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TIMBRÉS !

Exposition gratuite
Blue Penny Museum, Le Caudan Waterfront, Port-Louis
Du 20 avril au 29 juin 2024. Tlj, sauf dimanches, de 10h00 à 16h30

TIMBRÉS !

Lorsque, dans une production mécanique d’objets en grande quantité, qui doivent répondre à des critères précis de qualité, se produit un incident ou une erreur, quelques objets différents du modèle standard apparaissent et peuvent être mis en circulation. Dans le monde de la collection, l’objet insolite, différent des autres, est par définition plus rare, voire unique, mais cela ne suffit pas à lui donner une valeur extraordinaire, il faut aussi que d’autres critères, tous plus ou moins subjectifs, soient présents. L’erreur ou le défaut, doit être particulièrement significatif et flagrant, voire spectaculaire. Enfin, il faut que l’ensemble de ces éléments présente un attrait particulier pour qu’une demande se forme et se confirme avec le temps. Notons le paradoxe: plus grands seront les efforts faits pour améliorer l’homogénéité de la production, plus grande risque d’être la valeur de l’imperfection mise sur le marché. Parfois aussi, il peut se faire que l’erreur soit un mythe, une imperfection inventée de toute pièce, c’est le cas de nos deux célèbres Post-Office,… cela se complique!

TIMBRÉS !

Où l’on apprend qu’une production massive et en série ne donne pas forcément lieu à une similarité parfaite des unités réalisées et ce qui devrait sortir parfait, errare humanum est, l’erreur est humaine, … parvient à des erreurs suffisamment remarquables pour les rapprocher au plus près d’une œuvre d’Art. Il ne faut pas oublier que, photographie ou gravure, le timbre commence souvent par une bien réelle œuvre d’Art, parfois même, signée. Poussant plus loin et faisant abstraction de l’officialité du timbre, cela fait belle lurette que des artistes se sont employés à en détourner le processus avec délectation, à toutes les étapes de sa fabrication. Faux timbres plus vrais que les vrais, fausses lettres, la surface d’une enveloppe ou d’un timbre peuvent être détournés de leurs usages, suscitant un art véritable et authentique qui a ses règles, le mail-art. Populaire et universel, cette nouvelle manière de créer possède aujourd’hui ses véritables lettres de noblesse et ses adeptes nombreux.

Posséder les deux merveilles de la philatélie que sont les Mauritius Post Office, two pence blue et one penny red vermilion, était l’occasion, à travers eux, de démontrer, s’il en était besoin, leur popularité mondiale et l’inspiration artistique qu’ils ont pu susciter jusqu’à ce jour. Timbres commémoratifs, objets de toutes sortes, plagiats, films, romans, tableaux, les deux timbres mauriciens sont nos Jocondes patrimoniales, célèbres dans le monde entier, à tout le moins, cela valait bien une exposition pour le démontrer…

 TIMBRÉS !   TIMBRÉS !

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Au Musée Blue Penny,Caudan
Quand les timbres deviennent objets culturels.

Sedley Assonne

Timbres suisses

Chaque exposition présentée par Emmanuel Richon au Musée Blue Penny est enrichissante. Et s’il y autant de sujets de partage dans la déclinaison des travaux présentés, c’est parce qu’au contraire des musées du secteur public, au Blue Penny on ose questionner les idées reçues. Justement pour émoustiller la pensée, et démontrer que l’objet «commun» peut non seulement s’avérer utile, mais aussi devenir culturel.

On a ainsi vu le seggae, au travers de Kaya, le séga, sur Ti Frer, la boutique chinoise, le bonnet de prière musulman, les plantes médicinales, les brèdes, le football, pour ne citer que ces quelques thématiques, auxquels le directeur du Musée a donné une seconde vie, voire un ton neuf, pour prendre une autre tournure entre les quatre murs d’un musée. Il y a du Marcel Duchamp dans cette réflexion. Entre surréalisme et dadaïsme.

«Timbrés», la nouvelle exposition au Musée, s’inscrit dans cette même mouvance. Et les explications du directeur ont eu de quoi ébahir l’auditoire. Du fait que la plupart des objets exposés, aussi légers qu’une plume, ont pris du relief parce que nés d’erreurs humaines. L’exposition du pardon, donc? Pas vraiment. Mais surtout l’occasion pour montrer que du banal peut advenir la culture. Et pas n’importe laquelle. Puisque les deux timbres les plus côtés au monde se trouvent au sein de ce Musée. Et si leur histoire est connue, les anecdotes liées aux autres timbres qui les côtoient en ce lieu sont on ne peut plus comiques. Il faut prendre le parti d’en rire, mais à bien y voir comment des fonctionnaires peuvent, par exemple, évoquer Commerson, et pratiquement ne rien dire sur l’homme? De ces erreurs philatéliques, Emmanuel Richon en tire une synthèse précieuse.

Deepa Bauhadoor, Ravi Beekarry, Jean-Claude Baissac et Ismet Ganti, entre autres, prêtent leurs pinceaux à cette exposition. Au travers de tableaux qui accompagnent en quelque sorte ce voyage au cœur des «fêlés» du mail art. Quoi, le mail art? Oui, le timbre peut être œuvre d’art, et s’exposer dans un Musée. Dont acte chez Emmanuel Richon. Et il n’y a pas erreur sur la personne. C’est bien d’un inconscient collectif que naît la philatélie. Et une enveloppe du premier jour peut être minutieusement étudiée, pour voir si la crécerelle est bien l'oiseau décrit. Tout comme le cerf d’Europe ne vaut pas celui de Java. Il faut en fait être vraiment «timbré», passionné, pour détecter de telles anomalies!

Dans l’art, ce n’est jamais parfait, soutient Richon. Il y a des faux timbres qui passent comme une lettre à la poste. Mais le directeur du Musée ne s’en tamponne pas. Avec l’aide de complices, comme Ah Lan Lam Yan Foon, il donne une autre vie, un autre relief à ces petits bouts de papier. Comme Baissac qui remplace la Reine blanche par une Dame noire. Echec et mat au racisme donc? «Timbrés» n’est pas une banale exposition. C’est de la richesse intellectuelle partagée.

Un moyen de savoir comment était tel pays étranger, leur culture artistique. «Sur le timbre, c’est de l’art», professe Richon. Une vérité qui sonne bien à l’oreille. Et qui fait du bien aux yeux. De ce que je retiens de cette exposition, c’est qu’il ne faut pas laisser la création de timbres entre les mains de fonctionnaires, qu’ils aient été Britanniques ou Mauriciens. Et même si de leurs crimes de lèse-majesté sont nés de curieux objets de voleurs, qui prendront ensuite de la valeur, ce jeu du hasard et de la méconnaissance n’en vaut pas la chandelle. Car, ils sont payés, des fonds publics!, pour faire œuvre utile. Pas pour montrer leur degré d’inculture!

Tout cela pour vous dire qu’il faut passer au Musée Blue Penny. Il y a de quoi hypnotiser le regard. Et devenir «Timbrés»!

Sedley Assonne

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Viré monté