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Le cordel: une expression littéraire en sursis?

Le cas de la maison d'édition Tupynanquim

par Sylvie Debs

«Est menacée de mort une littérature qui depuis le siècle passé, grâce à de grands poètes comme Leandro Gomes et Silvino Pirauá, et à la publication de leurs premiers cordéis typographiés, s’était répandue dans le Nordeste entier et se trouvait sur toutes les places et tous les marchés. Un système de journalisme paysan qui fonctionnait comme mode de diversion et véhicule d’annonce de la mort de personnages historiques: Lampião, le Père Cícero, Getúlio Vargas entre autres1

Depuis les années 60, les amateurs de cordel2 et les chercheurs s’entendent régulièrement dire que la littérature de cordel est en voie d’extinction3. Comparativement aux années 30-50, considérées comme l’âge d’or de cette littérature, la production a en effet sensiblement diminué, les typographies ont quasi disparu, la distribution est devenue très limitée et le public de plus en plus restreint. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer la mort annoncée de la littérature de cordel: les crises économiques et l’augmentation des coûts de production, la modernisation des moyens de communication, l’évolution de la société rurale sertaneja4, le désintérêt du public qui a remplacé le cordel par d’autres moyens d’information ou de distraction. En effet, si la radio, pour des raisons évidentes en raison de son caractère oral, a pu constituer, dans un premier temps, un relais actif dans la divulgation du cordel, la télévision en revanche, n’a pas su jouer le même rôle. Par ailleurs, comme le monde rural sertanejo, principal consommateur de cordel, n’est plus coupé des centres urbains du littoral d’une part et que l’agriculture s’est mécanisée d’autre part, l’espace et le temps autrefois consacrés au cordel, se sont amenuisés. Enfin, les progrès de l’alphabétisation, l’ouverture vers d’autres espaces culturels, font que les jeunes générations n’ont plus été en contact systématique avec le cordel, ni par l’apprentissage de la lecture, ni par le biais de la vie sociale: elles sont donc souvent ignorantes des classiques du cordel. Ainsi une part importante de la culture populaire traditionnelle qui se transmettait essentiellement par voie orale, est en voie de perdition.

Si le constat est général en ce qui concerne la fin de l’âge d’or du cordel traditionnel, en tant que poésie narrative en vers mettant en scène des récits merveilleux ou réalistes, d’actualité ou d’héritage médiéval, en revanche, force est de constater que depuis les années 60, le cordel a trouvé d’autres moyens de divulgation et d’expression. Il est tout à fait remarquable de constater que l’univers du cordel a pu être transposé vers d’autres supports narratifs allant du théâtre au cinéma en passant par la musique et la danse. Cette capacité de circulation d’un art à un autre témoigne de la richesse et de la vivacité du corpus traditionnel, ainsi que de son ancrage dans la culture nordestine et brésilienne. Pour ne citer qu’une des manifestations les plus innovantes et spectaculaires, au sens propre du terme, de cette époque, nous évoquerons l’usage du cordel au cinéma, plus particulièrement au cinema novo. Glauber Rocha a introduit le cordel comme trame narrative dans Deus e o Diabo na Terra do Sol (Le Dieu Noir et le Diable Blond, 1963) en demandant à Sérgio Ricardo d’écrire l’histoire de ses héros Manuel et Rosa; dès le plan apertural, leur destin nous est conté sur le mode d’une histoire populaire chantée par un vieil aveugle parcourant le sertão; dans O Dragão da Maldade contra o Santo Guerreiro (Antonio das Mortes, 1969), Glauber Rocha utilise directement le cordel de José Pacheco A Chegada de Lampião no Inferno5 lors des séquences finales du film. Nous pourrions également citer O pais de São Saruê (Le pays de Saint Sarûé) de Vladimir Carvalho (1971), O Homem que virou suco (L’Homme qui se transforma en jus) de João Batista de Andrade (1980), O Baiano Fantasma (Le Bahianais fantôme) de Denoy de Oliveira (1984), les documentaires de Geraldo Sarno ainsi que cordel, Repente e Canção (cordel, improvisation et chansons), de Tânia Quaresma. Très récemment, de nouveaux films documentaires étroitement liés au cordel ont été réalisés: Saudades do futuro de Cesar Paes (2000) et Juazeiro, a nova Jerusalem de Rosemberg Cariry (2001). Certains critiques prétendent que la lumière surexposée de Vidas Secas serait un rappel des couvertures de xylogravures du cordel. Par ailleurs, les cordéis A Chegada de Lampião no Inferno, O Romance do Pavão Mysterioso et Cancão de Fogo6 ont été mis en scène au théâtre. Le cordel a également constitué une source d’inspiration non négligeable pour la littérature: João Grilo, héros de la littérature populaire est devenu un des personnages principaux d’O Auto da Compadecida7 d’Ariano Suassuna ; il constitue sans doute un des exemples les plus marquants de cette capacité de circulation du cordel avec la récente adaptation de Guel Arraes8 pour la télévision, puis le cinéma, qui a remporté un grand succès auprès du public brésilien. D’ailleurs, à l’heure actuelle, toutes les rééditions de As proezas de João Grilo de João Ferreira de Lima sont extrêmement recherchées sur le marché. Ainsi, après avoir nui au développement du cordel, la télévision de nos jours contribue parfois à faire connaître ce genre littéraire. Le cordel constitua également une source d’inspiration pour la littérature, avec les romans de José Lins do Rego et de Jorge Amado, notamment Jubiabá, A Pedra do Reino9 d’Ariano Suassuna, et le plus remarquable, Grande Sertão: Veredas de João10 Guimarães Rosa et son héroïne guerrière. En poésie, João Cabral de Mello Neto a trouvé dans le cordel le motif et le rythme de Morte e Vida Severina. La musique, avec notamment des artistes comme Zé Ramalho, Ednardo, Alceu Valença et Elomar, a traduit cet univers poétique en rythmes et chansons. De nos jours, cette tendance est clairement perceptible dans les productions de Mestre Ambrósio et du groupe cordel do Fogo Encantado. L’éventail des inspirations s’étend de Luís Gonzaga au Mouvement Armorial, de Jackson do Pandeiro au Mangue-beat. Dans le domaine de la danse, nous rencontrons les mises en scène du ballet Parabelo, du groupe Corpo et Bonita Lampião, de la chorégraphe Renata Mello. Une autre adaptation a été étudiée par Gilmar de Carvalho: l’utilisation du cordel dans la publicité11. Parallèlement à cette émergence de nouvelles formes de divulgation du cordel, on peut répertorier une volonté de reconnaissance des poètes par la création d’académies de cordel12 et de maisons d’édition consacrées au cordel. En effet, les éditions Luzeiro Editora Limitada de São Paulo ont créé une collection Coleção Luzeiro - Literatura de cordel qui compte environ 175 titres qui sont la reprise des grands classiques. Chaque cordel est accompagné d’une fiche technique qui comprend les rubriques suivantes: titre, thème, auteur, lieu, strophes, schéma de versification, acrostiche final, biographie de l’auteur. Le format traditionnel de 11 cm sur 16 cm qui comptait 8, 16 ou 32 pages est passé à 13,5 sur 18 cm pour 32 pages. Les premières de couverture, normalement illustrées par des dessins ou des xylogravures en noir et blanc, furent remplacées par des photos en couleur d’acteurs en vogue ou des illustrations en couleurs. Toujours à São Paulo, la maison d’édition Hedra vient de lancer une collection de poche sur le cordel. Chaque livre est consacré à un auteur, et propose une sélection des meilleurs textes précédée d’une étude critique13.

Dans ce contexte, le surgissement de la maison d’édition Editora Tupynanquim, fondée en 1995 par le jeune Antonio Klévisson Viana Lima à Fortaleza (Ceará), et qui édite du cordel depuis 1998, mérite une attention particulière. Né en 1972 à Quixeramobim (ville natale du P. Mororó, de Dona Guidinha do Poço, de Fausto Nilo et d’Antonio Conselheiro14), il s’installa avec sa famille à Canindé, où il eut l’occasion d’assister aux pèlerinages de Saint François d’Assise. Il fréquentait régulièrement les foires, les marchés, les places publiques où les repentistas15 et les cordélistes se produisaient, ce qui lui a permis d’avoir une profonde connaissance de ces traditions culturelles. Dès son enfance, il avait été immergé dans l’univers de la littérature populaire, notamment grâce à son grand-père, à qui il empruntait son coffre rempli de cordéis. Avec son frère Arievaldo, il a commencé très tôt à écrire des folhetos16 pour s’amuser. Ils représentent sans doute la dernière génération à avoir connu le cordel traditionnel de l’intérieur des terres: pour eux, le cordel est une expression culturelle familière, et ils affectionnent autant la lecture des classiques, qu’à force de lire ou d’entendre, ils connaissent par cœur, que les textes plus récents commentant l’actualité politique ou mettant en scène des histoires drôles. En 1990, Antônio Klévisson Viana Lima décide de s’installer à Fortaleza pour y travailler. Dessinateur autodidacte, il est embauché par le journal O Povo où il travaille comme caricaturiste jusqu’en 1995; par ailleurs, il illustre plus de quarante livres pour l’UNICEF; en 1998, il lance une BD consacrée au cangaceiro Virgulino Ferreira17 connu sous le nom de Lampião (1898-1938) qui vient d’être rééditée à São Paulo par Hedra, preuve de la répercussion et de l’intérêt national de ce travail. Parallèlement, il lance un coffret de dix cordéis16 avec un tirage de 1000 exemplaires qui remporte un succès inespéré. L’itinéraire personnel d’Antonio Klevisson, en dépit de son jeune âge, reste tout à fait exemplaire d’une circulation de la culture du cordel du sertão vers la ville, de l’intérieur vers le littoral. Plusieurs générations d’artistes, écrivains ou cinéastes, ont suivi un parcours similaire: d’abord la génération des pionniers, dans les années 60, lors du grand mouvement de restauration de la culture populaire comme expression révolutionnaire du peuple brésilien. Glauber Rocha avait d’ailleurs déclaré: «La culture populaire n’est pas ce qui s’appelle techniquement le folklore, mais le langage populaire de la permanente rébellion historique19.» En effet, le cinéma fut un des véhicules les plus porteurs, qu’il s’agisse de fiction ou de documentaire20. Une seconde génération d’artistes qui coïncide avec le désir de restauration de la culture et de l’Histoire du Nordeste est apparue dans les années 9021. Enfin, une nouvelle génération est en train de se déployer avec un retour à la production de cordel.

