètre à cent kilomètres...
Le voyage rétréci,
N'est pas ainsi que la distanciation devient la nouvelle distance ?

(c) KT, 18 mai 2020, une semaine après le confinement

MERCI au talentueux Raouf Oderuth pour ce magnifique tableau, qui a fait naître en moi cette méditation du voyage à déconfiner...

CARNET DU DECONFINEMENT, JOUR 9

Chères amies, chers amis, j’espère que vous allez bien dans le déconfinement qui progressivement donne un aperçu (du dehors) de la crise du Covid-19. Les enfants retournent progressivement à l’école, parfois masqués, apprenant la distanciation, d’autres reprennent le travail ou constatent qu’ils sont dans une situation incertaine ou plus que précaire. Nous sommes dans le jour d’après… Le travail est menacé.

Justement, aujourd’hui, nous pensons qu’il faut réfléchir à ce travail qui est un fort marqueur social. Dans nos chroniques et carnets, sans discontinuer depuis le confinement du 17 mars, à travers poèmes, conversations, réflexions, nous avons parlé du travail comme marchandise, notamment en faisant référence à l’esclavage et l’engagisme. Nous avons aussi été dans la prospective, en considérant celui-ci face aux nouvelles réalités. Merci de nous avoir accompagné.e.s dans cet espace de créations et de réflexions lors de la pandémie.

Aujourd’hui, nous relayons un appel qui s’intitule: «TRAVAIL: DÉMOCRATISER, DÉMARCHANDISER, DÉPOLLUER» fait par des milliers d’universitaires et de chercheur.e.s dans le monde, pour démarchandiser le travail dans le sillage de la crise sanitaire. Il est significatif qu’un des médias qui le relaient ait choisi – et cela n’est pas un hasard – la photo traditionnellement associée à l’engagé ou le coolie, celui qui a remplacé les esclaves. Nous développerons ce point plus loin.

Mais d’abord, résumons cet appel, en citant des extraits, que vous pourrez lire dans son entièreté en bas de page.
Les 3,000 signataires de ce manifeste se demandent: «Que nous apprend cette crise? En premier lieu que les humains au travail ne peuvent être réduits à des «ressources». Les caissièr.e.s, les livreur.e.s, les infirmièr.e.s, les docteur.e.s, les pharmacien.nes, et toutes celles et ceux qui nous ont permis de continuer à vivre dans cette période de confinement, en sont la démonstration vivante. Cette pandémie nous montre aussi que le travail lui-même ne peut être réduit à une «marchandise».

Les soins de santé, la prise en charge et l’accompagnement des plus vulnérables sont autant d’activités qui doivent être protégées des seules lois du marché, sans quoi nous risquons d’accroître toujours plus les inégalités, jusqu’à sacrifier les plus faibles et les plus démunis. Pour éviter un tel scénario, que faut-il faire?». La nouvelle réalité présente un entre-deux d’importance, signalant un monde d’avant en train de basculer dans un monde d’après.

Dans cette tribune publiée dans une trentaine de journaux dans le monde, 3,000 chercheurs montent donc au créneau, au vu des leçons à tirer du confinement et des crises sanitaires, politiques, économiques et sociétales à venir/ Leur idée centrale est la proposition de démocratiser le travail, ne plus le considérer comme une ‘ressource’ et démocratiser l’entreprise en encourageant le travail comme investissement et non comme marchandise seulement.

Donc, ne plus laisser le travail aux seules valeurs du marché, le revaloriser, réduire les écarts entre les salaires afin que la dignité des un(e)s et des autres soit respectée. Aussi, ils demandent une garantie d’emploi pour tous, la démocratisation au sein de l’entreprise avec le souci de mener à bien la transition écologique. Ils entendent, en remettant la valeur du travail en perspective dans la pandémie, créer un futur économique durable.

Rappelons que ce sont Isabelle Ferreras, Julie Battilana et Dominique Méda qui sont les trois chercheuses belge et françaises à l'initiative de ce manifeste.

Tout cela part d’un constat, renforcé par le confinement que nous avons vécu:

«Les travailleurs démontrent chaque jour qu’ils ne sont pas une simple «partie prenante» de l’entreprise parmi d’autres. Ils sont LA partie constituante, pourtant toujours trop souvent exclue du droit de participer au gouvernement de l’entreprise, monopolisé par les apporteurs en capital ». On se croirait revenu aux temps des demandes pour l’autogestion, dans une opposition marxiste entre capital et travail. Mais même si Marx n’est pas cité dans ce manifeste pour le travail, l’opposition entre travail et capital est à la base de ce document. Aussi, pour dépasser cet antagonisme fondamental, les signataires veulent redéfinir les travailleurs en «investisseurs en travail» et non pas seulement en ressources ou marchandises.
Ils appellent à un changement de braquet pour une économie de la (post)pandémie, articulant le fait sociétal, politique, économique, écologique et les solidarités à mettre en marche. Ils recommandent: «La création de postes dans le secteur des soins aux personnes, l’approvisionnement en matériel de survie, ont été soumis depuis des années à une logique de rentabilité. La crise révèle cet aveuglement. Il existe des besoins collectifs stratégiques qui doivent être immunisés de la marchandisation. Douloureusement, nos dizaines de milliers de morts nous le rappellent aujourd’hui. Ceux qui affirment encore le contraire sont des idéologues qui nous mettent tous et toutes en danger. La logique de rentabilité ne peut pas décider de tout».

La réflexion prône donc l’autonomie en entreprise, avec une place revalorisée pour le travail à égalité (?) avec le capital.

L’approche idéologique du manifeste semble pencher du côté d’un pragmatisme allemand, proche de la social-démocratie. Cette approche est rappelée: «En Allemagne, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, des formes de codétermination (mitbestimmung) mises en place progressivement après la seconde guerre mondiale ont représenté une étape cruciale mais encore insuffisante».

Aussi, les signataires constatent, qu’au vu de la situation hyper libérale actuelle, où le travail est soumis aux seules lois du marché, notamment le système sanitaire mis sous pression pendant la pandémie: «il est aujourd’hui devenu injustifiable de ne pas émanciper les investisseurs en travail en leur accordant la citoyenneté dans l’entreprise. C’est là un changement nécessaire». En effet, la crise du Covid-19 a été un catalyseur révélant les failles s’un systèmes basé sur le profit à tout prix, alors que la pandémie a fait pencher la balance du côté du service coûte que coûte, quel qu’en soit le prix. Un correctif que tout le monde a compris en voyant les personnels de santé, de livraison etc maintenir à flot une société confinée, faisant prendre conscience que l’urgence des soins est à mettre en dehors des considérations du marché. Même Macron l’a dit lors d’un de ses discours de chef de guerre. Voilà ce qui a changé fondamentalement: le travail sauve des vies, pas le capital. Aussi, les signataires concluent en ces termes: «Il existe des besoins collectifs stratégiques qui doivent être immunisés de la marchandisation». Cet appel, addressé principalement dans les sociétés occidentales, veut anticiper la grave crise sociale, économique et politique en cours et à venir dans des proportions cataclysmiques: «En apportant une solution contre-cyclique au choc de chômage qui vient, elle démontrera sa contribution à la prospérité sociale, économique et écologique, de nos sociétés démocratiques».

Cette solution est bien entendu à mettre en œuvre avec l’impératif de la dépollution. Nous sommes là dans l’articulation du travail démocratisé affaiblissant l’emprise du capital, le travail comme médiateur écologique, assurant la transition écologique. Cela part d’un constat systémique: «Cela n’étonnera personne: dans le régime actuel, l’arbitrage capital/travail/planète est toujours défavorable… au travail et à la planète».

Dans cette équation, le capital est le pollueur numéro un, car lancé dans la course au profit sans âme, alors que le travail salvateur en temps de pandémie peut être considéré comme investissement. Il serait le frein de la course en avant du capital, impulsant un cycle vertueux de cycles courts et des solidarités. Pour atteindre 73% d’économie d’énergie selon une étude citée, il est important de prévoir des investissements coûteux, à court terme, en main-d’œuvre, ce qui signifie que le capital rechignera à le faire, étant énergivore et peu soucieux des équilibres sociétaux et écologiques. Je trouve cette idée judicieuse car elle donnera une activité à beaucoup, tout en prenant des distances avec une développement basé sur des technologies, au détriment du progrès humain. De même que l’idée d’une structure d’entreprise hybride, partagée et non binaire où les deux forces seraient opposées jusqu’à effondrement total, et qui pourrait être un entre-deux du système économique actuel, qui est entré dans une phase inédite de récession.

L’appel se termine par une note plutôt sombre, qui n’est pas sans nous rappeler Macron, parlant aux artistes, rappelant que quand Robinson se précipite dans la cale du bateau en train de couler, il ne fait pas une théorie sur le naufrage, mais il prend du fromage et du jambon (en «oubliant» que Robinson prend aussi des fusils et des haches). En effet, les signataires connaissent la difficulté titanesque de la réalisation de ce changement qu’ils appellent de leurs vœux: «Ne nous faisons aucune illusion. Abandonnés à eux-mêmes, la plupart des apporteurs de capitaux ne veilleront ni à la dignité des investisseurs en travail, ni à la lutte contre l’effondrement climatique. Un autre scenario est à portée de main: démocratiser l’entreprise et démarchandiser le travail. Et cela nous permettra de dépolluer la planète».

Cette marchandisation du travail et du monde, et cela le texte ne le dit pas explicitement, n’est-il pas liée à la globalisation, faite par l’Organisation Mondiale du Commerce, qui a opté, après la chute du mur de Berlin, pour une optique néolibérale, soumettant le monde au diktat de la finance et du profit, donc du capital? Ce rappel, hélas, manque au texte, car cette question est d’importance. Comment repenser la marchandisation du monde sans une nécessaire relocalisation des productions nationales, en privilégiant des circuits courts, réduisant du coup la pollution et les activités énergivores?

A cette lacune, que supplée symboliquement la photo du coolie relayant cet appel par Médias24, il aurait été souhaitable de faire un bref rappel à l’esclavage et l’engagisme, qui ont posé les bases juridiques des servitudes humaines. Au 19ème siècle, les deux ont été des résultats directs de l’internationalisation du capital des pays européens, taylorisant avant l’heure le monde en systèmes de production avec une main-d’œuvre déplacée, dans un cadre juridique racialisant le travail, la domination économique, exploitant des groupes considérés comme inférieurs, taillables et corvéables à merci, pour les plus grands bénéfices des comptoirs commerciaux exportés dans les pays colonisés.

Nous sommes, en effet, toutes et tous des héritiers de ces deux pages d’Histoire qui pourraient avoir des répliques lors de cette pandémie.

Justement dans les pays «développés», affaiblis par la Covid-19, concernés au premier chef par cet appel, le contrat de travail, expérimenté internationalement par les engagés ou coolies dans ce que l’empire britannique appelaient The Great Experiment, demeure un cadre de référence juridique incontournable. Ces pays ont un état de droit. C’est ce contrat, absent de ce texte, qui sera mis sur l’établi du capital en (post)pandémie.

En France, nous savons que le patronat a affaibli le Contrat à Durée Déterminée, considérant que la situation de crise sanitaire légitime une régression du droit du travail dans le but de récupérer ce que la crise a ponctionné dans le PIB. Nous serions entrés dans l’état d’urgence économique, permettant des mesures d’exception… Cette crise, qu’il faudra absolument encadrer pour que nous ne régressions pas au salariat contraint de l’engagisme ou coolie trade, pourra amplifier la précarité et le chômage. En effet, ce qui se développe actuellement pourra constituer une contrainte au salaire du travailleur, ce qui pourra être instrumentalisée pour opérer des régressions d’importance dans le monde du travail.

L’enjeu est capital, c’est le cas de le dire.

Le capital du tout profit ne cèdera pas aux revendications d’une démarchandisation de la main-d’œuvre facilement. C’est cela l’enjeu politique, sociétal, économique fondamental qui sera à l’œuvre dans les jours à venir…

Serons-nous des coolies électroniques, avec un salaire moindre, une présence affaiblie dans les instances de négociation, traqués (au nom de la sécurité sanitaire) et livré.e.s aux investisseurs du capital pour qui la pandémie serait l’occasion en or d’opérer un retour en matière de salaire, des droits du travailleur, pour se refaire une santé économique sur le dos du Covid-19?

Affaire à suivre, et je gage que ce sera pour bientôt…

Lien: Covid-19: plus de 3.000 chercheurs appellent à changer nos systèmes économiques

© Khal Torabully, 19 mai 2020

CARNET DU DECONFINEMENT, JOUR 10

Patio de Córdoba
(de Asociación de amigos de los Patios Cordobeses, gracias a Diego Casas Cazorla).

Chères amies, chers amis, aujourd'hui un propos plus aéré, LE DESIR D'UN PATIO ANDALOU... Le patio, je le définis comme le rendez-vous de son salon avec son jardin. Un espace où le dehors converse avec l'intérieur, pour laisser le mouvement en suspens, souvent dans la senteur entêtante des fleurs.

Belle journée à vous ! Le patio est bien proche...

J'ai tant aimé vivre l'intérieur de ce monde éclairé.
Un désir de patio m'habite et me fait retrouver
Le seuil des jardins devant le petit ciel incliné.
Que ce soit en floraison de géraniums ou de rosiers,
Le silence me fait dériver vers mille pensées.

Je sens le poème du courtisan indiscret dans le grenadier,
J'entends pousser la fontaine de Grenade dans le muguet.

En relevant ma tête, je deviens l'ultime jardinier
Du jardin suspendu de Cordoue et de villes ensoleillées.

Déconfiné ou confiné dans un patio, c'est espérer
Que le printemps vous ramène au vrai palais
De la vie, là où le rossignol respire l'air frais
Des poètes, mâchant une figue, savourant la Méditerranée
Dans les pétales ramassés du jasmin et des cactées.

Aux portes des jardins ramifiés, au pas du cavalier,
Il faut s'installer dans l'éternité, s'asseoir au rez-de-chaussée.
Rêver, certes, dériver aussi et souvent penser
En amoureux du poème lointain, en écuyer de la générosité,
Afin que s'illumine l'absence de l'Aimé.

En fin de patio, il m'arrive de croiser la première odyssée
Du fou amoureux des roses en captivité.
Arpenter le patio oublié, se remémorer sa douce clarté,
C'est semer l'Andalousie aux semelles de ses souliers...

(c) KT, 20.5.20

Merci à Carmen Panadero Delgado pour cette photo, qui me rappelle mes visites multiples dans ces patios de Grenade, de Séville ou de Cordoue, lieux d'enchantement où les jardins conversent avec les nomades des fleurs... Je remercie aussi Carmen Espinosa, qui m'a souvent invité dans son patio magnifique de Grenade et où nous avons imaginé les beaux jours de la Maison de la Sagesse Fès-Grenade... Souvenir impérissable de mes séjours andalous.

CARNET DU DECONFINEMENT JOUR 11

Aujourd'hui, chères amies, chers amis, un soleil d'été...
Je vous propose une note de déconfinement agréable, qui aurait pu s'intituler la sieste de la menthe religieuse, sur une note poétique piquante.
Mais continuons en somnolent dans la réalité qui s'éveille, car la sieste est une institution que la pandémie n'arrivera pas à remettre en cause.
Pour notre plus grand bien...
Voyons...

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Le ronfleur du val
Dormir, non, plutôt dormir du sommeil des justes,
Sans se soucier si le client est pressé ou perdu.
Juste dormir, non pas pour se reposer, mais pour savourer
Le parfum envoûtant des poèmes d'irréels palais...
La sieste n'est pas une forêt de songes, mais un arbuste
Dévorant l'avarice des vendeurs ventripotents, bourrus.
Dormir ? Mieux, s'allonger sur la menthe touffue,
Religieusement, comme pour tresser une prière perdue
Au marchand des rêves lumineux et augustes.
Faire la sieste, comme le dit le rêveur parfumé,
C'est bénéficier d'un deuxième matin dans la journée.
Qu'on le dise inconscient, impécunieux ou fruste,
Le dormeur du val sait louer l'âme au centime près.
Laissons le dormir, lui seul sait que le soleil ajuste
Sa ceinture au-dessus des marchandages injustes.
Avant de plonger dans les bras de la lune émiettée.
Il ne sert à rien de se lever ou de s'agiter.
Le rêve n'était-il pas déjà déconfiné
Au pied du vendeur d'aromates fins et drapés ?

(c) KT, mai 2020

CARNET DU DECONFINEMENT DE CE JOUR 12

Chères amies, chers amis, APRES LES FRITES, LES MOULES... Tel pourrait être le CARNET DU DECONFINEMENT DE CE JOUR 12.

On sait que les pommes de terre sont possiblement condamnées à être jetées par des milliers de tonnes, car les fast-foods et autres restaurants ne les achètent plus pour faire des frites. Maintenant, c'est au tour des moules d'êtres contaminées, car pendant le confinement, elles ont été infectées. Contre mauvaise fortune, voici une plaisante réflexion, dans l'esprit de la pandémie qui nous met le pied dans le plat, juste pour rire de nos malheurs, pendant qu'il en encore temps, sans plus...

LES MOULES N'ONT PAS LA FRITE

La pandémie, dit-on, on n'en fait pas tout un plat.
On dit que son chef trouve le paradis sans apostolat.

En ces temps étranges, les pommes de terre n'ont pas la côte.
Elles ont la mine terne, délaissées par la matelote.
Des tonnes, en l'absence de frites, végètent à l'ombre
Des silos, attendant les cantines ou les cuisines sombres
Des confinés gloutons, spationautes ou internautes.

Les temps obéissent aux goûts du virus despote.
La pandémie condamne les moules aux décombres
Des algues qui prolifèrent comme des goujats.
Les voici dans les filets des algues, ces galapiats.
Triste époque quand on sait que les patates seront en internat
Et les moules, séparées de leurs potentats.

Le corona est un chef qui sépare frite et moule.
Il instaure la distanciation entre deux candidats
Au mariage des saveurs, pour le malheur des foules.
De ce pas, on nous dira que même à Vésoul,
Il ne fait pas bon se gaver de frites et des moules.
Mais, fois, sous le masque, on sent le cul des poules.

En attendant, consolons nous avec fenouil et farigoule.

Certes, un jour viendra où la moule aura la patate,
En sachant qu'avec le déconfiné, la vie sera diplomate.
Avec ou sans la frite, on le sait la moule n'est pas ingrate.
Patiente elle est, riant de nos mines écarlates...

(c) KT, 23 mai 20

POEME JOUR 13 DU CARNET DE CONFINEMENT, UN POEME A FES, VILLE DE LABYRINTHES SANS FIN...

La porte n'est pas une absence de demeure.
Elle s'ouvre parfois quand j'ai peur.
L'enfant connaît les dédales de sa cour par cœur.
Mais, pour l'heure, il s'agit de pendre la petite lueur
Qui étreint l'azur entre quatre murs.
C'est à ce seuil que la vie guette, à l'embrasure,
Aux gonds qui s'étreignent en embouchures.

Une voix cachée s'étire comme un cobra
Qu'un charmeur du Sahara apprivoisera.
Dehors, des clameurs et des petits pas.

C'est la ronde des pains, Fès grésille d'odeurs,
Des lutins s'agitent autour des fours en terre.
Plateaux sur leurs frêles têtes, ils apportent la pâte à cuire.
Le pain n'est pas mis en demeure, il éclaire
Le labyrinthe que l'enfant regarde pour ne pas fuir...

