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Galerie de peinture mauricienne
Galri lapintir morisyen
Crucifixion 2
Tableau peint à l'huile, propriété de la cathédrale de Port-Louis,
restauré en juin-août 2007
durant la campagne de restauration de l'ensemble de la cathédrale.
Pose des enduits avant ragréage. |
Pose des enduits, le restaurateur au travail. |
Réintégration picturale, détail de la tête du Christ. |
Pose des enduits. |
Après retrait du chassis, opérations au revers du tableau pendant le rentoilage. |
Restauration de la cathédrale Saint Louis
Rama Sithanen invité d'honneur du dîner de charité de l'Église catholique
Le ministre des Finances, Rama Sithanen, sera l'invité d'honneur au dîner de charité qu'organise, ce soir à partir de 19h au Grand Ocean City Chinese Restaurant du Caudan Waterfront, le conseil paroissial de Saint Louis en vue de lever des fonds pour la restauration de la cathédrale Saint Louis.
En cours depuis février dernier, ces travaux de restauration qui devraient s'achever vers la mi-août nécessitent des investissements de quelque Rs 14 millions. À ce jour, le diocèse catholique a déjà recueilli de ses fidèles une somme de Rs 3,2 millions.
Dans son discours du budget, vendredi de la semaine dernière, M. Sithanen a annoncé le déboursement par l'État d'une enveloppe de Rs 7 millions pour ce projet de remise à neuf de ce pan du patrimoine architectural national. Le dîner de ce soir s'inscrit dans le cadre d'autres activités de levée de fonds pour compléter le financement de ces travaux.
Levée de fonds pour la rénovation de la cathédrale St.-Louis
L'Express, 25 Juin 2007
“Les Rs 7 millions promis dans le budget pour la cathédrale seront décaissées dès la semaine prochaine”, a déclaré le ministre des Finances, Rama Sithanen, lors d’un dîner organisé par le conseil paroissial de St.-Louis pour collecter des fonds pour des travaux de rénovation de la cathédrale St-Louis. Les travaux nécessitent Rs 14 millions. Rama Sithanen a fait un appel au secteur privé tout en félicitant ABC Motors pour avoir gratuitement mis en jeu dans le cadre d’une loterie, une Nissan March.
Le Dimanche
Découverte d'un tableau avec des traits physionomiques
du Christ à la cathédrale Saint-Louis
Nous ne sommes pas dans le Da Vinci Code du romancier Dan Brown. La découverte d'un tableau, à la cathédrale Saint-Louis, pourrait bien apporter un éclairage sur les traits physionomiques du Christ, comme on en a rarement vus jusqu'ici. Actuellement, en rénovation, la cathédrale a peut-être bien des choses à nous relater à la fois sur son histoire et celle du christianisme.
Les traits physionomiques du visage de Jésus se cacheraient-ils sous la deuxième couche de peinture du grand tableau du Christ en croix qui était jadis suspendu au-dessus de l'autel de la cathédrale? Tout le laisse croire, selon le père Jean-Maurice Labour, vicaire général: "Lors de la restauration de ce tableau, le restaurateur Emmanuel Richon a découvert qu'il a, en fait, été repeint à l'huile sur un tableau d'origine. Le peintre qui aurait fait ça a en quelque sorte trahi l'original, parce que le tableau d'origine est plus ancien et beaucoup plus beau. De plus, il s'avère que le visage du Christ sur la première peinture est beaucoup plus proche des témoignages des Evangiles. Le teint du corps de, Jésus est d'ailleurs aussi naturel que celui d'un être humain vivant. Ce qui est assez rare, je l'avoue!"
Vu l'ampleur de cette découverte, le père Labour a ordonné l'arrêt immédiat de la restauration: J'ai demandé l'arrêt des restaurations, car on voudrait que des artistes peintres viennent y jeter un œil pour vérifier l'authenticité du tableau. Une fois que ce sera fait, nous allons soigneusement enlever la première couche de peinture pour que le tableau d'origine puisse enfin nous dévoiler tous ses secrets. Nous espérons aussi y découvrir le nom du peintre qui l'a peint."
Par ailleurs, le mystère plane aussi sur la date et le pays d'origine de ce tableau: A ma connaissance, le tableau date de 1960. Mais je n'en suis pas si sûr! On ne connaît pas non plus son pays d'origine."
CATHÉDRALE ST-LOUIS Restauration
Le Mauricien, 4 Juillet 2007
Emmanuel Richon découvre une peinture originale du XVIIIe siècle
Au Collège de Lorette de Port-Louis, a été présentée, hier, une découverte artistique majeure, survenue au cours de la restauration, entreprise par Emmanuel Richon, du grand tableau du Christ en croix, qui date du XVIIIe siècle. En effet, la peinture originale avait été recouverte lors d'une restauration précédente.
Comme venue tout droit d'un roman historique, cette découverte ne peut laisser indifférent. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la restauration du tableau du Christ en croix a été momentanément interrompue.
Emmanuel Richon, restaurateur formé à Paris, à l'école du Louvre, a fait, il y a quelques jours de cela, cette découverte de taille: le tableau d'origine a été masqué par une peinture à l'huile. Or, l'original s'avère être un chef-d'œuvre du XVIIIe siècle, reflétant l'esthétique picturale de cette période charnière, le siècle des Lumières, entre, d'une part, les licences artistiques de la renaissance et le caractère flamboyant de l'art baroque et, de l'autre, les pruderies du XIXe.
Dès le départ, Emmanuel Richon a pu observer des traces lui indiquant que les coups de pinceaux en dessous n'épousaient pas ce qui était visible. Il y avait donc bel et bien quelque chose d'autre, de plus lumineux, qui se cachait derrière la représentation de Jésus.
C'est ainsi qu'il a pu découvrir que la restauration datant du XXe siècle relevait "d'une trahison". Celle-ci présente une œuvre faussée, dans laquelle Jésus est moins dénudé, alors que les couleurs ont été volontairement foncées.
Ainsi, l'air du temps a primé sur l'authenticité. L'œuvre originale du XVIIIe siècle, venue d'Italie, est l'œuvre du peintre Francesco Casanova (frère de l'écrivain, aventurier et séducteur Giacomo Casanova). Dès le XIXe siècle, une telle représentation du Christ était considérée comme "inacceptable". C'est dans cette logique, de "quasi censure" que la représentation du Christ a été victime de modifications lors de la restauration entreprise au siècle dernier.
Emmanuel Richon qualifie cet acte de "grande trahison", pis encore "d'humiliation". Il y a d'ailleurs double trahison. L'autre étant à l'égard de la Bible puisque cette œuvre originale s'avérerait même plus proche des témoignages des Évangiles. Casanova avait, en réalité, insisté sur des détails très importants et extrêmement révélateurs.
Outre le linceul, de taille minime, visant à présenter Jésus dans un dénuement extrême, on peut constater une particularité dans la représentation de sa main droite. Les quatre doigts sont crispés, mais l'auriculaire est déplié, le peintre souhaitant ainsi représenter le personnage dans ses derniers instants, lors de ses ultimes efforts. Casanova a donc voulu montrer tout le tragique de cet instant, si proche de la mort.