La mort annoncée du cordel, tout comme sa résurgence, constituent un leitmotiv récurrent depuis le XIXème siècle. Mise à part la polémique suscitée par la reconnaissance du cordel comme genre littéraire, expression de la culture brésilienne, mise à part la dichotomie classique entre culture érudite et culture populaire, force est de reconnaître la vivacité du genre en dépit de ses transformations continuelles. Nous nous proposons donc de rappeler l’évolution du cordel depuis ses débuts avant d’étudier une des manifestations contemporaines de la reprise du cordel dans le Nordeste: la maison d’édition Tupynanquim.

Rappel historique

Directement influencée par la poésie épique des troubadours et des romanceiros22 portugais et espagnols des XII et XIIIèmes siècles, cette littérature de tradition orale était arrivée au Brésil par l’intermédiaire des colons portugais. Le Nordeste23, pour des raisons culturelles et géographiques propres, fut un terrain particulièrement favorable à la divulgation et à la production de cordel dès le départ. Pour une population à dominante rurale, isolée du littoral et à majorité analphabète, cette production répondait selon Manuel Diegues Junior à un besoin spécifique de cette région: «L’organisation de la société patriarcale, le surgissement de manifestations messianiques, l’apparition de bandes de cangaceiros24 et de bandits, les sécheresses périodiques qui provoquent des déséquilibres économiques et sociaux, les luttes entre familles, donnèrent l’opportunité, entre autres facteurs, pour que se vérifie le surgissement de groupes de chanteurs, comme instrument de pensée collective et des manifestations de la mémoire populaire25.» Par ailleurs, comme il n’y avait ni imprimerie, ni librairie au Brésil jusqu’au début du XIXème, le commerce de livres était clandestin en raison de la censure exercée par le Portugal qui souhaitait maintenir la colonie dans une dépendance à la fois technique et intellectuelle26. C’est l’arrivée de la cour portugaise en 1808 qui, par une ironie du sort, aura une double répercussion dans le domaine des livres: l’instauration de l’imprimerie royale et le développement des librairies. En effet, dans une société encore esclavagiste, le livre, rare et cher, ne constituait guère un moyen d’information ou d’éducation courant. Dans le Nordeste, les poètes-chanteurs se rendaient de fazenda en fazenda afin de colporter les dernières nouvelles et chanter les exploits des héros traditionnels. Parfois aussi, ils s’affrontaient dans des «joutes improvisées dont l’inspiration était soutenue à la fois par la guitare et la cachaça27.» Avec l’abolition de l’esclavage à la fin du siècle et les transformations sociales que cela entraîna, les chanteurs cessèrent de se rendre dans les fermes et fréquentèrent les foires et les marchés. C’est ainsi qu’apparurent les premiers folhetos imprimés vers 1890 que les poètes vantaient et vendaient sur les marchés.

Selon Luís da Câmara Cascudo28, les premiers livrets de cordel furent imprimés à Recife en 1873. D’autres chercheurs, comme Gilmar de Carvalho, font remonter l’origine du cordel à la fondation de l’imprimerie royale en 180829. Réservée au départ essentiellement à la transposition pour le public rural du romanceiro populaire ibérique, des légendes et des contes traditionnels, la littérature de cordel, avec notamment Leandro Gomes de Barros (1865-1918)30, João Martins de Athayde (1880-1959)31, Pacífico Pacato Cordeiro Manso (1865-1931)32 et Francisco das Chagas Batista (1882-1930)33, s’est consacrée à l’écriture de la vie quotidienne brésilienne, de son histoire et de sa culture. L’âge d’or de la littérature de cordel eut lieu dans les années 30-50. Le développement économique (cycle du coton), l’installation de l’électricité, l’arrivée de la radio, n’ont pas pour autant nui à l’essor de cette littérature. Au contraire, cette période de prospérité économique a favorisé le développement du marché éditorial ; l’électricité a permis de réunir la famille et les voisins dans une même pièce pour la lecture publique du cordel ; les premiers postes de radio ont constitué une source d’information et de distraction collective. Les événements politiques régionaux ou nationaux ont continué d’être présentés et commentés dans les cordéis pour le plaisir et la curiosité du public. Ainsi, la mort de Getúlio Vargas (1882-1954)34 et d’Agamemnon Magalhães35 donnèrent lieu à des cordéis dont les tirages atteignirent des chiffres impressionnants36. La typographie São Francisco de José Bernardo da Silva (1901-1972)37 à Juazeiro do Norte imprimait alors 12 000 exemplaires par jour en moyenne. La crise du cordel a commencé vers les années 60 avec l’expansion de la radio à pile, de la télévision et, à travers elle, la pénétration de modes de vie étrangers ainsi que l’adoption de valeurs culturelles urbaines par les jeunes générations. Le cordel perdait sa fonction de lien social: le feuilleton de la radio, puis de la télévision le remplaça. Non seulement les tirages chutèrent38, mais les auteurs et illustrateurs abandonnèrent la profession.

Les années 60-70 connurent l’apparition d’un nouveau phénomène sous l’influence conjuguée des chercheurs et paradoxalement de la radio et de la télévision. Le développement des études universitaires a été légitimé par la publication en 1952, par l’un des pionniers de la recherche du folklore brésilien, Luís da Câmara Cascudo, de Literatura Oral, suivie l’année suivante par Cinco Livros do Povo: introdução ao estudo da novelística no Brasil dans lequel il étudie les textes fondateurs du cordel: A Princesa Magalona, Roberto do Diabo, A Imperatriz Porcina, João de Calais e a Donzela Teodora. Pour la première fois dans l’histoire littéraire du Brésil, la littérature orale et populaire sera considérée comme un fait littéraire. En effet, «les premières marques d’intérêt, pour la poésie orale, et plus tard le folheto, de la part d’écrivains et de lettrés, visaient à établir les fondements d’une littérature brésilienne, d’une expression authentiquement nationale39.» L’article publié par Orígenes Lessa dans la revue Anhembi en décembre 1955 joua également un rôle déterminant pour la valorisation de la littérature de cordel au Brésil. Parallèlement, les artistes et intellectuels des années 60, dans la quête d’une culture d’expression authentiquement nationale, ont trouvé dans les différentes formes d’expression de la culture populaire, des éléments qui ont contribué à la mise en place du concept de "culture nationale" ou de "culture brésilienne"40 . Les études suscitées, la reconnaissance de la xylogravure comme expression artistique, ont contribué à légitimer le cordel comme élément de la culture nationale. En ce sens, la littérature de cordel a participé au mouvement de restauration de la culture populaire comme expression de l’identité nationale. L’intérêt suscité par des chercheurs étrangers, comme Raymond Cantel41 et Mark Curran42, a également contribué à la prise de conscience des poètes et des graveurs sur bois de l’originalité de leur mode d’expression, notamment l’article de Raymond Cantel paru dans Le Monde le 21 juin 1969 sous le titre «Brésil: La littérature populaire imprimée»43. Un certain désir d’organisation et de reconquête du marché s’est traduit par le regroupement de poètes en académies, la tentative de restauration de la typographie São Francisco (actuellement connue sous le nom de Lira Nordestina) ainsi que l’organisation d’un système de distribution cohérent.

La maison d’édition de cordel Tupynanquim de Fortaleza - Ceará

Fondée en 1995 par Antonio Klévisson Viana Lima44, elle a commencé par éditer des bandes dessinées, des journaux et des livres religieux. Elle tire son nom de la contraction de deux termes distincts: le premier, Tupiniquim, du nom d’une tribu indigène brésilienne rencontrée dans le Nordeste à l’époque de la découverte et qui est passé dans l’usage courant avec la connotation de «typiquement brésilien»; le second, nanquim, qui désigne l’encre de Chine avec laquelle on dessine. Ce n’est qu’à partir de 1998 que le cordel a été inscrit au catalogue de cette maison d’édition. Un premier coffret de dix cordéis écrits par Arievaldo Viana Lima, le frère d’Antonio, et Pedro Paulo Paulino, avec un tirage de 1000 exemplaires a rencontré un succès immédiat sur le marché décrit comme moribond de la littérature populaire. Encouragée par ce premier succès, la maison d’édition a lancé de nouveaux titres, d’abord à un rythme bi ou tri mensuel, puis mensuel et hebdomadaire depuis le début de l’année 2001. Certains cordélistes déjà confirmés, comme José Costa Leite et Manuel Monteiro, qui avaient provisoirement arrêté leur activité d’écriture et d’édition, ont également décidé de rejoindre la maison d’édition Tupynanquim. Symboliquement, le centième tirage, paru en avril 2001, a été consacré à la commémoration du centenaire de José Bernardo da Silva avec la publication du folheto O Príncipe Oscar e A Rainha das Águas45 et le 24 avril 2001, quinze nouveaux titres pour un tirage global de 25 000 exemplaires, ont été lancés sur le marché en coédition avec la maison d’édition Coqueiro de Recife.

Les cordélistes

Parmi les cordélistes édités par Tupynanquim, il convient de distinguer deux générations de poètes: celle des "anciens" et celle des "modernes". En effet, à part la réédition des classiques, la maison publie des poètes vivants déjà reconnus depuis des années pour leurs folhetos, comme Manoel Monteiro da Silva, Vicente Vitoriano de Mello46, José Costa Leite, Antônio Américo de Medeiros, Audifax Rios, Costa Senna, Vidal Santos, mais permet aussi à des débutants, comme Rouxinol do Rinaré, Arievaldo Viana Lima, Pedro Paulo Paulino, Pedro Queiroz, Francisco Leite Quental, José Mapurunga d’être édités et d’atteindre leur public. Ils se caractérisent tous par une profonde cohabitation avec le cordel depuis l’enfance, qui se traduit par une implication quotidienne. Contrairement à la légende, les poètes ne sont plus analphabètes; de plus en plus souvent, ils possèdent un niveau d’éducation supérieure, et bénéficient de nombreuses sources d’informations qui dépassent la tradition orale.

