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Rodrig

Dabless "Marlin" Augustin

Le rénovateur du diatonique.
Marlin est l'un des musiciens les plus connus à Rodrigues.
Il nous raconte sa vie et il fait le point sur la musique pour accordéon.

Photos des musiciens Philippe Krümm

Rodrig
En raison de son isolement et de sa pauvreté, l'île Rodrigues a longtemps été dénommée
«la Cendrillon des Mascareignes». Photo F. Palli.

La majorité de la population, descendant des premiers esclaves, est d'origine malgache ou africaine. Elle conserve fortement ses racines musicales à travers le séga tambour. Mais à l'instar des descendants des premiers colons blancs, elle a conservé le goût des musiques françaises. Le diatonique, qu'il soit arrivé par Maurice ou par les baleiniers en escale, est rapidement adopté. Il supplante les quelques violons attestés, par les récits de voyageurs. Il devient le vecteur unique de la conservation d'un répertoire original, fondé sur les danses de salon européennes de la fin du dix-neuvième siècle pratiqués par tous sur l'île: quadrilles, polkas, mazurkas, scottishs et valses, avec quelques vantes.

La création d'airs est aussi présente dans la sixième et dernière figure du quadrille rodriguais qui est un séga-coupé. Le séga-kordéon véhicule donc pour tous les Rodriguais les mêmes valeurs identitaires que le séga -tambour. Et de nos jours, l'incortournable Hohner noir à deux rangées est considéré comme instrument national tout autant que l'arc musical boom et le tambour.

L'isolement de l'île jusqu'aux années 1960 l'a aussi tenue à l'écart de l'évolution d'un accordéon vers l'autre. Même après la Seconde Guerre mondiale à laquelle des Rodriguais ont participé dans les rangs britanniques en Égypte et en Italie, les quelques accordéons qu'ils ont pu ramener étaient toujours des diatos.

Si le répertoire du chromatique a été connu par les radios ou les disques de quelques privilégiés, il a tout simplement été transposé sur le diatonique comme toutes les musiques arrivant sur Rodrigues. Petite curiosité: sur les ex-territoires britanniques de l'océan Indien (Seychelles, Maurice, Rodrigues), c'est bien l'accordéon qui s'est établi et non le concertina, instrument pourtant d'origine anglaise. Bizarrement, le terme "concertina", inconnu ailleurs dans la zone, ne se rencontre qu'à Rodrigues où il désigne en fait l'accordéon chromatique.

Il y a encore dix ans, l'accompagnement traditionnel de l'accordéon était fourni par l'arc musical, le triangle et différents petits audiophones, boîtes de conserves ou coquillages frottés, battoirs. Depuis, une tendance très récente tend à faire accompagner les morceaux de séga-kordéon par le tambour jusqu'ici réservé au seul séga-tambour.

Sur cet îlot perdu au bout du monde et peuplé d'environ trente mille habitants, on peut supposés qu'il y a des centaines de pratiquants potentiels tant individuels qu'appartenant à des groupes de musique traditionnelle. En fait, comme à Madagascar, la limitation du nombre de joueurs a surtout une cause économique. Rodrigues est une île pauvre, et même le plus modeste diatonique représente l'équivalent de plusieurs mois de paye pour un labourer rodrigais.

Marlin Augustin
Mackensie Gentil et Marlin Augustin, 23. juillet 2006. Photo F. Palli.

Le nouveau gouvernement autonome est très conscient de la valeur particulière des musiques traditionnelles. Il s'emploie à préserver la pratique de l'accordéon chez les jeunes générations en développant un enseignement du diato. Il est même envisagé une production d'instruments locaux, dont un premier prototype résonne déjà sous les doigts d'Augustin Marlin.

J.-P. L. S.

Bella
L'accordéon de Marlin est fait du bois d'un acajou déraciné à Port Mathurin en 1991,
lors d'un cyclone. L'accordéon a d'ailleurs été baptisé comme le cyclone, Bella.Photo F. Palli
.

Dabless "Marlin" Augustin joue aujourd'hui sur un modèle deux rangs fabriqué à Rodrigues, nommé Bella. Il travaille beaucoup sur l'enseignement et a fait un peu évoluer le doigté de l'accordéon diatonique.

Nous sommes quatre frères, tous musiciens: Gédéon, Salvo, Manuel et moi. Je suis né en décembre 1949, j'ai commencé l'accordéon à 5 ans. Mon père était un accordéoniste très populaire à Rodrigues. Comme tous les habitants de cette île, il avait un petit nom, Orphée "Garçon Pépé" Augustin. Son père pratiquait aussi cet instrument. Nous sommes des descendants de Bretons: des Legoff. Mes parents habitaient près de la rivière Coco. Mon père faisait partie de l'armée anglaise. Il a été entre autres en Italie, où il a appris à accorder et réparer des accordéons. Quand il est rentré, il m'a construit un petit accordéon. Il le mettait dans une grande poche de son manteau de l'armée. Quand il avait un peu de temps, il le sortait pour m'apprendre des airs. Le premier morceau que j'ai su jouer, ça a été Ma petite folie. Beaucoup de titres provenaient de la France, comme Étoile des neiges que l'on reprend d'ailleurs toujours en bal.

