Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

Nos plus belles femmes

Saint-John Kauss

Ce n’est pas pour rien que pullulent de nos jours, surtout à Montréal, des épiceries antillaises de toutes sortes. Autrefois il faudrait retourner au pays pour manger un plat qui nous tenait à cœur. Dans les marchés d’alimentation québécois, le commerce refusait tout compromis dans l’import des produits venus d’ailleurs. On dirait qu’on n’y existait pas. Même au niveau de la nourriture, on devrait se débrouiller comme on pouvait. Les Haïtiens nostalgiques faisaient venir bon nombre de produits tropicaux durant les voyages de ligne entre Montréal et Port-au-Prince, et tout parent (qui se respecte) avait toujours quelque chose à envoyer, ne serait-ce une mangue verte d’Haïti qu’on ferait mûrir au Canada.

Mais nous, nous vivions seul, célibataire décidé. On rayonnait dans les fêtes haïtiennes à la recherche d’une sœur. Trop de filles arabes à l’université, et trop de jamaïcaines dans les clubs. Mais oui, trop de «pangnol» dans les quartiers haïtiens, surtout les dominicaines. C’est la peau jaune qui déboussolait le jeune Haïtien. Et le bruit que cela fait, en vaudra la chandelle. Installé dans le quartier Saint-Michel à Montréal, nous avons fait visiter, comme si c’était à nous, notre patelin par des filles de toutes catégories et de toutes couleurs. Les étrangères aimaient s’y pavaner. Loin des hommes  arabes, grands hâbleurs, petits faiseurs, jaloux jusqu’à la Mosquée. Plus loin des Jamaïcains, voix du tonnerre, possibles bandits de  rue, ces filles aimées et aimantes admiraient notre français impeccable, sans le ton de l’Africain et sans le «r» à rouler des Français. L’Haïtien ne savait pas ou se mettre les pieds pour s’affairer à cause de toutes ces filles. Nos plus jeunes frères faisaient la pluie et le beau temps. Car nous sommes fils-à-papa, et ces filles se voyaient déjà  installées dans une Villa en Haïti. L’Africain opportuniste présentait  toujours sa sœur et sa cousine, jamais sa femme. Et rien ne dit que c’était vraiment sa cousine. En vérité, on n’avait pas de temps pour les Africaines. C’était du «cuit», de l’acquise. On mettait surtout le cap sur la volupté des filles berbères ou arabes. On avait peur des dominicaines, par tradition. La fille arabe nous épatait par sa langue et sa chaleur transpirée du désert. Les filles de Kadhafi de la belle époque étudiaient toutes à Montréal. Des marocaines surtout, des algériennes, des tunisiennes, nous les connaissons. Aucun mystère non résolu avec le sable des Bédouines. L’Algérienne est orgueilleuse, religieuse et socialiste, donc patriote. La Marocaine est une mendiante, toujours à demander de l’argent ou des pièces sonnantes (bijoux, cailloux…). Les Tunisiennes, beaucoup plus européennes et très studieuses. Nous avons connu ces femmes, toujours à l’épicerie arabe du coin ou à l’université.

De nos jours, puisque Montréal pullule de petits marchés d’alimentation, d’épiceries haïtiennes de toutes sortes, notre champ arabe se trouve réduit totalement. À l’époque, il ne fallait qu’un livre de Coran, même si on ne parle pas Arabe, la brillance en classe, et le tour est joué durant l’application des devoirs à remettre ensemble. On les voit beaucoup aujourd’hui à Côte-des-Neiges, au Boulevard Henri Bourassa et à Laval (Québec), mais cette fois-ci accompagnées de leurs maris... jaloux comme des chameaux.

Viré monté