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«Nou en fièr Chagos»

Varni Manibhe

En avril dernier le Groupe Réfugié Chagos réussissait à obtenir les 25.000 signatures nécessaires pour que sa pétition internationale soit portée à l’attention du Président Barack Obama. L’archipel sous domination française est passé sous contrôle anglais en 1815, à partir de 1965, indépendance mauricienne, le calvaire des Illois apatrides a commencé. La pétition internationale réclame le droit au retour des Chagossiens dans leur archipel natal. Réalisé par Varni Manibhe, voici un entretien avec un Fils, Petit-Fils de Chagossien.

Tu n’es pas natif des îles Chagos et pourtant …

C’est à travers les récits de ma famille que je connais les Chagos. En effet, moi-même je n’ai pas connu la vie aux Chagos. Mais je connais la culture chagosienne, j’ai appris quelle vie mes aînés y ont vécu. Je suis né à Maurice, du fait de l’exil forcé, la déportation des Chagossiens.

Voilà l’histoire de celle qui m’a fait. Enfant âgée de 8 ans, elle part en compagnie de sa mère, de son père mauricien et de ses frères et sœurs visiter pour la première fois l’île paternelle. Quant arrive l’heure du retour à Diego, on leur dit texto que l’île à été vendue. Au fur et à mesure ma famille ont vu d’autres Chagossiens débarqués à Maurice, à Port-Louis. Ils restaient sur les quais, découvrant un endroit qu’ils n’ont jamais connu, et ignorant pourquoi ils se trouvaient là. Mon arrière-grand père figure-toi  a toujours vécu au port parce qu’il était convaincu qu’il allait repartir, il y est mort.

Les Chagossiens se sont donc retrouvés embarqués dans des cales comme les esclaves auparavant, puis dans des bidonvilles à Maurice. Comment en est-on arrivé à là ?

Oui. D’autres Chagossiens se sont retrouvés à Rodrigue, les membres d’une même famille ont été dispersés. Ils ont embarqués les gens comme des animaux. Ils étaient armés. J’ai de la chance de ne pas avoir vécu cela personnellement. Les colons britanniques au moment de l’indépendance de Maurice ont décidé de garder l’archipel des Chagos. C’est là que notre déportation à commencé. Cela fait 42 ans que ma mère pleure sa terre et son peuple et que les grandes puissances britanniques et américaines méprisent la souffrance de milliers de personnes.

Quel a été l’accueil du gouvernement mauricien et des Mauriciens eux-mêmes?

Maurice à touché des dédommagements de la part des britanniques pour accueillir en quelque sorte les Chagossiens. L’Etat a donné des sommes dérisoires aux Chagossiens qui de toute façon ne maîtrisaient pas le système monétaire en cours: ils ne savaient pas quelle valeur avait l’argent car ils fonctionnaient autrement dans leurs échanges courants (travail = services). L’adaptation fut extrêmement difficile, les mauriciens ont vu l’arrivée des Chagossiens d’un mauvais œil. Ils ne savaient pas pourquoi les Chagossiens étaient là, comment ils étaient arrivés là. Mon arrière grand-père ne marchait pas autrement que nu pieds dans les rues de Port-Louis, ils ne savaient pas faire autrement, pour les Mauriciens c’était un trouble-fête.

De quelle manière les américains ont-ils pu s’installer militairement sur Diego Garcia?  Pourquoi les américains s’obstinent t-il à rester là?

Les britanniques ont signé avec les américains un bail d’occupation de 50 ans qui se termine en 2019.Les eaux de l’océan indien sont convoitées.

Vous avez eu un droit de visite alors que d’autres gens circulent librement sur vos terres. Tu peux nous expliquer cela?

En fait, depuis notre départ forcé des gens divers ont eu l’autorisation de s’y rendre notamment des mauriciens à une certaine époque mais en aucun cas nous, Chagossiens. Aujourd’hui encore des permis sont distribués aux employés de services qui travaillent pour les Américains. Le droit de visite a été obtenu par le Groupe Réfugiés des Chagos d’Olivier Bancoult. Nous avons légalement le droit de retourner aux Chagos. C’est ce que dit une décision de justice plus récente encore, mais les Américains occupent toujours nos territoires, la reine d’Angleterre nous a fait savoir qu’elle ne reconnaissait pas cette décision. Il faut reconnaître à ces gens qui luttent depuis des années une force de caractère impressionnante, c’est le cas de femme comme Charlesia. 

Les Réunionnais sont-ils sensibles à la situation des Chagossiens?

Ils ne sont pas très au courant comme tous le monde. Mais je trouve chez eux une écoute précieuse que je n’ai jamais connue. Je ressens une forte et profonde solidarité auprès d’eux.

Pourquoi as-tu accepté cet entretien? Quels sont tes espoirs, tes attentes? L’idée d’un nouveau front anticolonialiste international ne te paraît-il pas nécessaire ?

Pour faire connaître notre histoire… je ferais peut-être le tour du monde pour la faire connaître mais je retrouverai cette terre qu’on nous a arraché! Votre mouvement est autonome, cela me plaît aussi, je suis fatiguée de certains groupes politiques qui sans comprendre notre douleur s’en servent cependant, de certaines idéologies qui ne collent pas à la réalité du colonialisme et de l’impérialisme. Mon souhait est de retrouver les Chagos un jour, peut-être avec toi? Tu as raison si les peuples de l’océan indien: Maurice, Rodrigue, Madagascar, Mozambique, Réunion s’unissaient… ils pourraient davantage peser sur leur devenir.

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