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Élodie Koeger & Hector Poullet Date de lancement
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Avant propos
L’envie était de publier une série qui raconte les Antilles autrement, de publier des livres qui racontent une histoire de jeunes d’aujourd’hui pour des jeunes... et des moins jeunes.
L’envie était de publier une histoire locale, contemporaine et réaliste sous forme de BD. Le genre manga est apparu comme un genre original et approprié à ce type d’histoire.
L’idée était donc de publier une histoire qui se passe dans les vrais paysages et les vraies villes de Guadeloupe et de Martinique. Il fallait que le lecteur puisse s’identifier aux protagonistes de l’histoire, partageant les mêmes soucis du quotidien pour ce qui est du lecteur antillais ou puisse découvrir un pays, une société, un mode de vie pour ce qui est du lecteur d’ailleurs.
Hector Poullet, écrivain, poète et chantre du créole fut choisi pour écrire cette histoire. À lui de proposer le thème, l’intrigue, le fil rouge qui puissent mener nos héros à travers l’histoire des Antilles avec un grand «H» et à travers les îles qui les composent.
Pour le dessin, c’est Élodie Koeger, une jeune mangaka, au trait maîtrisé, au style à michemin entre la BD franco-belge et le manga qui a été retenue. Partir d’une histoire romancée ne l’effrayait pas et les séquençage, découpage, crayonné, dessin ont fait partie de son quotidien pendant près de cinq mois sur place aux Antilles.
Les deux premiers tomes de cette série séduiront les fans de BD, les amateurs de manga et les amoureux de la Caraïbe.
L’éditeur
Élodie Koeger
D’origine alsacienne, elle a collaboré à divers collectifs et catalogues de Salons. Elle a également réalisé des illustrations pour le mondial d’athlétisme d’Osaka diffusé sur France 2.
Amoureuse du Japon, ancienne étudiante de l’école parisienne EURASIAM, elle signe ici sa première série dont le premier tome a été réalisé dans le cadre d’une résidence d’auteur de cinq mois en Guadeloupe.
Hector Poullet
Hector est guadeloupéen. Il a été l’un des premiers à défendre l’introduction du créole à l’école.
Il vit aujourd’hui retiré dans le village de l’Habituée au pied de la Soufrière. Il a collaboré à la publication de nombreux ouvrages en créole dont plusieurs dictionnaires ou méthode d’apprentissage du créole.
Il est également le traducteur de la première BD célèbre traduite en créole, Astérix, Gran kannal-la. Il prépare en collaboration avec R. Chilin, un ouvrage sur l’Eros créole.
Entrevue de la dessinatrice
Élodie Koeger, comment vous êtes vous retrouvée associée à ce projet antillais?
– Florent Charbonnier a tout d’abord eu l’idée de ce projet, il voulait réaliser un manga qui relate le quotidien de jeunes antillais d’aujourd’hui et c’est avec cette idée en tête qu’il a rencontré un des membres de l’administration d’Eurasiam où j’ai effectué ma formation pour devenir dessinatrice de manga. Il a fait passer des entretiens à plusieurs élèves, et c’est moi qui ai été retenue. J’ai tout de suite été emballée par ce projet. J’aime découvrir de nouvelles cultures et vivre de nouvelles expériences, j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir participer à cette aventure et de publier mon premier album.
Comment s’est passé la répartition des tâches avec le scénariste Hector Poullet?
– Hector Poullet à tout d’abord écrit le scénario de manière romancée, c’est de lui que vient le récit, c’est son histoire. Mon rôle dès le début était d’adapter ce récit en format manga. J’ai mis en scène, remanié certains passage, proposé des alternatives scénaristiques afin de rendre la narration plus dynamique, le tout bien entendu avec l’accord d’Hector. J’ai décrit page par page et case par case le déroulement des scènes, pour donner un premier aperçu à Hector de ce que j’allais dessiner, et après validation de lui même puis de Florent Charbonnier je me suis mise au dessin.
En quoi le genre manga est il différent de celui de la BD franco-belge?
