« Araignée du matin, chagrin !
Araignée du soir, espoir ! »

Tout le monde connait ce dicton mais rares sont ceux qui en connaissent l’origine, car il faut le savoir il ne s’agit pas seulement de jouer avec les mots pour le plaisir de  les faire rimer.

Voici ce qu’en dit Médouze le vieux conteur de l’Habitation:

— Tim-tim?

— Bwasèk!

Jadis dans le royaume du Dahomey vivait une jeune princesse, ancêtre du roi Béhanzin, qui répondait au nom d’Anansi.

Elle était aussi belle, vive, intelligente qu’intrépide.

Une véritable amazone.

Quelle que fût l’épreuve, course, lutte ou tir à l’arc, à laquelle elle était soumise, elle était toujours meilleure que le meilleur de ses guerriers.

— Yékrik !

— Yékrak !

Anansi ne craignait qu’une chose au monde:
les araignées!

La plus minuscule des araignées la mettait dans un état de transe!

Pour la guérir de cette phobie, le prince, un peu sorcier, lui dit un jour:

— Nannsi chère, cela ne peut plus durer, nos guerriers dans ton dos se moquent de toi! Sais-tu que ce comportement fait très «chochotte»?

— Et que veux-tu que je fasse, mon prince, je ne me contrôle pas. C’est plus fort que moi, quand je vois une araignée je tremble de tous mes membres!

— Attends un peu, je vais te soigner de cette phobie, tu verras!

Après cette conversation le prince décida de faire mettre des araignées, toutes sortes d’araignées, dans les différentes parties du palais.

Aussitôt  les courtisans, pour l’imiter et se faire bien voir, en firent  autant dans leurs maisons.

Bientôt ce ne fut, dans toute la ville fortifiée d’Abomey, que toiles d’araignées.

Il y avait des araignées dans toutes les maisons.

Les araignées se nourrissant de mouches, de moustiques et autres insectes indésirables qui se prennent dans leur toile, les maisons du royaume furent très vite débarrassées de ces vecteurs de maladies, si bien que les cas de fièvres que provoquaient les piqûres d’insectes allaient en diminuant. Toute la cité se portait de mieux en mieux.

La princesse finit par s’accoutumer à la présence des araignées et fit même, dans sa propre chambre, installer une superbe mygale arc en ciel avec laquelle, elle se  lia  d’amitié. Pour prouver à l’araignée son affection elle la baptisa de son propre prénom: «Anansi» tandis qu’elle-même fut surnommée:  la Pricesse araignée.

Au réveil, le matin la Princesse appelait:

— Anansi!

La mygale velue aux poils irisés, sortait du coin sombre où elle se cachait, grimpait sur le lit et même sur la main de sa maitresse qui n’en avait plus du tout peur.

Il en fut bientôt de même dans tout le royaume du Dahomey où c’était devenu une mode de se promener avec une araignée sur l’épaule et le chic du chic était d’en avoir une semblable à celle de la Princesse: une mygale.

Aussi, le matin, tout un chacun quittant sa demeure pour s’en aller qui à la chasse, qui à la pêche ou bien aux champs, regrettait d’avoir à quitter sa maison en y laissant son araignée. D’où ce gros chagrin dont parle le dicton:

— Araignée du matin, chagrin!

Tandis que le soir tout le monde était heureux de rejoindre son lieu d’habitation car il savait pouvoir passer une nuit sans mouche ni moustique grace aux toiles d’araignées. D’où cet espoir de notre dicton:

— Araignée du soir, espoir!

C’est aussi depuis ce temps que dans toute cette partie de l’Afrique et jusqu’en certaines contrées d’Amériques, Anansi est devenu le nom propre de l’Araignée. Ce qui n’est pas étranger au fait que les Etats-Uniens aient pris pour héros national: Spiderman: l’Homme araignée.

— Yémistikrik!

— Yémistikrak!

— Abobo!

— Pia!

Mygale arboricole de la Martinique, Avicularia versicolor. Photo Dominique Herremans.

Viré monté