Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

René PHILOCTÈTE et ces îles qui marchent

Saint-John Kauss

René Philoctète, jeune frère de Raymond, né à Jérémie (Haïti) le 16 novembre 1932. Il a fait partie du groupe Haïti Littéraire. Avec Jean-Claude Fignolé et Franck Etienne, il a créé le Spiralisme. René Philoctète enseigna les littératures française et haïtienne au Collège Jean Price-Mars qu’il dirigeait.

Il a publié plusieurs recueils de poésie: Saison des hommes (1960), Margha (1961), Les tambours du soleil (1962), Promesse (1963), Et Cætera (1974), Ces îles qui marchent (1969, réédité en 1974 et en 1995), Caraïbe (1981), Herbes folles (1982) et Ping-Pong politique (1987). Trois de ses quatre romans ont vu le jour: Le huitième jour (1973, prix des Éditions de l’an 2000), Le peuple des terres mêlées (1989) et Une saison de cigales (1993). René Philoctète a également publié un recueil de nouvelles et récits: Il faut des fois que les dieux meurent (1992). Plusieurs de ses pièces de théâtre (Rose morte, 1962;  Boukman ou l’échappé des enfers, 1963; Les escargots, 1965; Monsieur de Vastey, 1975) ont été représentées à Port-au-Prince.

Il mourut dans l’après-midi du 17 juillet 1995 à l’âge de 63 ans. Son dernier roman, Entre les saints des saints (deux volumes), est encore inédit.

CES ÎLES QUI MARCHENT
(fragment)


Salut Haïti buveuse de légendes pavillon à l’écoute de
la fête erzuléenne tes pas sonores tel un minerai
                tu te déhanches
et dans le cercle de phosphore la tête dans les genoux
                le cœur sur les lèvres
ballerine tu danses aux ailes de chandelle
puis comme une braise d’un coup allumée par une
                main sorcière
tu lèches les étoiles

 

Belle ô mon beau mystère
Heureuse ô ma chasseresse à la panoplie ornée
                de branches et de lumière
entends venir l’ondée comme un baiser longtemps voulu
ô belle comme un dimanche d’amoureux !

 

Des oiseaux de feu ont des ailes prises à
                 ton  grand vertige
ô miroir où flamboie ton visage de chansons
                 et de pluies !
Des cloches de verre roulent sur les toits chantant
                  à  tue-tête
ô musique où fleurit l’amour à la poussée des cœurs !

 

Tout un bonheur confié au peuple de géants
et tant de suaves symphonies à l’orée des cultures
                où tremblent de vertes narines
Le temps noue ses secrets à l’avant-bras des tiges
tout de prodige ô mon pays
lorsque la vie fait sa ronde de veilleuse
de jour et de nuit !

 

Qu’il fait bon parmi les rues parmi le ciel parmi
                 les gens
et que l’air a le chant d’une colombe heureuse
                de couver
Comme on se dit bonjour et que l’on se comprend !
On dirait qu’une verte promesse élargit les paupières
Il tourne dans les yeux d’étranges escaliers
                que montent et descendent des anges
comme dans le livre de Jacob

 

Qu’il fait bon sentir la terre parmi l’odeur des
                citronniers
voir un enfant lâcher un cerf-volant comme un don
                au ciel bleu
ma femme sur sa jupe promener le printemps
et mon amour dans tout cela qui voudrait l’apprivoiser !

 

Je salue la terre mienne du geste large de la résurgence
et j’invite mes délires tous les mots libérés à lui crier
                 l’amour dont elle m’a nourri
Le ciel va craquer sous la ruée vert d’eau des étoiles  Les
vierges qui circulent aux terrasses d’en haut ont vu le
signe et jeté le jasmin légendaire de leur sourire

Toute l’heure illuminée. Toute l’heure grave applaudit
au réveil de la crinière noble de la bête
                longtemps assoupie
    ô migration des plus fortes voix !
Horizons écartez-vous mercenaires des bleuités pour que
                les peuples passent vos bornes
et viennent                 -  Alléluia !
dans l’éclairage des jardins confondre les bannières
                 les chansons les baisers !
Un grand appel a traversé les nues pour que de toutes
façons les cœurs soient embrasés de la terre reconquise
Ô que ma voix libère son climat de colombes
et que l’homme démiurge en fasse son trésor personnel !

 

J’entends grandir cet âge que je ne puis définir tant la
                 majesté m’éblouit d’une beauté suprême
pousser des lèvres comme en mai partout des tiges
                 glorieuses
comme dessus les vagues se pavaner des flammes
Oh que marchent les couleurs ! Oh que ma poésie se taise
car la fête dépasse la magnificence de la prophétie.

 

  • PHILOCTÈTE (René): Saison des hommes, [sans nom d’édition], Port-au-Prince, 1960; Margha, Art Graphique Presse, Port-au-Prince, 1961; Les tambours du soleil, Imprimerie des Antilles, Port-au-Prince, 1962; Mis en scène par Faubert Bolivar, Port-au-Prince, 1999 ; Rose morte, [miméographié], Port-au-Prince, 1962; Promesse, [sans nom d’édition], Port-au-Prince, 1963; Boukman, ou le rejeté des enfers, [miméographié], Port-au-Prince, 1963; Escargots, [miméographié], Port-au-Prince, 1965; Et cætera, [sans nom d’édition], Port-au-Prince, 1967; Atelier Fardin, Port-au-Prince, 1974; Ces îles qui marchent, [sans nom d’édition], Port-au-Prince, 1969; Fardin, Port-au-Prince, 1974; Mémoire, Port-au-Prince, 1995 ; Margha; Les tambours du soleil; Ces îles qui marchent (réimprimés en facsimile avec des poésies de René Depestre, Roger Dorsinville et Roland Morisseau), Kraus Reprint, Nendeln, 1970; Le huitième jour, Éditions de l'an 2000, Port-au-Prince, 1973 ; Monsieur de Vastey, Fardin, Port-au-Prince, 1975; Herbes folles, [sans nom d’édition], Port-au-Prince, 1982; Caraïbe, [sans nom d’édition], Port-au-Prince, 1982; Mémoire, Port-au-Prince, 1995 ; Ping-Pong politique, [sans nom d’édition], Port-au-Prince, 1987; Le peuple des terres mêlées, Deschamps, Port-au-Prince, 1989; Il faut dès fois que les dieux meurent (nouvelles et récits), [sans nom d’édition], Port-au-Prince, 1992; Une saison de cigales, Conjonction, Port-au-Prince, 1993;  Poèmes des îles qui marchent (anthologie poétique, édition établie et présentée par Lyonel Trouillot), Actes Sud, Arles (France), 2004.

 

 

Viré monté