Très frappante aussi, la différence de luminosité entre l'œuvre originale et celle visible jusqu'à présent. Celle pour laquelle Casanova avait opté est beaucoup plus claire, afin de représenter la proche résurrection.
Le restaurateur du XXe siècle, qu'on soupçonne être un certain Taleb (à l'origine de la restauration de nombreux autres tableaux), a donc largement modifié l'œuvre de Casanova, dans le but de "l'adapter" aux mœurs de son époque et aux normes de l'art dit sulpicien.
Emmanuel Richon va désormais continuer le travail entamé afin de "redonner vie" à ce chef-d'œuvre. Ce travail de restauration est très délicat puisqu'au XXe siècle, le restaurateur précédent a enfreint une "règle d'or": celle qui consiste à ne jamais repeindre à l'huile sur un tableau d'origine. Afin de pouvoir "retrouver" l'original, car dans un futur plus ou moins proche, des techniques plus pointues verraient le jour et seraient plus efficaces. Le travail du restaurateur ne doit donc pas être définitif. Face à cette forme "d'ingérence" qui eut lieu au siècle dernier, il semble indispensable que "ces tableaux se remettent à revivre".
Ainsi, grâce à cette découverte, l'abbé Jean-Maurice Labour, vicaire général du diocèse de Port-Louis, également présent hier, compte "restaurer la mémoire de l'Ile Maurice et donner le goût pour l'histoire aux Mauriciens".
Ce chef-d'œuvre pourra être "redécouvert" par le grand public, dès la réouverture de la Cathédrale St-Louis, le jour de sa fête patronale, le 25 août prochain.
ART ET SACRALITÉ
Le Christ en croix restauré
L'Express, 4 Juillet 2007
Emmanuel Richon, le restaurateur du grand tableau du Christ en croix, qui était au-dessus de l’autel de la cathédrale Saint-Louis, a découvert que ce tableau a en fait été repeint à l’huile sur un tableau d’origine qui se révèle plus ancien. “D’emblée en tant que restaurateur, je fais la part des choses entre l’image, elle-même, et la part de sacralité qu’elle recèle”, explique Emmanuel Richon. Il confie que cela peut être “gênant” de travailler dans des lieux de culte tant il a l’impression d’interrompre l’acte de prière des croyants. Au-delà de l’anecdote, la restauration des œuvres se trouvant dans les lieux de culte permet au restaurateur d’établir un dialogue avec plusieurs interlocuteurs.
“Il faut savoir que lorsque les gens regardent le Christ en croix, ils se représentent Dieu. C’est différent du rapport qu’un spectateur établit avec un tableau se trouvant devant un miroir. D’un autre côté, insistons sur le fait que les tableaux sont des créations humaines. A ce titre, mon devoir, c’est de défendre l’artiste”, dira Emmanuel Richon. Ce dernier, dans son travail, est “en dialogue” avec l’auteur, avec le propriétaire du tableau, avec le spectateur… “Parfois le sujet porte un sens lourd. Par exemple, dans la version originale du tableau, la représentation du Christ était beaucoup plus audacieuse. Le pagne qui le recouvrait donnait à voir un dénuement qui correspond davantage à la réalité des choses, où on témoigne de la corporéité du Christ et de l’humiliation qu’il avait subie. Dans le tableau qui devait être repeint vers 1930, on masque cet état des choses. En ce sens, il y a eu une trahison des textes de l’Évangile. Les détails sont, à cet effet, très importants car ils permettent de retrouver chaque sens, chaque symbole, chaque signification… Le peintre qui a réalisé le tableau au XVIIIe, Casanova, rendait compte des derniers instants du Christ dans tout son dénuement et toute sa solitude.”
Emmanuel Richon se réjouit qu’il y a des églises et autres lieux de culte qui ont su préserver des œuvres d’art alors que Maurice ne compte toujours pas de référent culturel. “Il n’y a ainsi aucun référent qui rend compte de ce que les ancêtres des Mauriciens ont réalisé aux XVIIIe, XIXe et même au XXe siècles. C’est un scandale pour ce pays”, conclut Emmanuel Richon.
Nazim ESOOF
Le Christ de la cathédrale n'est qu'un repentir
Sedley Assonne
Le Matinal, 4 juillet 2007
Jamais tableau n'aura si bien porté son nom. "Le Christ en croix", gigantesque tableau de 4 m 50 x 3 m 25, est un repentir. Un terme que les peintres connaissent bien et qui signifie qu'il y a une peinture sur une autre. En clair, ce tableau, datant de la fin du 18e siècle, a été repeint à l'huile par un restaurateur mauricien, gommant l'authenticité de l'œuvre. Figurant parmi les neuf tableaux restaurés par Emmanuel Richon, restaurateur et muséologue d'origine française, ce tableau serait signé Casanova, le frère du célèbre écrivain libertin et qui était peintre.
En présence du vicaire-général du diocèse de Port-Louis, le père Jean-Maurice Labour, Emmanuel Richon a expliqué que "le tableau n'a pas été réalisé localement. Il a été fait en France et emmené ici après. Le Christ qu'il a peint est beaucoup plus près des Ecritures, car il représente un Christ en plein dénuement. En témoigne le pagne léger qui le couvre. Dans son souci du détail, le peintre s'est également attardé sur le petit doigt du Christ, encore déplié, et qui montre que la vie n'a pas encore quitté le Crucifié. Je pense que c'est à ce moment qu'il dira "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?"
Casanova est resté fidèle à la scène de la crucifixion, montrant également les gouttes de sang qui dégoulinent sur deux plantes, de chaque côté de la croix. "Ce sont des passiflores, des plantes de la Passion, et qui se "nourrissaient" du sang des mourants. Dans ce tableau, le Christ est seul. Et juste à ses pieds, il y a les outils, la masse, les clous, la vis, inventée par les Romains, somme toute présents dans ces derniers instants. Le peintre n'a pas escamoté ces détails sordides", poursuit Emmanuel Richon.
"L'œuvre de Casanova restitue mieux l'esprit du 18e siècle, où on était plus libertin. Fragonard et Bouchet en sont les dignes représentants, avec leurs nus. Il y avait absence de tabous. Mais les siècles d'après verra un serrage de vis. Il n'y a plus de suggestibilité de la chair. Je pense que lors de la reconstruction de la cathédrale. le restaurateur a cru bon de masquer cela. C'est la faute de la société de son époque. Il ne peut être tenu coupable de ce repentir".
Celui qui a retouché le tableau a cru bon "d'habiller" le Christ d'un pagne plus généreux, qui cache cette partie de son corps: Ce qui trahit l'esprit même de l'humiliation qui a eu cours lors de la crucifixion. "On voulait humilier Jésus. D'où la pancarte "Jésus de Nazareth, roi des Juifs", parce qu'il se proclamait comme tel, et la couronne d'épines. Oter ces symboles d'un tableau représentant la Crucifixion, c'est méconnaître la vérité historique et chrétienne", soutient Emmanuel Richon.
