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Lettre ouverte à
Corinne Mencé-Caster

Corinne Mencé-Caster

Madame la Présidente de l'Université des Antilles,
 
La présente missive, à vous adressée, en cette veille du mois d'août, a été pensée et mûrie depuis un peu plus de trois mois, mais son envoi a été plusieurs fois différé à cause des circonstances, c'est-à-dire de tous ces soubresauts, petits et grands, qui ont, à votre corps défendant, agité notre université ces trois dernières années. C'est que nous souhaitons, universitaires et non universitaires, vous témoigner notre reconnaissance pour avoir, avec un courage et une détermination extraordinaires, réussi à surmonter tous les obstacles semés sur votre route par tous ceux et toutes celles qui n'ont jamais accepté votre élection à la tête de cet établissement, alors même que vous l'avez été le plus régulièrement du monde et face à quatre autres candidats.

Vous aviez, en effet, la difficile mission de faire passer notre université aux RCE (Responsabilités et Compétences Élargies), en clair à une plus grande forme d'autonomie tant administrative que financière, cela dans un contexte extrêmement difficile marqué par les revendications brutales des Guyanais, l'affaire du CEREGMIA et du préjudice financier de quatorze millions d'euros pour l'université, la baisse démographie criante en Martinique, mais aussi en Guadeloupe qui entraînera à plus ou moins court terme, une baisse des effectifs étudiants, l'indispensable renforcement de l'attractivité de notre université et la concurrence, voire le démarchage, acharné d'universités étrangères, notamment du Québec.

Chacun de ces problèmes représentait un défi presque insurmontable, d'autant que, dès le lendemain de votre victoire, vous subissiez un harcèlement quotidien, ignoble et insoutenable. Chacun de ces défis, dans un tel contexte de persécution journalière, fut pour vous et vos collaborateurs une épreuve. Chacune de ces épreuves fut, difficultueusement certes, mais résolument, surmontée. En effet, rien ne vous a été épargné durant ces presque quatre années. Aucune faveur ne vous fut accordée. Vous avez même été constamment vilipendée, insultée, diffamée et pourtant vous avez toujours su garder la tête haute et conserver votre cap, suscitant l'admiration populaire tant en Martinique qu'en Guadeloupe. Des pièges, des chausses-trappes, vous étaient sans cesse tendus par des adversaires acharnés à vous abattre et pourtant vous avez tenu sans faillir une vingtaine de conseils d'administration et une trentaine de réunions d'autres conseils ou comités, sans jamais céder à ce qui a fini par gangrener une bonne partie de notre université, à savoir la compromission avec des personnes qui, hélas, placent leur intérêt particulier avant celui de l'établissement qui les emploie.

Ceci doit être salué sans réserve! 

Au cours de votre mandature, en dépit des soubresauts déjà évoqués et qui ne vous sont nullement imputables, tous les cours ont pu se dérouler normalement hormis quelques brèves périodes de grève, tous les examens ont été assurés, tous les colloques ont pu se tenir, toutes les soutenances de master et de thèse ont eu lieu et surtout les salaires tant des administratifs que des enseignants ont toujours été versés. Le grand public ne sait pas assez que, suite au passage aux RCE, ce sont les universités qui désormais, recevant une dotation globale de l'Etat, ont la charge de payer les salaires et de payer leurs achats. Au moins cinq universités hexagonales ont ainsi vu EDF, Gaz de France et certaines entreprises cesser toute collaboration avec elles parce qu'elles étaient incapables de régler leurs factures. Au moins une dizaine d'universités ont dû geler des postes pour pouvoir payer les salaires de leurs personnels. Cela n'a jamais été le cas ni à l'ex-Université des Antilles et de la Guyane ni à l'Université des Antilles et ce petit exploit est à mettre sur le compte du sérieux et de la rigueur qui ont marqué, tout au long de ces années, votre gouvernance.