Un jour, il franchira le pont qui coupe la ville en deux,
Sachant que le pain au sésame dépanne les gueux.
Un tintement résonnera sous la Porte Bleue,
Des piments rouges décoreront le ciel bulbeux.

Demain, quand il perdra le cadenas des lieux,
Il ouvrira la porte au patio des silences radieux.

(c) KT, 24/5/20

Poème pour ma mer... CARNET DE DÉCONFINEMENT, JOUR 14

Chères amies et chers amis, j'espère que vous allez bien. Nous continuons à écrire en ces temps incertains. Avec le plaisir de savoir que nous sommes ensemble dans cette singulière traversée.

On m'avait dit de partager le sel,
On m'avait dit de brasser le petit sel.
C'est le seul testament que je désire,
À l'honneur de l'iode liant d'archipels.

Si le virus sent la mer, il se retire
Sur la pointe de sa couronne mortifère.
Pour céder la place aux piquants oursins.
Est-ce ici le premier désert du pangolin ?

Il est ébloui par tant de limpide lumière.
Sa couronne de sire se dissout dans la vague altière, dans l'écume grossière.

Ma mère lui donne le vrai goût de l'univers. Ce goût qui désaltère
De la soif d'une mort sans frontière.

Ma mer se retire pour redéfinir
Le seuil des cétacés en carrousels.
Elle effacera nos peaux de misère
Et dessinera l'ultime frontière sur nos Lépreuses bannières.

Ma mer confirme mon dire :
Le sel sera le geste barrière
D'une Terre en arrêt spirituel.

(c) KT, 24 MAI 2020

CARNET DE DÉCONFINEMENT, JOUR 15

Aujourd'hui, le masque et le gant dérivent du covid au cœur livide des atolls malades...

* * *

Même le continent de plastique
Est à prendre avec des gants..
Le virus n'a pas délocalisé la pandémie.
Il lui faut un masque chirurgical sans élastique.

Les vagues étouffent en râles des mourants.
Même s'ils sont d'un pays confiné à la sauvette. .

C'est l'homme qui l'a marchandisé. Le profit
A dépassé les bornes des océans.
Son masque a franchi l'Atlantique
Sur l'ultime radeau de la méduse.
Les courants s'entassent dans les détroits
Des gestes barrières que le pollueur renvoie
Aux atolls écornés des pays infectés.
Rien n'arrête nos désirs de donner au marché
Le flux de notre débandade assurée...

(c) KT, 26 mai 2020

"Masques et gants jetables polluent déjà les fonds marins... Et mettront 300 à 400 ans à se décomposer. Le continent plastique n’est rien d’autre que le cimetière de la mondialisation où reposent les restes de notre folie de consommation" .

CARNET DU DECONFINEMENT JOUR 16

Chères amies, chers amis, les jours semblent glisser au soleil du dehors. Le covid semble régresser. Mais d'autres espaces sont sous son feu invisible. Notre méditation continue, au jour le jour, nos réflexions aussi. Aujourd'hui, bonheur, nous accueillons un magnifique texte d'Albert Guignard, complice de toujours et de nos chroniques, où nous avions décidé de "parler" ou de parlementer avec le virus. Albert nous rappelle ce continent de plastique de notre post d'hier et opère un traversée des signes de belle facture. Lisons-le:

Bonjour Khal. Voici une petite réflexion à l’attention de ton Carnet de déconfinement. Il a recours au mythe.

Second vague épidémiologique ou pas, le virus a fait sa part de mission: enrayer la monstrueuse ruée vers l’or, forcer l’Homme à s’empêcher, pour reprendre la formule de Camus.

Certes, la lutte contre la pandémie a généré une importante production de plastique dont les déchets grossiront le continent flottant. L’ancien monde a encore de beaux restes, chez les plus possédés que démange une vengeance par pollution et dont un fait divers a révélé l’archétype mythologique.

Il eut lieu durant le confinement où, attestations de déplacement en poche, deux pseudo chasseurs abattirent une corneille blanche dont le magazine Le Chasseur français commente «qui devint incontestablement le trophée de la matinée, et bien plus encore…»

Que signifie ce «bien plus encore» pour des braconniers légaux? Pouvoir s’en vanter sur les réseaux sociaux? Quoiqu’il en soit, ce «bien plus encore» en poète le voici puisé dans le mythe grec de la naissance d'Esculape, premier médecin de l'humanité.

Esculape est fils du dieu Apollon et de la mortelle Coronis. Cette dernière était enceinte d'Esculape, et trompait son mari Apollon avec un mortel, dans un jardin entouré de hauts buissons. C'est un corbeau, animal blanc à l'époque, qui dénonça anonymement l'adultère. Apollon le reconnut pourtant, et dans une crise de jalousie il assassina Coronis qui mit au monde Esculape avant son dernier souffle. Il décida surtout de punir le corbeau pour sa vilaine action en rendant son plumage noir à tout jamais. C'est depuis ce mythe ancestral qu'on a coutume d'appeler les délateurs des corbeaux et d'attribuer à ces volatiles un mauvais augure.

La poésie maudite est cette rare corneille blanche venue via Coronavirus nous alerter de notre relation adultère au vivant, et qui se voit assassinée directement par les enfants de la mortelle Coronis. Esculape, sa médecine, pourra bientôt se prévaloir d’un pouvoir divin en manipulant la génétique.

Sinon, ici, un hibou moyen-duc nous a trouvé digne de bon voisinage pour sa nichée.

Au pré, avec l’aide de mon chien, il me faut effaroucher, pour son bien, à deux reprises un lièvre imprudent.

Sollicitant ma compassion, je récupère sur le chemin un bébé souris dont j’abrège l’agonie en la sacrifiant (rendre le sacré) à mes poules.

Ainsi va la vie, et cette vie-là, il va sans dire, me va.

(c) Albert Guignard, 27.5.20

Mon cher Albert,

Merci pour ce texte qui nous ramène aux sources d'une civilisation que l'on a voulue linéaire, mais qui restera cyclique voire labyrinthique jusqu'à la fin des temps.

La mémoire, comme tu le sais, revient en boucle, et c'est cela qui nous libère de l'oubli.

Tu vois, le terme coronis, que tu rappelles opportunément, résonne dans cette écholalie atemporelle. Le virus a lu nos livres mythologiques... Le "corbeau" aussi, même si sa délation le dénonce aux portes de nos libertés. Ce corbeau s'installe peu à peu, et on l'a signalé auparavant, dans les systèmes de traçage ou de tracking, avec drones et portables, pour éloigner le coronis de nos chemins habituels devenus labyrinthes viraux. C'est comme si le fil d'Ariane en temps de pandémie était devenu un signal relayé par le satellite pour éloigner un Minotaure couronné qui s'égare pour mieux nous "sacrifier" à l'autel de cet arrêt si nécessaire pour le souffle de la Vie.

Merci de te retour aux signes du passé qui n'ont pas fini de nous éclairer au présent et à l'avenir.

Dans le labyrinthe, on tourne en rond avec l'espoir d'en sortir, mais le fil de l'histoire peut parfois nous surprendre. Comme tu le vois, ton texte m'inspire cette symbolique du labyrinthe, car cette pandémie, entre chroloquine, interféron, azimothrycine ou artemesia, entre masques, gants et distanciation physique, est en effet devenu un ballet de Lancet et d'intérêts économiques que le politique arbitre en regardant souvent les tétines du veau d'or.

Un labyrinthe est cela: fait d'impasses, de fausses pistes, des pièges pour la raison, dont le but est d'égarer, et, pour te rejoindre, A RALENTIR la personne qui l'emprunte. Cet arrêt nécessaire de Camus, que tu rappelles avec une rare lucidité, qui "permet à l'homme de s'empêcher" est bien là. Ce ralentissement est palpable au niveau mondial, les animaux, oiseaux, fleurs, abeilles, ciel bleu, mer limpide et autres signé étincelants nous le rappellent. Mais comme tu le sais, un homme "empêché", avec un accélérateur sous le pied, n'est pas forcément un homme "révolté". L'empêchement contrariant n'est pas du goût du consommateur endurci. Son labyrinthe est le Koh Lanta de pacotille.

Permets-moi de rappeler Umberto Eco, qui a défini dans la sémiotique du Nom de la Rose, le labyrinthe "unicursal", où on va d'un point à l'autre sans impasse, le labyrinthe "maniériste" dont les multiples voies, sauf une, mènent à des "culs de sac" et le labyrinthe rhizomique ou hermétique, qui permet d'emprunter de multiples voies, avec la possibilité de déceler des tracés entre deux voies non connectées, le rhizome changeant de structure régulièrement.

Je pense qu'avec la crise du covid, nous avons arpenté les trois labyrinthes d'Eco. Nous sommes maintenant, globalement, dans le labyrinthe hermétique, où on fait des paris, on se perd en conjectures et où on remanie sans cesse nos hypothèses globales.

Ce labyrinthe du Coronis, nous y sommes cher Albert. Il suffit de savoir maintenant avec quel tracé/traçage nous allons en sortir, celui de Thésée muni du fil d'Ariane (aussi le nom du programme spatial européen, avec ses satellites de géolocalisation) ou celui de Bezos dont l'intuition du profit pandémique est colossale. Car, en fin de compte, le labyrinthe n'est-il pas une métaphore de la vie, mettant en scène l'homme "empêché" qui grâce à l'élévation de l'esprit pourrait de sortir de son absurde condition?

Telle est la question, cher Albert, que ton texte nous donne en méditation. Continuons, comme tu le dis si bien, de parler au covid... Entre la spirale et la tresse du labyrinthe du coronavirus, on a encore d'autres itinéraires à faire non seulement entre les cornes du Minotaure, mais entre les piques de la couronne virale, qui, dit-on, mute sans cesse comme un labyrinthe hermétique...

Est-ce pour cela tu as retrouvé la petite souris qui s'est perdue loin de son abri précaire? Que tu as dérouté le lièvre imprudent et salué le hibou qui a élu domicile près de toi? On a l'impression que la notion de l'espace s'ouvre en rhizome ou en corail. Qu'Esculape, échappé de son temps, serait pris dans les spirales de laboratoires engagés à trouver le fil du vaccin. Je le vois réticent pour montrer la voie hors de la spirale du covid, je le vois qui questionne sur nos choix de vie, et il tâtonne d'impasses en impasses... La sortie du labyrinthe marquera-t-elle la victoire du spirituel sur le matériel, de la Connaissance vers la victoire aveugle? Sans questions, le labyrinthe n'offre aucune issue pour notre humanité dans sa lancée vers le bénéfice, sans aucun doute...

(c) KT, 27.5.20

CARNET DU DECONFINEMENT, Jour 17

LE COVID ET LE LABYRINTHE, car notre espace au sol est désormais marqué... Chères amies, chers amis, voici notre CARNET DU DECONFINEMENT, Jour 17. J’avais commencé ce texte en réponse au texte d’Albert Guignard posté sur ma page avant-hier. Le voici avec un axe corrigé, si je puis dire. Lisez le attentivement, car il reflète une sémiologie de la pandémie, une traversée unique que nous opérons tous et toutes:

Mon cher Albert,

Merci pour ce texte qui nous ramène aux sources d'une civilisation que l'on a voulue linéaire, mais qui restera cyclique voire labyrinthique jusqu'à la fin des temps.

La mémoire, comme tu le sais, revient en boucle, et c'est cela qui nous libère de l'oubli.

Tu vois, le terme «coronis», que tu rappelles opportunément, résonne dans cette écholalie atemporelle. Le virus a lu nos livres mythologiques... Le "corbeau" aussi, même si sa délation le dénonce aux portes de nos libertés. Ce corbeau s'installe peu à peu, et on l'a signalé auparavant, dans les systèmes de traçage ou de tracking (décidé ce mardi 26 mai), avec drones et portables, pour éloigner le coronis de nos chemins habituels devenus labyrinthes viraux. C'est comme si le fil d'Ariane en temps de pandémie était devenu un signal relayé par le satellite pour éloigner un Minotaure couronné; signifiant cet arrêt/empêchement si nécessaire pour le souffle de la Vie.

Merci de ce retour aux signes du passé qui n'ont pas fini de nous éclairer au présent et à l'avenir.

Dans le labyrinthe, on tourne en rond avec l'espoir d'en sortir, mais le fil de l'histoire peut parfois nous surprendre. Comme tu le vois, ton texte m'inspire cette symbolique du labyrinthe, car cette pandémie, entre chroloquine, interféron, azimothrycine ou artemesia, entre masques, gants et distanciation physique, est en effet devenu un ballet de Lancet et d'intérêts économiques que le politique arbitre en regardant souvent les tétines du veau d'or. Est-ce de la myopie ou de la cécité?

Un labyrinthe est cela: fait d'impasses, de fausses pistes, des pièges pour la raison, dont le but est d'égarer, et, pour te rejoindre, A RALENTIR la personne qui l'emprunte. Cet arrêt nécessaire de Camus, que tu rappelles avec une rare lucidité, qui "permet à l'homme de s'empêcher" est bien là. Ce ralentissement est palpable au niveau mondial, les animaux, oiseaux, fleurs, abeilles, ciel bleu, mer limpide et autres signes étincelants nous le rappellent.

Ralentir la machine de la production, cela fait sens.

Mais comme tu le sais, un homme "empêché", avec un accélérateur sous le pied, n'est pas forcément un homme "révolté" au sens camusien, visant le dépassement de l’absurde.

L'empêchement contrariant n'est pas du goût du consommateur endurci. Son labyrinthe est le Koh Lanta de pacotille. Pour lui, il faut en finir vite pour retrouver une vie normale», celle d’avant, comme s’il importait de ne pas l’améliorer pour vivre mieux après.

Sémiologie du labyrinthe

Permets-moi de rappeler Umberto Eco, qui a défini dans la sémiotique du Nom de la Rose, le labyrinthe "unicursal", où l’on va d'un point à l'autre sans impasse, le labyrinthe "maniériste" dont les multiples voies, sauf une, mènent à des "culs de sac" et le labyrinthe rhizomique ou hermétique, qui permet d'emprunter de multiples voies, avec la possibilité de déceler des tracés entre deux voies non connectées, le rhizome changeant de structure régulièrement.

Je pense qu'avec la crise du covid, nous avons arpenté les trois labyrinthes d'Eco. Nous sommes maintenant, globalement, dans le labyrinthe hermétique, où on fait des paris, on se perd en conjectures et où on remanie sans cesse nos hypothèses globales. Le covid nous ralentit encore. Il dit à l’homme de s’empêcher…

Ce labyrinthe du Coronis, nous y sommes cher Albert. Il suffit de savoir maintenant avec quel tracé/traçage nous allons en sortir, celui de Thésée muni du fil d'Ariane (aussi le nom du programme spatial européen, avec ses satellites de géolocalisation) ou celui de Bezos dont l'intuition du profit pandémique est colossale. Car, en fin de compte, le labyrinthe n'est-il pas une métaphore de la vie actuelle, mettant en scène l'homme "empêché" qui grâce à l'élévation de l'esprit pourrait de sortir de son absurde condition?

Telle est la question, cher Albert, que ton texte nous donne en méditation. Continuons, comme tu le dis si bien, de parler au covid...

Entre la spirale et la tresse du labyrinthe du coronavirus, on a encore d'autres itinéraires à faire non seulement entre les cornes du Minotaure, mais entre les piques de la couronne virale, qui, dit-on, mute sans cesse comme un labyrinthe hermétique...
Est-ce pour cela tu as retrouvé la petite souris qui s'est perdue loin de son abri précaire? Que tu as dérouté le lièvre imprudent et salué le hibou qui a élu domicile près de toi? On a l'impression que la notion de l'espace s'ouvre en rhizome ou en corail. Qu'Esculape, échappé de son temps, serait pris dans les spirales de laboratoires engagés à trouver le fil du vaccin. Je le vois réticent pour montrer la voie hors de la spirale du covid, je le vois qui questionne sur nos choix de vie, et il tâtonne d'impasses en impasses... La sortie du labyrinthe marquera-t-elle la victoire du spirituel sur le matériel, de la Connaissance vers la victoire aveugle de la technologie qui tâtonne dans sa farouche détermination à inventer un vaccin pour sauver le monde?

Sans questions, le labyrinthe n'offre aucune issue pour notre humanité dans sa lancée vers le bénéfice, sans aucun doute...

Barthes et la myopie du labyrinthe

Barthes, dans un de ses derniers cours, curieusement, analysait la contamination, le virus en les reliant au labyrinthe des visages ou galerie des portraits photographiques dans l’univers proustien. Pour lui, l’architecte lui-même ne connaît pas le plan du labyrinthe, ce n’est pas lui qui fait le labyrinthe. Ce qui importe pour lui, c’est le promeneur qui s’y aventure. En fait, celui qui l’emprunte a une courte vue et un regard de myope, indissociable de l’architecture du labyrinthe. Un fait s’impose, le passant du labyrinthe est incapable de voir celui-ci comme une totalité.

C’est donc la myopie de celui qui se promène dans le labyrinthe qui le constitue, pas le plan de l’architecte. Le premier n’en connaît qu’une partie et avance à tâtons, nous rappelant ce que nous vivons en ce moment, notamment par rapport au déchiffrement du réel du covid-19, où une partie de sa complexité seulement nous parvient, pour être reléguée aux oubliettes par une information contradictoire le lendemain. Quitte à l’exhumer le lendemain pour une nouvelle perspective accolée à l’éclairage contredit de la veille. Ce labyrinthe du covid étaye une sidération, comme nous l’avons écrit auparavant.

Jusqu’à ce jour, nous ne pouvons reconstituer le virus dans son intégralité. Le virus porte donc une épistémologie. On ne l’appréhende pas dans sa totalité. On l’appréhende dans cette «incandescence de Sens» barthésienne.

Rappelons que l’épistémologie du labyrinthe de Barthes n’a pu être complétée (6-7 feuilles, sans conclusion), la mort ayant survenu, ce qui laisse un sentiment que le réel labyrinthique a donné raison au maître, s’emparant du Sens, le fragmentant dans un au-delà de la parole. Comme le virus, qui échappe, contourne, émiette le discours, le labyrinthe du raisonnement visant à la cerner finit en absence de sens, car en dehors d’une photographie avec sa couronne, on sait que Sa majesté est reine de mutations, déconcertant nos outils d’analyse et nos discours médicaux ou scientifiques.

Ce virus feinte, il est dispersif.

Signalons que ce refus de céder au langage policé fait que la pandémie a généré un néologisme, l’infodémie (curieusement créée par l’OMS elle-même). Comme si l’OMS savait que le réel du virus allait générer, aux temps des réseaux sociaux, une épidémie à plusieurs contagions, celle du langage, du discours et celle du coronavirus lui-même. Ici, intoxications du langage et contagions virales ont créé un curieux paysage où chacun s’est senti engagé, comme dans un labyrinthe où l’on perçoit le virus sous l’angle de la myopie d’un microscope empêché. C’est l’infoxication, si je puis me permettre ce néologisme.

Ici, le labyrinthe installe un monstre, qui comme le minotaure, a de multiples cornes (sa couronne), qui en est le centre. Il pourrait être chauve-souris ou pangolin ou issu d’une éprouvette de guerre bactériologique…

Il erre dans l’incandescence du sens, la multiplication des discours, dont le délitement est assuré par une surabondance d’informations et le caractère insaisissable du virus, qui est l’Autre absolu, qui se donne à voir, mais qui élude l’outil scientifique voulant le cerner.

