Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

Chiffres

Saint-John Kauss

au poète Eddy Garnier

«Oserai-je déranger l’univers
(Thomas Stearns Eliot)

 

tribus de ciel abandonné            serpentins de joie au ventre dur tel celui d’un canari à l’eau fraîche                     veuf de nuit dans toute sa plénitude de ligament accablé sans relâche au bas d’un sacrilège

 

mais la marguerite habitée d’un limaçon au corps mou n’a point de squelette mobile allongé à l’année longue
pour que la mer
ma mère se déploie dans ses vagues d’assaut au soulagement des pluies

 

s’il faut compter les figurines d’occasion le cri du geai la mangue écartée les libellules et l’aubier l’ombre d’un trident les cicatrices du pêcheur aimé la dague mortelle de l’archange les racines du pissenlit la passion du chêne et l’orme inhabituel

 

s’il faut aimer sans aimer au pied des nuits d’hiver le citronnier des hespérides la frondaison des cerisiers la configuration des galaxies le sourire des sentinelles une hanche placée sous aucun signe la passion de l’anthère le poudroiement du rocou l’effritement des œuvres d’art (figurines ptérodactyles)            et             les attaches définitives de ma femme aux joues coiffées des pastels d’éternité

 

ainsi va pour la soute à mérous les ossements de poètes devant leurs prénoms le scarabée dans sa forme urbaine l’hippocampe et l’hippodrome Eberth ou le règne végétal

 

imaginons au milieu de ces chiffres à dorades les battements d’un tambour qui innove le vacarme le poète et sa femme aux alentours du vent deux mains légères où repose l’ocre apaisée

 

des chiffres sans cesse qui font la fenaison les délires des populations l’hégémonie des artères les pêches miraculeuses en l’ossuaire des nègres fous de Virgile

des chiffres et des pages où s’effrite le poème ainsi que les entrailles du verger qui se greffent jusqu’aux ongles de l’hiver

des chiffres et des phrases sans cri ni angoisse de l’aire définitive aux confettis qui enfantent le glyphe

 

glyphes des dieux innombrables qui habitent la Terre depuis la dernière guerre          céleste majesté des stèles et sables de la mer peints au pied du temps        palmes d’allégresse dédiées aux enfants des vivants et des hommes

 

serpenteau en joie ou de peine d’amour comme une femme insatisfaite             mince filet de paume qu’enfantent les cyclades sans membres           mollets d’athlète et cuisses de vierges démesurées au passage du lancelot        hanches fines attachées au rouet de l’huis mort

 

mes chiffres roux étalés par touffes de mots des poètes en larmes contre les solitudes           chiffres paresseux au nombril de l’ombre            des régisseurs d’écriture à la hauteur des attentes éternelles

 

mais que ferions-nous si nos chiffres renversent l’univers des marchés  
si des gadgets masquent le guet du banquier en peine
si l’économie goutte à goutte fait éclater plus de mille rayons de lune
des voix le crépitement des cailloux des tambours au rythme des feuilles
pieds brutaux de robots anodins

parlez tambours
pour que la mer veille l’ancêtre au pied poudré
qu’eût aimé le myosotis

 

chantez mages et poètes
torses nues aux cheveux de mimosa
chantez à la dictée des poètes
mains levées sous la contemplation des étoiles
les fanaux les bambous
les lampes qu’il faut éteindre
de cette île amante et captive

 

totems aux cheveux bouclés d’un métissage d’excellence              d’une politesse soûle et sans sexe              les voilà seuls et sans syllabes chiffrés dans l’incompréhensible pardon des pages et bisons abattus

 

en mille rêves de triomphe
jusqu’à aujourd’hui vers la Seine et le suicide

ailleurs jusqu’aux repères sans noms
le sacrifice et les dernières présences
le rappel à l’innocence
l’esprit rebelle

à l’esclavage

 

Laval, 15 juillet 2007

 

Viré monté