Jean-Maurice Labour abonde dans le sens du restaurateur. "Il ne faut pas oublier la dimension humaine du Christ. Il y a résurrection, mais il y a également eu mort quand Dieu s'est fait homme". Pour lui, "restaurer ces tableaux, c'est faire œuvre patriotique. Ils font partie du patrimoine catholique et mauricien. Et leur redonner des couleurs, c'est aussi partager cette beauté à tous nos compatriotes. Le public pourra les voir en août prochain, pour la fête 'de la Saint-Louis. Il était important de restaurer ces tableaux; car n'oublions pas qu'il faut s'enraciner dans le passé pour se projeter dans l'avenir. On ne restaure pas que la cathédrale, mais symboliquement aussi la société", lâche-t-il
Dans le même souffle, le vicaire-général devait annoncer "l'écriture d'un livre de 400 pages sur la cathédrale par Mgr Amédée Nagapen. Seront inclus les commentaires d'Emmanuel Richon sur les neuf tableaux restaurés. L'ouvrage sera également présenté en août".
Avec la cathédrale revêtant ses plus beaux atours le mois prochain, ses tableaux "extraterrestres" retrouveront leurs places sur ses murs. Pour avoir une idée de la valeur titanesque de ces tableaux, il faut savoir qu'un tableau pèse 250 kilos, et qu'il faut dix hommes pour le soulever. "Quand je dois restaurer une telle œuvre, il me faut faire appel aux ouvriers qui travaillent à la cathédrale. Et il faut le soulever avec soin: Sinon, on risque de briser l'ensemble".
C'est dire combien le travail d'Emmanuel Richon est précieux. Vivement août, pour que chaque Mauricien puisse apprécier son travail d'orfèvre!
Le père Labour commente un mystérieux tableau
Stéphane Chinnapen
5 plus 1, 8 juillet 2007
Le restaurateur Emmanuel Richon s'explique sous l'œil du vicaire général. Photo Étiennette Harold. |
Le vicaire général revient sur la découverte d'une peinture de Jésus en Croix qui est apparue sous un tableau lors de la restauration de celui-ci.
Oh surprise! La restauration d'un tableau à la cathédrale St-Louis datant du 20' siècle – il a été réalisé par le Mauricien Avice Dubuisson et représente Jésus-Christ sur la croix – a révélé l'existence d'une autre œuvre du 18` siècle, assez similaire clans l'ensemble, cachée juste en dessous. Mystère, mystère...
Pour le vicaire général, Jean-Maurice Labour, «l'œuvre qui a été découverte est plus proche des Évangiles. Son auteur ne voulait pas qu'on oublie l'humanité du Christ. Il nous montre que plus, Jésus est dans son dénouement, plus il est proche de la résurrection. Car la mort et la résurrection sont très liées. Je pense que cette découverte va nous amener à évaluer la valeur des autres tableaux de la cathédrale.»
Les deux tableaux à l'huile, nous montrent Jésus en croix, mais leurs nombreuses différences sautent aux yeux. Le peintre de celui qu'on vient de découvrir serait un certain Casanova.
Emmanuel Richon, qui s'occupe de la restauration des œuvres (une bonne dizaine) de la cathédrale St-Louis, explique: «Au cours de la restauration de ce tableau, qu'on croyait du XX siècle, nous avons remarqué qu'il y avait non seulement un autre tableau en dessous, mais que les coups de pinceau n'épousaient pas le même dessin et qu'il avait des trahisons au niveau de la restauration. Par exemple, le pagne que porte le Christ est plus minimaliste sur la peinture en dessous, ce qui l'apparente à une œuvre du 18e siècle car, à partir du 19e, les gens ne pouvaient pas voir un pagne minimaliste. Or; c'est une grande trahison. La passion est une humiliation et cela passe aussi par ce pagne qui met la personne dans un état de dénuement extrême.»
Le restaurateur revient aussi sur un autre détail important: «On remarque aussi qu'il y a le petit doigt de la main droite qui s'ouvre sur le tableau en dessous; c'est un détail frappant, parce que l'on sent que c'est la fin, que le Christ vit ses derniers moments. On note aussi un mouvement rectiligne (NdIR: en ligne droite) du sang qui coule sur les passiflores, car on dit que ces fleurs se nourrissent du sang des sacrifiés sur la croix.»
Que va-t-on faire de cette œuvre? «Nous sommes encore au stade de l'exploration de la valeur de cette découverte. Nous allons rechercher les commentaires d'artistes et, au bout de cet exercice, nous allons décider de la marche à suivre, dit Jean-Maurice Labour.» Et va-t-on avertir le Vatican, vu la portée historique de cette découverte? «Nous sommes toujours au stade de l'exploration de la valeur de cette œuvre», répète le vicaire général. On n'en saura vraisemblablement pas plus pour le moment.
Par ailleurs, un livre sur la Cathédrale St-Louis que prépare monseigneur Nagapen paraîtra d'ici la fin du mois. On y trouvera des détails sur les nombreux tableaux, dont celui du Christ en Croix.
Qui est l’auteur de l’œuvre découverte?
Selon le restaurateur Emmanuel Richon, la restauration a révélé une œuvre originale qui daterait du 18e siècle. L’auteur est un peintre du nom de Casanova. Un communiqué du diocèse nous donne de plus amples détails sur cet artiste: «Cet artiste, né de parents vénitiens à Londres le 7 juin 1727 et mort le 8 juillet 1803, est peintre des batailles italiennes. Frère de Giacomo Casanova, il vint se former à Paris sous Charles Parrocel et y fut reçu en 1763 membre de l’Académie de peinture, puis séjourna à Dresdà, Vienne, et à Brühl, près de Vienne, où il mourut en 1805.
Ses principaux tableaux sont ceux dans lesquels il représenta les batailles gagnées par le prince de Condé et ceux qu’il exécuta pour l’impératrice Catherine II de Russie représentant les victoires remportées par les Russes sur les Turcs. On peut retrouver des œuvres de lui dans les grands musées de Londres, Venise et Paris, entres autres.»
Stephane Chinnapen
Le Mauricien – Forum
A Emmanuel Richon
13 juillet 2007
Les tableaux des "Christ en croix" sous la loupe
La critique est aisée, l'art est difficile. Sous un autre angle, l'art paraît impossible. Malgré toute la méthodologie scientifique, le monde de l'art pictural et toutes les expressions artistiques sont souvent restés dans ses sanctuaires, depuis la nuit des temps.
Et cela n'a rien à faire avec la notion du sacré.
Experts et analystes n'ont jamais pu retracer jusqu'aujourd'hui les auteurs de plusieurs célèbres ouvrages non signés. Or, leur mission, qui, au nom de l'Art, consiste à résoudre mystère et secret autour de ce legs du passé, continue de plus belle.
Quand on attribue catégoriquement la paternité à un peintre, il y a un problème. Parfois c'est un faux, en d'autres occasions, on vous présente un vrai/faux qui paraît plus authentique qu'un vrai. Il est même arrivé qu'un apprenti d'un atelier signe à la place du maître. Il n'est pas rare de voir une seule signature, ou aucune, sur un travail accompli par un groupe collectif.