Dans l’arborescence du net qui s’est densifiée en raison du confinement, on a saisi que le labyrinthe a ses configurations spécifiques de pays en pays, mais aussi ses points communs.

Eco note que le labyrinthe fait privilégier le local au global, le détail à l’ensemble et l’hypothèse à la synthèse, même si le global (pandémie) a déterminé le local, et l’ensemble (le collectif) a déterminé un protocole de résistance à l’épidémie (la métaphore de «guerre» macronienne). Il est vrai, l’hypothèse demeure au moment où j’écris ces lignes, la synthèse n’étant pas encore possible car l’état d’urgence sanitaires est quasiment présent dans le monde entier. Oui, avec le covid-19, on a l’impression d’arpenter un labyrinthe dans un film de science-fiction ou d’horreur.

Charles S. Peirce, grand sémiologue, analysant le labyrinthe a permis de mettre en évidence trois thèmes : le danger de mort, la perte de repères et la perte des libertés. La pandémie a relayé ces trois temps labyrinthiques. A nous de voir comment on s’égare dans la pandémie ou on nous égare dans la sortie de crise…

En attendant, je trouve significatif que le labyrinthe est utilisé en Autriche, dans cet article que je mets en lien, pour faire que l’homme «s’empêche»… Qu’il garde sa distanciation physique. Et ce marquage labyrinthique, on aurait tort à le limiter à ce parc du covid seulement.

En effet, nous marchons dans la signalétique verticale ou horizontale, avec des marques sous les pieds, pour non seulement garder la distance dans un supermarché ou un lieu de culte, mais aussi pour flécher notre parcours (entrée-sortie) pour éviter de croiser le Minotaure à couronne au centre de nos préoccupations. Dans les lieux de culte, chose significative aussi, chaque personne qui prie est tenue d’avoir un espace de 4m2 autour de lui, d’entrer par une porte, de sortir par une autre, de suivre les flèches sous ses pieds, pour la guider dans les tresses de l’infection fulgurante du coronavirus.

Il nous faut revenir aux cycles, car la pandémie est cyclique, c’est elle qui règle le ballet de la Vie. Depuis la nuit des temps, elle nous donne à arpenter des labyrinthes pour nous empêcher, pour mieux avancer…

(c) KT, 29.5.20

https://www.20minutes.fr/…/2766531-20200423-coronavirus-aut…

https://www.instagram.com/p/B_DIvx_J7gz/?utm_source=ig_embed

POEME. CARNET DU DÉCONFINEMENT, JOUR 18

Chères amies, chers amis, voici un poème au seuil d'un déconfinement total pour l'insulaire que je suis...

HYMNE À LA MER, à l'éloignement de mon océan natal.

Un sentiment bleu habite mon âme,
Ce n'est pas la nostalgie qui l'enflamme.
Non, c'est le désir de revoir ce miroir d'idéogrammes
Où mon être se noie en espoir tzigane.
Là, l'azur plane dans mon squelette diaphane.

Di'ci, je désire déconfiner la mer désirée, loin du macadam
Comme jamais pendant le feu viral. A mon grand dam,
Je compte chaque mètre que le temps étale
Entre son étendue pariétale et mon besoin viscéral.

Il n'y a pas de distanciation plus brutale
Que celle de l'insulaire coupé de cette manne
Où le temps est repris de vagues en vague.
Dans le prochain lagon, j'élaguerai les goulags,
Je sauterai à pieds joints en ombre de ma courtisane.

Ce n'est pas à compte-gouttes que la mer virginale
Habite mon âme, c'est elle qui déclame
Le silence des soleils en parfait sésame.
Demain, je serai le mousse et l'amiral de son scintillogramme...

(c) KT, 30 mai 20

MERCI À Abdallah Belabbes pour ce tableau inspirant...

CARNET DE DÉCONFINEMENT, JOUR 19

Fête des mères, pour une mémoire revenue du fond de la Vie, de la seule photo que j'ai de moi, enfant...

Donc, aujourd'hui chères amies, chers amis, je vous propose un texte souvenir, lié à ma première photo avec ma mère au studio de photographie de la rue Desforges, à Port-Louis. Un instant gravé à vie.

À ma mère, image gravée près du coeur...

Je te connais mieux sans ta présence.
La vie est aussi le désir de défiance
De la pensée et de l'entêté silence.

Je revois cette photographie de mon enfance.
J'avais cinq ans et tu me tenais la main.
Je me rappelle que quand tu m'as appelé
J'étais accroché au jamalacquier.
C'était pour ma première photo colorisée.
J'ai vite mis les fruits dans mes poches truffées.
Elles étaient surgonflées, et tu riais, tu te moquais.
Ah ce garnement accroché aux arbres fruitiers !

Nous avons marché jusqu'au petit studio
Du photographe chinois. Il m'intimidait. Il était ballot.
Il m'installa devant d'étranges rideaux.
Pour m'amuser, il faisait des gestes de judo.
Mais, rien à faire, j'étais plus que crispé.
Je croisais gauchement mes pieds.
Je cachais mal mes poches surgonflées.
Devisant avec lui, tu riais en mezzo-soprano.
"Ah ces jolis petits souliers, arrête de les coller".
Sans cesse, tu me demandais de les décroiser.
Et l'artiste me disait regarde sortir l'oiseau.
C'est un cateau vert, un petit dodo...
Il va sortir pour te prendre en photo.
Mais, moi, je pensais que tout cela était du pipeau.

"Clac, c'est dans la boîte. C'est gagné !
Maintenant, il faut la développer".

Je m'en souviens, jusqu'à aujourd'hui,
Un moment où je me suis senti scruté,
De mes poches surmontées d'un cavalier à mes souliers.
Cela t'amusait, mère, un chapardeur de fruits
Que la photo a enfin immobilisé. Tu riais à gorge déployée
Tu m'encourageais, tu étais comblée.

Tu es partie dans ce premier ciel imagé.
Mais par miracle, la photo m'est restée.
A chaque jour que le bon Dieu fait,
Je regarde cette image qui a fixé à jamais
Ton sourire solaire et cet instant privilégié.
Il m'arrive de me rappeler que je résistais
Avec mes pieds croisés et mes poches gonflées,
Une timidité fixée à jamais.

Je n'aime pas être photographié. Je dois toujours décroiser les pieds.
Je dois vider mes poches, oublier mes manguiers.
Mais te revoir avec moi sur cette photo est un testament de ta bonté.
Un éternel document de mon enfance ensoleillée.

Bonne fête à toutes les mamans du monde...

(c) KT, 31 MAI 2020

C'est moi sur la photo, la toute première dont j'ai le souvenir. Aller se faire photographier en studio était un événement en ces temps-là. Il y avait toute une mise en scène, qui intimidait les enfants...

CARNET DE DÉCONFINEMENT, JOUR 20

Chères amies, chers amis, j’espère que vous allez bien en cette veille de la phase 2 du déconfinement. Aujourd’hui, je ferai une brève incursion dans notre époque, inspirée par « I can’t breathe », mettant en lien pandémie, populisme et racisme. EXTRAIT : «… le covid doit suffoquer devant tant de bêtise crasse dans trois des pays les plus étendus du monde. De quoi lui faire dire à ce virus éberlué par tant d’intelligence : « J’étouffe dans ce monde de cons, c’est une vraie conspiration, je ne peux plus respirer… On m’a même privé de mon palmarès de morts »…
Réfléchissons ensemble au monde d’après…

L’INDE, LE BRESIL ET LES USA: «JE NE PEUX PAS RESPIRER»…

«On le comprend aisément, un populiste au pouvoir pendant la pandémie peut tuer son pays deux fois».

La situation en cours aux USA, qui pourrait être surréel, faite de tueries et de manifestations antiracistes en pleine pandémie, n’est, hélas, que le retour d’un cycle capable de ravir «la vedette» au Covid-19.

Réputé pour causer des problèmes respiratoires, le coronavirus a trouvé plus fort que lui dans l’étranglement de l’autre, l’asphyxie des différences, le racisme quasi institutionnel américain. A cela, je conjoindrai deux pays dirigés par des populistes, l’Inde et le Brésil, qui instrumentalisent le racisme social, la peur de l’autre, le fait religieux, pour décliner une démocratie du marché et d’ethnicité avec une définition étrange de la citoyenneté.

Et cela n’est pas une coïncidence si dans ces trois pays populistes, en temps de pandémie, racisme, islamophobie, mépris de classe et imminence de la famine se donnent la main et offre une triste image de l’humanité. Comme s’il était plus urgent de haïr que de soigner, de comprendre ou d’aimer son prochain.

Dans mon propos, je ne ferai pas d’analyse profonde etc J’ai régulièrement pointé ce fait du doigt dans mes chroniques et carnets. EXTRAIT: «L’Amérique brûle pendant que le covid-19 tue. Nous avons ici un cas de comorbidité observé dans des pays populistes où pauvres, minorités et précaires sont désignés à la faux du virus.
Le populisme a atteint ici un de ses pics d’ignominie : ravir la vedette à la mort en temps de pandémie».

Aujourd’hui, donc, je vais en rester dans une observation mêlée d’un coup de gueule devant une réalité qui nous interpelle. Car le train de la haine continue son trajet, sans problème.

LE POPULISME TRANSFRONTALIER

Modi, Trump, Bolsonaro, l’internationale populiste, à laquelle on peut adjoindre des émules en Hongrie, Pologne ou en Roumanie est bien un fait. Ici, presque tous les maux viennent de l’autre, des minorités, des réfugiés, des boucs-émissaires.
Ici, les chefs ont utilisé des arguments à l’emporte-pièce pour arriver au pouvoir. Leur but : répondre à une inspiration profonde, le pensent-ils, de leurs peuples, à préserver leurs identités ataviques et à régner par une hégémonie raciale ou religieuse.

Le populisme trumpien répond à celui de Bolsonaro qui a déclaré la guerre aux indigènes et à celui de Modi qui veut mettre au pas les musulmans et autres minorités dans ce pays reconnu pour sa diversité. Pour lui, l’Inde se définit sur des critères religieux exclusifs, l’hindouisation à outrance étant une destination politique primordiale, à l’exclusion des basses castes, des chrétiens, de ces autres qui menacent la pureté de l’Hindutva, de l’Inde définie sur des critères de l’extrémisme hindou.
Trump ne cache pas le fait qu’il est le champion des petits blancs, ceux-là même qui souvent reprennent le flambeau du KKK. Un de ses tweets légitimait la violence. Trump l’homme providentiel…

Bolsorano, son acolyte, pense que le covid-19 n’existe pas, que le marché doit régler tout ça, laissant les démunis à leur triste sort. Chaque soir, on tape sur les casseroles pour demander sa démission dans les favellas.
La famine rôde ici, comme en Inde, où Modi a décidé du confinement avec 4 heures de temps donné aux pauvres de rejoindre leur domicile, jetant les précaires sur les routes du pays. Ils marchent des centaines de kilomètres pour aller dans leurs villages natals, on connaît ces scènes des indigents traversant la Grande Péninsule à pied, rappelant la coolie trade et la partition de l’Inde.

Modi a déclaré que le covid-19 est propagé par les musulmans et Trump qu’il est un virus « chinois ». Quant à Bolsonaro, c’est l’occasion de pratiquer l’eugénisme social en temps de pandémie. Son pays a passé le cap de 500,000 infections. Un de ses conseillers a même dit que les vieux tombant comme des mouches pendant le pic pandémique, cela fera économiser des sommes considérables pour les pensions. C’est encore un coup des communistes…

Il est connu que pour les populistes, «Black lives don’t matter», la vie des vieux improductifs ne vaut rien, la vie des autres (indigènes en premier) et des boucs-émissaires ne pèse pas plus lourd que celles des mouches. Après tout, ces populistes sont dans le délire du peuple élu, de la pureté ethnique ou religieuse…

A une récente manifestation en soutien à Bolsonaro le messie, ses partisans ont entonné que le covid n’est qu’un mythe, sous-entendant que le chef providentiel détient la vérité. Rappelons que Trump, pour soutenir son ersatz tropical, lui a envoyé deux millions de doses d’hydrochloroquine et mille ventilateurs, pour l’aider à respirer alors que les frères de George Floyd suffoquent à Harlem ou le Bronx…

Qu’importe, Bolsonaro est proclamé légende vivante venue défier le covid, ce complot communiste à écraser…

C’est un refrain entendu aux USA. Trump, c’est le nouveau messie, tout comme Modi, que l’on prend pour une réincarnation d’une divinité revenue rétablir la pureté brahmanique en Inde. Evidemment, le virus, c’est la faute de l’autre, le bouc-émissaire tout trouvé quand on est dépassé par une pandémie suite à des politiques du calcul froid.

On instrumentalise, ce qui est le fort des populistes. Pour Modi, donc, la propagation du virus est évidemment le fait des musulmans, désignant les parias du régime « démocratique » pandémique, qui en profite pour accomplir ses basses besognes. Ici, les pauvres migrants de l’intérieur, qui vivent d’expédients d’une économie informelle (un tiers de l’économie indienne), sont brutalisés et désinfectés sans ménagement dans une démonisation grandissante du pauvre, ce propagateur de l’épidémie. Le pauvre, c’est celui qui gêne l’image d’une Inde nationaliste qui a maîtrisé le voyage spatial et qui fonce vers la « démocratie ethnique»... Ici aussi, comme dans le cas de George Floyd, dans une société fragmentée, érigée sur la haine de l’autre, beaucoup peuvent dire «I can’t breathe», et encore… Cela me rappelle les stigmates du coolie en temps colonial, accusé de répandre épidémies et maladies et confiné à souhait. L’Inde ultranationaliste est infectée par l’amnésie. Elle oublie son histoire au profit de la haine. Sidérant.

UN SOUFFLE ET UN RELENT RANCES

Brésil, Inde, Roumanie, Hongrie, USA, Tchéquie / un même souffle de haine qui ne faiblit pas pendant que la pandémie déferle. Il faut toujours désigner celui qui portera le chapeau dans la crise, formule connue, pratiquée par un sauveur moustachu qui avait brandi la croix gammée dans sa vision délirante du pouvoir. Camps de concentration, darwinisme social, violence et militarisation. La formule est connue et elle fait encore mouche.

Aussi, il n’est pas étonnant pendant que le Covid-19 tue souvent par insuffisance respiratoire, la mort de George Floyd survienne par asphyxie, avec le genou du policier nommé Chauvin (cela ne s’invente pas) sur sa carotide.

Ce drame aux temps du coronavirus a ouvert une brèche au cœur de cette Amérique gouvernée par un populiste, qui ne cache pas ses préférences religieuses ou raciales, à l’instar de Modi et de Bolsonaro.

Cette image d’un Chauvin blanc sur le cou d’un noir désarmé à terre est devenue virale, a scandalisé, provoqué des émeutes en temps de pandémie, situation qui serait ubuesque si le virus raciste américain ne s’était pas tapi à l’ombre du covid pour refaire surface avec une précision inouïe. La face cachée de l’Amérique ressurgit sans masques ou distanciation physique dans l’étranglement de Floyd.

En temps de pandémie, l’institution sensée protéger le citoyen fait dire à un homme maintenu à terre par un genou écrasant sa carotide: «I can’t breathe». Il en est mort. L’Amérique brûle pendant que le covid-19 tue. Nous avons ici un cas de comorbidité sociale et raciale observé dans des pays populistes où pauvres, minorités et précaires sont désignés à la faux du virus.

Le populisme a atteint ici un de ses pics d’ignominie : ravir la vedette à la mort en temps de pandémie. Mettant la haine en avant, déchirant un pays fragilisé par une rhétorique discriminatoire et le désert alimentaire des zones défavorisées où meurent noirs, latinos, blancs précaires…

La faim, comme en Inde et au Brésil, se conjugue à New York avec le covid, ce fait est troublant. A croire que le virus racial et haineux de l’autre, affame tout en coupant l’oxygène des bronches des minorités, mettant en danger ceux qui sont au bas de l’échelle sociale.

Cette mort par asphyxie, pour moi, avec les cercueils posés au bord de la fosse commune à Ellis Island, sera une des images emblématiques de la pandémie aux USA, tout comme les migrants et minorités jetées sur les routes, vilipendées pendant le confinement en Inde ou abandonnées au Brésil par le populiste Bolsonaro, pour qui l’économie doit tourner sans sourciller des morts pendant la pandémie.

On le comprend aisément, un populiste au pouvoir pendant la pandémie peut tuer son pays deux fois.

La première en raison de son impréparation face au virus et la deuxième en incubant le virus du racisme, de la détestation de l’autre, pour une pandémie haineuse, celle qui peut vous faire dire, en pleine rue: «Je ne peux pas respirer»…

Ici, évidemment, immunité affaiblie (parce que vous êtes de la mauvaise race, religion, caste…) et impunité du dominant se donnent la main, pendant que le covid doit suffoquer devant tant de bêtise crasse dans trois de pays parmi les plus étendus du monde. De quoi lui faire dire à ce virus éberlué par tant d’intelligence: «J’étouffe dans ce monde de cons, c’est une vraie conspiration, je ne peux plus respirer… On m’a même privé de mon palmarès de morts, l’Inde ultranationaliste me volant la vedette, en inventant le « coronajihad»…

PAUVRE VIRUS !

Pauvre virus, être obligé de sévir dans une tel foutoir de brutes et de crétins pandémiques! Pour couronner la bêtise, Modi, adepte du chaos comme Bolsonaro, tient prêts des centres de détention pour une minorité doublement mise en confinement…
Oui, il avait raison ce pauvre George Floyd: «I can’t breathe»…

Un cri étouffé de Munch à la face de la bêtise du monde.

Le monde d’après a donc une image: le genou de la Bête sur la carotide des pauvres et des minorités du monde, et ce, au grand dam du Covid-19.

Rappelons que Floyd George, quelques minutes avant sa mort avait dit à l’officier Chauvin: «Je suis claustrophobe»…

Triste monde, où le virus fait ressortir des bronches l’air vicié et fétide du racisme.

Floyd a supplié, disant «Please, please, please» pendant 8 minutes 46 secondes sous le genou gauche de Chauvin, en vain…

Floyd a mendié pour ses droits, appelant sa mère au secours jusqu’au dernier souffle, enfermé dans un camp de détention symbolique sous le joug d’un genou oppressif que les populistes voudraient étendre dans un monde malade, très malade de l’exclusion, du racisme, du fascisme et du populisme…

Pauvre coronavirus, va faucher ailleurs!

Pas en Pologne, en Hongrie, en Inde, au Brésil, aux USA, la place est prise.

Et ce n’est pas un fake news, qu’affectionnent Modi, Trump, Orban, Bolsonaro, Salvini, Chauvin et consort, qui ne veulent pas unir la nation, maintenant un genou sur le cou des minorités!

