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La Palestine et nos illusions perdues

Umar Timol

Octobre 2023

On a bien sûr perdu, il y a longtemps de cela, nos illusions sur ce que vous êtes. Il demeure néanmoins les reliques de la nostalgie. Vos valeurs, votre langue, la liberté que vous professez, votre ambition prométhéenne. On ne peut s'en débarrasser complètement. Faut-il d'ailleurs s'en débarrasser? La sagesse requiert qu'on sache faire la part des choses. Mais vous ne pouvez vous empêcher d'aller au bout de ce que vous êtes. C'est plus fort que vous. Vous pouviez, jusqu'à récemment, revêtir le masque de vos bienséances. L'humanisme, les droits de l'homme, le droit international. Les plus naïfs parmi nous y croyaient. Vous bombardiez, vous massacriez certes mais vous aviez des alibis. Vous ressentiez le besoin de les invoquer. Mais les masques sont tombés. Et derrière que voit-on? Non pas des visages. Car le visage appartient à l'humain. Mais des monstres. Car c'est ce que vous êtes. Pas tous, loin de là. Dans vos sociétés, il y a des opposants, des révoltés, des justes. Ils sont nombreux et courageux. Et ce combat hors de vos frontières est aussi un combat au sein de vos frontières. Vous vous exercez à dominer tous ceux, les marginaux, les dépossédés, qui s'opposent à vous. Vous, les classes dirigeantes, des élites, des maîtres de l'univers. Vous êtes des monstres. Plus lieu de prétendre désormais. Soyons les dieux precaires du pouvoir absolu. Exerçons la toute puissance de notre pouvoir sur les indigènes. Libérons la parole raciste et génocidaire. Assumons notre sentiment de supériorité. Massacrons. Tuons. Vous vous y connaissez un peu dans ce domaine, n'est-ce pas? On peut dire que c'est votre expertise. Pas lieu d'ailleurs de faire le sale boulot. C'est votre dernière incarnation qui le fera à votre place. Le jouet que vous avez créé de toutes pièces. Ce disciple qui non seulement se révèle plus doué que le maître mais qui a fait du maître son jouet. Mais vous l'aiderez quand même un peu. Histoire d'être solidaire. Et, aujourd'hui, maître et disciple, on ne sait d'ailleurs plus qui est qui, se préparent aux festivités du genocide. 

Vous tuerez des milliers 'd'animaux'. Vous les exécuterez. Vous les fusillerez. 

Vous en ferez de la chair à pâté. Ils ne sont pas humains après tout. Les amérindiens n'étaient pas humains, ni les aborigènes, ni les malgaches, ni les congolais, ni les algériens, tous ces peuples que vous avez colonisés et détruits.

Personne n'a autant proclamé l'humain au cours de l'histoire et personne n'a autant déshumanisé l'autre.

Personne n'a autant vanté la liberté au cours de l'histoire et personne ne l'a autant assassinée.

Sauf que l'histoire aujourd'hui ne vous appartient plus. Vos sociétés sont sur le point d'imploser sous le poids de votre folie. Et cette guerre apocalyptique que vous menez en est le symptôme. Celui de votre vulnérabilité et de votre peur. Car vous crevez de peur. La gangrène monstrueuse que vous avez répandue dans le monde se répand désormais dans votre chair. Vous ne pourrez y échapper. Votre monstruosité s'insinue dans vos veines, vos artères, votre sang, elle vous éveille à ce que vous êtes, à ce que vous ne pouvez vous empêcher d'être. L'agonie des chairs saccagées est l'agonie de votre propre chair.

Et vous tuerez les indigènes. Mais ils vous vaincront.

Et vous subjugerez vos peuples. Mais ils vous vaincront.

Ils ont le temps de la l'amour et de la foi alors que vous le temps de votre haine et votre finitude.

En attendant, brûlons nos illusions perdues sur l'autel de la liberté, de la vraie liberté, celle des Palestiniens et de tous les 'damnés de la terre'*, d'où qu'ils viennent du Sud ou du Nord.

Umar Timol

* Frantz Fanon

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Viré monté