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Démission de Serge Romana
du"Comité  Maryse Condé"

Conférence de presse le 5 avril 2005

CM 98

PARIS LE, 5 AVRIL 2005

Mesdames, messieurs les journalistes,

Je vous remercie, au nom du COMITÉ MARCHE DU 23 MAI 1998 d'avoir répondu à notre invitation. Notre objectif est vous expliquer les raisons du choix des principales associations du monde antillo-guyanais de la date qui doit être retenue en France métropolitaine pour se souvenir de l'esclavage colonial. Comme vous le savez, le Premier ministre a nommé en JANVIER 2004 un comité, le CPME dont l'une des missions était de proposer, après l'avis le plus large, une date pour la commémoration de l'esclavage en France métropolitaine.

Sa présidente, Maryse Condé a clairement exprimé son refus d'adopter le 23 MAI, une date qui est déjà rentrée dans la pratique de milliers d'Antillo-guyanais comme celle où nous honorons la mémoire de nos parents esclaves. Nous sommes là ce matin à cette table, associations et personnalités représentatives de la communauté antillo-guyanaise pour vous expliquer le sens de notre combat pour le 23 MAI. A cette table il y a: Freddy Loyson, directeur général de la Maison Départementale de l'Outre-Mer des Hauts-de-Seine, José Pentoscrope, président du CIFORDOM, Jean-Pierre Passe-Coutrin, président du CROMVO,

Félix Zelphin, adjoint au Maire de Villiers-le-Bel, Jacqueline Pavilla, responsable de l'Aumônerie Antilles-Guyane. Je préside le Comité Marche du 23 MAI 1998, aussi connu sous le sigle CM98. C'est une association qui a vu le jour en 1999 et qui a été créée par les organisateurs de la marche silencieuse du 23 MAI 1998. Pour nous, l'esclavage est loin d'être juste une question de souvenir. Il est notre temps de fondation. Pour nous, c'est cette fabrication dans et par l'esclavage qui génère les difficultés majeures de nos sociétés: les grands dysfonctionnements des familles matrifocales, ce système de division ou encore qualifié de sorcellerie, la hiérarchie des couleurs de peau toujours présente ou encore la difficulté d'affiliation à des aïeux esclaves encore aujourd'hui considérés comme honteux. Notre travail consiste à réparer les dysfonctionnements de nos sociétés issus de la période esclavagiste.

L'esclavage, pour nous, n'est donc pas du passé mais encore un présent douloureux.

Si j'ai accepté en JANVIER 2004 la proposition du Premier ministre d'être membre du Comité pour la Mémoire de l'Esclavage dénommé CPME, c'est parce que je pensais qu'il s'inscrirait dans l'esprit de la loi Taubira-Delannon reconnaissant l'esclavage colonial comme crime contre l'humanité.

Pour moi, l'esclavage étant reconnu comme crime contre l'humanité, il me paraissait normal qu'à l'instar des autres crimes contre l'humanité, ce soit avant tout devant la mémoire des victimes du crime, les esclaves nègres, que la Nation devait dorénavant s'incliner et non devant celle des abolitionnistes métropolitains.

Cela me semblait conforme à l'attitude des pays respectueux des droits de l'Homme, et ce, d'autant plus qu'il s'agissait de femmes et d'hommes atteints durant plus de 200 ans dans l'essentiel de l'Homme: leur dignité (article 44 du code noir: déclarons les esclaves être meubles, et comme tel entrer en la communauté…).

Il me semblait aussi logique que cette date soit le 23 MAI en souvenir du 23 MAI 1998, jour de la plus grande manifestation jamais organisée en Europe pour la défense de la mémoire des esclaves nègres. Ce jour-là, nous fûmes 40'000 descendants d'esclaves, entourés de français de toute origine, à surmonter la honte de l'origine et à rappeler au monde entier le calvaire qu'avaient subi nos aïeux.

Ce 23 MAI représente pour nous, le jour où “ nous nous sommes levés pour eux” . Depuis 6 ans, le 23 MAI est devenu le jour sacré où nous honorons la mémoire de nos aïeux à travers des manifestations républicaines, des cérémonies religieuses ou laïques.