Parmi les anciens, nous trouvons surtout des poètes paraibanais, qui souvent exercent plusieurs métiers liés à la littérature populaire et aux arts plastiques. Nous pouvons noter que ces auteurs vivent essentiellement du cordel. Ainsi, José Costa Leite47, se consacre entièrement au cordel depuis l’âge de 20 ans. Il écrit, réalise les xylogravures des couvertures, édite et vend ses folhetos sur les principaux marchés du Pernambouco et de la Paraíba. Sa maison d’édition A Voz da Poesia Nordestina a été très active dans les années soixante. Ecrivain prolifique, il a produit plus de mille cordéis et est reconnu comme l’un des meilleurs graveurs sur bois du Nordeste. En 1976, il gagna le prix Leandro Gomes de Barros à Campina Grande. Il a connu personnellement João Martins de Athayde et José Pacheco sur le marché central et le marché São José de Recife. Manoel Monteiro da Silva48, également résidant à Campina Grande, est auteur depuis 1951; il imprimait lui-même ses folhetos chez A estrela da Poesia de Manoel Camilo dos Santos qu’il vendait sur les marchés. Actuellement, propriétaire de la cordelaria do poeta Manuel Monteiro, il a obtenu le prix du meilleur poète de cordel en 1998 ainsi que le Prix Novos Autores Paraibanos. Il est un vaillant défenseur de l’introduction du cordel à l’école dans lesquelles il intervient régulièrement. Parmi ses folhetos les plus connus, nous pouvons citer As aventuras do filho de Antonio Cobra Choca49. Antônio Américo de Medeiros50, pour sa part, est à la fois chanteur et poète populaire ; il vit en vendant ses cordéis sur les marchés. Animateur de radio, il consacre ses émissions à la culture populaire. De même, José Maria Gonzaga Vieira51, est poète-cordéliste de radio. Il vend les folhetos aux pélerins de Canindé. Parmi les titres les plus fameux, nous pouvons citer A menina que se perdeu nas matas de Amazonas, O ABC do consumidor52. Quant à Costa Senna, originaire de Fortaleza, il habite à São Paulo où en tant qu’acteur de théâtre, il chante, écrit et récite des cordéis. Il vit des spectacles qu’il donne dans tout le Brésil et des livres qu’il publie. Il jongle avec l’urbain et le moderne e ses folhetos les plus célèbres sont Incesto entre Deus e o Diabo, Viagem a Brasilia, Viagem a São Paulo53.

Parmi les auteurs récents, certains sont déjà des écrivains confirmés qui sont venus au cordel tardivement. Ainsi, José Mapurunga54, dramaturge, scénariste et poète populaire. Après avoir travaillé essentiellement pour le théâtre, il est venu rejoindre Tupynanquim pour y éditer ses folhetos. Ayant utilisé les recours du cordel au théâtre, l’auteur a décidé de «transcrire» les classiques du théâtre pour le cordel. Nourri par cette littérature dès son enfance, toute son œuvre reste marquée par cette influence. Francisco Leite Quental55, actuellement déjà à la retraite est connu pour être un ardent défenseur de la nature et des animaux. Il continue de défendre ses idées par le biais du cordel. Audifax Rios56, pour sa part, est artiste peintre et poète. Son œuvre peinte et écrite est consacrée aux thématiques sociales et religieuses du Nordeste. Auteur de cordéis, parmi lesquels nous pouvons distinguer ABC do Conselheiro, João Ramos, Bode Ioiô, Vida e Morte, O Cão da Itaoca57. Il est également l’auteur d’une Via Sacra dans la collection Literatura de cordel illustrada. Quant à Vidal Santos58, il est à la fois journaliste, téatrologue, chercheur et poète. Président de l’ABC, il a donné l’autorisation à Tupynanquim de rééditer des œuvres classiques qui appartiennent au fonds racheté par l’Académie Brésilienne de cordel à la veuve de José Bernardo da Silva.

Enfin, parmi les jeunes auteurs, nous pouvons distinguer les frères Viana Lima, Pedro Paulo Paulino, Rouxinol de Rinaré comme les plus prometteurs de cette nouvelle génération de cordélistes du Ceará. Pedro Paulo Paulino, né à Canindé en 1970, est un auteur cultivé et raffiné. Ses thèmes de prédilection sont la religion et les histoires régionales. Rouxinol do Rinaré, de son vrai nom Antonio Carlos da Silva, est né à Rinaré (Ceará) le 28 septembre 1966. Dès l’enfance, il a baigné dans un environnement marqué par la poésie de cordel et les défis improvisés. Le 6 juin 1999, Rouxinol fonde avec quelques amis le journal «A Porta Cultural dos Aletófilos», un journal littéraire qui connut quatre numéros. Le 26 février 2000, il participe en tant que membre fondateur et trésorier à la SOPOEMA-Sociedade dos Poetas e Escritores de Maracanaú59. En mars de la même année, il participe au VII Concours National de Poésie «Menotti Del Picchia» à São Paulo et remporte la mention Honorable pour le poème Contrastes da Vida qui sera publié dans une anthologie nationale. En 1999, il écrit deux cordéis: Salomão e Sulamita, o Cântico sacro do Amor et O Artista da Rima60. En octobre 2000, il participe à la VI Bienal Internacional do Livro do Ceará en lançant deux cordéis édités par Tupynanquim: O Valentão Chico Tromba e suas Perversidades et Dois Meninos do Sertão e o Lobisomem Fantasma61. Il est également l’auteur d’autres cordéis encore inédits. Très impliqué dans la survie du genre, Rouxinol de Rinaré a créé son site Internet62, tient sa place sur les marchés et visite les écoles. Quant à Arievaldo Viana Lima, né le 18 septembre 1967 à Quixeramobim, se promenait avec le coffre de son grand-père Alzira de Sousa Lima, rempli de cordéis dès l’âge de cinq-six ans. Ce dernier, non seulement lui avait appris à lire, mais l’a introduit au monde merveilleux de la littérature populaire. Admirateur de Cancão de fogo63, il ne tarda pas à découvrir qu’il savait lui aussi raconter des histoires rimées à la façon de Leandro Gomes de Barros et José Pacheco ses maîtres. Il cultive particulièrement l’humour et l’ironie et développe une veine picaresque dans ses écrits. Animateur de radio, il présente des programmes humoristiques et exerce aussi ses talents de caricaturiste.

Les couvertures

Une des attractions des petits livrets est constituée, en dehors du titre, par la couleur de la couverture (rose, jaune, bleu, vert ou blanc), ainsi que par l’illustration. Lors de l’édition du coffret, Tupynanquim avait privilégié le dessin par rapport à la xylogravure (sept et trois respectivement). L’avantage du dessin, en dehors de la légèreté des traits, est de donner libre cours à l’esprit de caricature, alors que les traits plus lourds de la gravure confèrent une tonalité plus grave et sérieuse à cette dernière. La tendance majoritaire du dessin se confirme, pour plusieurs raisons: la qualité des caricatures, la profession originelle d’Antônio Klévisson Viana Lima et d’Arievaldo Viana, le coût de revient et la facilité du travail d’impression. Cependant, l’intérêt pour la xylogravure augmentant chez le public, Antônio Klévisson Viana Lima a commencé tout récemment à tailler le bois pour faire ses propres xylogravures, en dépit du travail et du coût supplémentaire que cela induit.

La quatrième de couverture, quant à elle, remplit différentes fonctions, et contrairement à la première qui obéit à une règle relativement stricte afin de conférer une unité à la collection, elle est plus diversifiée. La première édition de dix livrets avait adopté une mise en page identique, sur laquelle le lecteur retrouvait la mention Coleção Cancão de Fogo, Literatura de cordel, le logo de l’imprimerie, et les différents sponsors sous la mention "Apoio cultural". Cette unité s’explique par le choix d’une publication en coffret. La propre quatrième de couverture du coffret comportait un texte de présentation de la collection écrit par Ribamar Lopes qui soulignait l’importance du travail réalisé par les deux jeunes poètes Arievaldo Viana Lima et Pedro Paulo Paulino qui s’inscrit dans la tradition du cordel64. Les autres folhetos édités la même année proposaient la liste des revendeurs, des poètes, des librairies et des kiosques à journaux. Enfin, les retirages de classiques proposent la biographie de l’auteur. Il arrive également qu’un poème de Cícero Pedro de Assis serve de quatrième de couverture. En l’an 2000, de nouveaux modèles sont apparus: une publicité, la biographie d’un cordéliste vivant, Vidal Santos, une appréciation critique (Zé Ramalho pour le folheto Peleja de Zé Limeira com Zé Ramalho da Paraíba65 d’Arievaldo Viana Lima), ou encore le catalogue de la maison d’édition viennent diversifier les couvertures. Une strophe du cordel qui résume l’idée générale du folheto sert de quatrième de couverture pour Bode-Ioiô, Vida e Morte d’Audifax Rios et Brasil: 500 anos de resistência popular66 d’Arievaldo Viana Lima. Enfin, pour la réédition des classiques, au lieu de la biographie de l’auteur, est apparu un texte ayant pour titre Cordel, Expressão cultural de nosso povo67 qui rappelle l’importance du cordel d’un point de vue culturel et didactique. En 2001 sont apparues deux nouvelles biographies, cette fois-ci d’auteurs contemporains, Antônio Klévisson Viana Lima et José Mapurunga. La fonction remplie par la quatrième de couverture, comme nous pouvons le constater, est soit publicitaire, soit didactique, soit informative.

La technique

Un des éléments techniques récents qui a permis une rapide évolution de la production et de l’édition du cordel, est l’introduction de l’outil informatique. Le traitement de texte permet au poète de saisir lui-même ses textes, et pour les plus avant-gardistes, de créer leur site Internet. Quant aux maisons d’édition, elles peuvent préparer plus rapidement les prêts à tirer. Le scanner permet aussi de reproduire des couvertures anciennes, ou de retravailler l’illustration de couverture directement sur l’ordinateur. La baisse du coût de revient de l’impression et la rapidité des tirages sont deux conséquences tangibles de cette évolution. En effet, pour un tirage classique, type Gráfica Lira Nordestina de Juazeiro do Norte, il faut prévoir un coût de cent cinquante reais et un délai de trois jours pour un tirage de mille exemplaires d’un cordel de huit pages. Avec le système off-set, le folheto est prêt en trois heures pour un coût de quatre-vingts reais.

