Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

exorciser

Umar Timol

J'entends t'exorciser. T'empêcher ainsi de procéder au pillage de mes sens. J'entends, avec mes mots, avec ces mots qui ne veulent rien dire, qui ne revendiquent rien, qui ne sont rien, t'exorciser. Il faut que tu cesses d'infester ma vie. J'ai mieux à faire. Je veux que tu t'en ailles. Je ne veux plus être une loque, un animal, qui se morfond à tes pieds. Je veux t'exorciser, avec mes mots, avec ces mots, qui ne veulent rien dire, qui ne revendiquent rien, qui ne sont rien. Je veux rendre mon corps à l'insoumission. Il faut que tu cesses de me saccager. Je veux défaire cette appartenance. Croire ainsi que je suis parvenu à me débarrasser de toi, que je n'ai plus besoin de toi. Et puis chuter. Parce qu'il a suffi d'un mot, d'un regard. Chuter comme une pierre qui se désagrège dans la lave. J'entends avec mes mots, avec ces mots, qui ne veulent rien dire, qui ne revendiquent rien, qui ne sont rien, t'exorciser. Absoudre ce culte. Avec mes mots, inciser la matière gluante qui m'incinère, qui m'empêche de respirer, de souffler, d'être. Pour que ne demeure qu'un cœur, dénudé, gangréné, empli de terreur et de solitude, qui règne sur l'autel de ta chevelure. Je ne veux plus chuter. T'aimer. Penser à toi. Te désirer. Avoir mal là, cœur, veines, artères, artères pourries, os, os broyés, sang, sang, sang travesti. Je n'en peux plus. Je veux t'exorciser avec mes mots. Avec mes mots, avec ces mots, qui ne veulent rien dire, qui ne revendiquent rien, qui ne sont rien. Avec mes mots. T'exorciser. Alors donne-moi donc tes mains et tes griffes et tes yeux, donne-moi reliquat de tes songes ou fragment de ta chair, voilures de tes nuits ou caverneuses de ta peau, donne-moi ton amour même si tu ne m'aimes pas, donne-moi ton amour, donne le moi, maintenant, tout de suite, amour qui m'ombre et m'aveugle pour que je puisse en faire un crucifix encensé de mots qui servira à t'exorciser jusqu’au bout de mon souffle, de ma mort.

Viré monté