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Galerie de peinture mauricienne
Galri lapintir morisyen
Prosper d’Epinay
Portrait de Prosper d'Epinay après restauration. |
Portrait de Prosper d'Epinay avant restauration. |
Détail du portrait de Prosper d'Epinay avant restauration. |
Portrait du sculpteur Prosper d'Epinay, détail des gerçures. |
Détail du portrait de Prosper d'Epinay avant restauration. |
Portrait rentoilé |
Détail du portrait de Prosper d'Epinay après restauration. |
Portrait de d'Epinay, détail après restauration. |
Fils d’Antoine Zacharie Adrien d’Epinay et de Marguerite Le Breton de la Vieuville, Prosper d’Epinay est né à Maurice le 13 juillet 1836. A peine âgé de trois ans, ses parents l’emmenèrent en France. Après la mort de son père, qui eut lieu à Paris, il retourna avec sa mère dans son île natale, où il donna aussitôt des preuves évidentes d’une grande habileté, la même qui devait plus tard le rendre célèbre. Il fit d’abord ses études dans une petite école des Pamplemousses, puis au pensionnat Snellgrove à Port-Louis.
Portrait du sculpteur mauricien Prosper d'Epinay après rentoilage et pose des enduits, avant réintégration lacunaire. |
En 1851, il se rendit à Paris pour terminer ses études, c’est d’ailleurs Eloi Mallac qui lui servit de tuteur légal là-bas. Après un court retour en 1857, il dut quitter à nouveau Maurice pour, cette fois, aller étudier la sculpture à Paris dans l’atelier Dantan, puis à Rome, dans celui de son contemporain, Amici. A Rome, il se lia d’amitié avec deux artistes célèbres, Fortuny et Henry Régnault.
En 1864, il se rendit à Londres où il obtint un certain succès avec l’une de ses nombreuses caricatures humoristiques, à cette époque toutes signées Nemo, intitulée Entente cordiale et représentant Napoléon III et Lord Palmerston bras dessus bras dessous et «s’étudiant du coin de l’œil en politiciens retors». Cette caricature emporta beaucoup de succès et en fit rire plus d’un tant en France qu’en Angleterre. Beaucoup plus tard, en 1909, Prosper d’Epinay figura même au Salon des Humoristes. On lui doit également de superbes caricatures de la société mauricienne de son époque. Les plus connues sont: La cour du roi Pétaud, La Place d’Armes.
En 1865, Prosper d’Epinay exécuta un buste de la princesse de Galles (sa Majesté, la future Reine Alexandra), qui fut même préférée à celle du même sujet par le sculpteur anglais Gibson. Depuis lors, P. d’Epinay a fait plusieurs portraits de la gracieuse épouse du roi Edouard VII et la famille royale a trouvé grand intérêt dans ses travaux.
Sa première œuvre magistrale en tant que sculpteur fut sans doute la sculpture de son père qui fut dévoilée au public mauricien le 26 septembre 1866 au jardin de la Compagnie à Port-Louis.
Statue d'Adrien d'Epinay par son fils Prosper. |
Cette œuvre suscita récemment une polémique étant donné le rôle joué par Adrien d’Epinay dans la défense des intérêts des propriétaires d’esclaves durant la période de l’abolition. Le célèbre politicien n’obtint-il pas de la part du pouvoir colonial de Londres, une «compensation» de 2 millions de £, somme colossale, pendant que les esclaves et leurs descendants ne reçurent jamais rien? Récemment, la statue en question servit d’exutoire légitime à cette injustice, certains allant jusqu’à suggérer sa destruction pure et simple. Heureusement, il n’en fut rien, la mémoire du bourreau a également son importance.
Si d’ailleurs on accepte d’examiner attentivement cette statue, on ne peut qu’y voir un symbole d’autoritarisme évident, une certaine violence latente, le personnage vous toisant du regard et vous désignant le sol de la main, semble imbu de lui-même et arrogant, le visage sévère. Son habit lourd et peu idoine sous les tropiques, met mal à l’aise, suggérant une distanciation immédiate et toute coloniale avec le passant, bref, cette statue de Prosper d’Epinay nous paraît, au contraire, transmettre une partie du personnage de son père autant dans son intransigeance que sa pugnacité.
Finalement, avec sagesse, on se contenta fort adroitement de fixer une plaque de cuivre signalant au passant la réalité esclavagiste du passé d’Adrien d’Epinay. La valeur esthétique de l’œuvre du fils était sauve…
En 1867, il fit la statue de Sir William Stevenson, gouverneur de Maurice et qui demeure encore aujourd’hui devant le célèbre Hôtel du Gouvernement.