Comme Floyd nous devrions toutes et tous dire: «JE NE PEUX PLUS RESPIRER… PLEASE PLEASE PLEASE»…

Mais que signifie une supplique pour un genou déterminé à vous enlever votre vie en raison de votre différence de couleur, d’ethnie, de religion, de…

Le train de la haine est BIEN sur les rails, et ce n’est pas le covid-19 qui le déviera de la haine de l’autre.
Destination de ce train infernal qui tourne en boucle dans l’Histoire: notre pauvre idée que nous nous faisons de nous-mêmes et des autres…

© KT, 1/6/20

https://www.ouest-france.fr/…/commentaire-mort-de-george-fl…

https://theconversation.com/indias-treatment-of-muslims-and…

https://foreignpolicy.com/…/india-muslims-coronavirus-scap…/

https://www.hrw.org/…/coronajihad-only-latest-manifestation…

https://www.bbc.com/news/world-us-canada-52861726

https://www.franceinter.fr/…/la-chronique-de-jean-marc-four…

https://www.franceculture.fr/…/la-pandemie-nous-vaccine-t-e…

https://www.lesechos.fr/…/jair-bolsorano-ou-linconsequence-…

LES DERNIERS INSOUTENABLES INSTANTS DE FLOYD https://www.youtube.com/watch…

https://5minutes.rtl.lu/actu/frontieres/a/1527021.html

https://5minutes.rtl.lu/actu/frontieres/a/1527021.html

POEME. CARNET DE DÉCONFINEMENT, JOUR 21, PHASE DEUX

Chères amies, chers amis, j’espère que vous allez bien en cette phase 2 du déconfinement. Aujourd’hui, déjà, une pensée pour les animaux qui se sont rapprochés de nous, certains que le silence du monde signifiait une bonté et une proximité retrouvées. Mais comme on le sait, le Jardin d’Eden, une fois retrouvé, est tout de suite effacé… Lisons, pour nous en consoler, ce poème sans prétention…

ADIEU OISEAUX, LIONCEAUX ET HERISSONS

Est-ce de la nostalgie ou la crainte du futur ?
Aujourd’hui, les enfants auront du mal à respirer.
Aujourd’hui, la machine à produire et à consommer
Va retrouver sa capacité à obscurcir l’azur,
A crachoter sa suie ravalée et sa légendaire fumée.

Déconfinés, des cons finis vont semer leur saleté,
Vont semer leur plastique et leur vomissure
A la face des oiseaux, des hérissons, de la nature.
C’en est fini, plus de distanciation entre son cœur et les pollueurs.
Distanciation sociale ET naturelle, c’était fondateur.

ON a beau entendre le drone ou le haut-parleur
Nous rappeler de tousser dans le coude, de ne pas se toucher
Le visage ou de se laver les mains, mais le mal est fait.
On est dans le viseur des traqueurs.
On est de retour, en profiteurs et acheteurs.
La meute est désormais TOTALEMENT lâchée.
La machine brûlera l’horizon clair, la mer bleutée,
La rivière reposée - la meute va sans entrave déferler.

Est-elle préparée à marcher sur la Terre avec respect ?
A se sourciller des oiseaux et animaux ce jour reconfinés ?
Auront-ils le courage, quand notre genou sans pitié
Sera posée sur leur carotide comprimée, de renoncer ?
Le monde reprend sa ronde des dominés.
On le sait, devant le profit, personne n’est immunisé.
On cherche encore le vaccin contre la cupidité.
Le confinement n’a été qu’un moment contrarié`
Pour beaucoup, attendant l’occasion pour haïr de plein fouet.
Beaucoup déconfineront leur bêtise et leur sens d’impunité.
Populistes, racistes, hyper riches et autres ânes bâtés…

On nous dira, que pour notre bien il faudra télétravailler,
On nous dira que pour notre santé, il faudra téléconsulter.
La raison, cela pourra encore des dollars rapporter.
Le travail à distance est une manne insoupçonnée.

On nous dira que pour sauver la société, il faudra encore travailler
En employé contraint par la situation, en salarié diminué.
Le travail sera le nouveau champ des déconfinés pressurisés.
On sera les coolies satellisés, pucés, surveillés.

Voyant venir les polleurs pas payeurs, les oiseaux
Prennent de nouveau leur envol, les lionceaux
Reprennent le chemin de la savane, estomaqués
Que l’espèce à deux pieds, qui fut à deux doigts du trépas
Soit aussi têtue dans sa volonté de s’égarer.
Le hérisson a vite fait de s’éloigner de ce fatras,
Sachant que dans la consommation personne n’abdiquera.
Haine, égoïsme, pouvoir, mensonge et scélérats
Reprennent les chemins, se moquant des cancrelats.

Qui abrégera la peine des fleurs et des sommets visibles ?
Qui abrogera la douleur du monde au ciel déductible
Des taxes carbone ou de rivières hypersensibles ?
Il est temps de le savoir, maintenant que l’homme est déconfiné
C’est l’oiseau la rivière la mer qui sont menacés.
Les Alpes, l’Himalaya ou les Appalaches seront effacés.
Les dauphins à Venise, au loin jetés.
Qu’importe on pourra consommer et consommer,
A quoi sert la beauté que l’on n’a pas le temps d’admirer ?
On abandonnera le balcon et les coups répétés
Sur les casseroles pour dire aux soignants de patienter,
Ceux qui sont à la manœuvre ne seront pas démasqués.

Une vérité s’impose : l’éveil ne sera pas collectif,
Il sera enchaîné au pouls du salarié commutatif.
Le temps perdu de la consommation
Reviendra en l’incontrôlable pulsion
consommation
pollution
abandon
d’un monde contemplatif.

Bientôt, on relance, on solde, on dégriffe
On vante ses stocks et autres palliatifs.
On fête la libération du covid on s’ébouriffe.
Ainsi va la pandémie des hyperactifs.

Le monde est déconfiné, adieu oiseaux,
Hérissons et lionceaux,
Merci de nous avoir rappelé la transparence de l’eau,
La sensibilité des poumons,
Le désir de se libérer des genoux d’oppression
Qui vous broient la carotide au nom de la raison
Du plus fort. Adieu clair horizon,
L’homme déconfiné a effacé l’abnégation,
La possibilité de partager la respiration en oraison.
Il s’émerveillait de tout avant l’inflation.

Déconfiné, revenu à la civilisation,
Après avoir constaté l’imbécilité technologique,
L’homme est suspendu à la vaccination.
Il est revenu dans sa ville rachitique,
Où le spectre en plein jour raccroche le couillon.
Que craindre des infodémies des mensonges
De la disparition d’éternels songes ?
Dans la consommation est son absolution…

Aujourd’hui, je pense aux animaux jetés en prison,
Aux précaires au seuil des camps de concentration.

Aujourd’hui, c’est le jour d’après, mais la question
Demeure : d’après qui, d’après quoi ?
Le déconfiné a pour règle de rester coi,
Sachant que c’est le Prince qui a mission
De lui expliquer les joies de son nouveau chemin de croix.
Lui, il garde sa foi dans la noble abjection
Du banquier, du big pharma ou des croupions
Venus se servir sur le dos de la nation.

OYEZ BRAVES GENS, c’est la libération.
Demain ensemble nous nous réveillerons
Sur les décombres d’une pandémie en mutation,
Dans la rue, l’usine, le champ ou sous les lampions.
Et demain c’était hier, autant que nous le sachions…
Demain, c’est le présent que nous anesthésions.
Toujours au nom des raisons qu'hier nous enterrions…

© KT, 2 juin, 2020

CARNET DU DECONFINEMENT, JOUR 22

Aujourd'hui, chères amies, chers amis, un bref échange suite au commentaire du grand poèteitalien Manrico Murzi, réagissant à mon poème d'hier, où je rappelais le triste sort des oiseaux et des animaux à la suite de la phase 2 du déconfinement. Lisons Manrico Murzi, je lui réponds après:

Cher Khal,

Vos mots que j'ai lus à haute voix,
comme cela se fait pour la poésie,
caressant mes deux chats, Orphée et Galilée,
accroupis sur mes genoux,
renforcent la présence dans la nature,
en fait, des créatures qui vivent autour de notre vision
et nos sentiments, qui partagent l'agression
et la violence avec nous.
La stupidité nous assiège,
l'arrogance nous offense,
l'espoir est un fil de lumière
qui peut s'éteindre à tout moment.

Merci, et un gros câlin,

(c) MM, le 3/6/20

Carissimo Khal,

Le tue parole che ho letto a voce alta,
come si fa per la poesia,
accarezzando i miei due gatti, Orfeo e Galileo,
accucciati sulle mie ginocchia,
esaltano la presenza in natura,
appunto, delle creature che vivono attorno alla nostra visione
e al nostro sentimento, che con noi condividono aggressioni
e violenze.
La stupidità ci assedia,
l'arroganza ci offende,
la speranza è un filo di luce che può spegnersi da un momento all'altro.

Grazie e un forte abbraccio
MM

Cher Manrico,
Merci pour ces mots qui nous relient au Vivant, sous toutes ses formes.
Le confinement, si besoin était, nous a rappelés cette vérité.
En nous mettant de côté pour un certain temps,
la Vie a frappé à nos portes.
Elle est revenue sur nos balcons, dans nos rues,
nos jardins, nos rivières, nos canaux, nos mers.
NOS ? Peut-être qu'il faut revoir cette prétention
à posséder la Terre et tout ce qu'elle nous offre.
L’important est de Relier...
Comme dans le terme religere, relier et lier aussi,
car l'humain qui n'est pas lié au Vivant,
à la plante, à l'animal a perdu une part consistante de son âme.
C'est ce que mon poème d'hier disait.
Ma crainte, ma tristesse d'être revenu au seuil de l'Eden,
pour lui dire Adieu une fois de plus.
Quelle misère d'avoir des priorités malsaines avant la Vie et ses beautés.
Mais comme tu le sais, l’homme est devenu consommateur.
Les jardiniers, les passionnés de la nature, de la Vie, de la Beauté en sont bouleversés.
C’est notre triste destinée.
Consommer, s’endetter, courir derrière des biens qui nous aliènent.
C’est une banalité que j’énonce là. Mais que dire d’autre devant cet assaut sur le Vivant
que le déconfinement a acté hier ?
Je suis touché que, comme un poète intemporel, un barde, un chamane,
tu aies lu mon texte à haute voix.
Oui, nous oublions ce souffle du verbe poétique, trop souvent, son énergie qui part de l'invisible de la parole au visible des corps, de la chair, des mémoires.
J’aimerais te l’entendre dire un jour…
Avec tes deux chats, même si je suis allergique à leurs poils…
Mais dépassons un éternuement…
Quelle chance ont Orfeo et Galileo, l'un revenu des rêves et de ses vies antérieures, et l'autre, posé en un soleil immobile, portatif qui pense : Eppur si muove... Et pourtant elle tourne cette Terre. Oui, jusqu’à maintenant, beaucoup ignorent que cette Terre bouge, qu’elle vit et qu’il est important d’écouter son souffle vital.
Nous allons poursuivre l’autodafé du Grand Texte du Vivant, les cheminées d’usine fument déjà…
Mais tes chats ont la mémoire des mots.
De l’essence de la vie.
Salue les de ma part, quel bonheur d'être écouté par des chats qui entendent davantage de la Vie que nous !
Dans leurs yeux, se mirent tous les poèmes lumineux à venir.
Et dans ta voix debout, des arbres qui frémissent aux chants des oiseaux disparus, que le poème ramène sans cesse à la mélodie profonde de la vie.
Je t'embrasse fraternellement.
A l'orée d'un autre échange...
Pour garder ce fil d'espoir entre deux chats attentifs au monde...
Et au seuil d’un autre poème à naître à l’écoute des chats, chiens lionceaux, pangolins, hérissons, dauphins et autres compagnons qui regardent le monde voguer dans sa ronde solaire…

(c) KT, 3/6/20

 

CARNET DE DECONFINEMENT, JOUR 24

POEME, en hommage aux artistes...

Chères amies, chers amis, aujourd'hui, un poème intitulé "A l'envol de l'oiseau peint", de Nathalie Murat, dont la peinture est en train de sécher...

A L'ENVOL DE L'OISEAU PEINT

Un duvet, une plume, un bec,
une patte, un flair, un miroir sec...

Déjà, la forme est déconfinée,
Un atome devient reflet.

La main s'éveille en couleurs fauves
la terre s'éloigne en orbe mauve,
elle reprend sa rosée intrinsèque.

L'aile est venue en courant d'air,
Une révélation sûre et altière.

La peinture sèche en oeil pur
Le temps est venu défier l'azur.

Une chose est désormais sûre :
L'oiseau reprendra son envol.
L'artiste lui donne une auréole.

Devenu l'image de sa splendeur,
Le vol se dessine dans l'âme du spectateur.

C'est ainsi que se libère
Le paysage de l'imaginaire,
En frêle oiseau né d'un jet de pierre,
D'une idée braconnière...

(c) KT, 5/6/20

Merci à Nathalie Murat pour cette oeuvre à peine séchée, qui se dessine en invitation au voyage..

JOUR 25 DU CARNET DE DECONFINEMENT


Chères amies, chers amis, j’espère que vous allez bien. Aujourd’hui, je vous propose une mémoire de la pandémie de la grippe espagnole que François de Bernard, philosophe et essayiste, a publiée dans la tribune du Nouvel Obs en février. Il la relie avec la pandémie actuelle, avec des passages très éclairants, à un siècle d’écart. Oui, rappel très instructif…

J’ai connu François de Bernard (FDB) il y a une vingtaine d’années, quand il m’a sollicité, par l’entremise de la philosophe Tanella Boni, d’écrire des entrées dans son indispensable Dictionnaire Critique de la mondialisation (1). Suite à nos collaborations, il m’a proposé d’être un des membres fondateurs du Groupe d’Etudes et de Recherches sur les Mondialisations (GERM). En 2006, le GERM avait proposé la Déclaration de Lyon, pour une Europe des diversités, que j’avais signée. Le GERM demeure un espace de grand intérêt pour penser le monde actuel, reprenant et décryptant les enjeux majeurs actuels et non mainstream.

Aujourd’hui, lisons des extraits que j’ai choisis (étant donné le format de la page facebook, cliquez sur le lien du post pour la totalité de la réflexion de François de Bernard), que je trouve éclairants après presque 3 mois de la date de sa publication. J’en commente certains, comme je le fais pour d’autres écrits de mes carnets et chroniques coronaviriens.

Le Dr Heckel, un médecin franc-tireur pendant la grippe espagnole

FDB se réfère aux observations du Dr Francis Heckel, qui décrit la situation pandémique de la fameuse grippe espagnole pendant la 1ère Guerre Mondiale. De Bernard y décèle trois pans d’une réflexion à réactualiser au vu de la pandémie actuelle: «Le Dr Heckel, au fil de ses trois contributions, où il semble avoir toujours plus de difficulté à masquer sa préoccupation de n’être pas entendu du «gouvernement» comme de la «masse du public», aborde toute une série de problématiques qui sont… exactement celles qui nous interrogent ici et maintenant. En premier lieu, la nécessité de l’«isolement», mot plus sobre de la langue française et moins ridicule que les actuels «confinement» et «distanciation sociale» (nouvel oxymore de la pensée magique).

Ensuite, Heckel se soucie beaucoup de prophylaxie en général, et de port du masque en particulier. A cet égard, son vécu de l’hôpital et des traitements à domicile l’amène à énoncer nombre de mises en garde et précautions thérapeutiques qui ont très peu vieilli… En outre, le praticien ne se dérobe nullement sur la question des traitements possibles et expérimentés, tant par lui-même que par ses pairs.

Enfin, il dégage de cette expérience éprouvante du terrain d’une épidémie affrontée au quotidien quelques conclusions simples et profondes, qui méritent d’être mûries sereinement au cœur d’un présent obnubilé par les urgences, au point d’en avoir fait une série télévisée vedette».

Nul besoin de faire ressortir que le premier point établit une analogie avec le cas du Dr Raoult, qui est devenu le symbole de la crise actuelle et qui a toujours voulu, pour le citer, prévenir que la France «aille droit dans le mur». L’Histoire jugera sa lutte contre l’establishment et nous ne sommes pas loin d’une grande explication que le peuple français mérite. Déjà, il y a 3 jours, le ministre de la santé, Olivier Véran a été condamné à inviter le Syndicat des Jeunes Médecins, au «Ségur de la Santé» initié le 25 mai, considérant qu’il violait un droit fondamental…

Revenons au Dr Heckel.

L’isolement/confinement fait partie des gestes barrières collectifs que nous avons expérimentés. Ses remarques sont d’actualité.

Le deuxième point, à savoir la quatorzaine (avec doliprane), a aussi eu ses jours fastes. Avec du recul, en le lisant, une chose s’impose: le traitement préventif ou la prophylaxie (j’avais attiré l’attention sur ce point dans mon article sur la bithérapie du Dr Raoult) est d’importance.

C’est cette étape que le gouvernement aurait ignorée dans la crise actuelle. Avec le lot de malades et de décès encore en cours. L’Histoire se répète, la pandémie précédente n’éclairant pas forcément la suivante…

Le Dr Heckel, conscient de ne pas être écouté, a ces mots qui sont d’actualité: ««… le danger que fait courir, à chacun de ceux qui sont restés indemnes dans une population, toute personne atteinte, qui, dès le début de l’infection, ne se soigne pas et ne s’isole pas par incurie, ignorance ou témérité.»

Ici, de Bernard rappelle opportunément les postures de l’immunisation collective de Johnson, Bolsonaro et Trump, qui ont dû revoir leurs copies devant la fulgurante propagation du coronavirus.

Le Dr Heckel préconise le port du masque, en sus des gants, des bonnets et des blouses: ««Le masque de gaze a pour but de préserver contre la toux et l’haleine, contenant des particules salivaires ou des sécrétions bronchiques hautement contagieuses. Il sera porté par tout malade, dès le début, et surtout par le personnel soignant, ou par les membres de la famille […] La garantie contre la contagion, apportée par le masque, semble considérable, car il a suffi à éviter la grippe à des personnes qui pendant plusieurs jours n’ont pas abandonné la chambre du patient.». Observation d’un homme du terrain avec une solide formation scientifique de son époque, et qui n’a pas pris une ride… La valse-hésitation autour du masque demeurera un espace emblématique d’une impéritie gouvernementale dans la crise du Covid-19.

Le Dr Heckel poursuit son immersion en pandémie, décrivant les symptômes de la terrible grippe. Lisons-le: «L’œdème pulmonaire, complication la plus redoutable par la rapidité avec laquelle elle peut menacer la vie du patient – parfois en quelques heures – est, dans la grippe […] Aussitôt son apparition, c’est l’asphyxie imminente. Elle s’annonce, vers le troisième ou le quatrième jour de la grippe, par une poussée préalable de température avec une petite toux sèche, quinteuse, continue, et l’émission d’une mousse rosée».

Le Dr Heckel nous rappelle quelqu’un quand il propose des options thérapeutiques hors consignes hiérarchiques, se désignant comme un praticien qui sort des cadres d’une approche médicalisée balisée. Son but est d’agir vite et de sauver des vies.

Il dit: «La fièvre sera combattue par la cryogénine… Si les douleurs sont vives, on y ajoutera de l’aspirine […] l’association de ces deux médicaments étant plus active.» Fidèle à sa volonté de sauver des vies, le Dr Heckel va plus loin en soins, préconisant des médicaments dont l’efficacité est «discutée», notamment pour les remèdes antithermiques: «Le reste de la médication, dans ces graves accidents doit viser l’abaissement de la température qui s’obtient à la fois par les antithermiques: cryogénine, quinine, citrophène, etc., les enveloppements froids, les grands lavements frais gardés longtemps, la compresse froide ou la glace à demeure sur le cœur…». Un homme qui se bat avec les moyens de son époque…

Et il est remarquable de lucidité.

