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La 9e édition du Prix Jean Fanchette fait deux heureux

Estelle Bastien
L'Express, 18. Mai 2010

 

 

 

Honneur à la non fiction. Et parmi les 14 participants au prix Jean Franchette, deux ont obtenu les faveurs du jury: Emmanuel Richon et Hélène Baligadoo.

Lemuria

La cérémonie de la proclamation des résultats au concours littéraire Jean Fanchette a eu lieu le lundi 17 mai à la salle du conseil de la mairie de Beau-Bassin – Rose-Hill. Ils étaient quatorze à avoir participé à ce concours littéraire consacré à la non fiction. Cette année, le prix été destiné à la meilleure œuvre non-fiction (essai critique, histoire, document, biographie, etc).

Hélène Baligadoo et Emmanuel Richon ont obtenu les faveurs du jury. Elle, pour son livre intitulé, de Chazal, un génie dans l’île joyeuse lui, pour Lemuria. Le prix de Rs 100'000 sera ainsi partagé entre les deux lauréats. Et Rs 25'000 seront réservées à la publication de leur livre.

Le prix Jean Fanchette, crée en 1992 par la municipalité de Beau-Bassin – Rose-Hill, est présidé par Jean-Marie Le Clézio, prix Nobel de littérature en 2008. Né, d’une idée d’Issa Asgarally, ce prix vise surtout à honorer la mémoire de Jean Fanchette, poète et psychanalyste mauricien. Mais il s’agit également d’encourager l’ouvrage littéraire dans l’océan Indien avec la publication de l’œuvre primée.

Jean-Marie Le Clézio, présent à Maurice pour l’événement, avoue avoir eu du mal à désigner le lauréat de ce prix. Non par manque de choix, mais plutôt en raison de la variété d’œuvres soumises. «Je suis très satisfait des œuvres. J’ai trouvé l’ensemble très vivant, d’où la difficulté de choisir», souligne-t-il.

Hélène Baligadoo, qui se trouve actuellement à Paris, était représentée par son éditeur, Christian Le Compte. Présent, Emmanuel Richon, a, pour sa part, confié que ce prix est un signe de remerciement pour le travail qu’il a accompli.

Expliquant le cheminement de la rédaction de son œuvre, il a indiqué que le sujet était d’actualité pour lui car il préparait parallèlement une exposition sur la Lémurie, continent disparu, au Blue Penny Museum. «Je suis très heureux d’avoir reçu le prix. Je noterai que je n’ai même pas considéré le temps que j’ai passé à la réalisation du livre, puisque je bâtissais une exposition en même temps sur la Lémurie.»

Le coordinateur du prix, Issa Asgarally, s’est de son côté réjoui du nombre de participants. «J’ai beaucoup apprécié le fait que les gens s’intéressent quand même au prix. Ils étaient au nombre de 14 participants, comptant une œuvre de la Réunion, et la qualité des œuvres était très bonne», a-t-il indiqué.

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Emmanuel Richon, du «carrom» et des «brèdes»

Natacha PAUL
L'Express, 20. Mai 2010

Du mythe de la Lémurie au Dodo, en passant par la langue créole, Emmanuel Richon, écrivain et conservateur du «Blue Penny Museum», nous parle, dans ses écrits, de sa fascination pour l’île Maurice, où il réside depuis 1997.

Son dernier essai, Lemuria: le continent disparu de l’océan Indien, a reçu, ex- aequo, le prix Jean Fanchette cette année.

Son auteur, Emmanuel Richon, 50 ans, ne manque pas d’évoquer avec passion cette oeuvre, dont il dira qu’il s’agit d’une réfl exion sur un mythe, ou plutôt plusieurs mythes; littéraires et scientifi ques, entre autres.

Le mythe de la Lémurie, située par défi nition dans l’océan Indien, est repris en littérature par Malcolm de Chazal, Robert Edward Hart et Jules Hermann, Réunionnais. Autant d’auteurs dont il admire grandement le travail. Avoir un mythe fondateur - celui d’un continent, d’une ancienne civilisation engloutie par «quelque cataclysme inconnu et inexpliqué» - est, selon l’auteur, nécessaire, notamment à Maurice.

«Notre ancestralité fait qu’on est tous avec un continent disparu. Dans mon cas, il s’agit de la France. Derrière tout cela, il y a un problème de quête identitaire», souligne Emmanuel Richon.

L’auteur du Réveil du Dodo et de Langaz kreol, Langaz maron, entre autres, se dit fasciné par l’île Maurice, et les sociétés insulaires en général. Emmanuel Richon a publié son premier livre en 1993, Les poèmes mascarins de Charles Baudelaire. Suivront plusieurs autres essais sur le même auteur. L’écrivain se dit d’ailleurs étonné qu’il n’y ait pas plus d’ouvrages à Maurice consacrés à ce personnage de la littérature française, malgré les voyages de ce dernier chez nous.