Francesco Casanova est connu pour ses toiles mettant en scène des batailles victorieuses, avec des couleurs gaies et chatoyantes. 11 était toujours du côté des vainqueurs. Comment diable cet Italien a pu peindre un Christ en croix pour mettre en avant sa souffrance? Des études sont nécessaires pour lever le voile sur cette toile. On n'avance rien pour le moment mais une analyse profonde s'avère vitale afin d'éduquer nos regards et développer notre sens du beau en cette période où l'on célèbre le patrimoine.
Des écoles de peinture, il en existe une multitude à travers le monde et les anciens ont des règles techniques bien établies. Des "Christ en croix", on en retrouve dans les peintures flamande, espagnole, française, hollandaise, anglaise et italienne. Diverses nationalités aux quatre coins du globe y ont contribué pleinement. Mais la majeure partie de ces toiles sont anonymes. Des spécialistes en cette matière n'arrivent toujours pas à identifier scientifiquement leurs auteurs.
Comment un tableau de Casanova sur un "Christ en croix" a pu atterrir à l'ancienne île de France au XVllle siècle? Une évaluation et une expertise à ce stade nous coûteront une fortune et on aura des rapports des plus contradictoires. Cet artiste a vécu la Révolution française de 1789. Et pendant ce grand bouleversement du XVllle siècle, des nobles qui ont fui leur patrie ont emmené dans leurs bagages des pièces d'art de grande valeur et du même coup ont enrichi notre territoire du patrimoine français. C'était précisément à cette époque que des châteaux majestueux, des maisons coloniales et des églises, à l'instar de la Cathédrale St-Louis, ont été richement embellis de belles œuvres. Des Français étaient dépêchés à l'île Maurice pour récupérer de rares joyaux. Par exemple, le triptyque du retable du Parlement de Paris, un "Christ en croix", qui a connu maints périples, banni par la Révolution Française, a été placé au Musée du Louvre en 1904. Les auteurs de cette toile ainsi que de celle d'Henri III devant le Christ en croix sont demeurés anonymes.
La peinture qui se trouve actuellement à la Cathédrale St-Louis mérite une analyse approfondie.
Le débat doit recommencer sinon on finira par voir partout un Christ symbolisant l'agonie éternelle. Où donc alors est ce Christ Rédempteur qui rayonne de grâce que font voir les tableaux du "Christ en croix"?
Casanova était un encenseur. Il aimait faire plaisir aux grands rois - chaque peintre a ses propres particularités et les traits de son caractère sont visibles dans la profondeur de ses œuvres immortelles.
Ce tableau n'a jamais été masqué pour ne pas répondre aux réalités bibliques ou évangéliques car tous les "Christ en croix", de la tendance florentine au XIVe siècle, nous montrent un Christ triomphant, dominant la mort. D'autres représentations identiques du Christ en croix étaient courantes dans les provinces byzantines arborant des expressions visiblement homériques. Cela peut être constaté dès le Xlle siècle, en Italie.
Si la tête du Christ est droite, ce n'est pas en signe de souffrance et d'humiliation. Si le corps est convexe, c'est pour traduire la sensation de douleur. Si la tête s'incline sur l'épaule, c'est pour montrer un Christ en perpétuelle agonie. Tel n'est certainement pas le cas de cette peinture qui sera restaurée. C'est un Christ triomphateur, qui n'a pas peur de la mort et avec ses deux pieds posés sur un escabeau, cela signifie qu'il attend éternellement la résurrection. Si on veut voir un Christ en pleine agonie, on n'a qu'à regarder les tableaux sur le calvaire, le Christ entre les larrons, la descente de croix.
Sur la photo de cette applique en relief en vieille porcelaine de Meissen (ma collection privée), on peut contempler les expressions faciales de Jésus et des autres personnages. C'est pendant la crucifixion. Cela est totalement différent des autres représentations. C'est son Père dans les Cieux qui lui a inculqué cette patience divine.
Le plus érudit des connaisseurs ne peut décrire le sentiment du Christ pendant l'Élévation de la Croix. C'est une Émanation. Des mots manquent cruellement.
Le "Christ en croix" de Francesco Raibo, et non de Francesco Casanova, est une présentation modèle de l'invincibilité de son âme et Son aura est plus brillante que les étoiles.
Le tableau terminé par Henri Bellechose, La dernière communion et le martyre de Saint Denis, nous montre un Christ épuisé et écrasé dans la souffrance. Par contre, le "Christ en croix" du Musée du Louvre donne une version contraire. Les chercheurs ont commis une erreur grave en croyant que c'était une œuvre de Bellechose.
Quant à la nudité et la corporéité du Christ, étudiez les fresques et vitraux de cet Homme charnel qui accepte la flagellation avec amour et sans rancune. On découvre à travers ces procédés de peinture que l'action de l'homme pécheur n'a aucune réaction sur le Christ.
Dieu est joliment instructif dans les arts. L'art transcende laïcité, agnosticisme et spiritualisme. L'art est un carrefour où tous ces courants de pensée se rencontrent sans heurts.
Donc, ce que vous avancez, Emmanuel Richon, relève non pas d'une thèse mais d'une hypothèse. On doit connaître la vérité. Nous vous remercions beaucoup pour tous les services que vous rendez à l'île Maurice, votre seconde patrie.
Il est dommage que l'État mauricien ne se soit pas montré reconnaissant envers vos travaux.
Devarajen Kanaksabee
Réponse au Mauricien et à l’article de D. Kanaksabee
Suite à la parution d’un article d’opinion au sein de votre journal, relatif au tableau du Christ en croix actuellement en restauration à la cathédrale, je tiens à vous adresser ici les précisions suivantes: Devarajen Kanaksabee, un ami de plus de vingt ans, a pleinement eu raison de réagir aux quelques articles de presse qu’il a pu lire, relatifs à la découverte que j’ai pu faire d’une peinture sous-jacente et ancienne, en quelque sorte dissimulée par un repeint récent et maladroit datant des années soixante-dix, repeint intempestif et couvrant la totalité du dit tableau.
Je le remercie donc d’avoir soumis ses réserves personnelles, celles-ci n’étant pas fondées sur mes dires, mais plutôt sur mes propos relatés dans divers quotidiens et hebdomadaires. Je comptais bien rester silencieux et ne surtout pas m’appesantir sur diverses erreurs relevées par moi et qui m’avaient personnellement fait sourire, mais étant donné la juste réaction de ce lecteur attentif et ami, je me vois contraint, bien malgré moi, à corriger un certain nombre d’inexactitudes rapportées, ne voyez donc là qu’un pur souci de ne surtout pas me trouver associé dans une polémique sans intérêt à mes yeux, puisque ne découlant pas de ce que j’aurais effectivement pu dire.