Les thématiques

Parmi les thématiques traditionnelles du cordel, de par leur héritage ibérique, on pouvait distinguer une première veine qui célébrait l’exaltation de la vaillance du héros, de Charlemagne aux hommes d’Église en passant par les hommes politiques, les brigands et même les animaux ; une seconde veine célébrait les histoires d’amour. La religion et l’actualité constituaient d’autres sources d’inspiration. Comme le soulignait Raymond Cantel, «la vie du Nordeste inspire les folhetos les plus intéressants, même si Roland et Olivier ont apporté leur prédestination, leur courage et leur invulnérabilité aux héros nordestinos. Valentes, agressifs ou défenseurs de la veuve et de l’orphelin, voire même cangaceiros, c’est-à-dire à la fois bandits d’honneur et de grands chemins, tous ont un peu les mêmes traits dans un monde strictement divisé en bons et en méchants68.» Depuis les années quatre-vingts, et marquant une étape dans l’évolution du cordel et son adaptation aux mutations contemporaines, nous pouvons constater que les œuvres de commande occupent une place de plus en plus importante: qu’il s’agisse de commande à objectif politique, publicitaire, éducatif ou informatif. Le cordel, en dépit du changement de société, garde une forte valeur affective auprès d’une grande partie du public rural ou sertanejo. De la même façon que les cordéis traitant de l’actualité conservent leur importance non en raison du contenu (la radio et la télévision ayant souvent déjà largement répandu l’information), mais en raison de la "traduction" dans le langage et l’éthique propres à cette population, les ouvrages de commande répondent au même besoin. Selon Gilmar de Carvalho, «le poète généralement est légitimé, c’est un leader, un formateur d’opinion de cette communauté, et quand il va parler d’une boutique, d’un produit, d’un service, de la campagne d’un gouvernement, ou d’un candidat politique, il transfère au cordel l’importance de son rôle.69» Souvent aussi, le public aime retrouver sous la plume de son poète préféré, la mise en scène d’un événement local.

Si nous nous référons à la typologie des titres établis par Raymond Cantel70, nous pouvons constater que les nouveaux titres du catalogue de la maison d’édition Tupynanquim71 s’inscrivent dans la tradition du cordel. Nous trouvons, en majorité, un nombre presque égal de folhetos ayant pour titre un nom propre de personnage connu ou un titre sensationnaliste par l’allusion au surnaturel, au miracle, à l’exception ; au second rang, les titres sensationnalistes par l’allusion au terrible ou au macabre et les pelejas72 ou grands défis poétiques; au troisième rang, les histoires d’amour et les titres où apparaît le mot histoire comme promesse de trame complexe, riche d’actions et d’événements. Ont disparu du catalogue, les titres qui suggèrent une filiation avec le cycle carolingien, ceux qui promettent un enseignement utile, ceux qui promettent une vérité non encore révélée. Contrairement à toute attente, et à l’appellation répandue de nos jours de cordel urbain pour désigner la production actuelle, nous constatons une présence majoritaire de thématiques traditionnelles. De nombreux titres soient mettent en scène des personnages connus comme Lampião, João Grilo, Luiz Gonzaga, Cabral par exemple, soient se reportent à l’univers merveilleux des contes (O Príncipe de Oriente e o Pássaro Misterioso73). Les titres de commande (Justiça do trabalho), ou portant sur l’actualité (Brasil: 500 anos de resistência popular) sont assez peu nombreux. Quant à la thématique urbaine à proprement parler, elle affleure dans certains cordeis qui traitent d’une situation particulière comme la prévention du tourisme sexuel (Martírios de um Alemão ou «O conto da Cinderela »73 ), mais elle ne constitue en aucun cas une préoccupation dominante dans l’univers contemporain du cordel édité par Tupynanquim.

La composition des folhetos

Les folhetos, livrets de huit, seize ou trente-deux pages (rarement soixante-quatre), se caractérisent par un format de onze centimètres sur seize. Leandro Gomes de Barros avait établi les règles du genre: des strophes rimées les vers pairs, généralement des sixains en heptasyllabes, comme le romancero ibérique. Une exception cependant pour les défis: les pelejas, qui, «descendantes lointaines des chants amébées de l’antiquité et des chants alternés portugais, exigent une virtuosité verbale, qui va jusqu’à l’ivresse verbale. Faisant appel à l’heptasyllabe et au décasyllabe dans des combinaisons variées aux contraintes précises, elles sont le triomphe de l’improvisation75.» Les ABC offrent la particularité de commencer chaque strophe successivement par toutes les lettres de l’alphabet.
Un examen approfondi des folhetos permet de mettre à jour le respect de la rhétorique traditionnelle. Comme souvent dans la tradition épique, les poèmes commencent par une invocation à la mythologie ou aux dieux. Celle-ci permet d’inscrire le texte dans une légitimité conférée par la culture classique. Antônio Klévisson Viana Lima commence ainsi A História de Helena de Tróia e o Cavalo Misterioso:
«Deusas da mitologia / Tragam-me inpiração / Para narrar uma guerra / De nação contra nação / Derramando sobre mim / A luz da imaginação76. »
et Justiça do Trabalho – Uma justiça popular par ces vers:
« Ó Têmis, mãe da Justiça / Esqueça Zeus, um segundo / Então desça do Olimpo / Para aconselhar o mundo / Dê ao homem sapiência / Um sentimento profundo77. »
Le recours à l’invocation de la muse inspiratrice reste le topos le plus couramment utilisé avec toute sorte de variantes, telles par exemple: «Ó musa mãe dos poetas / Dai-me inspiração sublime78»; «Ó deusa iluminadora / Musa mãe da poesia / Vem guiar a minha pena79»; «Estrelas da poesia / Peço inspiração divina / Para narrar a história80.» Le poète se présente ainsi comme le médiateur entre la poésie et le public. Une attention particulière à la rime, en d’autres termes, au savoir-faire technique, et à la qualité de l’histoire, est ainsi systématiquement revendiquée.
La tradition populaire, quant à elle, se traduit par l’adresse directe aux lecteurs et au public. Elle se place d’emblée dans le contexte d’une présence du poète parmi les lecteurs, soit sur les marchés, soit lors des soirées. Il s’agit toujours d’attirer l’attention du lecteur sur le sujet qui lui est proposé et de l’impliquer directement: «Leitores: quem não sofreu / Nas portas de um lupanar?81 »; «Preste o leitor atenção / Tudo que narro é passado…82 »; «Agora, caros leitores / Vamos ler uma peleja, / De dois poetas famosos…83», soit sur le mode interrogatif ou impératif; la fonction conative joue ici un rôle déterminant.
Enfin, dans certains cas, la première strophe a un simple rôle d’annonce renseignant le lecteur sur le genre d’histoire qu’il va lire et attirer l’attention sur l’exemple ou la leçon de morale que l’on peut en tirer. Ainsi, O mototaxista que matou a mãe por um real s’ouvre par la mise en garde contre un défaut moral bien répandu dans la société:
«A ganância é uma mazela / Que segue a sociedade / E péssimo o que não ajuda / Quem cai em necessidade / E por causa do egoísmo / Abomina a caridade84
O Rapaz que virou Barrão ou As Aventuras do Porco Endiabrado annonce une vie non exemplaire; le héros, pour avoir manqué de respect à sa mère, sera maudit et châtié:
«Oh! Deus, pai onipotente/ Refúgio da raça humana / Vou narrar um grande exemplo / De uma história tirana / De um desalmado rapaz / E sua vida mundana85
Dans le cas des défis poétiques, l’introduction sert à présenter les deux poètes et les circonstances de leur joute. Ceci se fait généralement en plusieurs strophes afin de créer un climat propice à la restitution de la rencontre historique. Rarement l’histoire commence in media res. Lorsque cela se produit, la première strophe détermine l’espace, le temps et le personnage principal. C’est le cas pour Jesus, São Pedro e o Homem do Arroz et O Príncipe Natan e o cavalo mandigueiro: « Quando Cristo andou no mundo / Com São Pedro, antigamente… »; «Havia no Oriente / Há doze séculos passados / Um velho rei corajoso / Com três filhos estimados / Quando ainda havia fadas / Reino e dragões encantados86 .» Cette introduction en forme d’exposition permet d’inscrire l’histoire dans un cadre précis, relevant de l’actualité, du passé, de la mythologie ou du conte selon le cas.

Les strophes finales, quant à elles, reprennent également deux éléments traditionnels: souvent la signature de l’auteur par une strophe acrostiche ainsi que des considérations d’ordre moral ou général. La fonction éducative du cordel est ainsi maintenue: toute histoire lue ou entendue permet d’enrichir le lecteur par une expérience, une mise en garde, une leçon de vie. La fonction de divertissement est également présente dans les récits merveilleux qui parfois apportent une explication à un phénomène naturel, comme les vers luisants par exemple87. Le poète, en bon commerçant de foire, ne manque pas d’inciter le lecteur à acheter d’autres folhetos. La fonction publicitaire est ainsi représentée:

«Amigos, que apreciam
Não deixem de adquirir
Todos os nossos livretos.
Outros vamos imprimir
Nosso cordel tem sabor
Interessante valor
O Nordeste a resistir!88»

Parfois l’invitation est plus personnelle, voire directement liée à la morale de l’histoire. C’est le cas pour Jesus, São Pedro e o Homem do Arroz:
«Quem gostar do meu livrinho / Não queria um só, leve dois / Ou compre agora e venha / Buscar o outro depois / Quem não comprar, vai ficar / Igual ao homem do arroz89
Il arrive aussi que l’auteur invite le lecteur à acheter le folheto d’un collègue. Ainsi O Professor Sabe-Tudo e as respostas de João Grilo se termine par un conseil au lecteur:
«Dou dica p’ro leitor / (Por quem tenho muito estima, / Que gosta do bom cordel): / Que leia uma obra-prima, / As Proezas de João Grilo / De João Ferreira de Lima!90»
L’invitation à réfléchir sur le sort des personnages et à surveiller son comportement est très commune. José Mapurunga conseille ainsi au lecteur la modestie dans As Ninfas da cachoeira ou o Castigo da Ambição sur un ton humoristique:
«E você, caro leitor, / Que leva a vida festeira / Caso encontre sete ninfas / Peladas na cachoeira / Pegue a roupa só de uma / E meta o pé na carreira91
Afin de rassurer parfois le lecteur sur la crédibilité de l’histoire racontée au cas où l’aspect merveilleux ou fantastique risquerait de semer le doute, l’auteur insiste sur la véracité des faits, entendus par lui et seulement mis en vers, ou invoque le pouvoir de l’imagination. C’est le cas de O Rapaz que virou Barrão ou As Aventuras do Porco Endiabrado, A História de João e o Pé de Feijão92 ainsi que de Dois Meninos do Sertão e o Lobishomem Fantasma:
«Leitor aqui termino / Essa história de fama / Passou-se no Alto do Bode / Eu escutei num programa / O repórter viu Jomar / Dentro da poça de lama93. »
Ce rapport intime avec le lecteur, le souci d’établir un lien, participent de la cordialité, de la sympathie ainsi que d’une proximité entre émetteurs et récepteurs. Tous deux vivent dans une même réalité socioculturelle, sont soumis aux mêmes contingences et trouvent ainsi dans cet univers une façon de partager cette expérience. Du moins étaient-ce les conditions réunies à l’époque de l’apogée du cordel et la complicité encore recherchée aujourd’hui.