Je fus donc surpris de la détermination du CPME d'écarter avec mépris, détermination et obstination cette date. Dans un premier temps, le CPME vota pour le 27 AVRIL en référence au 27 AVRIL 1848, jour de la signature du décret de l'abolition de l'esclavage par le gouvernement provisoire de la IIe République. Puis devant une levée de bouclier des Antillais, Guyanais et Réunionnais de métropole, une nouvelle date, qui ne fut d'ailleurs jamais évoquée par aucune association ou personnalité consultée, fut de nouveau votée par le CPME en FÉVRIER 2005. Aucune rencontre ne fut alors organisée. Cette date voulue comme devant être consensuelle est maintenue secrète.

Aujourd'hui, le CPME s'est disqualifié Il a fait preuve de légèreté d'analyse en proposant dans un premier temps le 27 AVRIl pour se rétracter dans un deuxième temps devant la pression des associations antillo-guyanaises.

Il a méprisé, je dis bien “méprisé” les associations et personnalités antillo-guyanaises et réunionnaises en refusant la demande qu'elles avaient exprimée dans une pétition de moratoire d'un an pour que nous puissions trouver par des discussions communes une date consensuelle.

Il a méprisé les milliers d'Antillo-Guyanais et Réunionnais qui, depuis 6 ans, honorent chaque 23 MAI la mémoire de leurs aïeux esclaves, en rejetant avec obstination cette date.

Il n'a jamais organisé de véritable débat comme il le lui avait été demandé dans l'article 5 du décret du 6 JANVIER 2004.

Il a fait preuve d'une cécité politique en ne comprenant pas que le combat pour le 23 MAI des Antillo-Guyanais et Réunionnais était celui pour une nouvelle citoyenneté. Il s'agit pour nous d'une citoyenneté débarrassée non seulement de l'infantilisme et du paternalisme d'antan, mais aussi des ressentiments du passé, si la République accepte d'insérer notre mémoire dans celle de la Nation.

Il a fait preuve d'irresponsabilité dans un contexte où la mémoire de l'esclavage fait l'objet de dérives racistes (affaire Dieudonné, agressions racistes de lycéens, pétition contre les ratonnades anti-Blancs). Il aurait dû comprendre que l'acceptation de la mémoire des descendants d'esclaves par la République était un signe majeur de réparation de la blessure narcissique des populations victimes de l'esclavage, qu'elles soient antillo-guyanaises, réunionnaises ou africaines.

Enfin, en rejetant le 23 MAI, il prend le risque d'une plus grande radicalisation d'une frange de la jeunesse antillo-guyanaise, réunionnaise et africaine en quête de reconnaissance.

Je crois, pour toutes ces raisons, que le Comité ministériel pour la mémoire de l'esclavage n'est pas capable de défendre la mémoire de nos parents esclaves. C'est pourquoi, j'ai décidé de démissionner de cette commission.

Aujourd'hui, une majorité d'associations antillaises et guyanaises se battent en France métropolitaine pour que le 23 MAI devienne la journée nationale du souvenir des victimes de l'esclavage. Pour coordonner ce combat, nous avons créé, dimanche dernier le 3 avril 2005, la Coordination Nationale des Associations et Personnalités antillaises, guyanaises et réunionnaises avec plus de 40 associations d'Ile-de-France, de Nantes et de Lyon. Des contacts sont en cours à Marseille, Bordeaux, Toulouse et Strasbourg.

Le 23 MAI 2005, sur le parvis des droits de l'Homme au Trocadéro, nous ferons la démonstration que nous pouvons rassembler par milliers, différentes composantes de la Nation pour honorer la mémoire des victimes de l'esclavage colonial.

Nous sommes persuadés de la légitimité de notre combat. Il est effet juste que nos parents rejoignent enfin la grande famille humaine. Nous savons que nous saurons convaincre nos compatriotes français de toutes origines d'être ce jour-là autour de nous.

Maintenant, nous en appelons au Premier ministre et au président de la République pour que la République reste fidèle à ces principes fondateurs, Égalité et Fraternité pour :

  • D'une part, considérer nos aïeux esclaves comme des femmes et des hommes dont le martyre a enrichi la Nation et les honorer en tant que tel.
     
  • D'autre part, pour nous aider, nous descendants d'esclaves, à continuer notre difficile travail d'affiliation et de réparation des nombreux dysfonctionnements issus de l'esclavage Je vous remercie.

Dr Serge Romana,
Président du COMITÉ MARCHE DU 23 MAI 1998.

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