Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

texte matinal...

Umar Timol

On croit parfois se dénouer dans un autre. Cet autre, être gémellaire, qui nous ressemble, qui est du même vagabondage et de la même quête. On déploie alors sa conscience et on en fait don à l’autre. On se sent enfin compris, l’exil n’est plus qu’un lointain souvenir, on est d’une appartenance. Cet autre cesse la perpétuelle nostalgie, cette part en soi qui est toujours de l’absence. Ce vide.

On a enfin retrouvé la part égarée de son être.

Mais la conscience de l’autre, qui est désormais un miroir, est fugitive. En faire un absolu est s’inscrire dans l’angoisse. Car l’autre recèle désormais la plénitude de notre être. Il a tous les pouvoirs. Dont celui nous détruire.

D’où la perpétuelle tension, désir de cet autre qui nous reconnaît, notre part gémellaire, mais autre qui nous fuit. On croit pouvoir achever sa conscience en l’autre mais on ne peut résilier sa liberté. Une liberté qui est nécessaire car on ne peut accéder à soi que dans la liberté pleinement consentie de l’autre.

On se regarde en l’autre, on se regarde à travers le regard de l’autre, qui n’est, au bout du compte, que son propre regard.

Ames mêlées, enfin réunies, étreintes des larmes lors de la cérémonie de la genèse.

Mais ce désir de l’autre n’est sans doute qu’une illusion. La créature est de la chair, elle connait ses intempéries et ses soifs. Elle ne peut être, dans la meilleur des cas, qu’une possible incarnation de l’absolu.

La gémellité de l’autre est, dans une grande mesure, la labeur d’une chair qui se cherche.

On tend vers l’autre mais on tend vers le Créateur. On se cherche dans la créature mais on cherche le Créateur.

C’est un moindre mal car la créature est un fragment du Créateur. On y décèle sa divinité. L’aimer est accepter son humanité, le transcender est parfaire le divin en soi.

Il n’est au-delà du voile, voile de la gémellité et de son imperfection, qu’un seul Réel.

Viré monté