Le public

Comme nous l’avons déjà souligné, de nos jours, la situation du marché du cordel est très différente de celle de l’âge d’or du genre. Une grande partie du public traditionnel ayant disparu pour les raisons évoquées plus haut, un nouveau public s’est peu à peu constitué. Conscient de ces changements, Antônio Klévisson Viana Lima a élaboré une politique éditoriale qui prend en compte ces nouvelles données. Appartenant lui-même à cette génération, qui après avoir été élevée dans les terres de l’intérieur à dominante rurale et qui a été imprégnée par la culture populaire, est venu s’établir sur le littoral, où la culture dominante urbaine n’accorde a priori aucun espace aux traditions, il a su parfaitement analyser les nouvelles composantes du marché. Partant du fait que la littérature de cordel est condamnée à survivre tant qu’il y aura des poètes, et qu’au Brésil, l’influence de la tradition orale, le goût pour la poésie, la cantoria, les repentistas perdure jusqu’à nos jours, il s’est engagé pleinement dans une politique de divulgation de la culture populaire. Antônio Klévisson Viana Lima s’est proposé de répondre à la demande de trois publics distincts qu’il analyse dans les termes suivants: un public traditionnel, et deux publics plus récents, les chercheurs et les touristes. Le public traditionnel, constitué par les sertanejos qui ont émigré en ville à la recherche de travail, mais qui n’en conservent pas moins l’attachement aux récits populaires réalistes ou merveilleux, comiques ou tragiques, s’inspirant de la tradition orale comme de l’actualité, est très réticent à prendre des risques pour acheter un folheto d’un jeune auteur et se montre prioritairement intéressé par les textes classiques, d’où toute une politique de réédition de folhetos de Leandro Gomes de Barros, João Martins de Athayde et José Pacheco (1890-1954)94 en accord avec l’Académie Brésilienne de cordel95. Selon Antônio Klévisson Viana Lima, si l’on veut gagner ce public à de nouveaux auteurs, il y a deux manières d’y arriver: soit par la création d’une suite à un cordel classique ou par la réactualisation d’une thématique ancienne, soit par un cordel axé sur la veine satirique. Ainsi Antônio Klévisson Viana Lima a proposé O Divórcio da Cachorra qu’il a écrit avec son frère, qui reprend une thématique traitée par José Pacheco dans A Intriga do Cachorro com o Gato ou A Festa dos Cachorros96. Dans la veine satirique, il a par exemple édité deux cordéis Martírios de um Alemão ou O Conto de Cinderela et A Mulher de Antiguamente e a Mulher de Hoje em Dia97, l’un sur la question du tourisme sexuel, l’autre sur l’émancipation de la femme, qui plaisent énormément. Le public traditionnel est également attaché à la couverture qui reproduit des photos d’acteurs dans un style glamour. C’est pourquoi, le cordel du poète paraibano Manoel Monteiro Uma Tragédia de Amor, a Louca dos Caminhos98 a été édité avec deux couvertures distinctes: l’une avec xylogravure pour les chercheurs et les touristes, l’autre avec photo pour le public traditionnel.

En effet, le touriste, qu’il soit brésilien ou européen, a une préférence marquée pour les couvertures en xylogravures, attiré par l’esthétique et persuadé que la xylogravure est plus authentique que la photographie, ce qui est erroné. Il se montre prêt à acheter même l’œuvre d’un cordéliste débutant, car la plupart du temps, il ignore les cordéis classiques et n’a donc aucun préjugé contre la nouveauté. Il considère le cordel comme un objet de curiosité et une marque d’authenticité de la culture brésilienne. Fortaleza voit d’ailleurs arriver de plus en plus de touristes, qui n’ayant pas trouvé de cordel à Recife, ou ailleurs, viennent s’approvisionner au Ceará. De plus, le touriste achète facilement un exemplaire de chaque folheto disponible. Quant au public des universitaires et des chercheurs, souvent collectionneurs pour leur propre compte ou pour celui d’une institution, il est en revanche tout aussi attentif aux nouveautés qu’à la réédition des cordéis traditionnels, et souvent se montre fin connaisseur. Il a lui aussi une préférence pour les couvertures en xylogravures, parce qu’il les juge plus authentiques, même si cela ne correspond pas à la réalité. A ce propos, nous pouvons noter l’influence des travaux de Raymond Cantel qui a contribué à populariser cette idée: «Chaque folheto comporte une couverture, ornée souvent d’un bois gravé qui fait oublier le papier misérable du fascicule et de sa couverture, sujets à une carbonisation trop fréquente99.» Il convient de rappeler que l’introduction de la xylogravure a été très tardive100, et qu’elle a eu lieu pour des raisons pratiques; José Bernardo de Silva, n’ayant pas eu les moyens financiers de payer des clichés de qualité, a remplacé systématiquement les dessins ou les photographies par des gravures, notamment celles de Mestre Noza et de Walderedo Gonçalves de Oliveira. En effet, selon Idelette Muzart-Fonseca dos Santos, «L’intérêt manifesté par les intellectuels et les collectionneurs de littérature de cordel, envers la xylogravure, a eu pour conséquence d’accentuer l’aspect traditionnel du folheto: la gravure sur bois, mode de création archaïque, est valorisée par ce nouveau public qui la considère en accord avec une œuvre poétique "authentique" et "rustique"101. »

Pour compléter cette analyse, il faudrait préciser que l’évolution du public se traduit aussi par l’intérêt manifesté par les classes moyennes pour le cordel. Un élément transformateur non négligeable, est la présence, à l’heure actuelle des folhetos de cordel dans les librairies, aux côtés de la littérature classique, alors que traditionnellement cette littérature populaire était vendue dans des espaces moins nobles, comme les foires et les marchés, c’est-à-dire, les espaces fréquentés par le peuple. Par ailleurs, la publication de cordel en format de livre, la publication de travaux universitaires, les commémorations officielles comme celle da la «Mostra do redescobrimento102» à São Paulo en l’an 2000 ou l’exposition « Cent ans de cordel » organisée par le SESC Pompéia de São Paulo du 17 avril au 24 juin 2001 contribuent à la conquête de ce nouveau public urbain. Cette littérature qui était parfois méprisée en raison de ses racines populaires, et qui n’était pas en contact avec les classes moyennes, est entrée dans le patrimoine culturel brésilien, et par ce biais, a gagné toutes les classes sociales.

La distribution du cordel

Il y a encore moins de trois ans, il était quasiment impossible de trouver à Fortaleza le moindre folheto de cordel, en dehors de la EMCETUR103 pour quiconque aurait voulu se procurer un de ces livrets traditionnels. Aujourd’hui, diverses librairies et kiosques à journaux proposent à leurs clients un choix important de cordéis. Afin de renforcer des liens entre le public et les cordélistes, la maison d’édition Tupynanquim a développé une politique de distribution qui s’articule selon trois axes: la vente en librairie et dans les kiosques à journaux ; la vente lors des foires d’artisanat et dans les centres de tourisme ; la vente sur les marchés, comme autrefois.

Comme l’avait défini Antonio Klévisson Viana Lima, trois publics distincts sont amateurs de cordel: les touristes, les chercheurs et le public traditionnel. Il a donc fallu trouver des espaces de vente propres à chacun d’eux, sans oublier la formation du public futur. La nouveauté majeure de la politique éditoriale de la maison d’édition Tupynanquim a été de chercher à protéger les folhetos de la précarité due au climat tropical conjugué avec le support papier fragile. Pour ce faire, Antônio Klévisson Viana Lima a imaginé un présentoir en plastique qui permet d’exposer les folhetos avec de bonnes conditions de conservation, tout en ne négligeant pas l’aspect esthétique et commercial. Ces présentoirs qui se suspendent peuvent donc aussi bien être utilisés par les kiosques à journaux, les librairies et les centres d’artisanat, et pourquoi pas, sur les marchés ou lors des foires. Les cordéis sont ainsi traités à pied d’égalité avec les revues et les livres. Si au départ les librairies se sont montrées plutôt réticentes à l’expérience proposée, certaines ont rapidement constaté l’intérêt du public pour cette littérature et vendent aujourd’hui en moyenne quelques mille trois cents cordéis par mois. Le succès des ventes en librairie s’explique par la fréquentation des classes moyennes comme des chercheurs et des touristes. Le cordel, qu’il soit de 8, 16 ou 32 pages est mis en vente au prix d’un real104; nombreuses sont donc les personnes qui se laissent tenter par l’achat d’un ou plusieurs folhetos.