Un hebdomadaire du week-end a cru bon de titrer: «Christianisme, découverte d’un tableau avec des traits physionomiques du Christ à la cathédrale Saint-Louis». Comme si ce n’était pas suffisant, le journaliste a cru bon d’ajouter: «La découverte d’un tableau à la cathédrale Saint-Louis, pourrait bien apporter un éclairage sur les traits physionomiques du Christ, comme on en a rarement vus jusqu’ici».
Plus loin dans le même article du même journal: «Les traits physionomiques du visage de Jésus se cacheraient-ils sous la deuxième couche de peinture du grand tableau du Christ en croix qui était jadis suspendu au-dessus de l’autel de la cathédrale? Tout le laisse croire, selon le père Jean-Maurice Labour, vicaire général».
J’imagine que le Vicaire général, a, tout comme moi, dû sourire, tant l’exagération et la naïveté des propos qu’on nous a prêtés paraît grande.
Un autre hebdomadaire s’est appesanti sur des supputations tout aussi délirantes: «Et va-t-on avertir le Vatican, vu la portée historique de cette découverte?» Nous voilà donc en plein Da Vinci Code, …
Un quotidien me présente comme «restaurateur formé à Paris, à l’école du Louvre», or cette école, bien que dispensant quelques cours de vulgarisation plutôt didactique en matière de restauration, n’a jamais formé à la restauration et je n’y ai personnellement jamais mis les pieds …
Par ailleurs, j’avais moi-même passé beaucoup de temps, lors de la conférence de presse, à expliquer en quoi la pseudo restauration des années soixante-dix avait été une véritable trahison du tableau d’origine. Trahison de l’esprit audacieux du peintre auteur de l’œuvre, mais aussi, à mes yeux, trahison des évangiles eux-mêmes, en ce que la restauration ne s’était pas même contentée de recouvrir l’intégralité de l’œuvre ancienne, mais s’était en plus permis d’effectuer un repeint de pudeur au niveau du pagne du Christ, beaucoup plus dénudé dans l’œuvre première.
J’avais alors expliqué l’authenticité beaucoup plus grande qu’il y avait certainement eue chez l’auteur initial à avoir su ajouter à la dimension de souffrance que pouvait contenir la Passion, celle de l’humiliation. Humiliation évidente dans la couronne d’épines, au même titre que dans l’importance de l’aspect dénudé du supplicié, à qui les Romains n’avaient certainement pas offert ce joli pagne protecteur que le restaurateur des années soixante avait cru bon d’ajouter… C’est donc bien qu’à mon idée, la dimension d’humiliation était bien une qualité positive indéniable de l’œuvre d’origine, trahie par un repeint de pudeur.
Un quotidien, sans doute par simplification abusive, a cru bon de mentionner mes propos de manière erronée, créant un raccourci fallacieux en me faisant qualifier cet acte de restauration, «de grande trahison», pis encore «d’humiliation». Alors qu’au contraire, le terme d’humiliation venait d’être utilisé par moi, non pas par rapport à la restauration intempestive, ce qui n’aurait d’ailleurs aucun sens, mais bien, de manière fondamentalement positive et par rapport au tableau d’origine en tant que ce dernier avait su quant à lui, rendre compte de cette humiliation, escamotée par la restauration…
Un quotidien va jusqu’à évoquer: «Outre le linceul, de taille minime, visant à présenter Jésus dans un dénuement extrême…». Là on frise carrément le blasphème, confondre un pagne et un linceul …
En tout cas, rassurez bien notre ami Devarajen, rien de tout cela dans nos propos et que ce dernier se rassure, je passerai le voir moi-même pour lui relater ma propre version. Quant aux attributions, auteurs, signatures, copies et autres originaux, là, pardonnez moi, ce serait trop long et surtout, toutes ces notions, transposées au siècle qui nous intéresse ici, le dix-huitième, n’auraient pas du tout le même sens qu’aujourd’hui, ce qui nous entraînerait beaucoup trop loin et justement dans la polémique qui est le domaine du superficiel.
Je n’ai jamais fermé aucune option concernant le tableau de la cathédrale. Simplement, avec la conviction à laquelle j’ai droit et tout comme pour le tableau de l’Institut auquel vous faisiez allusion, j’ai la possibilité fondamentale moi-aussi, de dire ce que je pense et sans provoquer de polémique pour autant, sinon cela voudrait dire qu’on ne peut plus rien dire sur rien. Affirmer que quelqu’un est catégorique et péremptoire dans ses affirmations alors qu’il ne fait jamais qu’apporter sa version personnelle et surtout non exclusive, c’est justement interdire indirectement toute liberté d’expression.
Enfin et par rapport à votre éditorial, sachez que toute intervention en matière de restauration se doit, par essence et ne peut qu’être minimaliste, le contraire mène à la catastrophe que je suis justement en train de réparer. Merci d’en prendre note. Amicalement,
Emmanuel Richon
Le Mauricien – Éditorial
Gilbert Ahnee
13 juillet 2007
Loin de nous la tentation de vouloir arbitrer ce débat. Même si cela relevait des objectifs de cette rubrique, son animateur n'aurait pas la compétence requise pour dire qui, d'Emmanuel Richon ou de Devarajen Kanaksabee, est le plus fiable en matière d'identification d'un tableau ancien. Quoi qu'il en soit, cette rubrique - si tant est qu'elle était lue avant la page Forum - ne peut que recommander à tous ses lecteurs de prendre connaissance du remarquable article que nous propose, aujourd'hui, en page 8, M. Kanaksabee.
Sous le titre Les tableaux des "Christ en croix" sous la loupe, l'envoi de M. Kanaksabee met en doute le postulat du restaurateur Richon selon lequel un tableau de la Cathédrale St-Louis serait l'œuvre du peintre italien Casanova. Voici quelques années, Richon suggérait qu'il y avait peut-être un Renoir dans la collection du Mauritius lnstitute (MI) et, de toute évidence, sauf si le ministre de tutelle n'avait pas jugé utile de faire connaître les conclusions du rapport d'experts, nous ne savons toujours pas si le MI possède effectivement une œuvre qui vaudrait une fortune ou uniquement un tableau à la Renoir et de belle facture. Les questions d'expertise sont complexes, opposant des spécialistes, tout comme s'opposent deux écoles de restauration, celle qui se veut minimaliste et celle, à laquelle semble appartenir Emmanuel Richon, qui se livre à des postulats et intervient sur le canevas en fonction de ces derniers. Mais ce débat particulier - face auquel également l'auteur de ces lignes avoue son incompétence - n'est pas l'objet du présent éditorial.
Si cet éditorial avait une chose à dire, une seule, ce serait la suivante: Maurice doit songer à mieux utiliser la vaste culture de Devarajen Kanaksabee. Voilà un pays désespérément à la recherche de ressources, et plus particulièrement de ces hommes et femmes sensibles au beau et susceptibles d'investir de culture un certain nombre de nos projets économiques. L'île Maurice commence effectivement à prendre conscience que, dans la nouvelle économie dont on a tant parlé, lorsque la création de valeur passe par de l'immatériel, le beau, l'esthétique, la culture deviennent, pardonnez le caractère trivial de la formule, des matières premières. Et il suffit de prendre connaissance de certaines déclarations récentes du président du Board des Villages Touristiques pour mesurer que ce type de réflexion n'est plus l'apanage de quelques éditorialistes rêveurs. Dont ceux qui, tristes de ne pas avoir été compris plus tôt mais toujours résolus, n'ont cessé de le répéter à temps et à contretemps depuis plus de vingt ans.
