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Lettre à cœur ouvert

Max Rippon

 

J’ai adopté un être inabouti autant que fragile
Il était devenu le temps passant mon épaule silencieuse
Ma béquille complice des jours de nord perdu
Il était bien plus qu’un ami des moments sans espoirs
Il est devenu mon chien mon guide et ma boussole
Nous avons échangé nos confiances
Comme d’autres leur consentement
Comme l’arbre à l’écorce attaché nos pas se sont fondus
Moulés dans la même glaise des solitudes éprouvées
Me voilà honteusement souffrant comme jamais
Devant son cadavre allongé et sans vie
Par la faillite de ma vigilance…
Il fallait que cela se passe ainsi
Ami je te donne mes larmes
Suaire délicat taillé dans ce cristal soumis que tu mérites
J’ai cette peine de te perdre si tôt Myfriend
Mon ami disponible jusques aux limites de la fidélité 
Mon chien attentif à chacun de mes trébuchements
Je méprise l’étalon des souffrances qui fait pleurer
Sur des tons divergents les hommes et le reste
Je m’incline devant ta perte à l’égal de toutes pertes
Toi qui avais choisi la posture de chien pour m’être plus proche
Je ne puis m’empêcher de verser ces larmes encore tièdes
Dans la  blessure vive que ta mort me cause
C’est une épreuve qui me chavire le cœur
Ta mort que je considère à l’égal de toutes souffrances
Ne marquera pas la fin de notre complicité
Toi qui avais mis toute confiance en ton ami
Toi que j’ai maintes fois imaginé ouvrant le cortège
En pleurs des miens suivant en silence ma dépouille
Vers ce lieu ultime de paix où déjà tu m’attends
J’ai imploré à genoux ton pardon pour le calvaire subi
Dans le coffre de ma voiture ce jour à midi
Compagnon défunt dont le rire me fait défaut
Nos rituels bafoués me pèsent tant…
Mes reliefs du souper que ta langue joyeuse râpe délicatement
Ton museau qui espère mon retour
Et tes yeux vifs me suivant pareils à une torche amoureuse
Je n’ai que ces mots pour tisser le drap pudique
 Premiers pas sur le chemin escarpé qui me conduit au deuil
Je t’ai adopté après de mois de patience
Démarche ordinaire d’un homme vers un animal
Je te perds en ami dont le geste et le regard étaient la voix
Souffrance inexplicable pour ceux qui ne t’ont pas connu

Max Rippon.
Durocher, le 31 mars 2013

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