Le succès en kiosque dépend d’une relation personnelle établie entre le propriétaire du kiosque et les cordélistes. En effet, la maison d’édition s’est fixée comme objectif que chaque membre de l’équipe, chaque poète, se constitue vingt points de vente (librairie, kiosque ou marché) qu’il ira approvisionner régulièrement et dont il tiendra les comptes. C’est ainsi que récemment Tupynanquim a obtenu l’accord des kiosques à journaux de la gare routière qui connaît un important flux de voyageurs journaliers essentiellement sertanejos et de condition modeste. Deux points de vente ont été créés dans le marché central qui brasse un nombreux public, y compris celui des touristes ; la EMCETUR et la CEART105 offrent aussi un bon choix de cordéis. De façon plus générale, la distribution et la vente du cordel constituent un facteur clé pour la poursuite de l’expérience réalisée par la maison d’édition. Le propre engagement du poète à vendre son œuvre est la condition de base. Elle est le résultat d’un simple calcul entre le coût de production d’un cordel, le prix de vente, le temps d’écoulement du tirage, à savoir un an en moyenne pour un tirage de mille exemplaires. Un cordéliste n’est jamais payé directement pour son travail; dans un premier temps, il se voit attribué trois cents cordéis sur un tirage de mille exemplaires qu’il peut revendre (il gagnera ainsi trois cents réais) ; dans un second temps, il touchera un pourcentage sur les autres ventes. Aussi pour contribuer à la bonne marche de l’entreprise, les poètes qui disposent encore d’un emplacement réservé sur les marchés, non seulement vendent leurs cordéis, mais aussi ceux des autres écrivains. Ils échangent leurs œuvres qui peuvent ainsi circuler à l’intérieur de l’état du Ceará, et dans les états voisins. Ce choix est important pour le maintien de la tradition: au départ, le cordéliste écrivait, imprimait, voire illustrait lui-même son œuvre et la vendait. C’était son gagne-pain. Petit à petit, le cordéliste était moins lié à la vente et se contentait d’écrire. Si son œuvre ne lui permettait plus de vivre, il diversifiait ses activités en négligeant le cordel. Si de nos jours, les cordélistes de la maison d’édition Tupynanquim ont d’autres sources de revenus, l’objectif reste, en dehors de l’écriture, l’autonomie financière de la création. La vente d’un cordel doit permettre d’engager les frais d’édition du folheto suivant et garantir ainsi à l’auteur une liberté de création.

Enfin dernier élément qui contribue au développement de la distribution, l’importance des médias et des foires aux livres, ainsi que les commémorations officielles qui redonnent de l’éclat au cordel. Un incident a permis dernièrement de mesurer la répercussion de la télévision sur les ventes du cordel. Récemment, Jô Soares106, a affirmé qu’un cheval au Nordeste valait à peine un real. Comme tous les nordestins se sont offusqués, Antônio Klévisson Viana Lima a écrit avec son frère Arievaldo un cordel intitulé Carta de Um Jumento a Jô Soares107 qui a eu une telle répercussion qu’il a été lu dans l’émission de Jô Soares, et a permis à la maison d’édition Typinanquim d’être connue du Brésil entier. Lors de la participation à la VI Biennale du Livre de Fortaleza en novembre 2000108, l’accueil du public a également été très important. Ce fut aussi l'opportunité de rapprocher le cordel des enseignants. Comme à cette occasion, l’État attribue un budget spécial aux écoles pour acheter des livres et les laisse libres d’utiliser l’argent selon leurs besoins, tous les directeurs d’école viennent visiter la foire du livre. La présence des folhetos et des cordélistes dans dix stands de librairies et d’éditeurs a permis d’assurer une omniprésence du cordel sur la foire. Une librairie a réussi à vendre près de quatre cents cordéis en une seule après-midi parce qu’Antônio Klévisson Viana Lima récitait des cordéis, et les dédicaçait en vers. Cette participation a eu des répercussions très positives, entre autres, l’invitation à participer à la commémoration des cent ans de cordel, organisée par le SESC Pompéia de São Paulo en avril-juin 2001.

Parallèlement aux actions commerciales, Tupynanquim organise des actions pédagogiques dans les écoles et les universités. Divers cordélistes, dont Rouxiné de Rinarol, se sont attachés à la formation d’un public futur en allant réciter et vendre leurs cordéis dans les écoles. L’objectif à long terme de la maison d’édition Tupynanquim est de sensibiliser le gouvernement d’état ainsi que le Ministère de l’éducation à l’importance du cordel tant du point de vue culturel que didactique. Pour assurer l’avenir du cordel auprès des jeunes générations urbaines, il faudrait que le Secrétariat de la Culture encourage l’achat et l’impression des cordéis et que le programme d’éducation intégre des cordéis comme matériel didactique. Si les cordélistes sont déjà en relation avec beaucoup d’enseignants grâce à Internet, ce contact est insuffisant. Certains titres du catalogue sont en effet particulièrement intéressants pour un public scolaire, comme O Professor Sabe-Tudo e as Repostas de João Grilo109 . O Brasil e 500 anos de resistência popular est d’ailleurs déjà inscrit au programme des écoles du Minas Gerais, et il serait bon de l’étendre à d’autres états. Les auteurs pourraient également concevoir des cordéis sur commande sur des thèmes en relation avec les programmes, comme la nature ou l’écologie, par exemple. Certains poètes animent déjà des séances scolaires où ils récitent leurs textes, témoignent de leur expérience et permettent aux plus jeunes d’entrer en contact avec les classiques. Si la transmission orale ne se fait plus sur les marchés et les foires, ni par l’apprentissage de la lecture, la rencontre directe avec le poète constitue une alternative intéressante.

CONCLUSION

Rappelons que vers 1880, Sílvio Romero prédisait déjà le déclin de la littérature de cordel, alors que cette dernière n’avait pas encore connu son apogée! Au XXème siècle, depuis les années soixante-dix, avec le passage d’une société à dominante rurale vers une société à dominante urbaine, les menaces de disparition se multiplient. Faut-il cependant être pessimiste et affirmer comme Michel de Certeau, que «c’est au moment où une culture n’a plus les moyens de se défendre que l’ethnologie ou l’archéologie apparaît110»? Un rapide examen de la bibliographie de cordel permet certes de constater que les études tant nationales qu’internationales se sont multipliées depuis ces années-là, mais il serait injuste d’oublier les travaux des prédécesseurs qui se sont intéressés à la littérature populaire et orale en tant que fait littéraire. Il est indéniable qu’il y ait eu des changements, et il importe de les souligner.

En 1969, Raymond Cantel avait présenté la littérature de cordel en ces termes: «N’oublions pas que la littérature de cordel est celle des semi-analphabètes. La culture des trovadores est des plus rudimentaires et ils s’adressent la plupart du temps à un public qui ne sait ni lire ni écrire111. » Or, à l’évidence, si l’on se reporte à l’expérience récente de Tupynanquim et si l’on analyse le public qui achète et lit le cordel de nos jours, il s’agit non plus majoritairement des classes populaires, mais des classes moyennes. Par ailleurs, les auteurs eux-mêmes ne sont plus majoritairement autodidactes et de milieu humble ; en effet, si l’on parcourt la biographie de la plupart d’entre eux, nous constatons qu’ils possèdent de plus en plus souvent un niveau d’études supérieur. De même, les thématiques traitées se réfèrent moins directement à l’actualité directe (la fonction journalistique a perdu de sa pertinence) qu’à des réflexions plus amples sur le mode de vie contemporain. On constate aussi que les folhetos à thème religieux sont de plus en plus édités par des maisons spécialisées dans ce domaine. De plus, le mode de distribution en lui-même a également évolué et nous pouvons imaginer qu’avec le développement des nouvelles technologies, et d’Internet en particulier, le genre connaîtra encore d’autres mutations dans les années à venir. Cohabitent, à l’heure actuelle, des poètes analphabètes qui continuent de travailler de façon traditionnelle et des poètes qui utilisent Internet comme support de diffusion de leurs textes.

L’évolution du cordel rappelle l’évolution du discours critique sur le cordel. Les érudits du XIXème qui se sont penchés sur cette production littéraire, l’abordaient avec le regard des romantiques curieux des traditions populaires et sans croire à sa possible survie. Il aura fallu attendre le début des années cinquante au XXème siècle, pour qu’une nouvelle fois les chercheurs commencent à s’intéresser à cette production littéraire très florissante. En effet, le premier volume du catalogue de la littérature populaire au Brésil édité par le Centro de Pesquisas da Casa de Rui Barbosa112, à Rio de Janeiro, date de 1962. S’ensuivit un véritable effort de réhabilitation du genre, dans lequel l’apport des chercheurs étrangers sert de légitimation, mais qui s’exerce dans une perspective comparatiste avec la littérature érudite: le genre n’est pas étudié en soi, mais par rapport aux modèles de la littérature classique. De nos jours, ce n’est non seulement le regard critique qui s’est déplacé, mais celui de l’axe créateur. En raison de ses caractéristiques, volume, prix, style, le cordel est un moyen d’expression moderne qui est capable de s’adapter ave rapidité à l’évolution de la société. Issu de la tradition orale, il reste une bonne illustration des capacités créatrices des individus, de leur aptitude à conter des histoires et de leur besoin de communication. Moins rébarbatif qu’un long discours, qu’un traité scientifique ou qu’un roman-fleuve, le folheto a la taille exacte de ce qui peut se glisser facilement dans une poche, se lire en se divertissant ou en s’informant. De passéiste, il passe à la modernité.

Sylvie DEBS
Université Robert Schuman – Strasbourg 1997

Notes

1 Coimbra Silvia Rodrigues, Poesia e gravura de J. Borges, Recife, 1993, p. 19.

2 Dicionário Aurélio Buarque de Holanda, Rio de Janeiro, Editora Nova Fronteira, 1976: «Romancero populaire du Nordeste, contenu en grande partie dans des folhetos mal imprimés et exposés à la vente accrochés à une ficelle, sur les foires et les marchés.»

3 Rosemberg Cariry, Oswaldo Barroso, Cultura insubmissa, Fortaleza, Secult, 1982, p. 93.

4 Culture du sertão, zone peu peuplée et semi-aride de l’intérieur du Nordeste où l’on pratique surtout l’élevage du bétail. Par extension, zone isolée et rude, distante des villes ou des villages et des terres occupées par opposition aux terres du littoral.

L’arrivée de Lampião en enfer.

6 Pour la traduction, voir Idelette Muzart-Fonseca dos Santos, La littérature de cordel au Brésil. Mémoires des voix, greniers d’histoires, Paris, L’Harmattan, 1997, pp. 298-304.