L'île Maurice - celle des villages touristiques ou de Évents Mauritius - ne devrait pas se priver de ce que peut fui apporter Devarajen Kanaksabee. Et Le Mauricien se sent suprêmement libre de l'affirmer en sachant que nul, sauf au motif délibéré de se rendre ridicule, ne pourra venir suggérer une quelconque connivence de l'auteur de ces lignes avec l'intéressé. Pendant des années, particulièrement à l'époque où il animait en priorité un regroupement que, à tort ou à raison, cette rubrique jugeait sectaire, M. Kanaksabee ne s'est pas privé d'accuser Le Mauricien de racisme or what not. Aujourd'hui, comme de nombreux autres compatriotes qui avaient précédemment été des détracteurs de notre titre, M. Kanaksabee s'est rendu à l'évidence que notre page Forum était au service d'un seul et unique agenda: la liberté d'expression. A ce chapitre, d'ailleurs, Sylvie Michel - auquel nous devons des excuses pour un retard mis à publier sa réponse à Eliézer François - devrait être en mesure, aujourd'hui, de constater, lui aussi, que ce service de la liberté d'expression n'est pas qu'un slogan de marketing, une manière de longueur d'avance illusoire que nous nous serions inventés.
Sans doute n'y a-t-il pas beaucoup de Mauriciens aussi passionnés que Devarajen Kanaksabee pour les enjeux de culture. Tout autant qu'Emmanuel Richon, ne laissons pas de telles perles se perdre alors que tant de pourceaux ruinent le trésor public.
Le Christ en croix de Casanova I
Ayant acquis un certain nombre de certitudes relativement à ce tableau de la cathédrale qui vient d'être restauré et qui peut être vu par tous les Mauriciens, je me permets de reprendre contact avec vous, sachant que vous aviez montré quelque intérêt pour cette œuvre appréciable à plus d'un titre.
L'origine et les circonstances de la création du tableau peint à l'huile sur toile et représentant un Christ en croix, œuvre qui figure entre les deux fenêtres du chevet, à l'arrière du maître-autel et à huit mètres de haut, en dit long sur l'histoire de l'Art à Maurice.
C'est Monseigneur Mamet, dans ses Annales du Diocèse de Port-Louis, mine de renseignements et d'anecdotes, conservées à l'évêché, qui nous apporta le premier témoignage qu'un peintre du nom de Casanova fut bel et bien l'auteur de cette magnifique crucifixion.
Même si la toile de lin sur laquelle il se trouve peint est bien antérieure, les arrivages de ce type d'étoffes ne devaient pas être légion, c'est durant la première moitié de 1817 que le tableau que nous connaissons prit sa place actuelle dans l'église.
Monseigneur Mamet est formel: «Cette toile, faite à Port-Louis, est due au pinceau d'un Italien, Casanova, homonyme et peut-être parent de deux célèbres peintres vénitiens. La tradition affirme que c'est M. Antoine de Mouhy qui servit de modèle.»
Il est même mentionné que l'artiste reçut quinze cents piastres en rétribution pour son œuvre.
Nous remercions le Père J. - M. Labour de nous avoir permis d'accéder à cette information détaillée. Ce récit se trouve d'ailleurs corroboré par un autre, à savoir, le Mauritius Keepsake de 1839, publié à Port-Louis et dont un des chapitres écrit par M.G. Le Roy, intitulé Casanova, est consacré à narrer le séjour détaillé du peintre en question dans notre île.
Ce Keepsake se trouve à la bibliothèque Carnegie de Curepipe. Je tiens, ici, à remercier le père Alain Romaine de m'en avoir communiqué l'existence.
Au sein du fameux Dictionnaire Benezit des artistes, peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, dictionnaire en dix volumes qui est consultable au Mauritius Institute, plus d'une dizaine de Casanova se trouvent répertoriés, auxquels il convient d'ajouter une dizaine de Casanovas avec un «s», les premiers d'origine italienne, les seconds plutôt d'origine hispanique. Devant pareil choix, il est difficile de s'y retrouver. Quel est donc le Casanova qui vint s'aventurer sur notre île?
Les Keepsake de 1839 nous en disent plus: notre Casanova était Français. Était-il Corse? Impossible à dire, malgré le fait indéniable qu'il figura comme un admirateur passionné et fanatique de l'Empereur Napoléon, à tel point qu'il conçut l'idée de faire le portrait de son idole et alla jusqu'à présenter de visu le produit de ses pinceaux à son héros. L'empereur fut tellement convaincu de son talent, qu'il en fit sur le champ son peintre attitré, à l'image du beaucoup plus célèbre baron Gros.
Son talent fut reconnu tant que son idole régna sur la France, mais, passé 1815, le pauvre peintre dut brutalement s'exiler, Restauration oblige. Il débarqua à Maurice où il conçut d'épanouir au plus vite ses talents et de mettre ses connaissances à disposition en créant une école locale d'Art. Mal lui en prit, il se fit aussitôt un ennemi juré en la personne d'un médiocre artiste du nom de Collombet, que l'Histoire n'a pas retenu. Collombet, seul artiste membre de la célèbre Table ovale, ne se contenta pas de le prendre en grippe, tentant de rallier à lui ses congénères, il essaya de les convaincre d'obtenir son renvoi pur et simple. Le Mauricien pensa en effet que la présence de Casanova à Maurice ne pouvait que lui «ravir la fortune et la gloire». Collombet remit en question le fait que Casanova ait pu être le peintre attitré de l'empereur, le présenta comme un intrus, sans talent, sans papiers (Casanova n'avait-il pas fui la France?), pire que tout, sans recommandation.
Afin de calmer la jalousie de Collombet, il fut décidé de mettre le Français à l'épreuve; une fois pour toutes, pour en avoir le cœur net.
Il convient ici de laisser la parole à Le Roy, auteur de l'article en question:
«Vous avez vu ce beau Christ derrière l'autel, à l'église? Vous vous êtes arrêté devant la désolation de cette scène? Vous avez admiré l'expression de souffrance de cette tête, et ce beau corps qui se plie sous les tortures, et ce ciel sombre si bien en harmonie avec ce sang et cette douleur? [...] Eh bien! c'est par ce Christ que débuta ici Casanova; c'est sur cette toile qu'il signa son nom pour lui servir de passeport, noble passeport qui devait lui ouvrir toutes les portes et toutes les entrées! Eh bien! je n'ose vous le dire, vous ne le croirez jamais, c'est ce Tableau que vinrent examiner des experts de la Table Ovale cc M. Collombet à leur e, et c'est ce tableau qui fut jugé à l'unanimité, mauvais, chairs molles, couleurs ..ées et sans harmonie [...] … figurez-vous l'étonnement de Casanova? Il partit, en parlant il secoua la poussière de ses pieds»
Voilà, tout est dit, nous ignorons ce qu'il advint de Casanova par la suite. Des projets d'école d'Art, il demeura cependant quelque chose: parmi les quelques artistes qu'il forma, figurait aussi Le Maire, par la suite un des plus fameux peintres la colonie, qui apprit beaucoup de Casanova et dont il ait précisé dans les Annales qu'il seconda ce dernier pour le tableau du Christ en croix. De la sorte, le séjour Casanova ne fut pas totalement vain. De la signature mentionnée par Le Roy, rien n'est visible aujourd'hui, mais peut-être cette allusion n'était-elle qu'une expression littéraire pour signifier que le tableau était bien de Casanova. Peut-être aussi qu'une signature éventuelle aurait pu disparaître dans une dégradation catastrophique du tableau ces dernières années.