François de Bernard cite des éléments du troisième article du Dr Heckel, notamment la rapidité d’intervention contre la grippe espagnole. J’ai fait ressortir dans mon article sur la bithérapie ce point essentiel, qui a été décisif à l’île Maurice. Ce pays, en effet, a pris des mesures d’urgence et a jugulé le covid-19, si on se base sur les chiffres connus.

La Mongolie, la Corée du Sud et le Vietnam, sans oublier le Maroc, ont aussi agi sans tarder. Madagascar aussi, qui a utilisé l’Artemisia annua.

Ce facteur de rapidité combiné à la prophylaxie a été crucial dans la lutte contre le coronavirus. Certains ont préféré attendre, et on voit encore les effets néfastes d’une telle attitude aux USA et au Brésil, où les populistes ont nié la pandémie. L’Inde est aussi dans l’œil du cyclone.

Aussi, l’observation du Dr Heckel est à mettre en exergue devant les faits désormais établis «Dès la phase fébrile et avant les troubles pulmonaires, sans attendre leur attaque imminente, il faut engager une lutte de tous les instants et parer par anticipation aux événements qui vont se succéder sans répit jusqu’à la guérison… ou jusqu’au désastre si l’on n’agit pas ainsi.» Soit, en substance, ce que n’ont cessé de réclamer depuis de longues semaines le professeur Raoult et nombre de ses confrères».

Le Dr Heckel, un franc-tireur, homme de terrain fébrile, précurseur du Professeur Raoult?

En tout cas, ses conseils, débordant les sacro-saintes consignes de la distanciation ou la prudence thérapeutique, s’appuyant sur une approche pragmatique, en l’absence du médicament totalement prouvé scientifiquement et sans contre-indications, nous interpelle profondément plus d’un siècle après. Il a à cœur d’utiliser la médecine pour agir dans l’urgence, en préventif. Il sait que l’attente peut être terrible en pandémie, comme le fait ressortir François de Bernard en citant cet extrait parlant: ««S’il est vrai que la mortalité a été trop grande dans l’épidémie actuelle, c’est surtout dans les hôpitaux débordés par l’abondance des malades, par la pénurie et le surmenage d’un personnel fortement touché par la contagion. Dans les familles, au contraire, les malades bien suivis et vigoureusement aidés pendant la première semaine guérissent presque toujours; et, parmi ceux qui disparaissent, la grande majorité paye une inconcevable insouciance et des imprudences de début, particulièrement celle d’avoir promené leur grippe jusqu’au moment où elle les terrasse.»

On croirait lire un «conspirationniste» que les médias décrient, relayant des informations calibrées, pour les contredire le lendemain sans état d’âme. Et ce, bien avant le monde viral de l’infodémie.

J’y reviendrai très prochainement.

Merci à François de Bernard de nous avoir rappelés, très opportunément, que l’Histoire, hélas se répète de façon ubuesque et que la lutte pour faire émerger une vérité hors des sentiers battus n’a pas perdu de son actualité… Mais déjà, avec un siècle d’écart, le Dr Heckel est parvenu jusque nous…

© KT, 6/6/20

NOTES SUR LE GERM ET LE DICTIONNAIRE CRITIQUE DE LA MONDIALISATION

  1. https://www.lesechos.fr/…/dictionnaire-critique-de-la-mondi…
     
  2. http://www.mondialisations.org/php/public/index.php et http://www.mondialisations.org/php/public/liste.php?r=tout
     
  3. http://www.mondialisations.org/php/public/art.php… dec lyon

L'article de FDB dans son intégralité:https://www.nouvelobs.com/…/tribune-quelques-lecons-de-la-g…

CARNET DE DÉCONFINEMENT, JOUR 26

Aujourd'hui, un court poème...

Nature morte.

Retrouver ses premiers légumes,
Piment aubergine et des agrumes.
Lier tomate rose et christophine,
Trouver la laitue plus verte, plus fine.

Tout mélanger dans la cuisine,
Vouloir une nature forte, quintessence
D'un dimanche de renaissance.

Tout le plaisir après le deuil,
Assembler un margoze et une rose,
Refaire le jardin à l'œil,
Et déconfiner la vie derrière les choses...

(c) KT, 7.6.20

CARNET DE DÉCONFINEMENT, JOUR 27

POÈME, chères amies, chers amis, bonne reprise à vous. Aujourd'hui, LE DERNIER CRI, n'étant entendu qu'on peut le voir.

DERNIER CRI

Quand on dit dernier cri, dit-on le mot
Qui reste au fond de son silence,
Ou fait-on une ultime pensée du Beau ?
Le dernier cri, est-ce une pénitence,
Est-ce une prescience, une méconnaissance
Entre un punch et un tableau de Munch ?
Est-ce un râle ou un soupir rance
Que la gorge expulse en transe ?
Je ne l'ai jamais entendu,
Je l'ai quelques fois vu.
C'est quand la mode vante la toile écrue,
Le costard une pièce ou la jupe fendue.
Masqué, aussi. Le dernier cri n'a pas fini
De se faire voir, puisqu'il est de sortie.

(c) KT

MERCI à Belabbes Abdellah, qui m'a inspiré ce texte

CARNET DU DECONFINEMENT JOUR 28

MERCI cher Raphaël Confiant pour ce Billet du Jour / Ti kourilet - reçu hier. J'y réponds après:

Intoxiqués par les grands médias occidentaux, nous avons l'impression que la planète entière a manifesté contre le meurtre de George Floyd. Or, rien n'est plus faux!

Notre planète compte environ 7,5 milliards d'habitants et 5 milliards d'entre eux sont des Asiatiques c'est -à-dire la grande majorité. Or, on n'a vu aucune manifestation avec des pancartes "Black Lives Matter" ni d'affrontements avec la police ni de statues renversées dans les rues de Pékin, New-Dehli, Hanoï, Kuala-Lumpur, Manille ou Djakarta. Surtout on n'a vu aucun grand chef d'état asiatique poser le genou à terre à l'image de Justin Trudeau, le premier ministre canadien.

Serait-ce un manque de solidarité envers les Noirs?

Aucunement! Simplement ce ne sont pas les Asiatiques qui ont génocidé les Amérindiens ni esclavagisé les Noirs ni chambre-à-gazés les Juifs et les Roms. Ils n'ont donc pas à partager une quelconque culpabilité dans ces différents crimes contre l'humanité.

Que l'Occident fasse son examen de conscience ou son mea culpa tout seul et se débrouille avec les peuples qu'il a opprimés!

On aura d'ailleurs noté que les révoltes déclenchées par l'affaire Floyd se sont surtout déroulées en Occident chez les minorités: Noirs des banlieues françaises et anglaises; autochtones canadiens ; aborigènes australiens (l'Australie faisant partie, avec la Nouvelle-Zélande, de l'Occident au sens large du terme); Noirs américains évidemment. Certes, il y a eu des manifestations dans quelques pays du Sud comme au Brésil, mais cela a eu beaucoup moins d'écho.

Que nous révèle ce silence de 5 milliards d'Asiatiques? Quel enseignement géopolitique peut-on en tirer?

Sans doute ceci: il y a soixante-dix ans le monde était divisé en trois (Occident, Monde communiste et Tiers-Monde); il y a trente ans il était divisé en deux (Pays du Nord/Pays du Sud); depuis peu, on en est revenu à une tripartition planétaire (Occident, Pays du Sud, Asie). L'Asie a, en effet réussi, notamment la Chine, l'Inde, la Malaisie, Singapour, le Vietnam etc..., à s'arracher à la misère crasse et à inventer sa propre voie de développement. Certes, tout est loin d'y être parfait, certes, il demeure des inégalités criantes au sein de ces sociétés, mais au moins ont-elles réussi à desserrer le joug occidental. Et même à damer le pion de l'Occident dans maints domaines scientifiques et technologiques qui sont les seuls qui importent puisque jusqu'à preuve du contraire, aucun discours postcolonial, décolonial et encore moins noiriste n'a jamais réussi à lancer un satellite de télécommunications dans l'espace et ce n'est sûrement pas lui qui permettra de mettre au point l'ordinateur quantique qui remplacera ceux que nous utilisons aujourd'hui.

Il importe en tout cas que les Pays du Sud, notamment les pays africains, sachent que 5 milliards d'Asiatiques se sont soigneusement tenus à l'écart et que ne pas analyser ce fait, ne pas chercher à en comprendre les tenants et les aboutissants, c'est se vouer tôt ou tard à retomber sous le poids d'une nouvelle domination.

https://www.montraykreyol.org/…/pres-de-5-milliards-dasiati…

* * *

Merci pour ce billet cher Raphaël Confiant.

Il dit beaucoup de choses qui font sens.

Globalement, cela tient, le mea culpa doit être américain et européen, au vu de l'Histoire de l'esclavage, de l'engagisme, de la colonisation et la néocolonisation.

Et ne pas comprendre la réponse asiatique, c'est aussi ne pas comprendre la complexité de l'Histoire et des émergences en cours en ces temps de pandémie.

Je souhaiterais juste apporter quelques bémols à ta remarque, qui tient de bout en bout:

Les asiatiques ont des histoires différenciées, des perceptions contrastées face au racisme et colorisme etc.

Aussi, des acteurs de Bollywood ont soutenu Black Lives Matter tout en faisant la promotion de la "peau claire" suivant les normes du cinéma indien, blanchir pour être belle/beau... En Inde, on le sait, la peau foncée est marquée de plusieurs stigmates, héritage du colonialisme. Et les crèmes blanchissantes sont très en vogue...

Ailleurs:

Des protestataires n'ont pas battu le trottoir en masse en raison des confinements, mais je ne pense pas que cela aurait eu les mêmes proportions qu'en Occident, en temps normal.

Des asiatiques ont mis le pied à terre, cf l'article, pour marquer leur désapprobation, à Hong Kong, par exemple, où cela s'est inscrit dans un double bras de fer entre la Chine et HK et les USA...

Il y a aussi le cas des Papouasiens/Mélanaisiens, qui laisse une plaie ouverte en Indonésie ou en Australie/NZ.

Mais globalement, partout, des efforts restent à faire pour que les préjugés et le racisme soient démasqués.

L'Asie doit aussi se débarrasser des représentations qu'elle a intégrées dans son Histoire récente, sachant que le continent asiatique commence aussi en Turquie ou en Irak...

Courage, la racisme n'aura pas nos peaux...

© Khal Torabully, 9/6/20

https://asia.nikkei.com/…/George-Floyd-protests-inspire-cam…

https://asia.nikkei.com/…/George-Floyd-protests-inspire-cam…

* * *

Merci de ta réponse, mon cher Khal! Mais, en fait, j'ai oublié de préciser dans mon article que je parlais de l'Asie non-occidentale.

Pour moi, le Japon, la Corée du Sud et Taïwan, tout comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, font partie de l'Occident. Ce dernier terme n'est pas une simple notion géographique. Il désigne un mode de vie, une civilisation. Donc qu'il y ait eut à Tokyo ou à Séoul des manifestations pro-Floyd ne change rien à mon analyse car l'Asie occidentale (Japon etc...) représente à peine 200 millions d'habitants face aux 5 milliards de l'Asie non-occidentale. Mais surtout je ne reproche rien à cette dernière! Je ne lui reproche pas de n'avoir pas manifesté. Elle n'est pas responsable de l'esclavage des Noirs. Les Occidentaux n'ont qu'à assumer tout seuls leurs turpitudes!

* * *

Merci de cette précision cher Raphaël. Oui, la catégorisation "Occident" se réfère davantage à un concept politique et religieux (dans sa genèse, cela se vérifie) qu'à une étendue géographique, avec des passerelles culturelles (Australie/NZ, étant asiatiques politiquement, membres de l'ASEAN, mais occidentales historiquement, religieusement, linguistiquement...).

Le Japon est "occidental" économiquement, après sa capitulation face aux USA, mais la Corée du Sud, alliée des USA, tout en étant occidentale par alliance militaire et économique contre la Corée du Nord, se trouve très asiatique, tout en étant en mutation...

Le cas de la Russie chrétienne orthodoxe interpelle aussi, perçue comme anti-occidentale pour ses ambitions géopolitiques, mais culturellement proche de l'Occident. La Turquie fut parfois géographiquement et politiquement occidentale et dans la dernière décennie jugée non assimilable à l'EU en raison de sa religion, alors qu'Ataturk, tout comme Pierre le Grand, a mené son pays à une marche forcée vers l'occidentalisation. Il a remplacé l'alphabet arabe par celui du latin.

On s'y perd un peu... Une des révélations du flou de la géographie me vint quand en Chine, on me parla d'Occident, en se référant à la péninsule Arabique. Tout comme il y a un extrême-Orient, il y a un extrême Occident, là, du point ce vue strictement géographique. Des limites mouvantes, souvent décidées dans les chancelleries... L'exemple de SIngapour interpelle aussi, management à la chinoise et technologies occidentales, mais est-ce l'Occident ou l'Asie mélangeant sa sagesse immémoriale, sa gestion et les techniques occidentales, tout en sachant que c'est la Chine qui a inventé le papier et l'imprimerie, perfectionnée par Gutenberg?

Hong Kong pourrait être occidental, en raison de la colonisation britannique (Johnson a offert des visas à ses habitants la semaine dernière), mais pas Taiwan, qui serait un allié de l'Occident contre la Chine. Tout cela est mouvant, même si le concept politique et économique peut influencer le facteur géographique... Pour revenir à ce qui se passe aux EU, je pense qu'il y a un retour du refoulé dans le cas de Floyd, qui traverse, effectivement, l'Occident: les Belges badigeonnent la statue de leur roi Léopold tueur des congolais, à Bristol, l'esclavagiste est déboulonné et jeté à l'eau... Ce racisme historique et systémique en Occident traverse la mémoire et structure encore les pensées et les attitudes. Tu as raison, les colonisations et leurs "turpitudes" ont besoin d'être rejaugées dans ce racisme qui, en pleine pandémie, fait extraordinaire, fait ressortir la face hideuse du racisme aux USA et ailleurs... Rappelons que ce sont les Noirs et les Latinos qui meurent le plus du Covid-19 aux USA ou dans certaines banlieues occidentales.

CARNET DU DECONFINEMENT JOUR 30

"Jane Goodall a appelé à sortir les populations de la pauvreté, soulignant l’impact considérable de celle-ci sur le monde naturel étant donné qu’en l’absence d’alternative, les personnes ayant désespérément besoin de nourrir leurs familles iront abattre des forêts pour survivre et dans les zones urbaines, elles choisiront la nourriture la moins chère, sans se soucier des dégâts causés par la production de celle-ci, n’ayant guère d’autre choix.

La guerre et la violence ont également nourri la destruction la nature, de même que notre consumérisme débridé et notre désir ardent de «ces choses que nous accumulons», sans oublier nos habitudes alimentaires. Selon Jane Goodall, c’est aux «riches» de faire pression sur les dirigeants et de faire attention à ce qu’ils achètent afin d’éviter d’exacerber le problème. «Nous devons cesser d’acheter leurs produits» a-t-elle dit, visant les entreprises qui ont recours à l’agriculture industrielle et exploitent la nature."

Jane Goodall: «L’humanité est finie si elle ne parvient pas à s’adapter à l’après Covid-19».

Que dire Jane de notre entêtement à consommer comme avant, ou même pire, maintenant que les fabricants peuvent omettre des informations sur les étiquettes des produits? CONSOMMER, en faisant de la pandémie une parenthèse à refermer au plus vite entre deux croissances polluantes, afin de rattraper les pollutions manquées?

Que dire Jane de ces guerres larvées, pour le moment, autour du coronavirus même, quand des blocs soufflent guerres froides ou guerre chaude, pour faire payer le prix à "exportateur" de virus qui est le résultat d'une mondialisation faite par les riches pour les riches?

Que dire de nos invasions des espaces, des diversités, piétant faune et flore, ravageant les espaces sauvages, semant l'argent des fertilisants en terre fatiguée, la terrassant de nos récoltes toxiques, des profits nés du pillage de la vie?

Que dire des aveuglements des élites, qui continuent à ramener croissance et PIB au centre des chemins où le choix est à faire pour un monde qui a retenu son souffle dans le sillage du covid?

Que dire de ce pouvoir qui jamais ne met l'humain au cœur du développement?

Que dire devant tant de peurs agitées par les médias, instrumentalisant la nouvelle pauvreté, le chômage et la précarité après le confinement?

Que dire des suicides annoncés car la dette est devenue un facteur de comorbidité post-covid?

Oui Jane...

Que dire devant ces censures de la Vie pour canaliser les réflexions des masses vers la consommation salvatrice, présentée comme vecteur de bien-être et de civilisation, niant les plantes qui soignent à Madagascar, au profit de la pharmaceutique qui trouve en la pandémie l'occasion d'engranger encore plus dans la course au vaccin? Que dire devant l'aveuglement et la bêtise technologique?

Que dire Jane devant l'anthropocène que nous avons décidé de poursuivre, comme si en détruisant les espèces nous ne nous mettions pas en danger?

Que dire de ces solidarités que l'on fragilise au nom d'un virus qui aurait dû nous unir comme espèce humaine sur un même bateau?

Que dire Jane, que dire?

Devant tant d'obstination dans l'erreur qui profite à certains, la parole s'est réfugiée devant la nouvelle sidération de la pensée, celle qui est survenue au lendemain du déconfinement, constatant que la machine arrêtée retrouve de sa vigueur pour détruire et exterminer la nature dans une fuite en avant sans fin, oui, que dire?

Il est temps de penser encore, d'agir encore, mais que dire de plus Jane? Que dire maintenant que la pandémie n'est plus celle du virus à couronne mais celle qui récupère la maladie pour soigner un système économique moribond?

Que dire, sinon dire que l'humain est condamné à s'infecter en rond dans sa quête de profits, quitte à tuer cette Terre qui nous a observés dans nos confinements, se demandant certainement, que dire à cette masse humaine qui a décidé de poursuivre sa destruction annoncée au nom de la tyrannie du profit?

A ce moment de la sidération, même cette question me semble inutile quant on n'est pas vaccinés contre la bêtise économique et la cécité politique...

(c) KT, 11/6/2020

CARNET DE DÉCONFINEMENT JOUR 31

Morin et la Terre-Patrie.
Un concept à creuser.
Une mise en demeure sensée.
Un jour d'après
Puis un autre jour d'avant.
Un instant, un moment
Pour réfléchir et sauver
Ce que nous avons encore raté.
Demain semble condamné,
Et dans nos pays éparpillés,
Nous avons effacé la Terre-Patrie.
Comment faire pour oublier
Que nous sommes en sursis,
Que nous pourrions être une fratrie ?
La pandémie est un défi,
Le cadet de nos soucis.
Le jour d'après est pétri d'oublis,
De cécité à perpétuité.

Et pourtant, il nous faut déposer
Le bilan d'anciennes géographies.

(c) KT, 12 JUIN 2020

CARNET DU DÉCONFINEMENT 32

De l'or extraterrestre pour résoudre les dettes de la Terre en pandémie? En voilà une idée qu'elle est bien bonne...

D'abord, parce que l'or est l'étalon de nos richesses et nos monnaies, sauf que pendant la crise, la planche à billets a imprimé de l'argent basé sur des décisions des États de renflouer leurs économies au bord du gouffre sidéral... Et l'or a été jeté de son piédestal.

On a crié à la dette létale, à la faillite du système bancaire et bancal.
On a payé ceux qui sont restés confinés par arrêté préfectoral.
Et même ceux qui ont profité de la situation abyssale.