Emmanuel Richon est également passionné par la langue créole:

«Il existe ici une idée préconçue, celle de l’étymologie de la langue française sur le kreol . Relier le kreol à une étymologie française est du négationnisme.

C’est même un crime. Le créolophone n’entend pas qu’il y a un gouffre entre les deux. La culture créole est à part.» «J’ai baigné dans un milieu insulaire, quoique lié à la France. Mon grand- père est né en Martinique, il était fi ls d’instituteur.

Il était créolophone. Je me souviens d’avoir rencontré chez lui St John Perse, prix Nobel de littérature, avec qui j’ai joué étant enfant. Et aussi, un jour Henri Salvador.»

Emmanuel Richon, qui se définit comme un Mauriciano-Français, est arrivé à Maurice, le pays natal de sa femme, en 1997. Avant, il avait passé deux ans à La Réunion.

Ce restaurateur de tableaux de profession - il a exercé pendant onze ans en France - est aujourd’hui conservateur du Blue Penny Museum à Port-Louis. Son métier d’origine n’est pas sans incidence sur la nature de ses écrits. «Quand on me confie un tableau, j’essaye de le restituer. Il y a dans mes œuvres cette idée que des choses ont été déchirées et qu’on peut aider à les préserver et les mettre en valeur.» Et d’enchaîner sur le fait qu’à Maurice, il y a une culture riche, des génies, mais qu’on ne les met pas en valeur, on ne les préserve pas.

«Qu’y a-t-il sur Malcolm de Chazal, qu’est-ce qui atteste du passage de Charles Baudelaire ici? Nous avons un potentiel culturel à montrer aux touristes et aux Mauriciens, mais on ne s’en occupe pas. Tout peut très vite disparaître, il faut se montrer vigilant», martèle Emmanuel Richon. De fait, selon lui, la vraie préservation se situe dans la notoriété d’un patrimoine, d’une œuvre, d’un tableau. «Si on donne aux gens la possibilité d’aimer leur patrimoine, ils le préserveront. Ici, on ne trouve pas, comme à l’étranger, d’association d’amis des musées, par exemple. Il ne faut pas que le patrimoine soit l’affaire de trois ou quatre personnes seulement.» Le conservateur du Blue Penny Museum ne manque pas de faire ressortir que le problème de Maurice est que la culture essentiellement populaire a mauvaise presse. «On aimerait plutôt avoir une culture d’élite. Mais dans la culture populaire, il y a des pépites. Il faut avoir un éventail le plus large possible.» La passion d’Emmanuel Richon pour l’écriture remonte à l’enfance. Il a commencé à écrire, dit-il, vers l’âge de neuf, dix ans. «A l’âge de onze ans, je suis tombé malade. J’ai été obligé de garder le lit pendant près de trois ans. Cela a été assez pénible. Après quinze jours, j’avais compris que j’en aurais pour longtemps, et que les copains ne reviendraient pas. C’est là où la lecture m’a sauvé. La littérature est fantastique. Un livre vous accompagne et ne vous trahit pas. Cela m’a aidé à traverser l’épreuve. Il y a des textes qui vous habitent et vous font vivre dans un autre plan. On est dans l’imaginaire. La lecture, c’est aussi le lieu de la solitude», confie l’écrivain.

Emmanuel Richon, qui est également l’auteur, sur Internet, d’un Musée du dodo virtuel, d’une galerie de peinture mauricienne, ainsi que d’un site dédié au «patrimoine monumental mauricien», a dans ses tiroirs plusieurs projets de romans et de poèmes. Ils parleront tous de l’île Maurice.

Il projette également, l’année prochaine, d’écrire d’autres essais sur le thème des cyclones et des… brèdes. «Les choses auxquelles je m’intéresse en général ne passionnent pas vraiment les autres. Elles sont originales, ou tout simplement tirées du quotidien. Ici, tout le monde mange des brèdes. Selon moi, il n’y a jamais eu de famine grâce à cela. Je m’intéresse à des choses qu’on a en commun.» Ainsi, Emmanuel Richon a organisé l’année dernière une exposition sur le carrom, avec d’autres artistes. «Toutes les communautés jouent au carrom. C’est un jeu riche», fait-il ressortir. Et d’ajouter que «d’être un émigrant fait qu’on a la volonté de s’intégrer coûte que coûte et de trouver le moyen d’y parvenir. De ce fait, on voit bien souvent ce que d’autres ne voient pas. On a un regard différent sur les choses qui nous entourent» .

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