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Ba Loga, ki ba nou fos-la

 

Par Gerry L’Étang

 

 

 

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Ba Loga, ki ba nou fos-la

 
C’est avec grande tristesse que j’apprends le décès, le 13 décembre 2008 à Nice, de Loganadin Saminadin, à 77 ans.

Loga nous venait de Pondichéry, il y était instituteur. Il avait quitté l’Inde pour enseigner en Algérie, avant de se fixer, à la fin des années soixante, en Guadeloupe, où il avait appris à lire et à écrire à de nombreuses promotions de Guadeloupéens.

Loga était un amoureux de la Guadeloupe. Toutes les fois qu’il avait pris la décision de retourner en Inde ou de partir vivre à chez ses enfants à la Réunion ou en France, il était revenu. Il était encore il y a peu en Guadeloupe, avant de partir pour Nice, se soigner et finalement mourir.

Les domiciles de Loga, son appartement à Pointe-à-Pitre puis sa Maison de Borel (Lamentin), étaient des petits morceaux d’Inde, plus précisément du pays tamoul. Ceux qui y passaient, en quête d’exotisme ou de resourcement, respiraient à pleines bouffées le pays lointain. L’Inde était en effet partout: dans les calendriers hindous, dans les images polychromes des divinités, dans la cuisine qui fleurait le massalè, dans le Kaili que Loga revêtait quand il recevait (tous ceux qui venaient d’Inde s’arrêtaient un moment ou l’autre chez Loga), dans Loga lui-même, qui savait restituer le meilleur du lieu où il était né. Et dans la langue tamoule.

Car Loga, ce fut d’abord le tamoul en Guadeloupe. Cette langue, importée par les immigrants indiens du XIXe siècle et qui se délitait, trouva en Loga un vecteur de survie. Il eut des centaines d’élèves et contribua notablement au renouveau du tamoul en Guadeloupe. Et aussi en Martinique.

Lorsqu’au début des années 1990 j’assurai à l’UAG, à la demande de Jean Bernabé, la mise en place du Diplôme universitaire de langues et cultures régionales (DULCR) option indienne, que le GEREC créa en Guadeloupe et en Martinique, Loga, qui venait de prendre sa retraite de l’éducation nationale, dispensa quatre ans durant les cours de tamoul et de hindi. Il fut, pour tout dire, celui qui permit l’ouverture de ce diplôme. Car s’il fut assez facile de trouver sur place des spécialistes de civilisation de l’Inde, ce fut plus difficile pour l’apprentissage des langues. Sans Loganadin Saminadin, rien n’aurait pu être fait.  

Loga se passionna tellement pour cette expérience qu’il élabora, pour ses étudiants du DULCR option indienne comme pour d’autres, un Cours d’initiation au tamoul pour francophones (ouvrage et cassettes audio). Cette publication représente, aujourd’hui encore, un bréviaire pour bien des apprenants de tamoul en Guadeloupe et en Martinique.

Par la suite, ses compétences de pédagogue tamoul furent mises à profit dans d’autres cadres, singulièrement au travers de sa collaboration à l’aventure du Conseil guadeloupéen pour la promotion des langues indiennes (CGPLI),  initiative de formation au hindi et au tamoul mise en œuvre en collège et ailleurs, avec dynamisme et bonheur, par ses anciens étudiants du DULCR option indienne: Fred Negrit, Michel Nankou, Annick Raghouber …

Loganadin Saminadin fut un visiteur dont la venue ne fut pas sans conséquence. Il apporta à la Guadeloupe, dans la discrétion, l’humilité, la timidité même, un plus, une force. Il fortifia une part de ce pays – une langue et une culture – qui menaçait disparition. Il fut un ami, un allié, un frère. I ba nou fos-la.

Gerry L’Étang

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