Si je vous dis Coccoloba uvifera
Vous me regardez et dans vos kokozyé
je peux lire de la colère
parce que vous pensez que je vous insulte.
Si je vous dis raisinier bord de mer
Je lis du mépris à la moue que fait votre bouche.
Raisinier ! pensez-vous :
Ce n’est même pas français !
En Français de France on dit vigne.
Oui, mais moi je ne suis pas sarmenteuse
et n’ai point ni haut lignage ni cépage
à exhiber.
Eh bien, je vous dirai mon nom en créole
pyé rézen bòdlanmè !
Faites en ce que vous voulez.

Le bois de mon tronc 
presque violet
est du plus dur que vous pourrez trouver
Mes feuilles épaisses  et cartilagineuses
vertes, rouges, ou jaunes  selon la saison
semblent  feuilles de nénuphar, tout en rondeur
pour faire l’ombre
la plus fraiche du plein midi
au bord de l’eau.
Enfin mes grappes de raisin !
Mes grappes de raisin
je n’en dirai rien 
demandez donc aux enfants
aux merles kankangnan
au sucrier
ou bien  à octopus  si vous voulez.
Quoi ? Vous ne savez pas que les chatrouilles
patrouillent la nuit dans mon feuillage !
Une légende ?

Eh !  Vous aurez bientôt de mes nouvelles
Pour l’heure mes racines  fourmillent 
je dialogue  avec la famille
des crabes Touloulou.
A tantôt !

Capesterre 27 mé 2014

Fruits immatures. Photo F.Palli.

La légende : Cocoloba et les Octopus.

Dites légende, c’est votre affaire !
Moi je vous parle de la nuit zénithale
quand la lune couleur miel
gonflée comme pelpète
se pavane  toute nue
à peine nimbée de brume
dans un ciel sans nuage.

Cela se passe le lendemain du jour où  le Soleil de retour du Tropique du Cancer  en route pour le Capricorne passe en plein mitan de notre voute céleste.

Cette nuit-là, tous les chatou, chats rouges, pieuvres et autres poulpes des environs se donnent rendez-vous pour un pillage dans les raisiniers du voisinage au mitan de la nuit:
à minuit pile!

C’est juste aussi la saison où nous avons le plus de grains de raisins mûrs dans nos grappes que nous serrons sous nos feuilles.

Les octopus sortent de la mer en nombre
Les tourlourous se carapatent  à toutes pattes
bien vitement dans leur trous.
L’armée des octopus nous grimpe dessus.
Ils sont des centaines.
Ils sont des milliers.
Ils envahissent nos branches, nos feuilles, nos grappes.
Ils se goinfrent de nos raisins les plus mûrs.
Ils se saoulent.
Ils s’en mettent plein le bonnet
Ils nous dévalisent !
Puis sans crier gare  ces messieurs et dames les octopodes
tout gorgés de notre jus violet
pour se donner bonne couleur lie de vin 
pour toute une année
s’escanpent en dansant, un peu brenzeng, sur leur huit pattes
dans leurs repaires sous marins.

Et la lune toujours toute nue
Toute ébahie de cette scène d’orgie
vire de couleur
de rousse qu’elle était avant le saccage
elle en devient verte
de ce vert translucide qui annonce
l’orage de la nuit zénithale.

Le pillage n’a durée qu’un quart d’heure
à peine
et jamais aucun humain n’en a rien vu.
Certains l’ont appris de la bouche de Kavolen
ce Bernard l’Hermite, maitre des lieux
qui voit tout depuis son Hermitage….
Dites toujours légende c’est votre affaire !

Hector Poullet

 Viré monté