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Centres d'hébergement ou centres de détention

Saint-John Kauss

Le plus jeune des Haïtiens n’étudie plus malgré des ouvertures très succinctes, il faut le dire, de la part de l’administration québécoise. Probablement traumatisés par les mauvaises conteries des parents qui ont subi l’opprobre et l’humiliation des Indigènes «pure laine» québécois. Certains de ces jeunes préfèrent pratiquer le taxi, d’autres s’habiller de blanc dans les hôpitaux (préposés des services de merde), et d’autres encore s’engouffrer dans un costume d’agent de sécurité pour le restant de leur jour. Il faut les voir, tristes comme au jour de deuil à chaque rencontre fortuite avec un compatriote dans les couloirs d’un building. Nous ne les maudissons pas; au contraire, nous les aimons. Ils sauront nous dire, de par leur physionomie, tout ce qui se passe, la nuit comme le jour, dans les coulisses de l’homme Blanc. Le visage mélancolique, pensant toujours à Haïti, Haïti, Haïti…, certains se font passer pour des vrais policiers et pour des médecins auprès des femmes haïtiennes. Nos femmes lettrées aiment tellement les titres de docteur, d’avocat, d’agronome et d’ingénieur. Elles n’aiment pas les physiciens, mathématiciens ou autres métiers de ce genre. Jeunes, elles aiment les écrivains et  poètes. Âgées, nos femmes les plus instruites aiment tout ce qui est rentable chez l’homme.

Bref, dans les centres d’hébergement, nos jeunes, disons-nous, sont préposés ou agents de sécurité. Ils sont proches des mauvais traitements infligés à tout citoyen, blanc ou noir. Mais si la clientèle blanche se fait maltraiter par l’autre qui, normalement, devrait la soigner, que dire des bénéficiaires noirs et pauvres du système. Sûrement, ils n’ont personne pour se plaindre; des amis pour placer des caméras cachées; des copains et copines pour les aider à porter plainte en bonne et due forme.

Déjà la culture africaine nous oblige à rester à la maison et à se faire soigner par les nôtres. Nous avons les différents membres de la famille stratifiée, reconsidérée et reconduite selon les normes africaines. Petits-enfants, enfants, grands-cousins, arrière-tantes, oncles, marraines et filleules, sont là pour témoigner de la grandeur de la famille et des ossements de la race. Nos vieillards ne se sentent pas en sécurité dans les centres d’hébergement. C’est pourquoi refusent-ils d’y aller et même de se faire soigner. A titre d’information, ils nous parlent du bon vieux temps de «nan lakou lakay» où le médecin haïtien venait les visiter. Mais cela n’existe plus, le médecin de famille!

Quand on pense combien est éphémère, négligeable la vie. Les honneurs et les richesses ne sont que poussière. Steve Jobs, l’inventeur d’Apple, peut en témoigner. Quand on pense à ce que fut la Mésopotamie, l’Assyrie, Babylone-la-Grande, Persépolis, l’Égypte ancienne, Thèbes aux cent portes, la puissance et la richesse des Pharaons, John Lennon et Michael Jackson. De Ramsès, de Hammourabi et de Nabuchodonosor, de Cyrus-le-Grand, de Darius 1e et de Xerxès, d’Alexandre-le-Grand et des César, qu’en reste-t-il? Quand on pense à «l’insoutenable légèreté de l’Être», à l’immense chagrin des dieux et de leurs fantômes, il y a lieu de se demander pourquoi et pour qui vit-on?

Il est vrai que nul n’a le droit de tuer et de se tuer; et que c’est un péché grave. Il est aussi vrai que, des fois, la vie demeure insupportable. L’existentialisme nous impose l’existence en tant que métier de vivre. Rimbaud optait de changer la vie, et Proust de la poursuivre malgré le temps perdu. Nous aurions voulu la vie sans chevalets de mort.

Viré monté