L’une des œuvres majeures exposées en Angleterre par d’Epinay, fut son Hannibal Enfant. Le propriétaire du marbre, le duc de Buccleuch, relate que lorsque le jury de l’Académie royale s’arrêta devant cette magnifique production représentant le jeune Carthagènois en lutte avec l’aigle, il ne put s’empêcher d’applaudir au chef-d’œuvre, incident paraît-il sans précédent dans l’histoire de l’Académie.
En 1874, d’Epinay quitta Londres pour Paris, où la même année, il ajouta à sa renommée par son exquise statue de femme intitulée Ceinture dorée. Le sculpteur mauricien n’a cependant pas nourri de préoccupations sociales particulières et son œuvre entière ne fait guère de place à la populace ou de manière générale aux humbles, se cantonnant à représenter les nantis ou les grands de ce monde. Peut-être y-avait-il quelque raison pécuniaire à cela… Parmi ses clients figurent des souverains, des nobles, ou de multiples célébrités du moment. Durant sa carrière, il exécuta nombre de portraits-bustes, surtout de reines et de princesses, ce qui lui valut le surnom de «sculpteur de souveraines».
Statue d'Edouard VII au champ de Mars, œuvre du sculpteur mauricien Prosper d'Epinay. |
Néanmoins, une preuve indéniable de son succès et de la valeur de son art fut apportée par l’action en justice qu’il intenta à l’encontre d’un antiquaire d’Art, romain, qui faisait réaliser clandestinement des répliques de quelques unes de ses plus belles œuvres. Inutile de dire que le sculpteur remporta son procès.
Parmi ses œuvres les plus admirées, nous nommerons Sappho Jalouse, Bacchantes, Paul et Virginie, et Jeanne d’Arc au Sacre. La dernière fut sans doute la splendide statue polychrome figurant au sein de la Cathédrale de Reims à l’endroit précis où Jeanne d’Arc se tint durant le Sacre de Charles VII. Lors de la grande Exposition Anglo-française de Londres, en 1908, seul son superbe buste en marbre de la Reine Alexandra ainsi qu’une œuvre de M. M. de Saint Marceaux, eurent l’honneur d’apparaître au beau milieu du Hall Central. Ce marbre fut d’ailleurs offert à l’Ambassade britannique à Paris.
Statue du Gouverneur Stevenson par Prosper d'Epinay, devant l'Hôtel du Gouvernement. |
Notons que Prosper d’Epinay fut membre de plusieurs associations connues, telles le Cercle de l’Union artistique de Paris, ainsi que le Circolo della Caccia de Rome, qu’il contribua activement à fonder toutes deux avec quelques amis, respectivement en 1860 et 1870.
Il a reçu plusieurs décorations des mains de plusieurs souverains d’Europe en raison de son talent et de la haute appréciation que son œuvre a pu susciter de par le monde. Il est chevalier du «Royal Victorian Order», Commandeur de l’ordre d’Isabelle la Catholique, Officier du Lion d’or de Nassau, Chevalier de la Légion d’Honneur, Chevalier de St Maurice et St Lazare, Officier de la Rose du Brésil, etc. Le célèbre sculpteur mourut à Tours en France le 23 septembre 1914.
Malgré l’éloignement de plus en plus durable (le sculpteur finit par s’établir à Paris, Boulevard Hausmann), Prosper d’Epinay n’oublia jamais son pays, non seulement nombre de ses œuvres le rappellent (Paul et Virginie, célèbre, commandée par la Municipalité de Port-Louis en 1881, Sylvain le piqueur et Cyclone de 1806), mais encore, l’Histoire de son île le passionnait au point qu’il sut accumuler au fil des ans, une bibliothèque considérable que le Conseil de Curepipe décida d’acquérir après sa mort et qui constitua le noyau de l’actuelle bibliothèque Carnegie, fondée en 1920.
Il est rarissime de voir un artiste réussir dans autant de domaines différents et avec autant de talent, caricaturiste, sculpteur, peintre, maîtrisant aussi bien le pastel que l’huile, le marbre que le bronze ou la terre cuite. Ses œuvres figurent dans les plus grands musées du monde, aussi bien au Metropolitan Museum (Sappho, marbre) qu’au musée de Leningrad (Le Réveil, marbre) ou à la glyptothèque de Copenhague, entre autres. Notons pour l’anecdote, que l’une des deux filles du sculpteur, Marie Mauricia, fut elle-même peintre.
Statue de Stevenson. |