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L'archidoxe poétique

Saint-John Kauss

L'archidoxe poétique
L'archidoxe poétique
L'archidoxe poétique, Saint-John Kauss • Éd. Humanitas • 2008 • ISBN 978-2-89396-313-6

Avant Propos

COMMUNIQUER L'ANGOISSE

Il m'est soudain venu à l'esprit de publier l'ensemble de ces textes (entretiens, conférences et manifestes) que, d'habitude, les écrivains boudent et négligent compte tenu de leur manque d'intérêts du point de vue littéraire aussi bien que de leur manque de visibilité à cause de l'indifférence du grand public face aux intégrations suprêmes de tous genres de matériaux pouvant favoriser la compréhension de l'œuvre de l'écrivain. Ce serait une erreur grave de s'aliéner soi-même puisque le manifeste, qui se place au niveau de la conscience d'une relation saine entre la théorie et la pratique de l'écrivain, permettra d'éviter toute cassure de l'épanouissement de l'oeuvre dans la continuité des réflexions qui définissent l'inspiration des textes. Que serait le Surréalisme sans les nombreux manifestes, conférences et entretiens d'André Breton autant en France qu'ailleurs.

J'ai passé plus de quinze ans, pas dans l'oubli des autres formes de la pensée, mais plutôt, dans une sorte de recherche forcenée de la «pierre philosophale», de l'étincelle pouvant m'aider à reconsidérer la matière surréaliste et plus tard celle des structuralistes. En 1980, à vingt-trois ans d'âge, j'étais déjà prêt à affronter sur le terrain l'existence des spiralistes quasi structuralistes avec les mêmes évidences intellectuelles pour les valeurs gagnées du Pluréalisme de Gérard Dougé. Mais, si je m'arrêtais surtout à l'hermétisme et à la confusion délibérée du Spiralisme, il me manquait, par contre, de voir affirmer chez Dougé une étincelle d'humanité, de contestation dans un pays comme le nôtre. L'inconscient chez les surréalistes, les métamorphoses de la spirale sans intention aucune, l'hypersensualisme de Dougé, auraient rempli l'œuvre de trop de motivations esthétiques; ce qui a provoqué, à un moment donné, le «mépris» de la critique et du lecteur haïtiens en général enfouis dans le traditionalisme débridé.

Puisque ces manifestes, entretiens et conférences parlent de mes préoccupations esthétiques et littéraires, je n'ai nullement l'intention de les faire oublier, comme on oublie souvent les gens du pays une fois en exil. Dans ces trois catégories de textes, il y a autre chose que de se parler de littérature. Mais comment parler à la littérature? A la façade de l'écriture engagée qui aurait posé des problèmes d'affirmation de soi, la manière de «l'art pour l'art» favoriserait de son côté une cassure propre à foudroyer toute sentimentalité et émotion. Le dialogue des mots, placé sous la dépendance de la confidentialité chez cette dernière, aurait provoqué une écriture de l'insouciance, du «signifiant» où la sémantique des êtres et des choses s'inscrirait dans la mêlée des rêveries qui s'y perdent. Et il y a également les motivations provoquées par les participations souterraines d'écrivains haïtiens de la diaspora comme Emile Ollivier, Gérard V. Etienne, Jean-Richard Laforest, Dany Laferrière, Réginald O. Crosley, ainsi que plusieurs hommes de lettres étrangers, qui m'ont suggéré de publier l'ensemble de ces textes parus dans différents journaux et revues (1980-1998) d'Haïti et d'ailleurs.

Le Surpluréalisme, soupçonné d'être responsable de la nouvelle tendance selon laquelle le fait social doit s'intégrer au mouvement du texte, permet à l'homme de se dépasser. L'écrivain surpluréaliste, ai-je déjà dit, projeté dans et sur son espace social, réalise ses métamorphoses dans le temps et dans l'espace. L'écriture surpluréaliste, qui n'est que l'approbation de la parole, interroge la vie dans la perspective d'un renouvellement quotidien de l'ex-pression sous toutes ses formes. L'expérience surpluréaliste n'est qu'interrogation de la vie et de l'art. Texte devenu contexte de son propre réel: il faudra également inscrire l'imaginaire dans le décor. Acte de non passivité relevant en partie du subconscient, l'écriture surpluréaliste, d'expérience et d'expérimentation, élargit les lieux de la mémoire afin d'affirmer l'existence même d'un monde imaginaire. Le Surpluréalisme invite à changer la vie et, de ce fait, demeure une activité de l'esprit qui a pour but l'appréhension des solutions intérieures, ne serait-ce que par l'infiltration et la dissolution des profondeurs de la réalité douloureuse.
Il faudra aussi oser vénérer du contexte...

Saint-John Kauss
Repentigny, 18 mars 1998

 Viré monté