7Ariano Suassuna, Le jeu de la miséricordieuse ou Le testament du chien, Paris, Gallimard, 1970.

8 Produit par Globo Filmes en 2000, avec Matheus Nachtergaele dans le rôle de João Grilo et Selton Mello dans celui de Chico.

9 Ariano Suassuna, La pierre du royaume (Version pour Européens et Brésiliens sensés), Paris, Métailié, 1999.

10 João Guimarães Rosa, Diadorim, Paris, Albin Michel, 1965.

11 Gilmar de Carvalho, Publicidade em cordel, São Paulo, Editora Maltese, 1994.

12 L’Orgão Cultural trovadoresco à Bahia fondée par Rodolfo Coelho Cavalcante, l’Associação de Repentistas e Cordelistas do Brasil à Rio de Janeiro dont Expedito F. Silva est le Président, le Centro Cultural dos Cordelistas do Ceará (CECORDEL) présidé par Geraldo Carvalho Frota, l’Associação dos Poetas e artistas do Nordeste fondée par Guiseppe Baccaro en 1979, l’Académie de cordélistes du Crato, l’ABC, Académie Brésilienne de Cordel fondée en 1978 par Vidal Santos et Ribamar Lopes à Fortaleza, l’ABLC, Académie Brésilienne de Littérature du Cordel fondée en 1988 par Gonçalo Ferreira da Silva et qui a son siège à Rio de Janeiro. Voir le site Internet : http://www.ablc.hpg.ig.com.br/index.htm

13 Titres déjà parus: Cuíca de Santo Amaro de Mark Curran, Manoel Caboclo de Gilmar de Carvalho, Zé Vicente de Vicente Salles, Rodolpho Coelho Cavalcanti de Eno T. Wanke, Patativa do Assaré de Sylvie Debs, João Martins de Atayde de Mário Souto Maior, Minelvino Francisco Silva de Edilene Matos, Expedito Sebastião da Silva de Martine Kunz.

14 Antonio Vicente Mendes Maciel (1828-1897). Leader populaire et religieux qui s’installa à Canudos en 1874 suivi par quelques 30 000 fidèles. Réputé pour ses sermons messianiques et antirépublicains, il fut combattu par le gouvernement central et Canudos fut détruite par l’armée en 1897. Euclides da Cunha (1866-1909) relate cette campagne militaire dans Os Sertões (1902).

15 Poètes improvisateurs, dérivé de repente, improvisation.

16 Nom donné aux livrets de colportage ; autre désignation de cordel.

17 Virgulino Ferreira da Silva, dit Lampião (1898-1938). Cangaceiro célèbre, craint et respecté, mari de Maria Bonita. Luís da Câmara Cascudo, Dicionário do folklore brasileiro, Rio de Janeiro, Ediouro, 1954, p. 504. «Violent, d’une cruauté froide et implacable, sadique, violeur, incendiaire, contrairement aux anciens cangaceiros qui avaient des attitudes généreuses et des gestes romantiques de clémence, Lampião laissa une légende de sang et de bestialité, inconcevable et réelle. »

18 A Vida de Gangão de Rabo e o seu Defloramento, Os novos Mamadores da Negra dum Peito só, Encontro de FHC com Pedro Alvares Cabral, Peleja de Zé Limeira com Zé Ramalho da Paraíba, Luiz Gonzaga o Rei do Baião de Arievaldo Viana; Visita de Poetas a Laurismundo no Céu, Grande Revolta dos Bichos na Contravenção do Jogo de Pedro Paulo Paulino; A Peleja de Pedro Tatu com Franciné Calixto, Debate de Zé Limeira com os Profetas do Fim do Mundo de Arievaldo Viana et Pedro Paulo Paulino.

19 Glauber Rocha, Revolução do cinema novo, Rio de Janeiro, Alhambra, Embrafilme, 1981, p. 58.

20 Voir Geraldo Sarno, Thomas Farkas, Vladimir Carvalho et Guido Araújo.

21 Voir nos entretiens avec Rosemberg Cariry et José Araújo in Cinémas d’Amérique Latine n° 5, Toulouse, mars 1997, pp. 45-59.

22 Menéndez Pidal Ramón, Flor nueva de romances viejos, Madrid, Espasa Calpe, 1963, p. 9: «Courts poèmes épico-lyriques chantés au son d’un instrument soit pour la danse, soit dans les réunions réalisées pour le loisir ou le travail en groupe.»

23 1'561'177 km2. Région située à l’extrêmité nord-est du Brésil, qui comprend les états de Bahia, Sergipe, Alagoas, Pernambuco, Paraíba, Ceará, Rio Grande do Norte et Maranhão.

24 E. J. Hobsbawn, Les bandits, Paris, Maspéro, 1972. Il classe le cangaceiro dans la catégorie du bandit social, sorte de hors-la-loi vengeur et justicier. Les plus célèbres sont Lampião et Maria Bonita, Corisco et Dadá. Voir aussi Maria Isaura Pereira de Queiroz, Os cangaceiros, São Paulo, Duas Cidades, 1977.

25 Manuel Diégues Junior, «Ciclos temáticos da Literatura de cordel», in Literatura Popular em versos-Estudos, Rio de Janeiro, Fundação Casa De Rui Barbosa, 1973, T.1, p. 14.

26 Armelle Enders, Histoire du Brésil, Paris, Editions Complexe, 1997, p. 15. «La circulation des idées est, de plus, sévèrement contrôlée par les autorités portugaises qui interdisent toute activité d’imprimerie au Brésil, surveillent l’entrée des publications et prohibent l’implantation de tout établissement d’enseignement supérieur.»

27 Cantel Raymond, La littérature populaire brésilienne, Poitiers, Centre de Recherches latino-américaines, 1993, p. 33. Cachaça : alcool de canne à sucre très populaire.

28 Luís da Câmara Cascudo, Cinco Livros do Povo, Rio de Janeiro, José Olympio, 1945, pp. 19-20.

29 Sylvie Debs, Entretien avec Gilmar de Carvalho, 28 avril 2001 : «Nous pouvons anticiper un peu, je ne proposerai pas les dates de 1873 ou 1893, comme l’écrit Ruth Terra. Je proposerais comme date de départ 1808, l’année de la fondation de l’imprimerie royale, quand apparaissent au Brésil les premiers titres dans le catalogue de cette maison d’édition qui se reportent à une littérature populaire et qui servirent de bases pour une littérature appelée littérature de cordel. Ces titres sont ceux que Câmara Cascudo va appeler cinq livres du peuple: A Princesa Magalona, Roberto do Diabo, A Imperatriz Porcina, João de Calais e a Donzela Teodora

30 Dicionário bio-bibliográfico de repentistas e poetas de bancada, João Pessoa, Editora Universitária, 1978, pp. 77-84. Pombal-PB-19-11-1865/Recife-PE-4-3-1918. Poète populaire, sans doute le premier qui publia des cordéis. Il les vendait sur le marché São José à Recife. Il a laissé plus de 1000 folhetos à sa mort dont la veuve, D. Venustiniana Aleixo de Barros, a vendu les droits d’auteur à João Martins de Athayde.

31 Ibid., pp. 71-74. Ingá-PB-1880/Recife-PE-1959. Poète populaire et plus grand éditeur de cordel de 1920 à 1950 du Nordeste. Il racheta les droits à la veuve de Leandro Gomes de Barros en 1921. En 1950, il revend ses droits à José Bernardo da Silva à Juazeiro do Norte-CE, propriétaire de la typographie São Francisco. Athayde avait pour coutume de supprimer le nom des auteurs ainsi que les acrostiches des œuvres qu’il achetait. José Bernardo suivit l’exemple du maître, ce qui eu pour effet de rendre difficile l’attribution des textes à leurs auteurs.

32 Ibid., pp. 174-175. Quebrangulo-AL-17-6-1865/Maceió-AL-9-5-1931. Poète populaire dont le pseudonyme évoque les qualités: doux, pacifique, tranquille comme un agneau.

33 Ibid., p. 88. Teixeira-PB-1882/João Pessoa-PB-1930. Poète populaire, écrivain et éditeur. Frère de Manoel Sabina Batista, le fondateur de la Padaria Espiritual de Fortaleza. Ami intime de Leandro Gomes de Barros.

34 Getúlio Dornelles Vargas, président de la République de 1937 à 1945, puis de 1950 à son suicide. Fondateur de l’Estado Novo.

35 Ancien gouverneur du Pernambouco.

36 Rosemberg Cariry, Oswaldo Barroso, op. cit., p. 92. 10 000 exemplaires vendus en trois mois.

37 Dicionário bio-bibliográfico de repentistas e poetas de bancada, op. cit., pp. 276-277. Palmeira dos Indios-AL-2-11-1901/Juazeiro-CE-18-10-1972. Poète populaire et plus grand éditeur de cordéis de 1950 à sa mort. La typographie São Francisco était la plus importante maison d’édition du genre dans le Nordeste. En 1950, elle était capable d’imprimer 5000 exemplaires d’un cordel de 32 pages par jour.

38 Rosemberg Cariry, Oswaldo Barroso, op. cit., p. 93. 1 à 2000 exemplaires par semaine pour la typographie São Francisco de Juazeiro.

39 Idelette Muzart-Fonseca dos Santos, op. cit., p. 13.

40 Carlos Guilherme Mota, Ideologia a cultura brasileira (1933-1974), São Paulo, Ática, 1977, pp. 93-94.

41 Professeur et Doyen de la Faculté des Lettres de l’Université de Poitiers, fondateur du Centre de Recherches Latino-américaines en 1958, il a mis en place un Fonds Raymond Cantel de Littérature et Cordel qui contient à l’heure actuelle plus de 5000 titres différents de folhetos ou livrets, des films, des enregistrements, des manuscrits, des photos, des gravures sur bois.

42 Professeur de langue et de culture à l’Université de l’Etat d’Arizona aux USA, auteur de sept livres sur la littérature de cordel brésilienne, dont A literatura de cordel, Recife, UFPe, 1973. Voir le site Internet: http://www.public.asu.edu/~atmjc/ .

