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DÉITA, poète de notre folklore au quotidien

Saint-John Kauss

DÉITA (pseudonyme de Mercedes Foucard Guignard), née à Port-de-Paix le 21 septembre l935. Elle a publié, entre autres, Les Désespérés (1963), Majòdyòl  (1981), Nanchon (1985), Esperans Déziré (1989), Contes des Jardins du Pays de Ti Toma (2 tomes, 1989 et 2003), La Légende des Loa - Vodou Haïtien (1993 et 2004), Mon Pays Inconnu (2 tomes, 1997 et 2000), Objets au quotidien  - Art et culture populaires en Haïti (1993). Déita est partisan de l’intégration du folklore dans les lettres haïtiennes. Elle vit en Haïti.

 

QU’IMPORTE

Esprits de la nuit
Mon ciel
Est nu d’étoile
Est nu de lune

L’angoisse se liquéfie
Goutte à goutte
Sur ma désespérance
M’encerclant de taches de tristesse

Soudain mon chagrin se détache
Cette transmutation tire de ma conscience
Des plaintes qui charment
Les génies de la nuit.

Qu’importe si le soleil va poindre
Qu’importe si ma joie doit mourir au lever du jour
Qu’importe tout le reste
Si j’ai pu voir la beauté de mon âme
L’espace d’une nuit.

 

TROIS MOTS

Dans le silence  immobile  de la ville
J’ai perçu le tressaillement
D’un mot
Amour
Dans l’inquiétante moiteur de la nuit
J’ai senti sur mon front
L’haleine chaude de la tendresse
Dans le ciel frileux
J’ai vu filer une étoile qui pleurait
Et dans son sillage j’ai visualisé
Le pathétique de trois mots
« Je vous aime ! »

 

RETROUVAILLES

Minutes brèves
Trève de quiétude
Sourire narquois
Moue coquette
Doigts tremblants
Yeux noyés
Enchantement des retrouvailles
Si longtemps souhaitées
Joies profondes
Renaissance des souvenir d’antan
Dialogues des regards
Impuissants à sceller
Les élans d’une timidité
Peur prémonitoire soudaine
Efforts pitoyables de fuite
Résignation à l’ombre
D’arbres verdoyants
Sous le soleil palissant
Silhouettes indécises sur le banc dans un parc
D’une grande ville quelque part dans le monde.

                                                                 l967

 

UN MORCEAU DE SOLEIL

Sur la terre d’exil
il rêve d’un morceau de soleil
venu de son île natale
Ce morceau de soleil
Je l’ai dérobé pour lui
Mais où le dissimulerai-je
Pour que le froid hiver
Ne le congèle point

Dans ma bouche
 j’ai recueilli une brise marine tropicale
avec  mes doigts j’ai capté
une complainte nocturne
dans mon corps j’ai gardé
l’ardente chaleur de sa terre désirée
et mon amour charrie
des rayons de soleil pour réchauffer sa nostalgie.

 

 

SILENCE CHUT !

Poings fermés
Paupières closes
Visage abandonné
Lèvres entrouvertes
Trésor précieux
Ecrin mystérieux
Une vie est là
Silence Chut !

Mon joli bébé
S’amuse avec les chérubins
Ne riez  pas si fort.
Vous briseriez le sourire qui éclot sur ses lèvres
Ne souille pas ce sommeil innocent
Par vos rires profanes

Chut silence !
Il explore le monde céleste
Des anges roses et bleus
Faites silence !
Ne brisez pas déjà ses douces illusions
CHUT !
Pour l’amour d’une mère.
                                   l968

                       
           
DÉCHIREMENT

Mon chagrin se colore
Du sourire laiteux de ma fille
Le soupir exhalé de mon déchirement
Embaume du parfum des cheveux de ma fille
Et ma mémoire sculpte son corps menu
Alors que ma peine cristallisée
Concrétise ma douleur

Immense lassitude
Inutile révolte
Étrange désespérance

O nuit exquise garde dans ta profondeur
L’infini du déchirement de  la séparation.

                                                           Mai  l968

 

  • DÉITA (pseudonyme de Mercedes Foucard Guignard): Les Désespérés, roman, 1963; Majòdyòl, poème créole, 1981; Nanchon, théâtre créole, 1985; Esperans Déziré, roman créole, 1989; Contes des Jardins du Pays de Ti Toma (2 tomes), 1989 et 2003; La Légende des Loa - Vodou Haïtien, 1993 et 2004; Objets au quotidien - Art et culture populaires en Haïti, 1993; Mon Pays Inconnu (2 tomes), 1997 et 2000.

6.1.2012

Viré monté