Vous avez enfin, dernièrement, réussi à faire voter à l'unanimité les nouveaux statuts de l'Université des Antilles, à faire approuver, toujours à l'unanimité, le compte financier de l'établissement et surtout les comptes de ce dernier ont été certifiés par le cabinet en charge de cette certification. Qui dit mieux? Et pourtant, tapis dans l'ombre, vos adversaires, devenus entre temps de vrais ennemis, continuent  sans répit à s'employer à multiplier les obstacles, espérant encore réussir ce qu'ils n'ont jamais réussi en quatre ans: provoquer un chaos qui pousserait ledit ministère à vous démettre de vos fonctions et à nommer un administrateur provisoire. Il ne vous reste plus que 4 mois de mandat, puisque ce dernier finit certes à la mi-janvier 2017, mais on sait bien que, dès novembre 2016, et peut-être même un peu avant, la campagne battra son plein et ne vous permettra guère que de gérer les affaires courantes.

Et pourtant, malgré ce petit laps de temps qu'il vous reste, malgré les sanctions implacables, les signaux forts donnés par diverses institutions, vos adversaires ne désarment pas et espèrent encore vous atteindre! Ces adversaires, internes à l'université comme extérieurs, craignant votre rigueur et votre détermination, se sont empressés de quémander au ministère de ne pas vous donner la possibilité de faire un second mandat. En effet, la loi qui a créé l'Université des Antilles interdit à un président de se représenter et précise même que l'actuelle présidente en exercice ne peut se représenter. Du jamais vu: une ordonnance qui parle presque nominativement de vous! Quel exploit! Vous ne pouvez donc pas vous représenter à la présidence, et comme par hasard, les défenseurs les plus acharnés de l'alternance au temps où votre tête était sans cesse mise à prix, crient à son anticonstitutionnalité, aujourd'hui. Incroyable!

Vous avez accompli tout ce qu'il vous était possible de faire et avec brio:

  • le maintien d'une Université des Antilles portée par deux pôles autonomes, projet que vous avez exprimé dans ce beau manifeste avec des poissons dans de jolis bocaux, projet que vos adversaires les plus acharnés essaient encore en vain de vous ravir;
     
  • le redressement des comptes de notre université, salué unanimement par nos instances de tutelle;
     
  • le démantèlement d'un véritable réseau de captation de fonds européens et la reconnaissance disciplinaire exemplaire des fautes commises par les principaux mis en cause;
     
  • le vote à l'unanimité des statuts de l'UA, ainsi que de son logo et de son nom de domaine;
     
  • la certification des comptes de l'UA, par un des meilleurs cabinets de certification;
     
  • la mise en évidence de défaillances criantes au niveau de son système d'information;
     
  • le don de postes d'enseignants-chercheurs aux Facultés et départements déficitaires (plus de 7 postes);
     
  • le développement de la vie étudiante et la reconnaissance des étudiants comme de vrais acteurs de notre université.

Nous ne saurions tout citer, tout rappeler...mais ce qui a été retenu, est déjà tellement énorme, quand on sait qu'à chaque pas, vous étiez harcelée de l'intérieur comme de l'extérieur. Pendant   quatre ans, vous avez mis votre carrière de chercheuse et d'écrivain en retrait, pour défendre, corps et âme, l'intérêt général de notre institution, de nos étudiants, de nos pays. Il vous aurait suffi de dire oui à la corruption, oui à l'opacité financière pour passer quatre années de rêve, où, en tant que complice passive ou active, vous auriez été adulée par vos actuels détracteurs.

Mais vous avez dit NON, avec la détermination et l'intégrité qui vous caractérisent. Vous avez su dire NON, et tenir sur la durée avec ce NON massif qui vous a valu tant de souffrances. Et mieux, dans cette tourmente, gérant votre université de main de maître, week-end, vacances et jours fériés, jusque tard dans la nuit souvent, vous avez tout de même réussi à publier plusieurs livres. Des textes majeurs pour nos sociétés. Des textes qui disent votre noblesse de coeur.

Nous estimons que votre mission est plus que remplie. Après seulement 18 mois de mandature, certains vous traitaient déjà de "présidente à vie de l'UAG". Que disent-ils donc aujourd'hui, à l'approche du terme de votre mandat? Que l'éternité s'est écoulée...