Au réveil, on nous met devant l'ardoise fractale,
Maintenant il faut payer la note carcérale.
Certains disent déjà : t'as pas cent balles ?
C'est qu'on a un trou énorme, tout à fait normal,
Que l'on nomme déficit et perte de croissance.
Après le covid, la dure convalescence...
Que faire ? La révolution ? Ce sera après le vaccin pénal
Et le remboursement du capital.

En 2018, on m'a dit : la dette de la Terre est de 237.000 milliards de dollars.
Nous sommes tous devenus des crevards.
Après le corona, la somme a atteint des nouveaux sommets cannibales.
Mais voilà une question fondamentale :
A qui les Terriens doivent-ils cet argent intersidéral ?
Aux petits hommes qui aiment le billet vert ?

Si les Terriens doivent de l'argent
Est-ce à d'autres Terriens, ou à d'autres entités avec succursales ?
Alors, en regardant du côté de ma dérive planétaire,
Je me demande, d'un air délétère :
Pourquoi ne pas dissoudre la dette, cela coûte trois fois rien entre Terriens.
Si on devait de l'argent aux ET et autres reptiliens,
L'affaire serait plus délicate, j'en conviens.

Vous dites que je n'ai rien compris à l'économie ?
Que la richesse produite est assujettie à une valeur,
Que le marché fait loi
Et que certains tirent des profits de la dette à tout va,
Et que les Terriens doivent payer aux propriétaires de la Terre,
Que le système s'écroulerait si le profit cessait etc etc

J'avoue que je suis fatigué de tout ce fatras.
Entre le chômage, le suicide et le choléra..
La logique terrienne serait donc de piller l'astéroïde
Pour empêcher hémorragies financières et hémorroïdes,
Afin que l'or qui flotte soit miné pour que la Terre se désendette etc etc
Que la Terre paie sa dette à des terriens et des scélérats.

Mais alors, à qui profitera cet or du dehors
Si tout le monde est riche et sans anticorps ?

(c) KT, 12.6.20

La NASA a découvert un astéroïde si rempli d'or qu'il pourrait rendre "riches" tous les habitants de la Terre

CARNET DU DÉCONFINEMENT 33

Pour suivre le covid, il y a de l'espoir.
Il suffit de marcher, de s'asseoir,
De croiser l'infecté, de le signaler
Au satellite, de poursuive sa route,
En enlevant tout doute
Sans se faire dépister.. Il s'agit de se fier
À l'œil immense qui vous protège
Et qui votre portefeuille allège,
Dans l'attente de réduire votre peur
Au premier signe avant-coureur
Du vaccin puissant et salvateur.
Après le télé travail, le tracking
Du malade du lit au parking.

Puisqu'on déconfine, la puce saute
De bronche en bronche, et faute
De masque, l'état ouvre l'œil
Sur tout ce qui bouge, sans bouger de son fauteuil.
Orwell le disait, quand on a peur
On surveille le voisin, aucune feuille
Ne bouge sans que l'on ne le veuille...

(c) KT, 14 JUIN 2020

«200 000 à 300 000 euros par mois»: le coût de StopCovid dans le collimateur d'Anticor

CARNET DU DÉCONFINEMENT 34

La dette du covid, la rembourser par le travail...
Au survivant, faire les poches, l'âme vide.

Le jour d'après est le jour d'emprunt, vaille que vaille,
Une dette qui renoue avec les banques avides.

Demain, on produira plus pour gagner moins.
On dira que l'hôpital se moquera des soins.
On promettra le blé sous nos foins.
En attendant, le chef dévitalise désir en besoin,
Il s'attribue le satisfecit post-mortem.
Il dit au peuple crédule, je vous aime.
Demain, votre survie dépendra de la mienne.
En campagne électorale, votre peine ou votre haine
N'est pas le remède contre la deuxième vague.
Le virus tient sur nos têtes une dague.

S'il revient, il votera pour moi, en âme et science.
En même temps, la pandémie n'est-elle pas
La nouvelle méthode de gouvernance ?
Ne passe-t-elle pas par vous et moi
Pour nous demander de traquer l'ami ?
Braves gens, abondance de richesses jamais ne nuit
A celui qui remet le masque après l'épidémie.

Dimanche, retournez aux urnes, la démocratie
N'attend pas la découverte du vaccin social.
L'heure est au grand remède néo libéral.
Au travail, au travail, pour sauver le capital...

(c) KT, 15 juin 2020

CARNET DU DÉCONFINEMENT 35

Après le corona, il faut montrer ses crocs.
Après tout, il faut protéger la filière bio.
Allo quoi, vous n'avez pas tout compris ?
Que ceux qui nous font gober n'importe quoi
Ont toujours foi dans nos lois,
Même s'ils courent après d'aveuglants profits ?
Sans toit ni loi, le con sommé saisit
Qu'un concombre bien placé de Monsato
Est un légume pur, jusqu'au boyau.

Après tout, le label corrige le foie,
L'argent n'empeste que la joie
De ceux qui mangent bio en catimini.
Ah, sacré gouverneur du covid abruti,
La chimie doit dire qu'avec ou sans vaccin, bingo
On peut remercier sainte pandémie.

Désormais, au jour d'après, ce n'est pas trop tôt,
Sous le boisseau, on peut changer le cache-pot.
Avec une bonne publicité, vous nous direz merci
De vous avoir encore une fois sauvé la vie.
Petit à petit, le profit refait son nid.

Allez écolos, gobez fenouil et haricots coco.
Ce que nous vendons est chimiquement bio.
Après, si cela vous torture le ciboulot,
Ce que vous mélangez ciboulette et écriteaux.

De toute façon, le bio n'était qu'en attente
D'une idée des intellos gouvernementaux.
Dégustez le nouveau bio, à chaque fente
De terre, ils louent le nouveau Monsanto.

Vous pouvez les qualifier de maquereaux,
De vendeurs de wagons-tombereaux,
Qu'importe, ces décideurs savent assouplir les zéros...
Ne soyez plus étonnés, le monde d'apéro
A commencé son voyage de tyranneau.

Que c'est beau d'être menés en paquebot,
Dans le potager, au jardin des nigauds,
Souriez, bientôt le nouveau safari-photo...

(c) KT, 16 juin 2020

Agriculture bio: L'Europe veut autoriser les pesticides et réduire les contrôles qualité dans la filière

CARNET DU DÉCONFINEMENT 36

"Il n’est pas inutile de rappeler que le mouvement des statues, décapitant Colomb à Boston ou jetant le négrier Colston à Bristol, a été précédé par un "déboulonnage" de la statue de Gandhi au Ghana en 2018 (...) mais dire que Gandhi était irréductiblement raciste comme Hitler, cela n’est pas sérieux. Je donnerai trois preuves de cela, à la lumière de la complexité à adresser dans cette relecture de l’Histoire":

CARNET DU DÉCONFINEMENT 37

EN INDE, LE COVID DU SUICIDE

Le suicide tue aussi en pandémie.
En apprenant que l'on a le covid,
On saute sans crier gare dans le vide.
Il faut redonner un dernier sens à sa vie,
Donc, l'ôter pour éviter d'être livide.

Terrible désespoir pour des indiens,
Car ils ne voient vraiment rien
Au bout de ce confinement qui les tuent.
A qui la faute quand le covid destitue ?

A Faridabad, à Haryana, gens de bien
Ou gens de rien, tout ressemble à rien.
La mort se règle cash, surtout quand on croule
Sous les dettes de la survie.
Je m'élance, loin des foules :
"Me jeter du quatrième étage quand tout s'écroule,
Crier mon désespoir devant l'idée qui m'abasourdit,
Me poussant hors de moi, vers l'infini,
Car mon âme en moi s'est évanouie".

La mort tue deux fois, en catapulte,
Puis en toboggan, loin du tumulte.

Le Terrien se croyant parvenu à Mars
Découvre la fragilité de sa vie éparse.
Le Terrien sait désormais que sa technologie
Peut jeter les armes et se dire engloutie
Devant un zombi muet en hindoustani.

C'est bien au soleil couchant que le sari
S'étire transparente, comme une larme rougie...

(c) KT, 19/6/2020

CARNET DU DÉCONFINEMENT 38

Flamants roses à Kos (Grèce). Photo Francesca Palli.

Contemplation, vols des flamants roses...

Cette beauté du monde, têtue comme le temps qui passe,
Pandémie ou guerres, une présence, une grâce
Pour gommer les actes qui lassent,
Pour élever les consciences qui trépassent.

Un vol de fragiles flamants,
Existe-t-il de meilleur calmant
Dans cette promesse de vies
Suspendues au gré des épidémies ?

Voir ces fleurs devenues volatiles
Au soleil couchant, orbes fissiles,
Creusant un sillon de bonheur
Quand la mort elle-même meurt
De n'avoir été comprise des survivants.
Je les contemple avec cet œil intérieur
Que nous avons oublié chez l'enfant.
Les flamants sèment des soleils puissants
Aux bras des lacs et des océans.
Comment ne pas revivre en regardant
Ces merveilles refléter à nos vies d'antan ?

(c) KT, 15/6/20

CARNET DU DÉCONFINEMENT 39

Dette et jour d'été...

Voici la vraie dette, la dette vitale
Pas celle artificielle de la banque mondiale.
Le paiement que nous faisons sous un trou abyssal
Qui a cessé de s'agrandir de façon sidérale
Au delà de mesquins calculs du capital.
Mais vint le coup d'arrêt brutal,
Le bailleur inespéré, notre créditeur viral.
La Terre arrêtée, l'hypothèque s'étale,
Notre regard vers l'avenir international
Fais sens, l'émotion est ventrale.
Oui, je reconnais cette unique dette morale
Envers la Terre mère, notre coffre-fort vital.
La dette des autres n'est pas monumentale.
Elle asservit à une bande de canailles,
À des charognards dont le cerveau déraille
Devant or platine et menue ferraille.
Terriens, vous êtes plus riches, et ce n'est pas un détail,
De trois semaines, la Terre étend son bail
Sans rien demander en retour, la dette mitraille
Seulement ceux qui sont esclaves du travail.
Mais le travail reprendra sa valeur viscérale,
Celle qui libère l'homme de la dette infernale.

(c) KT, 21 juin, jour d'été, en vous souhaitant un magnifique jour d'été

CARNET DU DÉCONFINEMENT 40

TROIS IMAGES DE CIELS DEGRADES

Trois Terres sur la même planète.
À trois jours d'intervalle, nos yeux
Ont oublié le retour au merveilleux.
Mais quelle est la clé qui scelle nos têtes ?
Comment oublier ce que fut le ciel bleu ?

CIEL DU JOUR D'AVANT :
"Trois jours de suite, le ciel brumeux
Revient nous supplier de réfléchir
À l'oiseau lyre quand il respire.
Comment vous faire sortir du délire ?

Avons-nous pensé ce qui est mieux
Quand l'air est supplicié, la ville asphyxiée ?"

CIEL DU JOUR PENDANT :
"Qu'apprenons-nous à trois jours de la cécité ?
À mieux discerner le porte-monnaie,
Ses obscurs calculs pour endettés,
Pour jours chômés et jamais payés,
Pendant que la Sibérie brûle de mille feux
Et que les glaciers sont désormais bâchés
En Italie, que regardons-nous en vrai ?

On se remet à brûler, à réchauffer
Nos visions d'hyper civilisés, nos regards atrophiés,
Car nous sommes désormais aveuglés
Par les désirs des richesses accumulées".

CIEL DU JOUR CONSTERNANT :
"Que sera en fait ce fameux jour d'après ?
Le cycle autodestructeur est tout tracé.
Notre devise, fonçons tête baissée
Vers le mur, à condition de klaxonner
Afin que le ciel songe à reculer"...

Ciel effacé...
Aux temps du covid, ce qui a changé,
C'est notre désir de tout dominer,
Car le temps perdu, c'est l'argent à rattraper...
Triste intelligence pour un peuple dépensier...

(c) KT 23 JUIN 2O

CARNET DU DÉCONFINEMENT 41

CROISSANCE, MOT DE BRUTES

La croissance, le maître mot des économistes,
Un grand calcul qui ne se fait pas à l'improviste.
Une sentence au-dessus des devises nationales,
L'avenir capté, mis en perspective ultra libérale.

Ce mot a trop nourri les pensées sépulcrales,
Enterrant ceux qui sont les oubliés de la crise.
Il est temps de donner une ultime râle
Au désir de toujours croître, sans état d'âme,
Sans peur des retours de carbone ou de flamme.

Pendant le covid, on a pu mesurer le drame
De cette idéologie mensongère, infâme.
On nous parle de dette, de baisse du Produit Intérieur brut.
Au fond, un doigt pointe vers Belzébuth.
A la télé on continue à jouer de la flûte.
Le président PDG s'écrie zut et zut,
L'économie n'est pas vénale, elle est "prostipute".
Rattrapons la production perdue, que ce soit scorbut
Coronavirus ou choléra, mettons-nous un uppercut.
Sautons de cheminée terne à celle qui crapahute,
La voiture doit foncer sans roue de secours,
Vite, covid ou pas, la croissance doit être de retour !

Il y a un vaccin à cette maladie du profit,
Dont la comorbidité se nomme cupidité.
Ecoutons la pandémie il faut dire que ça suffit.
Sans conscience, il faut jeter la croissance aux orties.
Prenons le temps de réfléchir une minute,
Pensons l'économie qui pense en décroissance,
En accord avec les écarts des richesses, avec le but
De nous masser une seconde l'occiput,
Et de produire bonheur sans trop de volutes.
La vie n'est pas qu'une histoire de dépose-minute,
Elle nous demande d'éviter des auto-buts.
Décroissons pour travailler et partager fute-fute,
Sans complexe vis-à-vis du Produit intérieur brut.

(c) KT, 24/6/20

CARNET DU DÉCONFINEMENT 42

Un sachant contre des désinformants

J'ai suivi l'audition du Pr Raoult à l'Assemblée nationale hier et il a été excellent. Pour celles et ceux qui ont raté cette explication FONDAMENTALE, HISTORIQUE, je rassemble ici quelques idées forces, car je n'ai cessé de réfléchir avant, pendant et après le confinement sur les enjeux fondamentaux de la pandémie et le rôle des autorités concernant le protocole de soins du Pr Raoult.
Disons-le d'emblée, sans mâcher ses mots, le sachant a mis en évidence une collusion entre l'industrie pharmaceutique et des relais politiques, menant à des situations incompréhensibles en France.

Je résume ici quelques points saillants (je ne serai pas exhaustif) de Raoult hier. Il a affirmé:

Qu'il ne faut pas créer des territoires dans la maladie où des blaireaux défendent leurs niches.

Qu'on a privé les médecins de leur capacité à soigner leurs malades.

QU'ON A TARDE à faire évaluation de la bithérapie qu’il a développée, à savoir l'Hydroxychloroquine et l'Azithromycine, il a dit que l'Azithromycine permet de renforcer l'Hydroxychloroquine dans sa lutte contre le covid,

QUE les médias n’ont pas aidé à faire connaître les études des marseillais sur la bithérapie.

A la question pourquoi son étude n'était pas randomisée, Raoult lance un uppercut méthodologique: 5% seulement médicaments pour infections sont randomisés, Raoult qu'il préfère des études comparatives à ces études.

Il attaque GILEAD https://www.midilibre.fr/…/cest-pas-complique-de-trouver-le…), dit qu'il a reçu des menaces de sa part. J'ai apprécié son franc parler contre BIG PHARMA, Raoult a été magistral sur ce point.

UN POINT D'IMPORTANCE:

Raoult pointe du doigt une exceptionnalité française: c’est le ministère de la santé qui dit comment soigner les patients, ailleurs c’est le médecin qui soigne avec les éléments qu’il a, c’est ce qui a mené à la crise,. A cela s’ajoute la question de monopoles...

Raout dit que la sécurité publique ne devait pas interdire utilisation médicament avec innocuité (L'innocuité caractérise la qualité de ce qui n'est pas nuisible, pernicieux, mauvais et qui ne provoque donc aucun effet néfaste, notamment sur les organismes. (Larousse).

Des études ont été entendues sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine ailleurs qu'en France, mais on a empêché de l’utiliser. Il explique la technique qui consiste à empêcher un médicament de soigner : « Kill the messenger »… Raoult dit qu’il faudra voir ce que les chinois en disent… Pour lui l’important de SOIGNER et non de perdre du temps avec des études qui ne sont pas toujours fiables.

Aussi, il dit que les pays "les plus malins" ont les plus des morts, France, GB, USA, les 15 pays les plus riches étant les plus impactés.

Les chinois ont eu résultat avec l’hydroxychloroquine, en France, on l’a écarté. Aussi, Raoult dit que les chinois ne sont pas à être pris pour des imbéciles, «ils sont meilleurs que nous»…

Raoult développe un point d’importance pour son traitement: le CHU de Marseille a eu une grande concentration de malades, autant que Marseille, mais le taux d’infection est inférieur à la ville, prouvant que la bithérapie marche…

A la question des masques, il renvoie le gouvernement à ses contradictions:

«les masques sont essentiels»… Aucun doute n’est permis, venant de ce grand scientifique.

Au feu des questions et des accusations passées, il dit: «Je suis d’accord pour être le bouc-émissaire du coronavirus».

Pour ma part, en conclusion de ce CARNET DU DECONFINEMENT 42, je constate que le Professeur est un excellent orateur, porté par son expérience et sa vérité de praticien et non de théoricien qui conduirait des études ad vitam aeternam et hésiterait de soigner ses patients, qu’il n’a pas renié à son serment d’Hippocrate.

Après cette audition, et au-delà des polémiques, de sa personnalité dérangeante ou de sa mèche qu’il caresse ostensiblement (une de ses manies, manœuvre de diversion?), je trouve cet homme de grande qualité. Il connaît son sujet, il a damé les pions à ces ronds de cuir qui voulaient le coincer hier. Il est un sachant hors pair, avec une parole intelligente, vive, certes, avec ses contradictions parfois (qui n’en a pas?) mais qui a une connaissance holistique, chose rare avec les «cerveaux spécialisés» de nos jours.

Je dis donc qu’à la lumière de son discours clair, argumenté, que le sachant marseillais a administré une volée de bois vert (comme il le fait ici avec Bourdin) avec science, démontant ceux qui font semblant de mettre une précaution éthique ou méthodologique avant le devoir se soigner, cachant mal leurs conflits d’intérêt, sauf quelques exceptions.

A l'issue de cette audition, je peux aussi dire que la bithérapie fonctionne et que c’est dramatique que l’on n’a pas utilisé le protocole Raoult pour sauver des gens en France, comme on l’a fait à l’île Maurice (voir le lien de mon article ci-après, le tout premier qui apporte la preuve de son efficacité à un niveau national: https://www.lemauricien.com/…/maurice-une-reponse-a…/345744/), au Maroc, dans des états du Brésil…

Raoult a fondamentalement raison. Les français doivent en tenir compte pour les temps à venir.

© KT, 25 JUIN 20

CARNET DU DÉCONFINEMENT 43

TRILOGIE: Chistophe Colomb décapité (II)

La réflexion qui suit était précédée par l’article «Gandhi déboulonné», dans le sillage du mouvement des statues après l’asphyxie de George Floyd. Aujourd’hui, nous nous adressons à l’ancêtre de tant de maux et de mots, le «découvreur» Colomb.

A lire ici.