– Fondamentalement, le découpage d’un manga tient plus d’un story-board d’animation que de la Bande Dessinée traditionnelle comme on l’a développé en Occident. Les thèmes abordés sont plus nombreux, et il est plus courant de baser le récit sur la psychologie des personnages. Le manga c’est aussi un mode et un rythme de production différent de celui de la BD franco-belge et une narration du récit particulière. Mais on ne peut limiter la différence Manga/ BD Franco-Belge uniquement au style graphique, au format et au découpage. La différence est surtout culturelle!
Votre présence en Guadeloupe et en Martinique a-t-elle été importante pour la réalisation de cet ouvrage?
– Si je n’étais pas venue en Guadeloupe et en Martinique, j’aurais certainement fait pas mal d’erreurs de représentation. En venant j’ai pu observer et ressentir le lieu du récit. Pour simple anecdote, je suis arrivée au courant d’une semaine anormalement froide pour la Guadeloupe, en commençant mes crayonnés j’ai dessiné plusieurs personnages en manches longues. Lorsque la température est revenue à la normale, j’ai compris que mes personnages n’étaient pas habillés de manière très réaliste, et encore par la suite, il m’arrivait de reproduire cette erreur (Hector me l’a signalé très souvent). Plus sérieusement, ma venue m’a permis de prendre des photos précises de ce que je voulais pour mes scènes jusqu’au moindre petit détail. J’ai fait des rencontres qui m’ont permis de mieux comprendre l’histoire de Dionine, d’autres qui m’ont simplement apporté un petit plus pour l’interprétation de certains personnages secondaires. La production a été bien plus riche du simple fait de ma venue sur l’île.
Connaissiez vous, avant de lire le scénario, les problèmes d’immigration clandestine dans la Caraïbe?
– Je ne connaissais ni la culture, ni les soucis d’immigration que connaissent les Caraïbes, j’ai tout découvert par le biais de ce projet. J’ai même été très étonnée en lisant le scénario, et je n’ai réellement compris l’ampleur du sujet que lorsque j’ai eu l’occasion d’en parler ouvertement avec Hector Poullet et Florent Charbonnier.
En combien de tomes est prévue de se dérouler l’histoire complète?
– L’histoire est prévue sur 3 tomes. Le dernier est prévu pour juin 2011.
Entrevue du scénariste
Hector Poullet, après avoir participé à l’aventure de la première BD célèbre en créole, avec la traduction d’ASTERIX GRAN KANNAL LA, vous voilà embarqué dans l’aventure du premier manga antillais... la BD est-elle devenue votre nouvelle forme d’expression?
– Oui, dans la mesure où c’est un mode d’expression qui permet de toucher un public jeune, justement celui qui a le plus besoin de connaître la culture, la langue, l’identité créole. Car l’objectif pour moi est toujours le même, mettre en valeur la culture de notre archipel Caraïbe, afin que nos jeunes et moins jeunes n’aient plus honte d’eux mêmes et de leur histoire.
Comment vous est venue l’idée du scénario «Les îles du vent»? Est-ce inspiré d’un fait divers en particulier?
– «Les Îsles du vent» de quel vent s’agit-il? Des alizés que les anglophones appellent «Tradewinds», vent du commerce, mais également jadis vents des Pirates, Corsaires, Boucaniers et autres Flibustiers en tous genres. Aujourd’hui encore la Caraïbe n’est pas seulement un paradis pour plaisanciers; des milliers d’Haïtiens, de Cubains, de Dominicains, de Surinamiens, de Sainte-Luciens, de Dominiquais, fuient leurs pays pour tenter de rejoindre les USA ou des îles provisoirement plus fortunées comme la Guadeloupe et la Martinique. Le scénario n’est malheureusement pas un fait divers, mais le quotidien qu’on tient sous silence, qu’on préfère cacher pour garder l’image touristique des «Isles Paradisiaques». Ici, en l’occurrence, nous n’avons qu’une suite de faits réels.