Mon premier accordéon possédait un rang et celui de mon père un rang et demi. Son accordéon une rareté était en bois clair il l'appelait "Blanche neige". Il réparait aussi les accordéons des autres. Quand mon père est mort, j'était trop petit pour avoir acquis ce qu'il savait sur l'accordage. A cette époque, les accordéons se vendaient dans les boutiques de port Mathurin et ne coûtaient pas cher. C'était des modèles un rang Hohner. Il coûtait 1 roupie ou 1 roupie 25 (35 roupies 1 euro, NDLR). C'était bon marché.

Par contre, il y a quelques années, j'ai commandé des accordéons et un marchand rodriguais a fait venir des accordéons chinois. Ils étaient très fragiles et pas si bon marché que cela: ils valaient 7'000 roupies (200 €). Je n'ai pas renouvelé l'expérience.

Dans les bals, quand j'était petit et que mon papa était fatigué, il me réveillait et me disait «à toi maintenant». Alors, j'étais un peu endormi mais je jouais ce que je savais avec plaisir.

Je ne sais pas comment les airs sont arrivés à Rodrigues parce que l'on jouait tous ces airs à l'accordéon avant que le gramophone et les 78 tours n'arrivent sur l'île.

A cette époque, le plus jeune joueur d'accordéon c'était moi. Je connaissais un peu les notes alors que tous les accordéonistes jouaient "à l'oreille". L'accordéon était accompagné par deux triangles. Comme autres instruments de musique, il y avait aussi quelques guitares et des banjos.

David Augustin
David Augustin, fils de Marlin, 23. juillet 2006. Photo F. Palli

J'ai arrêté de jouer pendant près de quarante ans de l'accordéon pour me mettre à la guitare et au chant. J'ai vraiment repris en 1998. À cette date-là, j'ai réalisé à nouveau que l'accordéon était un instrument complet, idéal pour animer les bals. Ce qui a été drôle, c'est que comme je n'avais jamais arrêter la musique, j'ai repris un accordéon et je me suis à nouveau constitué mon répertoire assez rapidement, un morceau après l'autre. Ma première sortie fut une surprise pour les accordéonistes de l'île car les gens se rappelaient de mon papa mais ils ne se souvenaient plus que moi aussi, j'avais joué de cet instrument. Alors la première fois, dans une salle qui s'appelle Le Venise, j'avais six morceau de prêt: j'en ai joué quatre puis deux autres, à la demande des spectateurs. Voilà, j'étais lancé comme musicien de bal. Le week-end d'après, j'avais quinze morceaux; et depuis, j'ai plusieurs heures de répertoire.

La formation avec l'accordéon s'est modifiée vers 1992. Avant, à part avec les triangles, les gens s'accompagnaient en frappant sur une caisse ou sur les coffres qui servaient à ranger le linge dans les maisons. Les percussions étaient surtout utilisées dans le sega-tambour avec le chant. Pour le séga-kordeon, c'était juste une caisse et les triangles. La rencontre entre les deux styles qui cohabitaient sur notre petite île depuis des dizaines d'années a eu lieu pour l'anniversaire d'Air Mauritius, la compagnie aérienne qui dessert Rodrigues. Je crois que c'est Ben Gontran qui a suggéré l'idée que tout le monde joue ensemble. Voilà comment la musique a évolué récemment sur l'île.

Bien sûr, les bals à l'accordéon se faisaient dans les maisons qui avaient un plancher. Le séga-tambour était la musique des pauvres. C'était dans les maisons avec un sol en terre. Le sega-kordéon était pour les personnes plus riches, bien habillées. Il fallait avoir un mouchoir à la main pour prendre celle des dames. Elles arboraient de belles robes à crinolines. C'était des bals souscrits, où tout le monde participait. Ou des bals ran-zaricot. On faisait une grosse galette dans laquelle on cachait un haricot et celui qui le trouvait,organisait le bal suivant...

Marlin Augustin
Mackensie Gentil et Marlin Augustin, 23. juillet 2006. Photo F. Palli
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Aujourd'hui, les bals sont mélangés. Les jeunes viennent apprendre auprès des anciens. Au Venise, chaque bal attire cinq cents à sept cents personnes. On y voit les danseurs et on y croise beaucoup de musiciens. On peut se rendre compte que notre musique est toujours bien vivante... Il faut toutefois que l'on fasse attention car nous sommes à un tournant. Les années qui viennent seront fondamentales pour l'avenir.

 

david Frede Hortense j
David Augustin
Fredel Hortense
Guirin Legentil
j chevery j
Joseph Hortense
Laval Lengentil

Rémi Farla

remi j j
Dabi Speville
Serge Prosper
Joseph Begué
j joseph j
Herman Legentil
Laurel Guillaume
Benoit Samoisy
jean-laurel j mathieu
Eugène Ravina
Julien Milazar
Mathieu Baptiste
noel deuxa
Noel Augustin
j
Luc Tan Wee
Yaume Augustin, celui qui joue avec le tambour.
Gédéo Augustin     j
Marlin Augustin  Marlin Augustin

Préparation du Festival de l'accordéon 2006
 

Viré monté