CARNET DU DÉCONFINEMENT 44

Une vérité à méditer quand on se rend aux élections d'aujourd'hui ou de demain. Ces observations sont d'une triste réalité et tellement d'actualité quand on connaît bien les réalités du pouvoir dans sa commune ou ailleurs où le clientélisme, le népotisme, la médiocrité rivalisent avec le laxisme. On a vu la réalité de cela pendant la crise, où on a signé absent.e.s pour les masques etc
Il s'agit de rester clair dans son choix et combattre des systèmes en place qui kidnappent les postes de maire et autres pour ses propres intérêts, pour sa propre carrière et pour des actes confortant les assises du pouvoir corrompu en place qui arrose les copains et copines alors que les vrais enjeux de la délinquance, du chômage, du décrochage scolaire, des incivilités et tant de choses du quotidien sont enterrés sous des calculs personnels et des profits éhontés.

C'est le deuxième tour des élections municipales en France, en pandémie. Chacun a vécu dans sa communes les vides sidéraux des autorités, ou pas, et chacun doit agir en conséquence.

La politique des médiocres, dont le but est de se remplir les poches et d'utiliser leurs communes comme tremplins personnels est dangereux pour nos bien vivre ensemble car on constate combien les choses se dégradent.

Chacun est acteur de sa ville, sa région et son pays.

Le covid 19 nous met devant des urgences. Les équipes en place, qui ont brillé par leurs absences, petits arrangements avec la réalité, qui sont des planquées, des viviers des médiocres doivent etre sanctionnées.

La politique a besoin d'un regain des gens qui s'engagent pour leurs villes et non leurs carrières et leurs cours des courtisans médiocres.

Bon vote à vous et soyez prudent.e.s dans vos bureaux de vote car le virus est encore là...

Ce sera mon Carnet du déconfinement jour 44.

(c) KT, 28 JUIN 2020

CARNET DU DÉCONFINEMENT 45

Bon, même au foot, on joue sur une pelouse verte...

Lyon, capitale de la résistance, deviendrait-elle la locomotive du changement?

Une nouvelle page commence pour cette ville dynamique, créative, qui a vu naître le cinéma avec les frères Lumière.
J'ai connu le maire sortant, Gérard Colomb, qui a fait beaucoup pour Lyon, avec ses faiblesses.... Pour moi, celui qui a lancé Macron, c'était son QG ici, a été « délesté » par lui. Son poste de ministre de l'Intérieur aura été fatal pour «sa» mairie. En effet, il n'a jamais pu pleinement récupérer les manettes à la place de l'Opéra après son règne contrasté à la place Beauvau. La preuve: le fidèle adjoint Képénékian, qui le remplaçait comme maire, a créé une liste dissidente qui a récolté 17% des voix, laissant le dauphin de Colomb, Cucherat avec 30% des voix. Sa dynamique était cassée. Il ne sera pas président de la Métropole non plus. Il fallait, de toute évidence, du sang neuf à cette ville.

Une page se tourne et les Verts font une entrée fracassante dans la ville, et certainement, au niveau national, à confirmer aux législatives dans deux ans. Le mouvement macronien n’a pas réussi une implantation locale et c’est plutôt rassurant.

J'émets un bémol, cependant, à cette victoire, étant échaudé par la politique.

Il faut que cet élan citoyen, ce désir de changement, ne soit pas déçu une énième fois. Qu'ils le veuillent ou non, ce sont les écologistes qui ont la possibilité de rassembler des fragments de la gauche, des diverses gauches, même celle de la gauche caviar style Valls et compagnie. Ils ont la responsabilité lourde d'imaginer une autre France, une autre politique, plus citoyenne, plus respectueuse de l'écologie, loin de la politique des systèmes et des petits copains.

N'oublions pas une chose, cette écologie-là a bénéficié de l'effet coronavirus. Les mensonges de Macron au sujet des masques, les contradictions de sa communication infodémique, analysées dans nos chroniques aux temps du coronavirus, ont signalé une vision assez surprenante d’un chef de guerre sans gel et masque, aux consignes embrouillées.

Donc, il s'agit là d'un réel élan populaire, d'une nouvelle conscience née du covid, qui veut faire de la politique autrement.
Ce désir de se démarquer des establishments, des partis vieillissants, déconnectés des réalités, trop proches du carriérisme, ne doit pas être trahi, car les Verts sont, après les Gilets Jaunes, le dernier barrage face aux extrémistes du RN, qui ont pris la ville de Perpignan hier, une ville de plus de 100.000 habitants qui leur manquait...

Ce tsunami des écologistes est un camouflet au Rassemblement national de Le Pen, et aussi au centre macronien qui fête ses 3 ans avec un coup de wasabi lui remontant au nez... Même si Macron dit que l'on ne peut pas tirer une leçon pour le national à partir du fait politique local, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : il y a là, en pleine pandémie, une volonté de faire respirer le fait politique autrement et le débarrasser de ses parasites et autres apparatchiks...

Il y a une vague verte, mais il y a aussi une vague de désaffection avec la politique, 60% des gens s’étant abstenus. LE MESSAGE EST CLAIR. Donc, ce tsumani vert peut aussi vouloir dire que les gens désabusés ont voulu redonner un élan à la politique mais qu’il ne faut brader cette volonté populaire sur l’autel des alliances et du pouvoir (les Verts viennent de dire qu’ils n’entreraient pas au gouvernement).

Cependant, n'oublions pas que les verts ont parfois fait des alliances avec certains, que la morale pourrait réprouver. La real politik ne doit pas l'emporter dans les temps actuels. Il faut se méfier des maquillages électoraux et politiques. J'en donne pour preuve ce qui s'est passé à 10 minutes de Lyon, à Vaulx-en-Velin, une commune de 50,000 habitants, où il y a eu « collusion » entre EELV (écolos) et le PS de la maire sortante, qui a eu un mandat critiqué en matière de sécurité, de chômage, de décrochage scolaire…

Même si la liste sortante n'a pas fusionné avec celle de Richard Marion, chef des verts, il y a eu un drôle d'accord. Je cite France Info: "Malgré des discussions avec l’écologiste Richard Marion, aucune fusion avec EELV n’a pu être opérée, mais pourtant, le même Richard Marion fait partie des colistiers d’Hélène Geoffroy aux élections métropolitaines.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/…/municipales-2020-…

On voit ce que cela signifie. Ont-ils voulu faire barrage coûte que coûte à l’opposition qui avait le vent en poupe?

D’ores et déjà, on peut comprendre que la montée des écologistes ait donné un coup de pouce à la maire sortante dont l’alliance avec les Verts est «cryptique». Elle passe de 40% à 44% des votes, avec une abstention de plus de 70% dans la commune, ce qui est significatif sur la désaffection des vaudais.e.s avec la politique pratiquée dans cette commune.

Dès lors, on peut aussi se poser des questions sur ce choix d'alliances déguisées des Verts avec une équipe qui a coupé des arbres à Vaulx Village et promu le bétonnage de la ville à tout-va... La question se pose vraiment.

Cela fait penser que les Verts ont fait des petits arrangements avec la conscience écologique dans ce coin de la région lyonnaise...

Vague verte colorée parfois de rose, donc, alliances parfois contre-nature pour accéder à la magistrature, est-ce que cela annonce les couleurs à venir, surtout avec des zones d'ombres devant un taux d'abstention RECORD pour des élections en France, de quelque 60%...

UN MOUVEMENT LOCAL QUI MONTE

Un point positif, cependant, dans la même ville de Vaulx-en-Veli : la montée en puissance de Nordine Gasmi, un candidat sans étiquette de l’Union de Vaudais Indépendants, qui a progressé de 11% entre les 2 tours, passant de moins de 15% à 26% des votes, faisant entrer, en dehors des appareils politiques, du système vissé en place, 6 élus à la mairie vaudaise. Cela, dans une ville gangrénée par un système qui a découragé les citoyens du fait politique et où on affiche 75% d'abstentionnisme chronique.
Gasmi, une figure emblématique de la ville, a franchi le périphérique hier, adoubé par un mouvement vert local, le Collectif des Ecologistes Vaudais (indépendant de EELV). Ce fait est nouveau, car il redonne espoir à la politique locale, où des citoyens se prennent en mains, pour lutter pour leur commune, en dehors des calculs des pouvoirs établis. Même en dehors d’un mouvement vert plus établi et structuré au niveau national, celui qui a pris Lyon hier.

Notons que la maire sortante, qui est entre le vert et le vide idéologique avait aussi flirté avec LREM, suite à une démarche de JM Girier, ce proche de Macron, qui désirait «liquider les PS». Girait écrivit une lettre: «Pour fournir au président de la République des noms de socialistes potentiellement intéressés par ce rapprochement, l'ancien collaborateur de Gérard Collomb imagine confier la tâche de chasseurs de tête à plusieurs personnalités. Dont Hélène Geoffroy, la maire PS de Vaulx-en-Velin». https://www.lyonmag.com/…/helene-geoffroy-approchee-par-lre…

Il y a donc des alliances issues des verts clairs, de vert-de-gris et des verts-bouteille... La politique étant souvent une question de prisme qui se change en mirages, l'électeur a le droit de discerner entre 50 nuances de vert ou de rose avec une couche verdie...

En tout cas, en dehors de ces observations, un fait s'impose: "En gagnant à Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Poitiers ou Grenoble, et en participant à la victoire à Paris ou Marseille (en troisième tour, car la droite vacille, mais sans majorité claire actuellement, Samia Galli va devoir arbitrer, il me semble, MON COMMENTAIRE…), les écologistes s’imposent comme une force politique de premier plan". Les Verts sont désormais en position de "king makers", des "faiseurs des rois", une situation issue de la pandémie. Mais une situation délicate, qui demande à éclaircir les choix des alliances à venir…

Les votants, avec un taux d'abstention record - la première vague SIGNIFICATIVE de ces élections d'hier - ont eu à coeur de penser un "autre monde", un monde du «jour d'après» que le même Macron, dans un effet de manche, avait prédit dans son discours concernant sa ‘guerre’ contre le covid, sans jamais nommer le mot «confinement». Il ne savait pas combien les faits lui donneraient raison lors des municipales. LREM n’a eu que 10,000 conseillers municipaux sur 500.000 en France. La cinglante défaite de Buzyn à Paris, qui a été pitoyable lors de la crise sanitaire, est la preuve du fiasco de LREM. Elle ne sera même pas conseillère municipale... Et cela ne me rend pas particulièrement triste.

Les municipales ont donc été à l'encontre du mouvement macronien, questionnant ce centre à géométrie variable qui a récolté des impérities de l’exécutif lors de la gestion de la crise du covid-19.

Les abstentionnistes et votes blancs sont à entendre. Tout comme l’expression, avec la percée historique des verts, d’espoirs nouveaux pour un vrai jour d'après, ceux qui nous sortent des appareils de pouvoir concernés, qui utilisent la politique pour se placer.

Les Verts, je dis oui, mais avec vigilance, car les terrains, avec ce taux d’abstention historique, sont glissants et propices à des reniements, comme le cas vaudais le laisse entrevoir… Même dans son camp, Macron aurait tort de mal analyser la réélection écrasante du boxeur Edouard Philippe au Havre, alors que l’on sait qu’il y a tension au sommet de l’état. Il gênerait même Macron dans son projet de remaniement gouvernemental, devenant, avec sa victoire aux municipales, un «présidentiable»…
A suivre, car la politique nous a souvent habitués au pire… Un élément à considérer dans cette vague verte: même des quartiers populaires et pas que des beaux quartiers ont voté écolo... Cela ne signifie pas un mandat en blanc pour les Verts.

© KT, 29 JUIN 2020

CARNET DU DÉCONFINEMENT 46

À L'INSTANT: j'ai écouté le discours dintronisation de ce ténor du barreau, Éric Dupond-Moretti au ministère régalien de la Justice. Il met des couleurs à ce gouvernement Castex, n'ayant pas pratiqué la langue de bois usuelle. Il contraste avec la passation de pouvoir terne entre Castaner et Darmanin à l'intérieur, où celui qui est accusé de viol, la justice tranchera, a trouvé la gestion du covid exemplaire et que l'ennemi prioritaire les 'islamistes politiques et separatistes', pour abonder dans le sens de Macron chassant sur les terres de l'extrême-droite...

L'ancien avocat a dit, des ses premiers mots, que son ministère n'est pas celui de la guerre mais celui des libertés. Cette pierre dans le jardin rhétorique du pouvoir en place ne me déplaît pas.

EDM a aussi souligné qu'il connaît la justice de façon charnelle et humaine et non comme un technocrate.

Il a promis d'humaniser la justice.

Et annoncé en quelques mots sa feuille de route. On verra à l'épreuve des faits...

Moment d'émotion quand EDM évoque sa mère, 'française de préférence, immigrée qui a pleuré en entendant la Marseillaise.

Il promet de prôner l'antiracisme et l'humanisme.

EDM, qui s'est dit fier de défendre la personne de tous ceux qui sont traduits en cour, y compris Merah ou Pétain, est une figure qui n'a pas marché ses mots.

Un ministre à suivre...

(c) KT, 7 juillet 2020

CARNET DE DECONFINEMENT 47

SILENCE et alentours.

Me vient à l'esprit ce haïku du sage Basho :
"Ah ! Le vieil étang
Une grenouille y plonge
Le bruit de l’eau".

En "dépassant" ce texte formellement,
j'ai retranscrit "le" silence ainsi :
"Vieil étang. Silence.
Une grenouille saute dans l'eau
Nouveau silence"...

Autour de soi, le silence, le vrai.
Chargé de sens, de contexte, de vrais sons.
Pas des discours sans diapason,
Pas de mots en contorsion...

LE SILENCE pour dépasser
Non seulement de mots à l’envie,
Mais des mots évités, des idées dévidées,
Aux sources des vanités covidées.

Silence, l'élégance de la parole incarnée.

Un silence revenu à sa source,
Loin des paroles avariées,
De discours pétris et rassis,
Des gargarismes et des arguties.

Silence, l'élévation de la parole incarnée.

Le vrai silence, où l’on s’entend parler,
Avec les vérités de soi et des altérités,
Pas celui qui sert à court-circuiter
Bruits de grenouilles cigales et bovidés.

Le silence sépare le grain de l’ivraie,
Silence réparateur des idées…
Une bouffée d’air pour faire avancer
Les vraies nouveautés…

Oui, le vrai silence goûter,
Pour enfin s’écouter,
Pas pour céder à l’orgueil pétrifié,
Mais à la parole porteuse de vérités,
Libérée de nos besoins de parler,
Juste pour parler ou se parler
Ou encore s'écrire pour s'écrier.

Silence, l'élévation de la parole incarnée.

Car sans nous, le silence fait briller
Les vérités faites pour durer…
Sans nos mots pour les astiquer...

© KT, 16/7/20

Je signale en passant une intéressante parution dédié au silence dirigée par B. Troude, important pour l'été en cours après les fausses informations et polémiques sur la pandémie et au-delà...

CARNET DE DECONFINEMENT 48

Mes premiers mots de théorisation en 1996: «...avant d’être homme nouveau, je suis homme en devenir».

Coolitude, créolité: nos codes naissent à la matrice de nos exils. Cette tangente, cette «tracée» est d’autant plus prégnante pour les descendants de l’immigration indienne que les coolies sont les derniers arrivés dans le code de la complexité des sociétés plurielles.

La transposition de visions du monde est le génie premier du métissage. Enfants d’amour de discours, de littératures française, anglaise, indienne, chinoise, africaine, caribéenne, de la négritude, de la créolie, de la créolité, de l’indianocéanisme ou d’autres inspirations plurivoques, les textes coolies sont palimpsestes. Travaillant sur des étagements de discours, ils réinvestissent les langues comme réservoirs de signes et de symboles". C'était il y a 24 ans dans l'article "Coolitude" de Notre Librairie...
Depuis, je n'ai cessé d'arpenter créolité, indianité, créolisation et coolitude. D'autres textes sont à paraître, tant ce travail me passionne et le sillon fécond.

Voici ce que j'écrivais, par exemple en 2006, au Festival Kreol de Maurice, suite à une réflexion de Mahen Bhujun sur le terme "créole" à Maurice:

"Cette dichotomie: langue commune, lingua franca opposée à l’identité restrictive interpelle Bhujun: «Car malgré les mille définitions que donnent dictionnaires, encyclopédies et recherches universitaires du mot créole, aucune ne sonne juste. Aucune ne semble correspondre à cette réalité si complexe que nous vivons à Maurice». Cela dit que le créole est un terme qui ne résonne pas pareil d'un espace, d'un groupe de personnes à l'autre. Aussi, dans le même article je disais ceci : "L’on comprend qu’il affaiblit l’acception ethnique au profit du sens de ce qui constitue un pan de la mauricianité, et qui n’est pas posé nommément : la créolisation, c’est-à-dire, une créolité qu’il place volontiers en guillemets, pour faire ressortir tout ce qui a été «acclimaté» en nos modes de vie, nos modes de parler et de penser, et qui s’ouvre aux diversités, sans exclusive aucune. Créolité, créolisation et coolitude sont en relation ici". Entre ces termes, la passerelle conceptuelle de la coolitude s'était façonnée depuis des décennies:

"Ce qui est significatif, c’est que Bhujun reprend le credo de la coolitude, que j’ai le plaisir de partager avec la «créolité»:
Coolitude: parce que je suis créole de mon cordage, indien de mon mât, européen de la vergue, je suis mauricien de ma quête et français de mon exil. Je ne serai toujours ailleurs qu’en moi-même parce que je ne peux qu’imaginer ma terre natale…. », car établir sa référence à une identité n’empêche pas une relation ou identification avec une autre, ou à autant d’identités que la personne peut mettre en présence avec la sienne propre". Une identité-corail, ancrée et ouverte aux flux, aux mouvements, qui a fait son chemin aux Antilles anglophones et francophones, comblant une lacune conceptuelle:

"C’est aussi la raison pour laquelle, bien que j’ai dit dans un article intitulé «Coolitude» que «la coolitude est à l’indianité ce que la créolité est à la négritude» (3), pour indiquer le désir d’ouvrir l’identité atavique à la réalité d’autres identités, mon propos et mes développements initiaux comme ultérieurs portés sur la coolitude, définit sans ambage une mise en relation des Indes (pays de la mosaïque, de la diversité culturelle) avec les Afriques, les Europes, les Amériques et l’espace arabo-musulman, avec un souci de l’entre-deux, de l’imaginaire corallien, récemment débattu à l’Université de Maurice, lors de mon séjour au pays. La coolitude est la veine jugulaire de la créolisation. Elle remet en perspective une tessère de la mosaïque qui ne saurait ne pas donner toute sa tonalité pour enrichir le Divers".

La coolitude est le premier concept né des migrations indiennes, explorant les champs de la créolité et de la créolisation, mettant en avant une centralité océanique, reliant, entre autres, océan Indien et l'Atlantique. Des réflexions sont à paraître en ce sens.

Il est indéniable, par exemple, comme la dernière affaire Pirbakas en Guadeloupe l'a indiqué lors de la reconnaissance de l'esclavage comme "crime contre l'humanité" par le Parlement européen, que le travail est plus que jamais d'actualité et je m'y attèle... Nos imaginaires sont reliés, avec ses collisions et collusions, c'est le champ de mes 30 ans de théorisation et de poétisation de la coolitude

L'article à lire en cliquant ici, dans son contexte du Festival International Kreol à Maurice:

https://www.afrik.com/creolite-coolitude-creolisation-les-i

La version originale ici:

http://africultures.com/creolite-coolitude-creolisation-l…/…

(c) KT, 21 Juillet 2020

JOURNAL DE DECONFINEMENT 49

Doudou Diene, un compagnon sur la route des arts et des idées, qu’est-ce ?