Avez vous personnellement été confronté au problème de l’immigration clandestine haïtienne?
– J’y suis confronté tous les jours! Tous les jours il y a un Haïtien illettré qui a besoin qu’on lui explique une lettre de la Préfecture lui signifiant qu’il a huit jours pour quitter le territoire français, ou bien qu’on aille pour lui à la Western Union envoyer de l’argent à ses enfants qui sont restés en Haïti, parce qu’il ne peut y aller sans courir le risque de se faire prendre, ou bien encore aller au centre de détention porter des vêtements et des chaussures à un Haïtien qui va se faire expulser, mais qui a été attrapé pieds nus avec ses habits de travailleur des champs de bananes, et qu’il ne peut débarquer en Haïti dans cette tenue, bref des êtres humains dans la détresse qui ont besoin d’un peu d’humanité.
Que pensez vous de la façon dont les autorités traitent le problème de l’immigration en Guadeloupe et en Martinique?
– À court terme il s’agit probablement d’un traitement qui répond à des problèmes de politique intérieure française, à long terme la France perd ses derniers amis et admirateurs Caribéens, les derniers Haïtiens qui pensaient encore qu’il eut mieux valu qu’Haïti ait été français. Déçus par la chasse systématique qu’on leur fait dans les DFA ils préfèrent désormais fuir vers Saint Tomas, Sainte Croix ou la Floride, moins xénophobes. Demain ils parleront anglais et pas français, ils préféreront consommer «américain» et pas «français».
Pensez vous que le manga ou la BD en général permet d’exprimer ses idées plus facilement que les genres littéraires dits «classiques»?
– Certainement, parce que l’image vient renforcer le texte et facilite la lecture. C’est aussi une approche plus dynamique, selon le cadrage de chaque plan, on visualise la scène, les sentiments des personnages se lisent directement sans qu’il soit nécessaire de faire de longues descriptions. Cependant la BD ne saurait remplacer totalement la littérature dite «classique» surtout celle qui alimente les débats d’idées.
Lisez vous des BD? Si oui, lesquelles?
– Très peu, jadis quand j’étais très jeune j’ai beaucoup lu de Bibi Fricotin, de Capitaine Marvel, de Fantôme du Bengale ou de Pieds Nicklés, mais c’est vrai que lorsqu’on quitte ce monde merveilleux de l’image pour la littérature écrite on a du mal à s’y remettre. Le fait d’y revenir pour le scénario de ce manga va probablement m’y replonger, ne serait-ce que pour des raisons techniques, comprendre comment fonctionne le texte et l’image, la succession des plans, les flash-back, etc...
Comment s’est passé votre travail avec la dessinatrice Élodie Koeger?
– À vrai dire, Élodie la dessinatrice, Florent Charbonnier l’éditeur et moi le scénariste, nous étions tous à notre coup d’essai, et comme nous voulions que ce soit un coup de maître, nous avons construit une équipe très soudée, nous consultant sur tout avec de longues séances de travail ensemble. Élodie, au cours de son séjour en Guadeloupe était curieuse de tout, faisait des photos comme un cameraman. Nous avons parcouru tous les lieux où se déroule l’action et visité trois cimetières. Elle a travaillé «comme une fourmi» jusqu’à 15 heures par jour. Cette expérience a été unique pour nous trois, et aurait été impossible autrement.
Pouvez-vous déjà nous donner un avant-goût de l’histoire du tome 2?
– Il y a en Martinique, face à la Savane des Pétrifications, un rocher en forme de plateau qui émerge à peine, battu par les vagues: La table du Diable. Sous cette table une caverne sous marine à laquelle on accède en plongée. Des trafiquants venus en yacht depuis le Venezuela y ont entreposé des ballots imperméables contenant de la drogue. Un rasta qui faisait de la pêche à la langouste découvre le pot aux roses… Yann et Dionine sont sur le coup par le plus grand des hasards… Et pendant ce temps la Meridjone et Adama continuent à affronter les obstacles qui se présentent à eux pour leur régularisation…