43 Raymond Cantel, op. cit., pp. 33-40.

44 Voir notre entretien avec Antônio Klévisson Viana Lima, in Latitudes n° , septembre 2001, pp.

45 Le Prince Oscar et la Reine des Eaux.

46 Voir Dicionário bio-bibliográfico de repentistas e poetas de bancada, op. cit., p. 181.

47 Ibid., pp. 151-155. Né à Sapé (Paraíba) le 27 juillet 1927.

48 Ibid., p. 283. Né à Bezerros-PE le 4 mars 1937.

49 Les aventures du fils d’Antoine Cobra Choca.

50 Ibid., p. 179. Né à São João do Sabugí-RN, le 7 février 1930.

51 Né à Canindé-CE.

52 La jeune fille qui s’est perdues dans les forêts de l’Amazone, L’ABC du consommateur.

53 Inceste entre Dieu et le Diable, Voyage à Brasilía, Voyage à São Paulo.

54 Né à Viçosa (Ceará) en 1951.

55 Né à Brejo Santo-CE.

56 Né le 17 avril 1946 à Santana de Acaraú (Ceará).

57 ABC du Conseiller, João Ramos, Bouc Ioiô, vie et mort, Le Diable d’Itoaca.

58 Né le 28 avril 1943 à Beneditinos (Piaui).

59 Société des Poètes et Écrivains de Maracanaú.

60 Salomon et Sulamita, Le cantique sacré de l’ amour, L’artiste de la rime.

61 Le valeureux Chico Tromba et ses perversités, Deux enfants du sertão et le loup-garou fantôme.

62 Voir www.rinare.hpg.com.br.

63 Personnage traditionnel du cordel, «Coquin de feu», héros picaresque de la famille de Pedro Malazartes et de João Grilo.

64 La collection Cancão de Fogo, réalisée par Arievaldo Viana et Pedro Paulo Paulino, vient restaurer l’identité du folheto populaire, le rapprochant, dans la fabrication, le contenu et la spontanéité, du modèle qui l’a consacré tout au long du XXème siècle. Ayant la vocation pour le cordel et stimulés depuis l’enfance par la cohabitation avec les repentistas et la lecture des célèbres folhetos et romances, dans le sertão de Quixeramobim et Canindé, ces deux jeunes poètes utilisent les recours de la technologie pour réaliser un travail de pur cordel (sans le décaractériser!), nous renvoyant aux temps glorieux de Leandro Gomes de Barros, João Martins de Athayde, José Camelo de Melo, José Pacheco et Joaquim Batista de Sena, pour ne citer que quelques monstres sacrés qui firent et donnèrent leurs lettres de noblesse à notre littérature de cordel. Félicitations! Bravo!

65 Le défi entre Zé Limeira et Zé Ramalho da Paraíba.

66Brési : 500 ans de résistance populaire.

67 Cordel, expression culturelle de notre peuple: Le cordel représente un excellent outil paradidactique en classe, non seulement pour son importance culturelle et sa richesse structurelle de rythme, de métrique et de rime, mais aussi pour mettre en valeur et débattre des formes populaires de parler et de penser, réactivant définitivement les liens de l’élève avec la véritable culture brésilienne.

68 Raymond Cantel, op. cit., p. 39.

69 Cf. notre entretien avec Gilmar de Carvalho.

70 Raymond Cantel, op. cit., pp. 323-326.

71 Voir catalogue. (catalogue.rtf, 156 KB)

72 Elément de la cantoria, ensemble de la poésie orale chantée et improvisée. Joute chantée traditionnelle qui se déroule selon le schéma suivant: présentation des poètes, salutations des commanditaires, défi poétique. Certaines rencontres légendaires ont été restituées par des poètes à partir de fragments et sont passées de l’oral à l’écrit à travers les folhetos.

73 Le Prince de l’Orient et l’oiseau mystérieux.

74 Martyr d’un Allemand ou Le conte de Cendrillon.

75 Raymond Cantel, op. cit., p. 38.

76 L‘Histoire d’Hélène de Troie et du cheval mystérieux : «Déesses de la mythologie / Apportez-moi l’inspiration / Pour raconter une guerre / De nation contre nation / Déversant sur moi / La lumière de l’imagination »

77 La justice du travail – Une justice populaire: «Ô Thémis, mère de la justice / Oublie Zeus une seconde / Descends alors de l’Olympe / Pour conseiller le monde / Donne à l’homme la sagesse / Un sentiment profond.»

78 Jerônimo e Paulina – o Prêmio da Bravura (Jerôme et Pauline – Le prix de la bravoure): « Ô muse, mère des poètes / Donne-moi l’inspiration sublime.»

79 O Colar de Pérolas e a Lenda dos vaga-lumes: (Le collier de perles ou la légende des vers luisants): «Ô déesse illuminatrice / Muse mère de la poésie / Vient guider ma plume.»

80 Romance da moça que namorou com um pai de chiqueiro (Romance de la jeune fille qui est tombé amoureuse d’un bouc): «Etoiles de la poésie / Je sollicite l’inspiration divine / Pour raconter une histoire.»

81 O Cantor e a Meretriz (Le chanteur et la maquerelle): «Lecteurs : qui n’a jamais souffert / Aux portes d’un lupanar? »

82 Seu Lunga o rei du Mau Humor (Monsieur Lunga, le roi de la mauvaise humeur): «Prête attention lecteur / Tout ce que je raconte est du passé…»

83 Peleja de Costa Leite com Antônio Américo (Défi entre Costa Leite et Antoine Américo): «Maintenant, chers lecteurs / Nous allons lire un défi / De deux poètes fameux…»

84 Le taximoto qui tua sa mère pour un real: «Le profit est une plaie / Qui poursuit la société / Il est très mauvais celui qui n’aide pas / Celui qui est dans le besoin / Et pour le profit / Abomine la charité.»

85 Le garçon qui se transforma en verrat ou les aventures d’un porc endiablé: «Oh! Dieu, père tout-puissant / Refuge de la race humaine / Je vais conter un grand exemple / D’une histoire cruelle / D’un garçon sans âme / Et sa vie mondaine.»

86 Jésus, Saint Pierre et l’Homme au riz; Le Prince Natan et le cheval sorcier: «Quand Jésus parcourait le monde / Avec Saint Pierre, autrefois…»; «Il y avait en Orient / Il y a douze siècles / Un vieux roi courageux / Avec trois fils estimés / Quand il y avait encore des fées / Royaume et dragons enchantés.»

87 Voir Rouxinol de Rinaré, O Collar de Pérolas e a Lenda dos Vaga-lumes.

88 O Príncipe do Oriente e o Pássaro Misterioso (Le Prince de l’Orient et l’oiseau mystérieux): «Amis qui appréciez / Ne cessez d’acquérir / Tous nos livrets. / Nous allons en imprimer d’autres / Notre cordel a de la saveur / Intéressante valeur / Le Nordeste résiste!»

89 «Que celui qui apprécie mon livret / N’en prenne pas qu’un seul, qu’il en emporte deux / ou qu’il en achète un maintenant et vienne / En prendre un autre après. / Celui qui n’achète rien deviendra / Pareil à l’homme au riz.»

90 «Je donne un conseil au lecteur / (Pour lequel j’ai grande estime, / Qui aime le bon cordel): / Qu’il lise un chef d’œuvre, / Les prouesses de João Grilo / De João Ferreira de Lima!»

91 Les nymphes de la cascade ou le châtiment de l’ambition: «Et toi, cher lecteur / Qui mène une vie festive / Au cas où tu rencontres sept nymphes / Nues dans une cascade / Prends seulement les vêtements de l’une / Et mets ton pied sur le sentier»

92 L’Histoire de João et le plant de haricot.

93 Deux enfants du sertão et le loup-garou fantôme: «Lecteur ici se termine / Cette histoire de réputation / Elle s’est passée au Haut du Bouc / Je l’ai entendue dans une émission / Le reporter a vu Jomar / Dans la mare de boue»

94 Dicionário bio-bibliográfico de repentistas e poetas de bancada, op. cit., pp. 204-205. José Pacheco da Rocha, né à Porto Calvo (Alagoas) et décédé accidentellement à Maceió. Auteur populaire satirique et picaresque, renommé pour le cordel A chegada de Lampião no inferno [L’arrivée de Lampião en enfer].

95 L’ABC a racheté le fonds de la typographie de José Bernardo da Silva, aujourd’hui connue sous le nom de Lira Nordestina, à Juazeiro do Norte, considérée comme le fond de cordéis le plus important du Ceará. En effet, José Bernardo da Silva, venu en pèlerinage pour rendre hommage au P. Cícero, a commencé par commercialiser les cordéis sur les marchés qui se tenaient lors des fêtes religieuses et des pèlerinages. De vendeur, il est devenu éditeur, puis directeur de la typographie São Franciso. En 1949, il a racheté le fonds de cordéis de Martins de Athayde qui incluait celui de Leandro Gomes de Barros.

96 Le divorce de la chienne. L’intrigue du chien avec le chat. La fête des chiens.

97 La femme d’antan et la femme de nos jours.

98 Une tragédie d’amour, la folle des chemins.

99 Raymond Cantel, op. cit., p. 26.

100 Voir Liêdo Maranhão de Souza, O folheto popular, sua capa e seus ilustradores, Recife, Massangana, 1981.

101 Idelette Muzart-Fonseca dos Santos, op. cit., p. 88.

102 Exposition de la redécouverte organisée lors de la commémoration des 500 ans du Brésil.

103 Empresa Cearense de Turismo. Entreprise de tourisme du Ceará.

104 Equivalent à trois francs cinquante environ.

105 Central de Artesanato do Ceará [Centrale d’artisanat du Ceará]. Voir Gentil Barreira, Gilmar de Carvalho, Dodora Guimarães, Ceará feito a mão: artesanato e arte popular, Fortaleza, Terra da Luz Editorial, 2000, pp. 140-141.

106 L’animateur de TV le plus célèbre du Brésil.

107 Lettre d’une jument à Jô Soares.

108 Jornal do Brasil, Rio de Janeiro, 7 novembre 2000.

109 Le professeur «Je sais tout» et les réponses de João Grilo.

110 Michel de Certeau, La culture au pluriel, Paris, UGE, 1974, p. 62.

101 Raymond Cantel, op. cit., p. 36.

112 Centre de recherches de la Casa Rui Barbosa.

 

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