Le Christ en croix de Casanova II
Cette œuvre avait énormément souffert, sous deux aspects différents qui peuvent être résumés ainsi: d'une part, l'unité du tableau n'existait plus et trois déchirures majeures avaient traversé la peinture de part en part, désolidarisant trois pans entiers de l'œuvre. Comme si cela ne suffisait pas, des tentatives de restauration s'apparentant à des bricolages improvisés, rafistolages opérés sur place sans déposition de l'œuvre, loin de servir la lisibilité du tableau, en avaient considérablement altéré la vision initiale et avaient été opérées au moyen de pansements malencontreux collés au revers à l'aide de colles particulièrement adhésives.
D'autre part, le Christ qui se trouvait visible avant notre restauration, n'était absolument plus celui conçu par Casanova puisque, dans les années soixante environ, le Christ avait été entièrement repeint sur la totalité du corps, visage compris. Quelle qu'eut pu être la dextérité de cette intervention intempestive, la physionomie du Christ s'en était trouvée défigurée et de plus, un énorme repeint de pudeur avait dissimulé le pagne d'origine, beaucoup plus restreint et qui, pourtant, permettait de rendre compte de la dimension d'humiliation vécue dans la Passion Cette intervention figurait donc, à nos yeux comme une véritable trahison.
Les dimensions du tableau sont impressionnantes, 4,50m x 3,25m, juché à huit mètres de haut, cette œuvre pèse plus de 250 kilos et se trouve coincée physiquement à l'arrière de deux poutrelles arquées qui la rendent très difficile à manipuler. Nous savons gré
M. Milano Chandernagor et à toute son équipe d'une dizaine d'hommes, d'avoir pu extraire l'œuvre, la déposer, puis l'avoir remise à pareille hauteur après restauration sans aucun dommage supplémentaire, ce qui tient de l'exploit. Il est bien difficile aujourd'hui, en regardant le tableau juché à pareille hauteur sur ses cimaises, d'imaginer le restaurateur opérant au sol, se mouvant au dos du tableau et repassant la totalité de cette surface.
Après rentoilage et restauration, il s'avère que tous les commentaires de Le Roy sont parfaitement judicieux, ce tableau est, à notre avis personnel, un pur chef-d’œuvre, cela pour plusieurs raisons: le caractère particulièrement tourmenté de l'atmosphère qui y règne, le ciel rougeoyant des lointains, la contorsion du corps du Christ au regard implorant tourné vers le ciel, tous les détails sont là pour rendre compte des derniers instants. La présence évidente de la corporéité du Christ, du fait de ce pagne rudimentaire et sommairement noué, dorme, aussi parfaitement qu'il est possible, l'impression d'un immense dénuement du Dieu fait homme. Le visage est particulièrement bien réussi qui laisse transparaître la souffrance et la tristesse. La main droite du Christ laisse, étonnamment, un petit doigt déplié, présageant sans doute le déploiement inexorable de l'ensemble de la main et le relâchement final de l'agonie. L'impression est vraiment celle des derniers moments, l'instant précis où le fameux «Mon Père, ,non Père, pourquoi m'as-tu abandonné?» est prononcé, avant que le dernier souffle ne sorte, qui le rendra totalement homme afin qu'il puisse, plus tard, ressusciter. Au contraire de ce que Collombet affirmait, le ton des chairs est particulièrement réussi, on devine même les veines par transparence...
Casanova devait sans doute être imprégné des textes évangéliques car nombre de détails montrent que sa connaissance était grande : les outils laissés au pied de la croix permettent d'imaginer les Romains, pourtant absents, dans les détails techniques et sordides du supplice. Le Christ est montré totalement seul, une solitude qui le confine à l'abandon total. Un crâne apparaît clairement au pied de la croix, qui n'est pas qu'une simple vanité et nous rappelle clairement qu'en hébreu, Golgotha signifie bien «le lieu du crâne». Enfin, le sang qui dégouline verticalement des deux mains atterrit au sol sur des plantes que l'on nomme des «passiflores», mot à mot, fleurs de la passion, plantes qui sont censées se nourrir du sang des suppliciés. Il n'est pas jusqu'à ce petit marchepied que l'anatomie réaliste rend indispensable afin que les chairs des mains ne se déchirent pas aussitôt sous le poids du corps suspendu, il a été prouvé depuis que les clous étaient plutôt, de ce fait, enfoncés au niveau des poignets et non au creux des mains, comme le suggèrent toutes les représentations, le peintre l'avait déjà compris, mieux encore, ressenti.
Pour revenir sur la polémique suscitée précédemment par la question de l'attribution, contrairement à l'idée reçue qui voudrait qu'un peintre de batailles et de sujets militaires n'aurait jamais pu peindre une crucifixion, Casanova nous prouve, à l'inverse, qu'il n'en est rien, Ucello et Carpaccio nous l'avaient déjà montré et l'Histoire de la peinture occidentale est au contraire truffée de peintres de batailles et autres sujets militaires ayant tout aussi bien peint des nativités ou des Christ en croix.
Pour les détails de la restauration et les nombreuses photos des tableaux restaurés, je me permets de renvoyer votre lecteur vers le site web de notre galerie de peinture mauricienne, sur internet, élaboré et mis en page bénévolement par Francesca Palli, merci de bien vouloir transmettre. Plus de trente tableaux y figurent déjà.
Emmanuel Richon: Faire parler les tableaux
La vie catholique N°30 (27juillet-2 août 2007)
Je crois que j’ai fait de la confusion, seulement après avoir tout récupéré, j’ai réalisé que j’avais mêlé les colonnes, j’ai tenté de mettre de l’ordre mais ça n’est pas évident de le faire à l’écran, une autre fois je dois imprimer vos images.
Une émotion profonde se dégage d'Emmanuel Richon, restaurateur français qui s'amuse à donner une deuxième jeunesse aux tableaux de la cathédrale Saint-Louis pour le 25 août, jour de la réouverture du lieu de culte. A Maurice depuis une dizaine d'années, Emmanuel Richon déplore le manque de culture de l'art dans l'île et reconnaît que «la cathédrale demeure l'unique référence artistique gratuite s'offrant au public. Seulement son caractère religieux a sauvé ces peintures».
