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Papa Sézè ni 90 Lanné!

Aimé Césaire a 90 ans! 

 

Autour d’Aimé Césaire

par
Manuel Norvat

 

 

Acacia heterophylla, tamarin des hauts. Grand arbre endémique de la Réunion, essence dominante des forêts de moyenne altitude.    Photo F. Palli

Acacia heterophylla

Aimé Césaire pour moi, c’est d’abord le Cahier d’un retour au pays natal, lu à quatorze ans. Je l’ai lu et relu à l’époque au point d’en connaître des passages entiers par cœur. L’édition bilingue préfacée par André Breton m’a marqué aussi dans mes appétits pour la traduction. Serge Letchimy, l’actuel maire de Fort-de-France qui lui a succédé, était alors étudiant et surveillant dans le collège Maurice Thorez que je fréquentais.

Ensuite, Césaire c’était un homme politique. Il était lié à une assise populaire et à l’éclat de la parole. Fréquentant depuis ces temps d’adolescence des mouvances nationalistes, je me demandais lors des manifs embuées de gaz lacrimogènes “Mais où est-il” C’est dire que je percevais déjà une différence entre l’homme de lettres qui nous encourageait à nous déprendre de carnaval des autre” et l’homme politique, auteur de la Lettre à Maurice Thorez. De même que Victor Hugo, qui fut également député, Césaire nous engageait dans une schizophrénie. Le temps de l’homme de lettres n’est pas celui du politicien. Sthendal l’avait pressenti quand il disait “J’écris pour un autre siècle”. Dans le même balan, Bertolt Brecht ironisa sur l’urgence à laquelle doivent faire face les politiciens en déclarant qu’ils ne peuvent pas “changer de peuple”. Cette problématique est hélas hors de portée de quelques béotiens.

L’âge amène la raison, comme on dit chez nous Créoles. Je n’ai de cesse de dire mon enthousiasme sur la beauté de textes comme Et les chiens se taisaient ou son Toussaint Louverture, d’une rhétorique communiste dissidente, à mon avis. Cela, en marge de ses admirateurs attitrés.

Aujourd’hui, Aimé Césaire me semble complètement récupéré (comme à l’occasion de ses anniversaires) entre affections sincères et allégeances démagogiques. Césaire, c’est maintenant pour beaucoup: l’incontournable, le consensuel, “l’hôtesse d’accueil ”, voire le “papa de Gaulle” martiniquais. Autrement dit, un élément fondamental de notre mythologie. C’est la raison pour laquelle, continuant à fréquenter son œuvre, je demeure à distance de l’homme, comme pour signifier: “Laissez le respirer!”.

Manuel NORVAT

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