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Mathieu In memoriam Édouard Glissant
Racines-contreforts d'un fromager. Photo F. Palli. |
Une pensée m’est venue ce matin. Ses dernières paroles, celles qui ne s’entendent pas parce que prononcées à l’intérieur de soi-même, comme une clé qui ferme une existence et ouvre un au-delà, Édouard Glissant les a telles murmuré en Créole ou en Français. Et, demain, quelle main tiendra-t-il dans sa main au moment de l’ultime au-revoir? Celle de Mathieu, son fils qui le filma en sa dernière année, ou celle de cet autre Mathieu qui traverse tous ses livres comme un porte-pensées, farouche essouchement qui porte le Tout-Monde. Et moi, quel nom devrais-je donner à mon pays réel? Celui ouvert à tous les vents dans lequel je vis depuis presque toujours? Ou celui qui contient, comme dans une jarre d’argile enfouie par ma grand-mère dans les racines d’un fromager, d’un cacaoyer, à moins que ce ne soit dans celles, puissantes à vous broyer, aériennes pourtant, d’un dangereux figuier maudit, la tracée verdoyante de ma petite enfance? Que faire? Que dire? Que désirer en somme? Je ne suis pas de ceux qui laissent filer leur ligne dans le fil du courant. Je pêche avec des han-han de pêcheur hauturier. Mal dans ma tête ici, bien dans mes rêves ailleurs, et quelquefois inversement, je réfute avec rage ma supposée appartenance à une quelconque diaspora. Je suis un homme fait. Pas un homme qui fuit.
José Le Moigne
La Louvière
8 février 20011