Les tableaux de la cathédrale ont (mal) subi les outrages du temps. Dans le hall du collège Lorette de Port-Louis, Emmanuel Richon converse, dialogue, bavarde avec les personnages des divers tableaux qu'il restaure. La passion de son métier de restaurateur est de pouvoir faire parler les tableaux. «Une œuvre ne parle pas seule... C'est à nous de la faire parler...de la faire bouger. Mon métier permet à mon imaginaire de toujours se mettre en jeu. Tout comme il faut une grande capacité de lecture pour faire bouger les images d'un bouquin.»
Patient, rigoureux, précis et méticuleux, Emmanuel exerce son métier avec passion. A travers les tableaux, il découvre les divers courants de pensée du peintre. Il respecte l'authenticité de l'œuvre, considère le style et l'histoire qu'il y a derrière. Le tableau Christ en croix lui procure actuellement une immense satisfaction. Pouvoir restaurer des tableaux devant lesquels viendront se recueillir des milliers de fidèles est une grande fierté pour lui. «Seul le restaurateur a l'occasion de les toucher.» Son métier lui est gratifiant. «Médecin de l'art», Emmanuel le compare à celui d'un médecin qui remet debout les personnes. Sa plus grande joie est de redonner vie aux tableaux.
Sciences Po
Il existe un équilibre hors du commun dans sa profession. Entre l'intellectuel et le manuel; la chimie et l'art; le matériel et le spirituel. «Un vrai artiste doit être lié à la science qui l'entoure», affirme Emmanuel, «il ne peut en être dissocié.» Il doit à la fois avoir des connaissances artistiques et des compétences en chimie. La restauration d'un tableau repose sur deux grands aspects liés à la couche picturale (l'image) et le support (la toile). Tantôt, il est muni de pinceaux, peintures à l'huile ou coton pour l'image et tantôt de la toile de lin et de la colle pour resolidifier le support. «Le tableau du Christ en croix sera face contre terre pendant plus de trois semaines, car l'opération se fera au dos du tableau.» Le mot-clé de la restauration: la réversibilité. Aucune intervention ne doit être irréversible. Tout doit être rendu à nouveau lisible avec des matériaux stables, durables et réversibles. Le contraire serait un crime, affirme Emmanuel.
Ce métier de restaurateur, Emmanuel Richon l'a rencontré simplement par hasard. Ses études en sciences politiques à l'Institut d'études politiques de Paris, ville où il est né en 1959, ne le présageaient sans doute guère à être artiste - bien que doué en dessin dès sa plus tendre enfance. A 20 ans, il avait encore une image floue de ce que sera sa carrière. Sa bonne vision sera l'élément déclencheur. Constat décelé par un des gradés durant son service militaire deux ans plus tard atteignant les sept cibles en plein lors d'un tir à la carabine, les militaires lui donnent tout de suite le choix: se joindre au Bataillon de Joinville pour faire du tir ou alors au musée de la Marine, à Paris, pour un métier de maquettiste ou de restaurateur de tableaux.
«Mépris total»
Comme son rêve était d'embrasser un métier qui relevait à la fois de l'intellectuel et du manuel, il opte sans hésiter pour l'équipe du musée de la Marine pour la restauration de tableaux. Embauché, après trois ans de formation, Emmanuel est rapidement séduit par ce métier où on n'arrête pas d'apprendre, affirme-t-il. «Cela me donne la possibilité de réfléchir sur l'histoire de l'art.» Il se retrouve peu après chef des ateliers de restauration, où il compte douze années de service. Il avait l'avantage de toucher à tout. Aussi bien les maquettes.
D'où la réalisation des nombreuses petites maquettes de diverses sites du patrimoine de Maurice (églises, temples, mosquées, pagodes et le Plaza, entre autres) en 2002. Son rêve ne s'arrête pas là. Son initiative de création d'un musée du patrimoine mauricien pour y exposer toutes ses réalisations tombe malheureusement à l'eau lorsque son projet n'est pas approuvé par les autorités. Entre-temps, les petites maquettes dorment tranquillement dans son atelier à Floréal.
Ce manque de culture de l'art à Maurice, qu'il découvre après y avoir vécu dix années, le remplit de tristesse. «C'est dramatique: l'enfant mauricien n'a pas de référend artistique.» Faisant référence à la collection Rochecouste, du Mauritius Institute, celle de la galerie de la mairie, du Blue Penny Museum et de la Société royale des arts et de la science qu'il a restaurées pour être gardées loin de la vue, Emmanuel déplore leur inaccessibilité au public, qu'il qualifie «d'indifférence gigantesque», voire de «mépris total» du gouvernement mauricien, qui, estime-t-il, ne connaît aucune valeur économique marchande de ces œuvres d'art. Parmi les cinquante tableaux de grande valeur du Mauritius Institute, le plus onéreux tourne autour de Rs 60 M. C'est une œuvre de Jean Renoir, un des cinéastes français les plus importants, peintre par son père, le célèbre Auguste - tableau qui mérite d'être admiré et non caché. «C'est un manque de respect vis-à-vis de l'artiste», rappelle Emmanuel. «L'île Maurice ne connaîtra jamais de touristes japonais.»
Charles Baudelaire
Rappelons qu'Emmanuel Richon a été envoyé à Maurice en 1997, pour trois ans, par le gouvernement français – cela suite à l'appel du gouvernement mauricien pour la restauration des tableaux du Mauritius Institute et ceux du musée de Mahébourg. Une fois sur le sol mauricien, Emmanuel a prolongé son séjour lorsqu'il découvre les nombreux tableaux du pays. Emmanuel a été ensuite enseignant au collège Pierre Poivre, à l'école du Centre et au lycée Labourdonnais. Il a eu l'occasion de restaurer plusieurs tableaux, chemins de croix et autres statues - dont ceux des églises Saint-François-d'Assise, de l'Immaculée-Conception et de la cathédrale Saint-Louis.
A 19 ans, il a eu l'occasion de visiter l'île Maurice lorsque son père, directeur des Relations extérieures d'alors dans la compagnie aérienne UTA (Union des transports aériens), offre, à lui et à sa sœur, un séjour de deux semaines à Maurice. Sept ans plus tard, c'est à travers le créole de Vimala, une Mauricienne qu'il rencontre chez un copain à Paris, qu'il comprend que c'était une autre civilisation qui s'ouvrait à lui. Ils se marient deux ans plus tard. Le couple vit à Paris jusqu'à ce qu'Emmanuel décroche un emploi à l'île de La Réunion en 1994. Trois ans plus tard, ils s'installent à Maurice. Emmanuel est l'heureux père de Selena, âgée de 17 ans, et de Virgile, 5 ans. Pour l'heure, la petite famille est installée tranquillement à Floreal.
Emmanuel se révèle aussi passionné de Charles Baudelaire, grâce à qui il dit connaître mieux l'île Maurice. Ce qui l'a poussé à se mettre à l'écriture, depuis 1993, de plusieurs ouvrages autour de la vie de l'auteur de A une dame créole.
Sandra Potié
Crucifixion après restauration. |