Potomitan

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Promesses secrètes

                                                                                                  à Grégory et à Ève

                                            «Chaque enfant qui vient au monde nous apporte le message que Dieu n’est pas encore désespéré de l’homme.»
(Tagore)

Saint-John Kauss

Ludovic Booz

Mère et enfant par Ludovic Booz. Nader art

ne m’est-il pas suggéré de regarder le temps des papillons de tes amours ramassées à la fonte                    à la pelletée des neiges miraculeuses de Noël

tu m’as vu naître                   né dans l’opulence des nuits et des griots de famille                          grande enfance pleine de fantômes des caravelles et d’anneaux mystérieux

néance dans l’émerveillement des nuits folles de Noël                        du Patriarche  ---  grand-père de ses deux mains dans le silence et dans la nuit prolonge ses filiations appuyées par les mots et les gestes             comme une grande fleur debout

et grand-mère                 squaw de tous les jours qui vit dans le grand songe de l’homme                    son homme cicatrisé dans le maquis et dans la fuite des partisans de l’innocence                          comme une géométrie fatale

né dans les promesses au-delà du poème                       fragile de mon père manipulant les mots et le halo du poète des rues de province

né par amour de la femme et de la belle mulâtresse que fut ma mère            fille de l’homme impénitent qui fouetta les somnambules

et tu m’as vu naître                   tu m’as porté dans tes bras qui ne sont aujourd’hui que tiges dans l’ordure de la désintégration --- ruines dans la nudité d’un mystérieux destin

étapes et bot d’un cœur qui bat si fort et qui rêva de la noyée poursuivant son ombre ainsi que les pas du plongeur

du poème habile de l’aveugle né dans les coulisses de l’amour            je porte un véritable secret au fond de ma naissance dont tu es la seule à commenter pour chacun des gestes de nuit formelle de ma mère

bouche cousue / paupières en feu / bras tendus vers les filets de l’ilote             gants des lendemains sans ports ni marins dans l’étouffement des écrits et du poème long comme cette rivière qui nous sépare de l’ironique voyageur et de la terre des dévots à la reine

Isabelle ou Ève que je chante dans ce poème muet sous la pesanteur des os et des pierres qui suit ton lot dans ce monde inanimé

Hispaniola ou Ève de mes souvenirs                    de tes démarches de jeune femme alignée comme une phrase triste et précise              amendée dans les frôlements des matins et dans la plénitude partisane des hautes conquêtes

décédée                         mais je te revois discutant avec vigueur
de mes poèmes et de mes mots
seule dans l’éternité des hommes
à la recherche d’une épaule fraternelle
à la recherche de ma naissance équivoque

 

Bourdon (Port-au-Prince),
printemps 2002