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Annou voyé kreyòl douvan douvan

l'autre

Umar Timol

il aimerait, un jour, rencontrer cet autre, existe-t’elle seulement mais qu’importe, qu'importe, il aimerait rencontrer cet autre, qu'elle l'enlace de toutes ses forces, qu'elle le broie, qu'elle épuise la matière de son corps pour en faire sa matière, qu'elle l'enlace pour qu'il puisse oublier, pour qu'il puisse s'oublier, pour qu'il puisse entamer le cheminement vers le pardon, apprendre à se pardonner mais aussi apprendre à être, que des fragments de bonheur se propagent en lui, qu'elle l'enlace et que ses mots, mots apaisés se déversent en lui, mots ainsi faits, avec mes larmes je lave toutes tes plaies, avec mes rêves je cisèle les vagabondages de tes lendemains, avec ma tendresse je t'enracine dans le souffle de ma peau, avec mes mains je dessine les visages toujours ressassés de ton enfance et il se mettra bien sûr à l'aimer, il ne pourra s'empêcher de l'aimer, est-il possible de ne pas aimer l’être qui vous libère de la solitude et ce sera un amour insensé, un amour fou mais elle saura fonder d’autres mots, mots apaisés, mots ainsi faits, l’amour est une blessure narcissique, il est la quête de ce qui ne peut être en l’autre, il est insoumission et finalement absence mais je t’aime aussi, je t’aime mais autrement, ce n’est pas l’amour d’une mère pour son enfant, pas l’amour d’une femme pour son amant, c’est l’amour noué à la genèse de ton corps, un amour qui t’enfante, un amour qui te permet de renaître à la vie, un amour qui scelle le pacte de soi à soi-même, un amour qui est silence, il n’est de plus grand silence, sais-tu le silence d’un corps qui sait la beauté, sais-tu ce silence, il n’est de plus grand silence et il lui dira alors de ne pas s’en aller, ne t’en va pas, j’ai besoin de toi, aime-moi, enlace moi fort, très fort, je ne peux être sans toi, je suis seul, vide, perdu mais elle saura d’autres mots, mots apaisés, mots ainsi faits, cet amour recèle l’essentiel, il ne dure qu’un instant, une éternité, l’instant de la lumière et elle dénouera ensuite son corps du sien mais il voudra qu’elle l’enlace encore, il n’en peut plus de l’opacité de son corps mais elle s’en ira, sa trace, celle de la lumière à jamais inscrite en lui, inscrite dans les errances de sa solitude.

 

Viré monté