A travers cette question, je parlerai de Doudou Diene, un homme de culture, un compagnon et une bibliothèque ambulante. Un homme qui m’a inspiré et m’inspire encore pendant plus de 25 ans.

J’ai rencontré plusieurs fois, dans ma vie de sémiologue, de conférencier et d’écrivain, le terme «compagnon» ou compagnon de route. C’est un terme que je n’utilise pas à la légère, car il est empreint d’une tradition, d’une éthique et non d’une déclaration intempestive. Ce terme est noble et baigne donc dans une histoire commune, librement consentie, dans le respect, dans une construction éthique qui s’impose, surtout dans le monde des idées.

Doudou Diene est un de mes compagnons de route. Il a le premier utilisé ce terme à mon égard il y a plus de dix ans, et j’en étais honoré. Pour cause, nous avions été présentés au siège de l’UNESCO il y a plus d’une vingtaine d’années, lors de la première commémoration de l’abolition de l’esclavage à l’organisme onusien, à Paris. Il lançait la route de l’esclave, je lui ai parlé de la route des engagés ou coolies. Je venais de publier mon ouvrage Cale-d’Etoiles quelques années auparavant, ouvrant l’engagisme sur d’autres mémoires et histoires.

Diene m’avait dit de patienter, de continuer de construire ENSEMBLE. C’est ce que nous avons fait, pour mon plus grand bonheur. Pour ceux qui ne connaissent pas le grand Diene, je mets ces liens en référence (https://fr.wikipedia.org/wiki/Doudou_Diène et https://www.jeuneafrique.com/…/dix-choses-a-savoir-sur-dou…/).

Il est, pour moi, avant tout, le concepteur des Routes du Dialogue de l’UNESCO, en plus d’être un attentif ami qui m’a ouvert au monde de l’esclavage et avec qui j’ai initié la Route Internationale des Engagés ou International Indentured Labour Route, classée à l’agenda de l’UNESCO en 2016.

Un compagnon, quelques définitions

Des dictionnaires en ligne donnent des définitions du mot compagnon, dont : « 1. Personne qui vit en état de concubinage. 2. Ouvrier, artisan, dont le statut de stagiaire le place entre l'élève et le maître. 3.Personne qui partage certaines occupations et occasions de sa vie avec une autre. 4. Ami qui est fréquemment en compagnie d'un autre " compagnon de boisson " ou " compagnon d'armes " 5. Personne avec laquelle on entretient, de manière plus ou moins régulière, des relations familières. 6 Membre de diverses confréries lorsqu'ils s'appellent entre eux ».

Diene combine les définitions 2, 3, 4, 5 et 6 dans ce compagnonnage de même que Moussa Ali Iyé, ex-directeur de ces routes à l’UNESCO aussi. J’y reviendrai dans un autre écrit.

Aussi, je pense que ce terme « compagnon », incarné dans notre expérience de compagnons de route de l’UNESCO, terme que nous avons allègrement partagé, est noble, car Diene m’a souvent fait bénéficier de son expérience, de ses ouvertures et de sa sagesse. Cela continue encore, nous avons échangé au téléphone la semaine dernière, sur des projets en cours… Concrètement, dans cette notion de compagnonnage, il y a des échanges basés sur une valeur humaine et fraternelle, avec une transmission formelle ou informelle à la clé. Et surtout, sur le respect du travail de chacun, une vraie reconnaissance des contributions et des idées de l’autre, dans le sens d’une construction commune pour faire avancer une idée, un projet, un idéal.
Donc, cela demande une vraie base humaine, que nous avons partagée. Et cela m’a enrichi, sans conflits ou irrespect aucun. Cette relation est forte, féconde, fine. Cela ne veut pas dire que nous sommes d’accord sur tout, mais nous en discutons, nous affinons, nous actons dans une vision construite éthiquement. C’est avec Diene que j’ai pu faire émerger, pour la toute première fois à l’UNESCO, l’idée d’une Route des Engagés, idée que j’avais aussi partagée avec Federico Mayor, ex-DG de l’UNESCO, qui m’avait écrit (je garde précieusement sa correspondance) pour me dire que l’UNESCO intégrait la coolitude dans sa politique interculturelle, chose qui s’est confirmée quand elle a commencé à penser le classement de l’Aapravasi Ghat puis du Morne au Patrimoine Mondial de l’Humanité au début des années 2000. Moussa Ali Iyé m’avait transmis un travail à faire en ce sens… Donc, un compagnonnage avéré, et vécu, et qui a mené à des concrètes réalisations dans un esprit de respect et de partages. Un réel plaisir partagé dans l’éthique d’une mission.

L’esprit de partage

L’esprit de partage, c’est aussi cette communauté de vues et de valeurs que l’on acte dans nos écritures et actions, sans réel besoin de se concerter. Par exemple, dans la polémique en cours du déboulonnage des statues, j’avais écrit un triptyque sur Gandhi, Colomb et le coolie (https://www.potomitan.info/torabully/coolie.php et en 2017, http://www.potomitan.info/torabully/hill.php). Diene m’avait fait parvenir, sans que nous ayons échangé auparavant, son entretien à RFI et un article paru en Suisse presque en même temps. J’avais écrit, sans le lire, que mieux que le déboulonnage de la statue, il serait intéressant de déconstruire les idées reçues, les mythes et représentations derrière les statues. Aussi, je n’étais pas étonné de lire la réponse de Diene, dans un entretien, à la question suivante : « Faudrait-il déboulonner les statues de Voltaire? ». Il dit avec autorité : « Non, je ne crois pas, mais il faut enseigner la part obscure des grands hommes et de l’histoire européenne. Il faut déboulonner les constructions mentales ». Pour citer Diene, il faut changer nos lunettes culturelles ou, pour le pasticher, changer d’opticiens ou d’optiques… Cet exemple de vision en partage, sans concertation, c’est cela aussi le compagnonnage, sans esprit de carriérisme ou de compétition mal venue. Cela n’a jamais été une zone malsaine entre nous. Et cela a fondé un esprit en partage, une éthique en action.

Par exemple, lors d’une courte vidéo à l’intention des jeunes, Diene dit ceci : « Il nous faut une vie éthique, une relation saine aux autres et autres formes de vie, un sens de l’unité au service des autres »… (https://vimeo.com/289312165). Donc, des valeurs solides, humanistes nous unissent. Cela était apparent dès nos premiers échanges. A l’époque, j’avais conceptualisé l’esthétique du kala pani, cet océan sombre que j’avais désenclavé de ses perceptions, représentations et prisons mentales, pour archipéliser les mémoires, histoires et imaginaires, de l’océan Indien, à la Méditerranée et l’Atlantique…
J’y avais posé l’idée de l’humanisme de la diversité à travers le compagnonnage de voyage à bord des bateaux coolies. Les engagés y tissaient des liens entre eux, devenant frères et sœurs de bateaux (jahaji bhai et behen), pour franchir les abîmes des réfractions spirituelles, identitaires ou de castes . Dans cette relation de traversées océaniques, j’avais relié les cales des bateaux négriers avec les passavants des navires coolies.

Grâce à Diene, cette relation de frères de bateaux, passerelle entre deux histoires, engagisme et esclavage, s’est incarnée, comme dans les partages que j’ai eus avec son successeur à l’UNESCO, Ali Iyé.

Pour clore cette exploration du terme compagnon en puisant de ma relation de partages éthiques avec Doudou Diene, puisque nous sommes à l’ère d’internet, une question m’avait été posée : Peut-on avoir des « compagnons de route » sur FB ?
Je pense que cela est possible, quand ces critères énumérés plus tôt sont dans les faits. Mes compagnons s’y reconnaîtront et ils sont nombreux…

Donc, c’est possible, quand le respect du travail et de la personne de l’autre est confirmé, quand on ne veut pas noyer le poisson en harponnant ses idées dans les partages que l’on met avec confiance sur les murs. Sinon, c’est un ballet de double-faces ou de harponneurs qui ont tôt fait de votre travail et de vos idées, « les leurs », avec quelques légères modifications ou dans une traduction qui ne trompe personne.

Dans ces flux « d’amis » qui vous visitent, en effet, il y en est qui semblent vous font croire que vous êtes leurs « compagnons de route ».

Mais, même sur un mur, on reconnaît ses ami.e.s à l’épreuve des faits.

J’ai découvert que l’on peut être compagnons avec des personnes de grande valeur dans les réseaux sociaux, qui sont sur ma page, que j’ai rencontrées ou non – je les salue au passage -, mais dont je perce leur sens éthique ou non dans les disséminations de vos idées ou écrits. Quand ceux-ci qui sont utilisés pour leurs propres profits, l’écueil affleure...
Tristement, j’ai lu des tentatives de dans ce sens. J’ai aidé des gens qui m’ont contacté, j’ai parlé de leur travail, j’ai répondu à leurs questions dans un esprit ouvert, de « compagnonnage », et après, j’ai été surpris de lire que la source a été « oubliée », « maquillée », effacée aussi, à ma grande surprise… J’ai lu des ouvrages, des chapitres, des projets dans ce sens. Mais on sait ce que l’on a écrit, publié, partagé et, mais cela ne peut mettre en péril l’épistémologie, l’histoire des idées qui grave dans le marbre le travail entrepris auparavant, seul ou avec des compagnons de route. L’apparente volatilité de l’internet n’y peut rien ni la logorrhée que certains déploient pour faire d’un maquillage rhétorique de votre production le « vrai » visage de leur authentiques trouvailles, sans parler de coteries ou réseautages (souvent faits de vos propres ami.e.s que l’on vient débaucher sur vos posts) pour poursuivre leurs aventures « intellectuelles » ou « artistiques ». Pitoyable sens de compagnonnage ou manque de connaissance du travail d’autrui que l’on réinvente en prenant soin d’effacer la fonction citationnelle… L’internet, par son copier-coller et léger travestissement des faits et des idées, est-ce le nouveau bazar des marchands de livres tapis derrière votre anonymat ?

En plusieurs décennies, dans mon magnifique et vrai compagnonnage, je dis ma reconnaissance à Diene, qui m’a donné la profondeur du terme « compagnon » : celui qui respecte dans la confiance que vous lui avez accordée, pour faire de votre travail une passerelle où les valeurs partagées dans la durée sont au service des humanités.

© KT, 28/7/20, JOURNAL DE DECONFINEMENT 42

Quelques liens supplémentaires sur Doudou Diene :

https://www.letemps.ch/…/doudou-diene-racisme-sorti-bois-ce…
https://www.liberation.fr/auteur/10671-doudou-diene
https://www.afrik.com/doudou-diene-maitre-en-dialogue-inter…
https://fr.wikipedia.org/wiki/Doudou_Diène

JOURNAL DE DECONFINEMENT 50

DEMAIN, EN MARTINIQUE, ON VEUT METTRE GANDHI À TERRE

On veut déboulonner le buste de Gandhi à Fort de France demain.

Selon un collectif d'activistes, Gandhi était négrophobe et ceci, sans rémission. Nous savons que cette version des faits est partielle, partiale et tronquée, car elle ne tient pas compte de la capacité d'un humain d'avoir tenu des propos condamnables et de s'amender.

Cet entêtement questionne profondément, surtout que j'avais réfuté un texte posté sur Potomitan à ce sujet.

Voici l'article que j'avais écrit: http://www.potomitan.info/torabully/gandhi.php

Il me semble que ceux qui veulent se livrer à ce déboulonnement le font au nom de la négritude. Ils s'érigent en défenseurs de la cause noire.

Dans cette croyance, il se trouve qu'ils admirent Mandela, qui a fait tomber l'apartheid en Afrique du Sud. Ce militant de la cause noire, icône de la liberté mondiale, cependant, a su faire la part des choses.

Être pour la cause noire ne signifie pas lire l'histoire à l'aune d'un texte écrit sur un site.

Mandela a lu Gandhi dans la complexité.

Il a rendu hommage à Gandhi, lors du dévoilement de la statue de Gandhi à Johannesburg, rappelant que c'est lui qui a donné l'outil de la non-violence aux militants de L'ANC.

Mandela a compris les erreurs de Gandhi et a contextualisé celles-ci.

En tant que victime du système de l'apartheid, nul autre que Mandela n'aurait pu condamner Gandhi sans rémission.

Pourtant, il lui a rendu hommage, en s'appuyant sur son parcours de vie, ses combats, son évolution. Oui, SON ÉVOLUTION.

Donc, condamner Gandhi sur la première partie de sa vie de colonisé, ignorant des altérités, c'est condamner toute l'humanité en prétextant que l'on doit payer toute sa vie pour des erreurs tenant de mauvais choix ou de l'ignorance, sans capacité d'évolution.

Le sage Mandela a bien situé les choses en disant sa reconnaissance à Gandhi.

Qui mieux que lui pouvait 'juger' Gandhi sur le terrain de la négrophobie?

Aussi, avant de déboulonner Gandhi, ces activistes devraient lire Mandela au sujet de son mentor Gandhi.

Aussi, je vous prie de faire circuler mon message, pour prévenir un fossé que ce déboulonnement pourrait creuser entre deux composantes des sociétés antillaises. On me dit qu'il est prévu pour demain.

Quelle mauvaise lecture des faits de la part de ce groupe!

Il serait ironique que l'on utiliserait le symbole de la non-violence pour ranimer la haine entre afro et indo descendants aux Antilles. Pour ne pas dire plus...

Arrêtons cet acte insensé avant qu'il ne soit trop tard, car les activistes annoncent leur acte pour demain... Gandhi a été tué par un extrémiste hindou.

Est-ce que demain, aux Antilles, en déboulonnant Gandhi, ne tuerait-on pas aussi un peu de l'œuvre de Mandela et de Luther King, héritiers de la non-violence gandhienne?

Tuerait-on Gandhi deux fois en Martinique?

Espérons que la raison prévaudra...

Inspirons-nous plutôt de nos mémoires communes en ces temps de Covid pour grandir ensemble...

(c) KT, 31 juillet 20

 

JOURNAL de DECONFINEMENT 51

Cedrus libani. Photo Francesca Palli.

Avant-hier, dans ma lecture au Festival Internacional de Medellín, je parlais du marin phénicien...

Quand je vois ce désastre, je sens ma poésie défaillir...

Pourtant, il faut continuer le voyage des solidarités. Ce pays dévasté s'est toujours mis debout.

Quand je l'ai visité il y a une quinzaine d'années, j'ai compris son passé, son esprit maritime qui a posé des bases d'une forte personnalité sur les mers. Une présence trempée, qui a traversé le temps.

Durant les guerres, on disait le Liban défunt.

J'y ai retrouvé l'esprit des constructeurs encore et encore. J'y étais juste après l'assassinat de Hariri.

Avec beaucoup de peine, le Liban étant empêtré dans une des crises les plus graves de son existence, conjuguant crises économique, politique et pandémie, ce peuple remarquable reconstruira ce quartier. Il renaîtra de ses cendres. Je connais la résistance de ce grand peuple.

Il est à la croisée du monde. C'est une force géopolitique et une faiblesse aussi, faisant du Liban la proie des convoitises...

Il retrouvera des forces dans son passé douloureux et prestigieux.

Pour l'heure, le poème de la douleur a l'accent du cèdre du Liban et aussi son formidable enracinement dans la vie. L'arbre emblématique de ce pays a toujours su franchir les écueils des mers, pour épouser l'horizon nouveau.

(c) KT, 3.8.20

JOURNAL de DECONFINEMENT 52

Cedrus libani. Photo Francesca Palli.

UN BEBE NAIT DANS LES EXPLOSIONS, LE SYMBOLE DU LIBAN?

Voici l'image que je veux garder de l'explosion de la zone portuaire de Beyrouth, la naissance miraculeuse de ce bébé, Georges, qui dort du sommeil des justes à l'heure actuelle...

Les images nous montrent le souffle des déflagrations. Le black out et l'accouchement. L'équipe médicale a fait son devoir: préserver la vie, la protéger. Tout cela a été fait dans un remarquable sang-froid. Dans mes posts, je disais qu'en dépit de l'ampleur du désastre, le peuple libanais saura rester debout. Il a su traverser d'autres épreuves. Georges en est le flamboyant exemple... Il est né quasiment au milieu des explosions.

Son coeur s'est ajouté au battement de l'espoir de cette ville criblée de balles, de dettes, de virus. Il est en pleine forme. Il vient d'un peuple qui essaie de se penser au-delà des clivages que des puissances ont institué pour leurs petits et macabres jeux de domination. Georges ne demande qu'une chose : vivre en libanais, dans un pays pluriel, dans le respect de l'autre, loin des fracas calculateurs des "grands", qui plongent l'avenir des libanais dans un marasme sans nom.

Ce pays est retourné à la rue, pour demander le départ de l'élite corrompue, à la solde de puissances étrangères.

Le peuple ne veut plus de cette caste qui ne pense qu'à ses intérêts, qui a mis en place la bancocratie, qui détourne des fonds, qui se moque des problèmes des libanais.

Espérons que dans ce pays à terre, mais pas à genoux, les voisins de Georges sauront reprendre leur avenir en main, loin des cooptations confessionnelles, au nom d'une identité plurielle voulue par un peuple debout contre ses tyrans, de l'intérieur comme de l'extérieur.

Bienvenue à la vie Georges, la vie vaut la peine d'être vécue et tu es le descendant des preux navigateurs, les phéniciens, qui ont fondé Carthage, donné l'alphabet aux grecs et essaimé les comptoirs de commerce en Méditerranée et au-delà.

On sait maintenant – ironie pour un peuple marin – que c’est un vieux bateau russe qui a déchargé le nitrate d’ammonium à Beyrouth, alors qu’il était destiné pour le Mozambique. L’état du bateau en aurait été le facteur déterminant. D’ailleurs, il a coulé dans le port. Après ce déchargement, d’autres responsabilités demeurent et doivent être déterminées dans ce drame apocalyptique: https://www.lesechos.fr/…/liban-a-lorigine-de-lexplosion-un…

Oui, il faut tirer tout cette histoire au clair, dans une étrange vacance du pouvoir. Georges, qui est né au cœur de la déflagration, serait-il tenté de lutter dans un environnement de plus en plus dégradé, pour reconstruire le pays ou choisira-t-il l’exil, comme la jeunesse libanaise dégoûtée par la corruption et les manipulations des puissants ? Cette question sera certainement à la proue de son avenir : https://www.europe1.fr/…/liban-entre-la-crise-economique-et…

Georges, pour moi, tu es un formidable symbole.

La vie est encore plus difficile pour toi, on le sait. En naissant dans cette explosion, tu as entendu confusément cette montagne de défis qui t'attend dans une région riche en énergies fossiles, objet de toutes les convoitises et des cupidités.

Cependant, le peuple libanais n'a jamais renoncé à son destin, à son espoir têtu d'un monde meilleur.

Cette onde de chocs, serait-elle aussi l'éveil à la vie de ton peuple?

Espérons-le, car tu es né dans une grande Histoire, celle de la Vie au carrefour des civilisations.

Nous nous devons d'être avec toi, solidaires dans la renaissance du Liban, dont le cèdre, arbre solide, est ancré de Byblos à la Bekaa, dont les racines naviguent de Beyrouth à Chypre et au-delà...

(c) KT, 7/8/20


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Viré monté