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Fragment
Ainsi vous construirez avec les filaments de votre être un cocon. Vous vous y enfermerez. Vous vous exercerez à le renforcer. Vous en ferez, à force de travail et de détermination, un refuge indestructible. En ce lieu rien ne pourra vous atteindre, rien ne pourra vous blesser, vous détruire. Vous serez à l’abri, dans ce refuge, qui vous protègera de tout. Ou du moins c’est ce que vous croirez. C’est ce que vous voudrez croire. De toutes vos forces. Car il le faut. Autrement vous vous écroulerez, vous deviendrez poussière. Vous ne saurez ce qui se trouve à l’extérieur de votre refuge. Vous ne voudrez pas savoir. Et vous vous attèlerez à la tache, sans vous arrêter, sans relâche. vous ferez de votre refuge un monde dans son absoluité. Vous n'aurez, à vrai dire, que deux choix. Le premier étant de forger le sens, impérativement, peu importe le nom que vous lui donnerez, peu importe ce qu’il sera mais vous le forgerez, il vous incarnera, il sera le prolongement de votre être. Mais vous saurez qu’à chaque instant ce sens peut vous échapper, qu’il est d’une extrême précarité mais vous ne lâcherez jamais prise. Vous ne pourrez faire autrement. Le deuxième choix étant celui de l’héroïsme, vous fonderez en ce refuge une transcendance, qui se situera dans votre chair, chair que vous élèverez, chair que vous transformerez, vous deviendrez autre, un autre meilleur. Il ne vous sera donné que deux choix. Mais un jour quelque chose se mettra à marteler votre refuge. Vous ne voudrez rien entendre. Vous ne cesserez d’accomplir votre tache. Lové en vous-même. En quête de sens et d’héroïsme. Mais le martèlement ne cessera pas. Qu’est-ce, vous vous demanderez. Mais vous ne voudrez rien savoir. Vous aurez peur. Le martèlement cessera puis reprendra de plus belle. Qu’est-ce donc que cette chose? Vous voudrez consolider votre refuge. Cette chose finira par le détruire. Il est tant de force dans cette chose. Et elle ne cessera de marteler votre refuge, vite, toujours plus vite. Et elle se mettra à le lézarder, à le briser. À le réduire en cendres. En miettes. Vous tenterez de vous enfuir. Mais où aller? Il n’est que ce refuge. Et, au bout d’un moment, votre refuge se fissurera et vous verrez la chose. Vous banderez vos yeux. Vous tenterez de vous aveugler. Mais vous n’y parviendrez pas. Cela vous sera impossible. Et vous comprendrez que cette chose est lumière. Et vous comprendrez que votre chair ne vous appartient pas. Que vous n’êtes rien. Que vous n’êtes qu’un enfant. Qu’il faudra se dépouiller de tout pour être enfin. Et la lumière vous enserrera, et la lumière vous étouffera, le martèlement ne cessera pas, vous serez de la lumière, vous serez la lumière. Votre refuge ne sera plus. Plus rien ne vous protègera de la lumière. Elle sillonnera votre chair, votre peau, elle vous affligera, elle vous rendra à ce qu’elle est. Et vous saurez que toutes vos fictions, celles du sens et de l’héroïsme, ne valent rien. Ou si. Selon le vouloir de la lumière. Vous comprendrez qu’il faut aller au bout de soi pour que la lumière se fasse. Qu’il n’est nul refuge qui nous protège de la lumière. Pour un temps peut-être. Pour quelques années. Mais la lumière vous affligera, nous envoûtera. Nous en sommes les créatures. La lumière est votre genèse et votre achèvement.