Il sera bientôt temps de vous réinvestir dans l'activité intellectuelle que vous appréciez tant, dans l'accompagnement de vos étudiants, dans l'écriture de nouvelles œuvres. Sachez d'ailleurs au passage que nous demeurons tous, universitaires et non universitaires, plus que jamais mobilisés, pour empêcher à quiconque de mal intentionné de détruire l'héritage que vous laisserez à nos étudiants, aux enseignants et aux administratifs. Nous ne baisserons jamais la garde!

Il sera bientôt temps tout simplement pour vous, de souffler, de vivre, de revivre normalement, avec vos enfants, votre famille, de cesser d'être constamment sur la brèche comme ce fut le cas durant ces quatre dernières années, de déposer le fardeau, car qui pourrait douter de votre solidité, de votre force, de votre courage hors pair? Néanmoins, comme tout être humain (même si certains se sont efforcés d'oublier que vous étiez un être humain), vous avez besoin de prendre soin de vous, de réapprendre à vivre sans stress permanent. Le secret de votre force, peu de gens le savent, réside dans votre joie de vivre, dans votre modestie et humilité, dans cette foi que vous avez en l'humanité des plus inhumains et dans votre humour aussi, qui vous permet de prendre de la hauteur, de mettre à distance et de ne jamais vous charger de la méchanceté d'autrui.

Combien de fois vous nous avez illuminé de votre rire et de vos bons mots, au plus fort de la tourmente, vous n'étiez ni sombre ni abattue, mais toujours en quête de solutions et de réponses dignes de votre statut d'universitaire, de professeure des universités!

Que vous soyez publiquement remerciée, mille fois remerciée, pour tout ce que vous avez fait pour notre université c'est-à-dire pour notre jeunesse et l'avenir de nos pays! Nous n'avons ni décoration, ni médaille à vous offrir : seulement un merci sincère et des ondes de bonnes pensées pour que votre générosité intellectuelle et humaine continue de rayonner, partout où vous irez.

Signataires :

BARTELERY Hughes (Trésorier principal des finances publiques retraité, Martinique)
BELAISE Max (professeur contractuel, Guadeloupe)
BROCHE-JARRIN Josiane (chercheur/Dr en psychologie et psychopathologie clinique, Martinique)
CONFIANT Raphaël (professeur des universités/écrivain, Martinique)
DEHOORNE Olivier (maître de conférences, Martinique)
DELESSE Thomas (professeur agrégé, Guadeloupe)
DELESSE-EUGENE Cosette (professeur en lycée professionnel, Guadeloupe)
DOBAT Daniel (professeur de créole dans le secondaire, Martinique).
DORVILLE René (maître de conférences, Martinique).
DURANTY Judes (bibliothécaire/écrivain, Martinique)
FEDEE Simone (agrégée d'éducation physique, Martinique)
FRANCOIS-HAUGRIN Odile (maître de conférences, Martinique)
JO Louis-Félix (maître de conférences, Martinique)
LAMIC NIcolas (maître de conférences, Martinique)
LEOTIN Georges-Henri (professeur de philosophie retraité, Martinique)
LEOTIN Térez (directrice d'école retraitée/écrivain, Martinique)
L'ETANG Gerry (anthropologue/maître de conférences, Martinique)
LITAMPHA Léandre (retraité éducation nationale, Martinique)
MONLOUIS Albert (chef de service, Martinique)
NOEL Erick (professeur des universités, Martinique)
PAVILLA Lucien (bibliothécaire retraité, Martinique)
POULLET Hector (écrivain, Guadeloupe).
RESTOG Serge (écrivain, Martinique)
SCHEEL Charles (professeur des universités, Martinique)
SMITH-RAVIN Juliette (professeur des universités), Martinique)
SOREL Suzy (chef d'entreprise, Martinique)
SYLVESTRE Anique (écrivaine, Martinique)
VALY-PLAISANT Roger (enseignant retraité/écrivain, Guadeloupe)

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